Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990107

Dossier: 97-373-IT-I

ENTRE :

GEORGE HORVATH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 20 novembre 1998 à Winnipeg (Manitoba), par l’honorable juge R. D. Bell

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE :

[1] Il s’agit de savoir si l’appelant a subi des pertes autres que des pertes en capital dans le cadre des activités qu’il a exercées en 1991 et en 1992 qui pourraient être reportées prospectivement en totalité ou en partie afin d’être déduites de son revenu pour l’année d’imposition 1994.

GÉNÉRALITÉ :

[2] Les dispositions mentionnées se rapportent à la Loi de l’impôt sur le revenu.

FAITS :

[3] Selon son témoignage, qui n’a pas été contesté, l’appelant a commencé à exercer des activités commerciales aux États-Unis en 1991 et en 1992. Il a déclaré qu’il ne savait pas que les dépenses engagées à l’étranger pouvaient être déduites de ses revenus du Canada. C’est pourquoi, a-t-il ajouté, il s’est défait de tous les registres se rapportant à ces activités. Il a déclaré qu’il avait reconstitué ses activités et dépenses. Sa reconstitution détaillée m’a impressionné et j’accepte le fait que ces sommes ont été engagées. À cet égard, l’avocate de l’intimée a déclaré qu’elle acceptait cette reconstitution qui lui semblait raisonnable.

[4] L’appelant a expliqué que ses activités l’amenaient à participer à des salons professionnels, à faire des dépenses pour son véhicule automobile, son hébergement et sa nourriture et que tout cela avait lieu aux États-Unis. Il a décrit les dépenses d’entreprise qu’il a engagées à Las Vegas lorsqu’il a participé à des salons professionnels et fait de la publicité de même que les dépenses qu'il a engagées à l’occasion de voyages d’affaires à Fargo, à Minneapolis et à St. Paul. Il a également déclaré avoir dépensé des sommes d’argent pour de la publicité dans les journaux et ses appels téléphoniques; il occupait un stand dans des salons professionnels, louait de l’équipement, produisait des brochures et d’autres imprimés et utilisait des projecteurs et des diapositives pour faire la promotion de ses produits. Selon son témoignage, ses nombreuses dépenses, notamment ses dépenses de voyage, ont atteint 3 629,85 $ canadiens en 1991 et 2 515,59 $ canadiens en 1992. Il vendait des produits nutritifs et amaigrissants et prévoyait l’ouverture de la compagnie au Canada où il avait l’intention de faire des affaires. À son avis, c’est en raison de son expansion exceptionnelle aux États-Unis que la compagnie n’avait pas ouvert ses portes au Canada aussi vite qu’il avait prévu; les activités commerciales de l’appelant aux États-Unis ne lui permettaient pas de survivre économiquement. Il a affirmé qu’au cours de cette période, il ne gagnait aucun revenu aux États-Unis ni au Canada.

[5] En calculant son revenu pour l’année d’imposition 1992 au Canada, l’appelant a déclaré un revenu total net imposable de zéro. Aucun renseignement n’a été donné sur sa déclaration pour 1991.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[6] L’avocate de l’intimée a simplement fait observer que l’appelant n’avait subi aucune perte en 1991 et en 1992, qu’il n’avait pas demandé la déduction de pertes pour ces années et qu’il n’avait signifié aucun avis d’opposition valide. Elle a mentionné le paragraphe 152(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”) et a soutenu que l’appelant avait produit des déclarations pour 1991 et 1992 et que les cotisations étaient valides et exécutoires. Ce paragraphe se lit comme suit :

Sous réserve de modifications qui peuvent y être apportées ou d’annulation qui peut être prononcée lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente Partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

[7] Je ne suis pas d’accord avec l’avocate de l’intimée; je me fonde notamment sur les décisions suivantes, dont aucune n’a été citée par elle.

