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Date : 20000218

Dossier : 97-1185-IT-G

ENTRE :

FEDERATED CO-OPERATIVES Ltd.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Le présent appel concerne l'impôt spécial perçu auprès des grandes sociétés en vertu de la partie I.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Aux termes de la disposition assujettissement :

181.1.(1) Toute société doit payer, en vertu de la présente partie pour chaque année d'imposition, un impôt égal à 0,2 % de l'excédent éventuel de son capital imposable utilisé au Canada pour l'année sur son abattement de capital pour l'année.

Selon la définition qu'en donne l'article 181.5, l'“ abattement de capital ” est égal à 10 000 000 $ afin de garantir que l'impôt de la partie I.3 ne sera perçu qu'auprès des grandes sociétés. L'expression “ capital imposable ” est définie comme suit :

181.2(2) Le capital imposable d'une société, sauf une institution financière, pour une année d'imposition est égal à l'excédent éventuel de son capital pour l'année sur sa déduction pour placements pour l'année.

Comme on peut le voir, la définition du “ capital imposable ” comporte un élément positif (le capital) et un élément négatif (la déduction pour placements). Chacun de ces éléments est un terme défini mais, dans le présent appel, je m'intéresse surtout à la définition de “ déduction pour placements ”, définition qui figure au paragraphe 181.2(4) :

181.2(4) La déduction pour placements d'une société, sauf une institution financière, pour une année d'imposition correspond au total des montants dont chacun représente la valeur comptable à la fin de l'année d'un élément d'actif de la société qui est, selon le cas :

a) une action d'une autre société;

b) un prêt ou une avance consenti à une autre société, sauf une institution financière;

c) une obligation, un effet, une hypothèque ou un titre semblable d'une autre société, sauf une institution financière;

d) [...]

[2] L'appelante, dans le cadre de ses activités, accumule souvent des soldes de trésorerie qui excèdent ses besoins de trésorerie immédiats. Elle a pour politique d'investir la totalité ou une part importante de ces soldes dans des effets de commerce appelés “ acceptations bancaires ”. Le point en litige dans cet appel consiste à savoir si une acceptation bancaire (appelée ci-après “ AB ”) tombe sous le coup des alinéas b) ou c) de la définition d'une “ déduction pour placements ” énoncée au paragraphe 181.2(4) et reproduite ci-dessus. Si c'est le cas, l'AB augmentera l'élément négatif de la définition de “ capital imposable ” et réduira l'impôt à payer en vertu de la partie I.3 de la Loi.

[3] L'appel porte sur les années d'imposition 1992, 1993 et 1994. À la fin de chacune de ces années, l'appelante, ayant un montant considérable d'argent investi dans des AB, a déduit le montant applicable à chaque année comme élément de sa “ déduction pour placements ” lors du calcul du “ capital imposable ” aux fins de la partie I.3. Le ministre du Revenu national a refusé la déduction de la totalité des montants investis dans les AB au motif que ces montants ne faisaient pas partie de la déduction pour placements de l'appelante. Les montants investis dans les AB et dont la déduction a été refusée par le ministre, de même que l'impôt correspondant selon la partie I.3 de la Loi, sont les suivants :

Montant investi dans les AB

Impôt correspondant (0,2 %)

1992

244 156 063 $

488 312 $

1993

285 358 284

570 717

1994

282 538 905

565 078

[4] Le seul témoin qui a comparu dans cet appel est M. Randall Arthur Boyer, un comptable agréé qui travaille à plein temps pour l'appelante à titre d'agent d'administration des finances, poste qu'il occupe depuis 11 ans. M. Boyer a une connaissance approfondie de la politique d'achat d'AB de l'appelante, ainsi qu'une bonne expérience de l'autre aspect de la transaction, soit l'émission d'AB. Son témoignage est résumé ci-après, aux paragraphes 5 à 15 inclusivement.

[5] L'appelante est l'organisation centrale de fabrication et de vente en gros pour le système coopératif de vente au détail dans l'Ouest du Canada. Elle fournit des marchandises en gros qui sont vendues par l'entremise du système coopératif de vente au détail. Elle possède et exploite aussi un certain nombre d'installations de fabrication dans tout l'Ouest du pays, dont une raffinerie, une scierie et des moulins à aliments pour animaux. Les coopératives de vente au détail sont les actionnaires de l'appelante. Cette dernière achète des AB en vue d'obtenir un rendement sur ses soldes de trésorerie excédentaires. Elle achète des AB plutôt que des effets commerciaux parce que le risque de crédit associé à une AB est inférieur à celui des effets commerciaux. L'appelante reconnaît qu'il y a un compromis à faire entre risque et rendement. Les effets commerciaux ont un taux de rendement supérieur à celui des AB, mais le risque de crédit est plus élevé aussi.

