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Date: 19980114

Dossier: 94-3219-IT-G

ENTRE :

DAVID W. JEX,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] David W. Jex (l'appelant) interjette appel d'une nouvelle cotisation d'impôt établie pour l'année d'imposition 1992. L'unique question est de savoir si l'appelant a reçu un avantage de 1 289 $ au titre, dans l'occupation ou en vertu de son emploi chez Revenu Canada dans l'année d'imposition 1992.

[2] L'appelant a témoigné pour son compte. De plus, avec l'accord de toutes les parties, le témoignage de Wayne Humber, directeur adjoint de la validation et de l'exécution à Revenu Canada, dans l'appel de Steve Faubert (95-130(IT)G), doit s'appliquer dans l'appel en l'instance, avec les adaptations nécessaires.

[3] L'appelant a commencé à travailler pour Revenu Canada à titre d'agent de recouvrement (PM-2) en 1985. Auparavant, il avait obtenu un baccalauréat es arts de l'Université Sir Wilfrid Laurier et il avait été pendant un certain temps préposé aux prêts commerciaux à la B.F.D. En août 1987, il a soumis une demande de mutation de perfectionnement à la Division de la vérification. Il souhaitait poursuivre sa carrière à Revenu Canada et avait la conviction qu'une mutation dans le domaine de la vérification, même latérale, c'est-à-dire sans augmentation de salaire, était le meilleur choix de carrière sur le plan de l'avancement. L'appelant savait que, pour obtenir un poste à la Division de la vérification, il fallait notamment posséder une accréditation en comptabilité (ou être en train de suivre des cours en vue d'obtenir une telle accréditation). L'appelant avait auparavant été inscrit à un programme menant au titre de comptable en administration industrielle[1], mais il avait laissé expirer son inscription. Dans sa demande, il a indiqué ceci : [TRADUCTION] « J'ai atteint le quatrième niveau du programme de CMA et j'entends poursuivre mes études jusqu'à ce que j'obtienne le titre » . En fait, il avait demandé sa réintégration, et il avait été officiellement réadmis en juin 1988.

[4] Le 14 mars 1989, l'appelant a été muté à la Division de la vérification à titre de vérificateur sur place (niveau PM-2). Puis, en janvier 1992, il a terminé les travaux de cours du programme de CMA et, en juin, il a obtenu le titre de CMA. Dans l'intervalle, il avait postulé avec succès un poste de niveau AU-1 et, peu après, en 1993, il a été promu au poste de vérificateur des dossiers d'entreprise, niveau AU-2.

[5] L'appelant savait que Revenu Canada avait pour politique de rembourser les frais d'inscription des employés de la Direction de la vérification ayant réussi un cours donné et d'assumer une partie des coûts de certaines pièces d'équipement informatique requises pour ces cours.

[6] Dans tous les cas, les promotions étaient assorties d'augmentations de salaire. En fait, l'appelant a vu son salaire augmenter d'environ 10 000 $ dans les six années au cours desquelles il est passé du niveau PM-2 au niveau AU-2. Il n'a pas contesté le fait que les cours qu'il a suivis pour obtenir son titre de CMA lui ont donné le droit de postuler ces postes et qu'ils l'ont aidé à les obtenir.

[7] Wayne Humber ( « M. Humber » ), directeur adjoint de la validation et de l'exécution à Revenu Canada, a témoigné pour le compte de l'appelant. M. Humber a obtenu le poste au bureau de London (Ontario) en août 1991. Il avait comme mandat général de diriger la Division de la validation et de l'exécution qui, essentiellement, est la Division de la vérification. En cette qualité, il était le gestionnaire délégué en matière de dotation et il avait donc la responsabilité d'embaucher le personnel à l'interne et à l'externe. En 1992, une recherche de personnel a été effectuée à l'externe. D'après M. Humber, ce fut le dernier concours ouvert et, à partir de ce moment-là, la Division de la validation et de l'exécution s'est adressée, de façon générale, à d'autres divisions, comme celles de la perception, de l'aide à la clientèle et des appels, en tant que groupes de relève, pour trouver le personnel dont elle avait besoin.