[8] Dans l’affaire Aallcann Wood Suppliers Inc. v. The Queen, 94 DTC 1475, le juge Bowman a déclaré :

La position que le ministre a adoptée dans la réponse initiale à l’avis d’appel et selon laquelle le calcul qu’il fait d’une perte pour une année d’imposition particulière est immuable à moins qu’une détermination de la perte ne soit faite en vertu du paragraphe 152(1.1) est toutefois erronée. [...] En l’absence d’une détermination exécutoire faite en vertu du paragraphe 152(1.1), un contribuable peut contester le calcul du ministre concernant une perte relative à une année particulière dans un appel portant sur une autre année lorsque le montant du revenu imposable du contribuable est influencé par le montant de la perte pouvant être reportée prospectivement en vertu de l’article 111. En contestant la cotisation portant sur une année pour laquelle de l’impôt est payable au motif que le ministre a incorrectement calculé le montant d’une perte relative à une année antérieure ou subséquente qui peut être déduite en vertu de l’article 111 dans le calcul du revenu imposable du contribuable pour l’année en question dans l’appel, le contribuable demande à la Cour de faire précisément ce que prévoient les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu en matière d’appel : déterminer l’exactitude d’une cotisation d’impôt en examinant la justesse d’un ou de plusieurs de ses éléments constituants, soit en l’espèce le montant d’une perte d’une autre année pouvant être déduite. La Cour n’a pas à déterminer la perte en vertu du paragraphe 152(1.1) ni à entendre un appel concernant une cotisation portant qu’aucun impôt n’est payable. Elle doit simplement établir l’exactitude de la cotisation portant sur l’année en question dans l’appel dont elle est saisie.

Ces propos font suite au raisonnement formulé dans l’affaire New St. James v. M.N.R., 66 DTC 5241 et sont suivis et approuvés dans l’affaire Samson et Frères Ltée v. The Queen, 97 DTC 642. Dans cette décision, le juge Dussault s’exprime ainsi aux pages 647 et 648 :

[...] il est clair que le Ministre peut établir, aux fins de la cotisation pour une année d’imposition, le montant de la perte autre qu’en capital qu’un contribuable a le droit de déduire aux fins du calcul de son revenu imposable. Le contribuable peut pareillement, dans son appel d’une telle cotisation, contester le montant ainsi établi et ce, même si l’année au cours de laquelle la perte a été subie est prescrite et a pu faire l’objet d’une cotisation “ nil ”.

[9] L’alinéa 111(1)a) se lit comme suit :

(1) Pour le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, peuvent être déduites les sommes appropriées suivantes :

a) ses pertes autres que des pertes en capital subies au cours des 7 années d’imposition précédentes et des 3 années d’imposition qui suivent l’année;

[10] L’expression “ pertes autres que des pertes en capital ” est définie au paragraphe 111(8) de la Loi.

[11] La restriction aux déductions des pertes est énoncée au paragraphe 111(3) qui est libellé comme suit :

(3) Pour l’application du paragraphe (1) :

a) une somme au titre d’une perte autre qu’une perte en capital [...] pour une année d’imposition n’est déductible [...] dans le calcul du revenu imposable d’un contribuable pour une année d’imposition donnée que dans la mesure où la somme dépasse le total des montants suivants :

(i) les sommes déduites selon le présent article, au titre de cette perte autre qu’une perte en capital [...] dans le calcul du revenu imposable pour les années d’imposition antérieures à l’année donnée,

[...];

b) aucune somme n’est déductible au titre d’une perte autre qu’une perte en capital [...] pour une année d’imposition avant que :

(i) dans le cas d’une perte autre qu’une perte en capital, les pertes autres que les pertes en capital déductibles, [...]

pour les années d’imposition antérieures n’aient été déduites[1].

[12] Cette disposition permet à l’appelant de déduire ses pertes autres que ses pertes en capital subies en 1991 et en 1992 en demandant leur déduction pour son année d’imposition 1994. Ces pertes, qui sont des pertes autres que des pertes en capital, sont des éléments constitutifs de la cotisation d’impôt établie pour l’année d’imposition 1994.

[13] Par conséquent, les dépenses de 2 515,59 $ engagées dans l’année d’imposition 1992 et la portion des dépenses de 3 629,85 $ engagées dans l’année d’imposition 1991 qui n’ont pas été antérieurement déduites constituent des pertes autres que des pertes en capital qui peuvent être reportées prospectivement conformément à l’article 111.

[14] L’appel est admis pour ce qui est de ces dépenses.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7e jour de janvier 1999.

“ R.D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 30e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur



[1]           Une restriction renvoyant aux “ sommes antérieurement déductibles relativement à cette perte ” a été retirée de la Loi par une modification pour les années d’imposition 1983 et suivantes. La modification qui a remplacé “ déductibles ” par “ déduites ” permet au contribuable de choisir l’année pour laquelle il demande la déduction à l’intérieur des délais prévus pour reporter une perte autre qu’une perte en capital.

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