[6] Tous les matins, l'appelante détermine sa situation de trésorerie ainsi que les sommes excédentaires dont elle n'aura pas besoin pendant un certain nombre de jours à venir. Elle communique ensuite avec plusieurs courtiers ou agents du marché monétaire afin d'obtenir des offres sur les AB dont ils disposent. Ces courtiers et ces agents indiquent les dates précises auxquelles les AB viendront à échéance et l'escompte sur vente qu'ils sont disposés à accorder. L'appelante évalue les offres et décide quelles AB elle désire acheter. Elle rappelle ensuite le courtier ou l'agent en question et effectue la transaction. L'appelante émet une traite en paiement d'une ou plusieurs AB; cette traite est remise au courtier ou à l'agent du marché monétaire en échange des AB, que le courtier ou l'agent garde en sûreté pour l'appelante.

[7] L'appelante n'achète pas tous les jours des AB, mais elle effectue des transactions plusieurs fois par semaine. La pièce A-1 est un tableau, long de trois pages, qui fait état des AB que l'appelante détenait à la fin des trois années d'imposition visées par l'appel, soit le 31 octobre 1992, 1993 et 1994. Chaque page de cette pièce comporte neuf colonnes, que M. Boyer a identifiées et décrites. Dans le présent appel, il est important non seulement de qualifier une AB d'effet de commerce particulier, mais aussi de comprendre comment une AB prend naissance. Je résumerai donc la description que M. Boyer a faite de la pièce A-1, en commençant par la colonne de gauche et en indiquant le titre de la colonne ainsi que la description donnée par M. Boyer :

1. Banque : L'institution financière dont le courtier ou l'agent du marché monétaire a vendu l'AB en question.

2. Clé : Un symbole qu'utilise le programme informatique de l'appelante pour désigner la banque vendeuse indiquée dans la première colonne.

3. Date de facturation : La date à laquelle l'appelante a acheté l'AB en question.

4. Date d'expiration : La date d'échéance ou la date d'exigibilité de l'AB en question.

5. Garant : L'institution financière qui a “ accepté ” ou garanti le paiement de l'AB en question.

6. Taux : Le rendement que donnerait à l'appelante l'AB en question entre la date d'achat et la date d'échéance ou d'expiration .

7. Montant : Le prix d'achat escompté que l'appelante a payé pour l'AB en question.

8. Jours : Le nombre de jours qui s'écoule entre la date d'achat (colonne 3) et la date du tableau (fin de l'exercice financier de l'appelante – 31 octobre).

9. Intérêts courus : Les intérêts courus entre la date d'achat (colonne 3) et la fin de l'exercice financier (31 octobre).

[8] Le prix d'achat escompté qui est indiqué à la colonne 7 a été expliqué comme suit. Il est de la nature d'une AB que le montant de l'escompte détermine le rendement, et les AB sont toujours vendus à prix réduit. Si la valeur nominale de l'AB était d'un million de dollars, l'appelante l'achèterait pour un prix inférieur à ce montant. La différence entre le prix d'achat et la somme d'un million de dollars, de même que la période qui s'écoule entre la date d'achat et la date d'échéance, entrent en ligne de compte pour déterminer le rendement.

[9] M. Boyer était un témoin bien informé car il connaissait bien le rôle tant de l'acheteur que de l'émetteur d'une AB. Deux sociétés gérées par l'appelante, New Grade Energy Inc. et Interprovincial Co-operative Limited, sont des émetteurs d'AB, et M. Boyer était personnellement chargé d'émettre les AB de ces deux sociétés. Il a décrit le processus comme suit, en prenant New Grade Energy Inc. (“ New Grade ”) comme exemple. New Grade commençait par obtenir des facilités de crédit auprès de la banque avec laquelle elle faisait des affaires, soit la Banque Canadienne Impériale de Commerce (“ CIBC ”). Une fois établies, ces facilités de crédit permettaient à New Grade d'émettre une AB. La CIBC fournissait un certain nombre de formulaires d'AB à New Grade qui : i) les signait au recto comme dans le cas d'un chèque, ii) les endossait au verso, et iii) les renvoyait avec le montant en blanc à la CIBC, qui les transmettait à Toronto pour qu'on les garde en sûreté jusqu'à ce que New Grade décide de les émettre.

[10] Lorsque New Grade décidait d'émettre une ou plusieurs AB et de recevoir le produit sous forme de capitaux empruntés, elle informait la CIBC du montant et de l'échéance de l'AB. La CIBC prenait alors l'un des formulaires d'AB signés et endossés qu'elle gardait en sûreté et le remplissait en y inscrivant le montant et la date d'échéance. La CIBC “ acceptait ” ensuite la garantie de New Grade en inscrivant son “ acceptation ” au recto du formulaire. La pièce A-2 est une photocopie d'une AB payée, d'un montant de 100 000 $, émise par New Grade le 22 mai 1996 et échéant 35 jours plus tard, soit le 26 juin. La CIBC a indiqué son acceptation de l'AB au moyen de deux signatures apposées du côté gauche du recto du formulaire. Bien que la pièce A-2 (une photocopie) n'ait rien au verso, l'original de l'AB, dont la pièce A-2 est une copie, aurait été endossé au verso par New Grade au moyen des deux mêmes signatures qu'elle a apposées au recto à titre de tireur. C'est cet endossement apparaissant au verso qui transforme l'AB en un titre négociable après l'acceptation de la banque.