[8] Plus précisément, les postes dans le domaine de la vérification étaient divisés en deux classifications principales : PM et AU[2]. Les changements de classification ou les promotions à l'intérieur de ces classifications se faisaient par voie de concours interne. Un comité était constitué pour s'occuper des concours qui s'appuyaient sur le principe du mérite[3]. M. Humber a témoigné que, lorsqu'il examinait les candidatures, le comité de dotation s'attendait à ce que les candidats possèdent certains titres universitaires élémentaires[4]. Outre la scolarité, le comité examinait les qualités personnelles du candidat, son rendement antérieur et ses références. De plus, le comité était favorablement impressionné par les employés qui suivaient des cours, que ce soit des cours universitaires ou des cours de comptabilité professionnelle, dans le but de se perfectionner et d'accroître leur scolarité. L'amélioration du niveau de scolarité était souhaitable puisqu'elle créait un cheminement de carrière pour l'employé et, du même coup, permettait à Revenu Canada de doter ses postes à l'interne. D'après M. Humber, la politique de Revenu Canada visait à encourager les employés à suivre des cours en-dehors des heures de travail pour rehausser leur niveau de formation et accroître leurs possibilités d'avancement à Revenu Canada ou ailleurs, s'ils le souhaitaient. La politique encourageait également les gestionnaires et les superviseurs à discuter des besoins des employés en matière de formation et de leurs attentes en matière d'avancement pour en venir à établir avec chaque employé un programme de formation adapté à ses besoins. À cette fin, Revenu Canada encourageait les employés à accroître leurs compétences en leur offrant la possibilité de prendre des congés d'études de longue durée, avec ou sans traitement, en leur remboursant la totalité des frais de scolarité se rapportant directement à des cours, et en leur accordant des congés pour étudier et pour passer les examens de comptabilité professionnelle[5].

[9] L'appelant soutient qu'il a suivi le cours en cause principalement pour le bénéfice de son employeur et non pour le sien. Cela découle du fait que les paiements effectués par Revenu Canada au titre des frais de scolarité constituaient des remboursements de montants versés par l'appelant du fait de la politique de Revenu Canada qui, dans les faits, obligeait les employés à suivre les cours requis. Par conséquent, le remboursement n'était pas un avantage reçu par l'appelant dans l'occupation ou en vertu de sa charge ou de son emploi. L'avocat de l'appelant fait valoir qu'un certain nombre de décisions établissent que des remboursements comme ceux qui sont en cause en l'espèce sont des dérogations aux dispositions de l'alinéa 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu[6] . L'avocat soutient également que la décision de la Cour suprême dans l'arrêt The Queen v. Savage[7] se distingue en ce que le montant payé à l'appelante dans cette affaire n'était pas un remboursement.

[10] L'avocat de l'appelant a également fait valoir que le fait que Revenu Canada interdisait aux employés de travailler en dehors du bureau à titre de comptables, de vérificateurs, d'aides-comptables, d'agents de perception, de conseillers fiscaux, d'évaluateurs de biens immobiliers ou à tout autre titre jugé créer un conflit d'intérêts, était un facteur pertinent qui appuyait la thèse de l'appelant.

[11] La disposition pertinente de la Loi qui se rapporte à l'assujettissement à l'impôt des avantages remis à un employé est l'alinéa 6(1)a). Les passages pertinents sont les suivants :

6(1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments appropriés suivants :

a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages de quelque nature que ce soit qu'il a reçus ou dont il a joui dans l'année au titre, dans l'occupation ou en vertu d'une charge ou d'un emploi [...]

Deux conditions fondamentales doivent être réunies pour qu'un montant soit imposable en vertu de l'alinéa 6(1)a). Premièrement, il doit s'agir d'un montant que le contribuable a reçu ou dont il a joui en qualité d'employé et, deuxièmement, il doit en résulter un avantage pour l'employé. Dans l'appel en l'instance, on ne peut sérieusement contester que l'appelant a reçu les montants de 2 002 $ et de 1 900 $ en 1992 et en 1993 et qu'il a reçu ces montants au titre, dans l'occupation ou en vertu de son emploi. Néanmoins, l'appelant soutient que ces montants sont des remboursements des frais qu'il a véritablement assumés et qu'ils ne sont pas visés par l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[12] À mon avis, la décision de la Cour suprême dans l'arrêt The Queen v. Savage[8] s'applique. Dans cette affaire, Savage travaillait pour l'Excelsior Life Insurance Company et elle avait reçu le montant de 300 $ pour avoir réussi une série d'examens de la Life Office Management Association. Le juge Dickson (tel était alors son titre) a fait remarquer ceci :

Comme le fait valoir le substitut du procureur général, la somme de 300 $ que Mme Savage a reçue de son employeur constitue un avantage qu'elle a reçu ou dont elle a joui au titre, dans l'occupation ou en vertu de son emploi au sens de l'al. 6(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu; ce montant lui a été versé par son employeur, conformément à une politique de la compagnie, après qu'elle eut terminé avec succès des cours [TRADUCTION] « conçus pour donner une vue d'ensemble de l'assurance-vie moderne et du fonctionnement d'une compagnie d'assurance-vie » et [TRADUCTION] « pour encourager les membres du personnel à se perfectionner » ; l'intérêt de l'employeur [TRADUCTION] « était que les cours en feraient une employée plus précieuse » ; Mme Savage a suivi ces cours pour [TRADUCTION] « améliorer ses connaissances et son rendement et pour avoir plus de chances d'avancement » . La présente espèce est différente de la décision Phaneuf en ce sens qu'il n'est pas question ici d'un cadeau, d'un don personnel ou de considérations qui n'ont rien à voir avec l'emploi de Mme Savage.