[11] Après que la banque eut indiqué son acceptation sur le formulaire, New Grade était en mesure de mettre l'AB sur le marché en vue de mobiliser des capitaux. New Grade appelait plusieurs courtiers en leur demandant de faire des offres sur l'AB particulière qu'elle émettait. En général, elle choisissait l'offre la plus intéressante (montant de capital le plus élevé offert, ou rendement le plus bas à l'achat). Après avoir fait son choix, New Grade rappelait le courtier ayant fait l'offre la plus intéressante pour accepter cette offre et l'affaire était alors conclue. Le courtier retenu délivrait ensuite une traite à la CIBC à Toronto en échange de l'AB. New Grade recevait le produit de la vente de l'AB après que la CIBC eut soustrait sa commission de signature, laquelle est comme une commission qui lui est versée pour accepter ou garantir l'AB. À part le fait d'établir les facilités de crédit initiales pour New Grade et d'accepter plus tard une AB particulière, la CIBC n'intervient pas dans le processus consistant à mettre l'AB sur le marché et à la vendre au prix optimal.

[12] Lorsqu'une AB que New Grade a émise vient à échéance, son porteur (par l'intermédiaire du courtier) la présente pour paiement à la CIBC qui, en échange, paie au porteur la valeur nominale de l'AB et facture ensuite au compte de New Grade le montant que la CIBC a déboursé en son nom. Bien que l'AB fût en circulation entre la date de sa vente et celle de son rachat, New Grade enregistrait la valeur nominale de l'AB à titre de créance.

[13] L'appelante n'a pu produire en cour l'une quelconque des AB qu'elle avait achetées au cours des années visées par l'appel parce que, à l'échéance, chaque AB est échangée contre un paiement équivalant à sa valeur nominale, la mention “ payé ” est apposée sur l'AB au moyen d'un timbre et l'AB est renvoyée à l'émetteur en vue de son annulation. L'appelante a produit la pièce A-2 comme exemple d'une AB “ payée ”, qui avait été émise en 1996 par sa filiale New Grade. Même lorsqu'une AB particulière était en circulation et appartenait à l'appelante à titre de placement, le document lui-même était détenu en sûreté à Toronto par le courtier ou l'agent de l'appelante afin de faciliter son échange contre de l'argent comptant à la date d'échéance. M. Boyer a dit que cette façon de faire était commode car, au Canada, les AB sont généralement toutes gardées à Toronto. Au moment de l'achat, l'appelante aurait pu insister pour qu'une AB particulière soit livrée à son bureau de Saskatoon, mais il lui aurait fallu réexpédier l'AB à Toronto en vue de son échange et de son règlement à la date d'échéance.

[14] Quand elle achetait une AB particulière, l'appelante n'avait pas connaissance des modalités de crédit existant entre la banque qui “ acceptait ” l'AB et le client de la banque, qui émettait l'AB. En fait, dans les années visées par l'appel, lorsque l'appelante achetait une AB elle ignorait même l'identité de l'émetteur (presque toujours une société). M. Boyer a expliqué en ces termes la situation :

[TRADUCTION]

Question : Lorsque Federated achète une AB, sait-elle qui est l'émetteur?

Réponse : Nous l'ignorons. Nous pourrions le savoir, mais nous ne le savons pas. En ce qui concerne ces AB en particulier, nous ne le savions pas.

Question : Pourquoi?

Réponse : Principalement parce que, comme nous achetons l'AB en fonction du risque de crédit que présente le garant de l'AB, c'est-à-dire l'institution financière qui a accepté l'AB ou qui l'a estampillée, il n'est pas vraiment nécessaire que nous sachions qui est la société émettrice. [P. 19 des notes sténographiques]

[...]

Question : Serait-il juste de dire que l'investisseur ou l'acheteur d'une acceptation bancaire l'achète en fonction de la banque qui l'a acceptée, plutôt que de se fonder sur les circonstances particulières du tireur?

Réponse : L'endossement de l'institution financière est en fait le risque de crédit sur lequel compte finalement l'acheteur de l'AB pour le paiement de celle-ci à l'échéance, même si elle a été émise par le tireur.

[P. 29 des notes sténographiques]

[15] L'appelante ne connaissait pas l'identité des personnes qui émettaient les AB, mais elle tenait à connaître la banque qui avait accepté chaque AB. M. Boyer a déclaré ce qui suit dans son témoignage :

[TRADUCTION]

Question : Donc, Federated sait effectivement qui a accepté l'AB lorsqu'elle l'achète?

Réponse : Oui, nous le savons.

Question : Est-ce important pour Federated, l'identité de l'entité qui accepte l'AB ou qui l'a acceptée, est-ce important pour Federated?

Réponse : C'est important en ce sens que nous ne voudrions pas détenir la totalité de notre portefeuille d'AB, nous ne voudrions pas qu'elles soient toutes garanties ou acceptées par la même institution financière. Nous aimerions que notre risque de crédit lié aux institutions financières ayant garanti les AB se répartisse entre plusieurs de ces institutions financières.

[P. 20 des notes sténographiques]

[16] Eu égard au résumé de la preuve qui précède, les AB ont été décrites comme suit :

[TRADUCTION]

Une acceptation bancaire est une lettre de change qu'un client tire sur une banque, qui est payable à une date ultérieure précisée, et qui est acceptée par la banque. On donne à cet effet le nom d'acceptation bancaire pour le distinguer d'une acceptation commerciale, qui est normalement acceptée par le client et qui représente une obligation découlant d'un contrat commercial. Il est reconnu par les tribunaux depuis plus d'un siècle que l'acceptation par les banques des traites que leurs clients tirent sur elles fait partie des activités bancaires. Habituellement, le client tire une acceptation bancaire payable à son ordre et la reçoit de la banque après que celle-ci l'a acceptée. Le client endosse ensuite l'acceptation soit de manière “ générale ”, ce qui la rend donc payable au porteur, soit de manière “ spéciale ”, ce qui la rend payable à un courtier désigné. Dans l'un ou l'autre cas, l'acceptation sera normalement vendue à un investisseur sur le marché monétaire.

(Crawford and Falconbridge Banking and Bills of Exchange, 8e édition, 1986, p. 878)

[17] L'appelante soutient qu'une AB correspond à l'un ou à l'autre des deux éléments suivants, lesquels font partie de la définition d'une “ déduction pour placements ” :

b) un prêt ou une avance consenti à une autre société, sauf une institution financière;

c) une obligation, un effet, une hypothèque ou un titre semblable d'une autre société, sauf une institution financière.

Lors des débats, l'avocat de l'appelante a reconnu que l'achat, par l'appelante, d'une AB n'est pas un “ prêt ”, mais Me McKenzie a quand même fait valoir que le mot “ avance ” est suffisamment large pour englober une AB. L'appelante se fonde sur la décision que la Cour d'appel de la Colombie-Britannique a rendue dans l'affaire Air Canada v. Minister of Finance for British Columbia, [1981] 2 W.W.R. 97. L'appel d'Air Canada avait été interjeté en vertu de la Corporation Capital Tax Act de la province de la Colombie-Britannique. Cette dernière percevait un impôt sur le [TRADUCTION] “ capital versé imposable ” et il fallait interpréter la partie suivante du paragraphe 12(1) :

[TRADUCTION]

12(1) Aux fins du calcul du capital versé imposable d'une société pour un exercice financier, il peut être déduit de son capital versé à la fin de l'exercice les montants suivants qui s'appliquent :

[...]

c) le montant qui est égal à la proportion du solde du capital versé après soustraction des montants prévus aux alinéas a), b) et d) que représente le coût des placements faits par la société dans les actions et les obligations d'autres sociétés, dans des prêts et des avances consentis à d'autres sociétés ainsi que dans les obligations, les débentures et d'autres titres de n'importe quel gouvernement ou de n'importe quelle corporation municipale ou scolaire par rapport au total de l'actif de la société qui reste après soustraction des montants prévus aux alinéas a), b) et d); toutefois, l'argent en dépôt chez une société qui exerce les activités d'une caisse d'épargne [...] sera réputé ne pas être des prêts et des avances consentis à d'autres sociétés.

[18] J'ai souligné les mots qui, à mon sens, rendent plus intelligibles ces dispositions gauchement formulées. Air Canada détenait quatre types d'effets bancaires : un certificat de dépôt, un billet de dépôt au porteur à terme, une opération de dépôt croisé, de même qu'une acceptation bancaire. Les parties avaient convenu qu'une banque à charte était une institution qui “ exerce les activités d'une caisse d'épargne ” au sens de l'alinéa 12(1)c). Le ministère des Finances soutenait que le coût des quatre types d'effets bancaires était de l'“ argent en dépôt ” et donc réputé ne pas être un prêt ou une avance consenti à d'autres sociétés. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a conclu que le coût des quatre types d'effets bancaires (les AB comprises) n'était pas de l'“ argent en dépôt ”, mais des prêts et des avances consentis à d'autres sociétés. Air Canada a obtenu gain de cause dans son appel. Toutefois, les cartes sont brouillées, en ce qui concerne cette décision, par le fait que les AB que détenait Air Canada n'étaient que l'un des quatre types d'effets bancaires qui avaient été regroupés pour les besoins du litige. En outre, sous le régime de la loi de la Colombie-Britannique, les institutions financières comme les banques n'étaient pas séparées des autres sociétés comme elles le sont au paragraphe 181.2(4) cité ci-dessus.

[19] Dans l'affaire TransCanada Pipeline Limited v. Ontario Minister of Revenue, [1993] 1 C.T.C. 277, la société contribuable (“ TCPL ”) avait convenu, dans des contrats d'approvisionnement à long terme conclus avec des producteurs de gaz, d'acheter chaque année certaines quantités minimales de gaz. S'il lui était impossible de prendre livraison du minimum convenu dans une année donnée, elle devait payer au producteur le plein prix de l'achat minimal, mais devenait admissible à un crédit lui permettant, dans un délai restreint, d'imputer ces paiements sur des achats ultérieurs de gaz. Ces paiements étaient qualifiés de paiements du type [TRADUCTION] “ prendre ou payer ”. En vertu des dispositions de la Loi sur l'imposition des corporations de l'Ontario relatives à l'impôt sur le capital, la question en litige consistait à savoir si les paiements du type “ prendre ou payer ” pouvaient être déduits du capital versé de TCPL, conformément à l'alinéa 54(1)c), qui permettait de déduire les [TRADUCTION] “ placements [...] faits dans [...] des [...] avances consenti[e]s à d'autres corporations ”. Accueillant l'appel de TCPL, la Cour d'appel de l'Ontario a dit ce qui suit, à la page 279 du recueil :