Selon moi, Mme Savage a reçu les paiements au titre de son emploi. Cela, en soi, en fait un revenu au sens de l'art. 3 de la Loi.

Je conclus sur ce point que, à moins que l'al. 56(1)n) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne s'applique en sa faveur, Mme Savage est assujettie à l'impôt sur le revenu à l'égard des 300 $ reçus de son employeur.

[13] La situation de l'appelant en l'espèce n'est pas du tout semblable à celle dans laquelle se trouvaient les appelants Hoefele, Guay et Ransom. Bien que la politique de Revenu Canada traduise son désir de voir ses employés progresser au sein de l'organisme et améliorer leurs compétences en comptabilité, vérification et autres domaines connexes, l'accroissement du niveau de formation en question était encouragé, mais pas imposé. La décision de s'inscrire au programme en question et de faire ce qui était nécessaire pour le terminer était la décision exclusive de l'appelant. Revenu Canada ne l'a jamais forcé à s'inscrire, et personne n'a jamais donné à entendre qu'il perdrait son emploi s'il n'obtenait pas l'accréditation nécessaire. En outre, l'appelant, quant à lui, a admis qu'il avait des aspirations professionnelles et que le fait de ne pas obtenir les titres requis aurait eu une incidence sur ses chances d'avancement puisque les connaissances ainsi acquises lui avaient permis de postuler avec succès un poste de niveau AU.

[14] La preuve n'étaye pas la proposition suivant laquelle l'appelant en l'espèce était d'une certaine façon légalement tenu d'accroître ses compétences s'il ne voulait pas perdre son emploi. Il savait qu'il devait posséder certains titres pour accéder au poste auquel il aspirait. La décision de hausser son niveau de formation à cette fin était de nature purement personnelle. Que ce soit au gouvernement ou dans le secteur privé, le fait qu'un employeur encourage l'accroissement des compétences ne veut pas dire que c'est une obligation. Les cours suivis bénéficiaient principalement à l'appelant et, à mon avis, le montant payé par son employeur constitue un avantage imposable entre les mains de l'appelant en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi. L'appel est rejeté.

[15] Un seul mémoire de frais vaut pour l'appel en l'instance et les appels de Steve Faubert 95-130(IT)G).

Signé à Ottawa, Canada, ce 14e jour de janvier 1998.

« A. A. Sarchuk »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de mai 1998.

Benoît Charron, réviseur



[1]           Ce programme est subséquemment devenu le programme menant au titre de comptable en management accrédité.

[2]           Niveau PM - contrôleurs au bureau PM-1 et PM-2, vérificateurs sur place PM-2 et PM-3; vérificateurs sur place AU-1, AU-2 et AU-3, chargés de dossiers AU-3, gestionnaires de section AU-4.

[3]           Selon le témoignage de M. Humber, il semblerait également qu'il y avait des mouvements de personnel entre divisions au moyen de mutations internes sans concours. Cependant, ces mutations semblent être latérales, c'est-à-dire que l'employé quitte un poste de PM-1 pour occuper un autre poste de PM-1 dans une autre division.

[4]           Dans les années en cause, l'exigence minimale pour un poste de PM-2 était un certificat de deux ans en comptabilité et, pour le poste de AU-1 et les postes plus élevés, il fallait détenir le titre de CGA ou de CMA ou posséder un diplôme universitaire avec une spécialisation en comptabilité intermédiaire et dans deux autres domaines liés à la comptabilité financière.

[5]           Pièce A-1, onglet 13, Manuel des opérations de l'impôt 8072 de Revenu Canada — Cours suivis en dehors des heures de travail et congés d'études.

[6]           Ransom v. M.N.R., 67 DTC 5235 (C. de l'É.); The Queen v. Blanchard, 95 DTC 5479; Splane v. The Queen, 90 DTC 6442 (C.F. 1re inst.); The Queen v. Splane, 92 DTC 6021 (C.A.F.); Attorney General of Canada v. Hoefele, et al, 95 DTC 5602 (C.A.F.), et Guay v. H.M.Q., 96 DTC 1534.

[7]           83 DTC 5409 (C.S.C.).

[8]           Précitée, page 5414.

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