[TRADUCTION]

La seconde question est de savoir si les paiements du type “ prendre ou payer ” étaient des “ avances ” au sens du paragraphe en question. [...] Dans un sens temporel, ces paiements étaient des avances que l'intimée était tenue d'effectuer lorsqu'elle se trouvait dans l'impossibilité de prendre livraison de la quantité minimale de gaz précisée dans le contrat qu'elle avait conclu avec un producteur de gaz. À l'époque où ces paiements avaient été faits, l'intimée prévoyait et espérait assurément que, avec le temps, elle demanderait la livraison d'une quantité de gaz équivalant à ce qu'elle avait ainsi payé. La suite des événements a réduit à néant cette attente et cet espoir, mais cela ne modifie pas, selon nous, la nature des paiements du type “ prendre ou payer ” qui, à l'époque où ils avaient été effectués, correspondaient aux définitions que donnent les dictionnaires d'une “ avance ”, soit “ un paiement fait d'avance ou par anticipation ” et “ un paiement fait avant [...] l'exécution d'une obligation pour laquelle il doit être effectué ” : Dictionary of Business and Finance (1957), page 9.

[20] La décision que la Cour d'appel fédérale a rendue dans l'affaire Oerlikon Aérospatiale Inc. v. The Queen, 99 DTC 5318, est importante car ladite cour était obligée d'interpréter et d'appliquer certaines dispositions de la partie I.3 de la Loi, c'est-à-dire la même partie qu'il me faut interpréter en l'espèce. Dans l'affaire Oerlikon, le contribuable était un sous-traitant qui avait à assembler et à vendre à une société soeur (“ WOB ”) certains éléments d'un système de défense que WOB fournirait au gouvernement canadien. Aux termes d'une entente conclue entre Oerlikon et WOB, le fonds de roulement d'Oerlikon serait assuré par des paiements faits par WOB avant la livraison ou la facturation de produits par Oerlikon à WOB. Les montants qu'Oerlikon devait à WOB et à d'autres clients à la fin de son année d'imposition 1989 s'élevaient à environ 244 millions de dollars. Dans le calcul de son revenu pour 1989 aux fins de la partie I, Oerlikon a inclus la somme de 244 millions de dollars en vertu de l'alinéa 12(1)a), mais a déduit le même montant à titre de réserve en vertu de l'alinéa 20(1)m). En calculant son “ capital ” aux fins de la partie I.3, Oerlikon a dû appliquer les dispositions législatives suivantes :

181.2(3) Le capital d'une société, sauf une institution financière, pour une année d'imposition correspond à l'excédent éventuel du total des éléments suivants :

a) le capital-actions de la société (ou, si elle est constituée sans capital-actions, l'apport de ses membres), ses bénéfices non répartis, son surplus d'apport et tout autre surplus à la fin de l'année;

b) ses réserves pour l'année, sauf dans la mesure où elles sont déduites dans le calcul de son revenu pour l'année en vertu de la partie I;

b.1) ses gains sur change non réalisés reportés à la fin de l'année;

c) les prêts et les avances qui lui ont été consentis à la fin de l'année,

d) [...]

[21] Oerlikon a fait valoir que les montants reçus de ses clients avant la livraison ou la facturation des produits n'étaient pas des “ prêts ” et des “ avances ” au sens de l'alinéa c). En rejetant l'appel d'Oerlikon, la Cour d'appel fédérale a déclaré ceci, aux pages 5323 et 5324 du recueil :

Subsidiairement, l'appelante prétend que le montant de 244 492 173 $ ne constitue pas “ des prêts et des avances ” au sens de l'alinéa 181.2(3)c) et ne saurait donc être inclus dans le calcul de son capital à ce titre. Selon elle, le terme “ avance ” est susceptible de deux sens, soit celui d'“ avance-prêt ” qui désigne un prêt dans le sens propre du terme et celui d'“ avance-acompte ” qui désigne une somme à valoir sur le prix d'un contrat avant qu'il ne soit exécuté. Seule la notion d'“ avance-prêt ” serait visée par l'alinéa 181.2(3)c).

[...]

La décision de la Cour d'appel de l'Ontario dans TransCanada Pipelines v. Ontario (Minister of Revenue) s'apparente beaucoup plus aux faits de la présente cause. Dans cette affaire, la Cour devait décider si certains paiements faits par TCPL à des producteurs de gaz naturel dans le cadre de contrats d'approvisionnement à long terme pouvaient être déduits par cette dernière dans le calcul de son capital versé en vertu de l'alinéa 54(1)c) du Corporations Tax Act.

[...]

TCPL tenta de déduire la portion excédentaire de ces paiements à titre de “ prêts et avances ” à ses fournisseurs en vertu de l'alinéa 54(1)c) de la Loi ontarienne. Le ministre du Revenu ontarien émit des cotisations refusant ce traitement. TCPL attaqua avec succès ces cotisations tant en première instance qu'en appel. La Cour d'appel, après une brève analyse, souligna le fait que les paiements en question :

[...] fell within dictionary definitions of "advance" as a "payment [made] beforehand or in anticipation" and a "payment made before ... the completion of an obligation for which it is to be paid": Dictionary of Business and Finance (1957), p. 9.

et en vint à la conclusion que ces montants constituaient inter alia des “ avances ” au sens de l'alinéa 54(1)c).

L'appelante a été incapable de démontrer en quoi les avances ici en cause se distinguent des avances sur lesquelles s'est penchée la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire TCPL. Dans l'un ou l'autre des cas, il s'agit de paiements effectués à l'avance, en vue de l'exécution éventuelle de l'obligation réciproque qui en découle.

[22] Les deux décisions qui précèdent — TransCanada Pipelines et Oerlikon — étayent la thèse selon laquelle, lorsque l'on interprète les mots “ prêts et [...] avances ”, il existe une différence véritable entre un “ prêt ” et une “ avance ”. Une “ avance ” dans le contexte de l'expression “ prêts et [...] avances ” est un montant payé avant l'exécution d'une obligation pour laquelle il doit être payé ou un montant payé avant l'exécution d'une obligation réciproque qui en découle. En ce sens, un montant que paye l'appelante en vue de l'achat d'une AB est le coût d'un placement, et non une avance consentie à une autre société. J'accorde peu de poids à la décision qu'a rendue la Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans l'affaire Air Canada parce que : i) quatre types d'effets bancaires (AB comprises) ont été regroupés pour les besoins du litige; ii) en caractérisant les effets bancaires, la Cour a été contrainte de faire un choix entre “ des prêts et des avances consentis à d'autres sociétés ” et de “ l'argent en dépôt ”; enfin, iii) dans la disposition gauchement libellée de la Loi en cause de la Colombie-Britannique, les institutions financières comme les banques n'étaient pas séparées des autres sociétés comme elles le sont au paragraphe 181.2(4).

[23] Dans la décision Les Technologies industrielles SNC inc. c. Le sous-ministre du revenu du Québec, [1998] J.Q. n ° 3738 (QL), le ministre du Revenu du Québec a exigé de la société contribuable le paiement d'un impôt sur le capital en vertu de la Loi sur les impôts, laquelle établît un impôt analogue à celui que prévoit la partie I.3 de la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada. La société, semble-t-il, avait émis certaines AB, que deux banques avaient acceptées et ensuite achetées. Ces AB avaient été émises le 30 novembre 1987 et venaient à échéance le 29 février 1988. Comme la disposition québécoise en matière d'impôt sur le capital n'incluait pas expressément une acceptation bancaire dans le capital d'une société, la question en litige était de savoir si les acceptations bancaires étaient des “ prêts et avances ” au sens de l'article 1136 de la Loi sur les impôts. Le juge Desmarais de la Cour supérieure du Québec a conclu que les acceptations bancaires ne sont pas visées par l'article 1136 :

Peu importe par ailleurs dans le présent litige la définition acceptée. Si l'avance est “ un paiement par anticipation d'une somme due ”, cette définition ne cadre pas avec la définition de l'article 1136 paragraphe d), puisque l'argent provenant de Nationale et Royale le 30 novembre 1987, est le produit d'une vente d'effet de commerce et non un paiement anticipé sur l'acceptation bancaire du 29 février 1988.

[24] À mon avis, le coût d'une AB pour l'appelante n'est pas une “ avance ” consentie à une autre société au sens de l'alinéa 181.2(4)b) de la Loi. S'il se révélait que je me trompais en formulant cette opinion et si le coût d'une AB était une “ avance ”, je conclurais alors qu'il s'agit d'une avance faite à la banque accepteur (c'est-à-dire une institution financière) et non une avance consentie au tireur de l'AB (c'est-à-dire une autre société). Ainsi qu'il est mentionné au paragraphe 17 plus haut, l'avocat de l'appelante a reconnu lors des débats que l'achat d'une AB n'était pas un “ prêt ” au sens de l'alinéa 181.2(4)b). Il reste donc à déterminer si une AB correspond à l'un des termes employés à l'alinéa 181.2(4)c) :

c) une obligation, un effet, une hypothèque ou un titre semblable d'une autre société, sauf une institution financière;

[25] L'appelante ne prétend pas qu'une AB pourrait être appelée “ une obligation [ou] une hypothèque ”, mais soutient plutôt qu'une AB est un “ effet ” ou une obligation assimilable à un effet. Essentiellement, je dois interpréter le mot “ effet ” tel qu'il est employé à l'alinéa 181.2(4)c). Dans l'arrêt Friesen v. The Queen, 95 DTC 5551, la Cour suprême du Canada a cité en y souscrivant, à la page 5553 du recueil, la déclaration suivante d'E.A. Driedger à propos de l'interprétation des lois :

[TRADUCTION]

Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

Étant tenu d'interpréter les termes de l'alinéa 181.2(4)c) dans leur contexte global en suivant leur sens ordinaire et grammatical, je me propose de passer en revue la signification que donne aux quatre mots précis utilisés dans la version anglaise de l'alinéa c) le Black's Law Dictionary, 7e édition, 1999 :

[TRADUCTION]

Bond (obligation) : une obligation; une promesse; une promesse écrite de payer de l'argent ou de prendre une mesure particulière si des circonstances précises se manifestent ou s'il s'écoule une période de temps déterminée.      (page 169)

Debenture (débenture) : titre de créance qui n'est garanti que par la capacité du débiteur de gagner des revenus, et non par des biens particuliers.      (page 408)

Note (billet) : promesse écrite de la part d'une partie (le souscripteur) de payer de l'argent à une autre partie (le bénéficiaire) ou au porteur.    (page 1085)

Mortgage (hypothèque) : transfert d'un titre de propriété donné pour garantir le paiement d'une dette ou l'exécution d'une obligation et devenant nul au moment du paiement ou de l'exécution, selon des conditions stipulées. (page 1026)

[26] Chacun de ces quatre mots constitue une preuve d'une obligation de payer un montant d'argent ou de prendre une mesure quelconque. Chacun indique qu'un débiteur doit de l'argent à un créancier. Chacun dénote l'existence d'une transaction entre deux parties. Dans le langage juridique et commercial, les termes anglais note (billet) et promissory note (billet) s'emploient indifféremment. Le paragraphe 176(1) de la Loi sur les lettres de change, Lois du Canada, chapitre B-4, définit en ces termes le billet :

176(1) Le billet est une promesse écrite signée par laquelle le souscripteur s'engage sans condition à payer, sur demande ou à une échéance déterminée ou susceptible de l'être, une somme d'argent précise à une personne désignée ou à son ordre, ou encore au porteur.

Une distinction qui existe entre un billet et une AB est que le billet est un effet qui met en cause deux parties, tandis qu'une AB est un effet qui met en cause trois parties (le tireur, l'accepteur et le détenteur régulier). L'avocat de l'appelante a fait valoir qu'essentiellement, les fonds de l'appelante, au moment de l'achat d'une AB, passaient par la banque accepteur pour être acheminés vers le tireur de l'AB, et que le tireur et l'appelante étaient analogues au souscripteur et au bénéficiaire d'un billet. C'est là un argument auquel je ne puis souscrire car il fait abstraction de la participation non seulement importante mais essentielle de la banque accepteur à la transaction.

[27] C'est l'acceptation de la banque qui confère à l'AB une valeur sur le marché monétaire. L'appelante, à titre d'acheteuse d'AB, n'était même pas au courant de l'identité des émetteurs/tireurs. Je répète ici une partie du témoignage de M. Boyer, cité au paragraphe 14 ci-dessus :

[...] comme nous achetons l'AB en fonction du risque de crédit que présente le garant de l'AB, c'est-à-dire l'institution financière qui a accepté l'AB ou qui l'a estampillée, il n'est pas vraiment nécessaire que nous sachions qui est la société émettrice. [...] L'endossement de l'institution financière est en fait le risque de crédit sur lequel compte finalement l'acheteur de l'AB pour le paiement de celle-ci à l'échéance, même si elle a été émise par le tireur.

Au paragraphe 16 ci-dessus figure la description d'une AB que donne un manuel canadien bien connu sur les lettres de change. Le même auteur fait le commentaire suivant au sujet d'une AB :

[TRADUCTION]

[...] Il est manifeste, tant en principe que selon la jurisprudence et la doctrine, qu'il n'y a pas d'emprunt lorsque l'on émet une acceptation bancaire. L'investisseur ou l'acheteur ultime de l'acceptation ne consent pas un prêt au tireur; il acquiert un titre de placement dans le cadre d'une transaction ou d'une opération d'achat et de vente. La banque ne prête pas d'argent au tireur; elle prête son crédit en acceptant l'ordre de payer par complaisance envers son client, et elle paie l'acceptation à l'échéance comme une obligation qui lui est propre. Le client ne “ rembourse ” pas la banque à l'échéance; il peut lui fournir les fonds nécessaires pour acquitter l'acceptation, ou il peut l'indemniser si elle se sert de ses propres fonds avant de faire appel à son client. On constate donc que personne n'emprunte ni ne prête quoi que ce soit. [...]

Crawford and Falconbridge Banking and Bills of Exchange, 8e édition, 1986, p. 879.

[28] L'alinéa 181.2(4)c) ne concerne que les obligations de la nature d'une créance. D'après le passage cité ci-dessus, lorsque l'on vend une AB personne n'emprunte ni ne prête de l'argent. Une AB n'est pas un titre de créance. À mon avis le mot “ effet ” (note en anglais) qui figure à l'alinéa 181.2(4)c) ne peut être interprété comme incluant une AB. En fait, on fausserait déraisonnablement le sens ordinaire du mot “ effet ” (en tant qu'effet commercial) en concluant qu'il désigne ou inclut une AB.

[29] Les avocats des deux parties m'ont renvoyé à certaines dispositions de la Loi sur les lettres de change et, plus particulièrement aux articles 127, 128 et 129 :

127 L'accepteur d'une lettre s'engage à la payer suivant les termes de l'acceptation.

128 L'accepteur d'une lettre ne peut opposer au détenteur régulier ce qui suit :

a) l'existence du tireur, l'authenticité de sa signature, sa capacité et son autorité de tirer la lettre;

b) dans le cas d'une lettre payable à l'ordre du tireur, la capacité de celui-ci, à ce moment-là, d'endosser, sauf l'authenticité ou la validité de son endossement;

c) dans le cas d'une lettre payable à l'ordre d'un tiers, l'existence du preneur et sa capacité, à ce moment-là, d'endosser, sauf l'authenticité ou la validité de son endossement.

129 La personne qui tire une lettre, ce faisant :

a) promet que, sur présentation en bonne et due forme, elle sera acceptée et payée à sa valeur, et s'engage, en cas de refus, à indemniser le détenteur ou tout endosseur forcé de l'acquitter, si les formalités obligatoires à la suite d'un refus ont été dûment remplies;

b) ne peut opposer au détenteur régulier l'existence du preneur et sa capacité, à ce moment-là, d'endosser.

[30] Selon mon interprétation des dispositions législatives qui précèdent et du passage cité au paragraphe 16 ci-dessus et tiré de Crawford and Falconbridge, une AB est une lettre de change et la banque qui l'accepte est la partie qui est principalement responsable envers un détenteur régulier. Le tireur de l'AB est secondairement responsable. Si l'appelante à titre d'acheteur d'une AB est un détenteur régulier, l'appelante doit en premier lieu s'adresser à la banque accepteur pour le paiement. Cela semble cadrer avec les dispositions de la Loi sur les lettres de change, mais c'est aussi précisément ce que comprend M. Boyer, le seul témoin de l'appelante.

[31] L'avocat de l'appelante a cité la décision Recalma et al. v. The Queen, 96 DTC 1520 (Cour canadienne de l'impôt), et 98 DTC 6238 (Cour d'appel fédérale), où une AB est décrite en ces termes : “ [...] un billet à court terme émis par un tiers qui demande à la banque sur laquelle le billet est tiré d'en garantir le remboursement ” (p. 6239 du recueil). Dans l'affaire Recalma, le point en litige consistait à savoir si un certain revenu de placement était situé sur une réserve aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur les Indiens. La Cour n'avait pas à examiner, dans cette affaire là, la nature d'une AB ni à déterminer s'il s'agissait d'un “ billet ”. Je considère les propos cités ci-dessus, extraits de la page 6239 du recueil, comme une simple description d'une AB faite à titre indicatif, qui n'était pas censée être une description juridique technique. Même si j'appliquais la description susmentionnée que l'on trouve dans l'arrêt Recalma, je conclurais, sur la foi du témoignage de M. Boyer, que l'appelante considérait l'AB comme un “ billet ” de la banque accepteur (en tant qu'institution financière) et comme étant donc exclue de l'application de l'alinéa 181.2(4)c).

[32] L'appelante a tenté de faire valoir un argument de “ double imposition ”. Aux termes de l'alinéa 181.2(3)d), l'émetteur/tireur d'une AB est tenu d'inclure dans le calcul de son capital le montant de toutes ses dettes existant sous forme d'obligations, d'effets, d'AB, etc. Si l'appelante n'est pas autorisée à inclure la valeur comptable de fin d'exercice de ses AB dans sa déduction pour placements en vertu du paragraphe 181.2(4), Revenu Canada, soutient-elle, sera en mesure d'imposer deux fois le montant de cette valeur comptable. Cet argument est sans fondement. Premièrement, au moment de l'achat d'une AB particulière, l'acheteur ne connaîtrait pas normalement l'identité de l'émetteur/tireur et ne saurait pas si l'émetteur/tireur était une grande société imposable en vertu de la partie I.3 de la Loi. Deuxièmement, la valeur comptable de fin d'exercice d'une AB particulière serait pour l'appelante un montant différent de la dette enregistrée de l'émetteur/tireur relative à l'AB. Troisièmement, c'est un principe fondamental de la double imposition que la même personne doit être imposée deux fois. Dans l'arrêt Barnes v. Hutchinson, [1940] A.C. 81, lord Wright a déclaré ce qui suit, à la p. 97 :

[TRADUCTION]

[...] Quelle qu'en soit la portée exacte, la règle interdisant la double imposition doit au moins inclure les facteurs suivants : il s'agit du même revenu; il s'agit de la même personne qui se voit assujettie, directement ou indirectement, à la double imposition à l'égard du même revenu; la double imposition résulte d'une cotisation britannique.

[33] Malgré l'argumentation habile de l'avocat de l'appelante, je suis persuadé qu'une acceptation bancaire ne peut tomber sous le coup des alinéas b)

ou c) du paragraphe 181.2(4) de la Loi. Les appels relatifs aux années d'imposition 1992, 1993 et 1994 sont rejetés, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 18e jour de février 2000.

“ M. A. Mogan ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juillet 2000.

Erich Klein, réviseur

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