Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990109

Dossier: 97-1019-IT-I

ENTRE :

JOHN ANTHONY DIXON

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appel entendu le 3 décembre 1998 à Calgary (Alberta) par l’honorable juge R. D. Bell

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE

[1] La question est de savoir si, en vertu de l'article 62 de la Loi de l'impôt sur le revenu, l'appelant a le droit de déduire les frais de déménagement engagés lorsqu'il a quitté le Texas pour s'installer en Alberta dans l'année d'imposition 1994.

[2] L'appelant a déclaré dans son témoignage qu'en 1990, il était allé à Austin, au Texas où, à titre de physicien théoricien, il avait effectué des travaux de recherche sur la particule élémentaire. Il est déménagé à Montréal au cours de l'été de cette année-là avec son épouse et leurs enfants pour la naissance des jumeaux. Il est retourné au Texas en 1991 pour occuper un poste de professeur adjoint invité en physique théorique. Il a déclaré qu'il était payé huit mois par année seulement et qu'il revenait fréquemment au Canada.

[3] Avec son épouse, il a acheté une maison au Texas, où il a enseigné pendant trois ans, soit en 1991-1992, 1992-1993 et 1993-1994.

[4] Il a témoigné au sujet de la maison dont son épouse était propriétaire à Victoria, du compte bancaire à Montréal, de son statut de membre inactif du barreau de l'Alberta, du fait qu'il avait au moins une carte de crédit d'une institution canadienne, qu'il avait souscrit une police d'assurance-vie auprès d'une compagnie canadienne, qu'il avait un régime d'épargne-retraite enregistré auprès d'une compagnie de fiducie canadienne et qu'il était administrateur d'une société familiale privée.

[5] L'appelant a décidé de revenir au Canada et il a commencé à pratiquer le droit à Calgary. Il a déclaré dans son témoignage qu'il avait produit des déclarations de revenus pour les années d'imposition 1991 et 1992, au cours desquelles il était aux États-Unis. Il a indiqué qu'en 1993 et en 1994, il n'avait pas produit de déclarations de revenus au Canada principalement parce que son revenu n'était pas suffisamment élevé pour être imposable.

[6] L'appelant et sa famille ont quitté le Texas pour aller vivre à Calgary en juin 1994. Il a alors passé les examens du barreau et a commencé à pratiquer le droit avec son frère. Il a déclaré qu'il n'avait pas produit de déclaration de revenus pour 1994 en raison des pertes subies cette année-là.

OBSERVATIONS, ANALYSE ET CONCLUSION

[7] Pour obtenir gain de cause, l'appelant doit, dans un premier temps, établir qu'il a résidé au Canada en 1994. Plus particulièrement, il doit satisfaire aux critères énoncés à l'article 64.1 de la Loi, dont la partie pertinente est libellée dans les termes suivants :

Pour l'application des articles 62, 63 et 64 au contribuable qui, tout au long de tout ou partie d'une année d'imposition, est absent du Canada mais y réside [...]

[8] S'il satisfait au critère énoncé ci-dessus, il doit, dans un deuxième temps, convaincre la Cour concernant l'interprétation du paragraphe 62(1), qui prévoit la déductibilité des frais de déménagement.

[9] J'ai conclu que l'appelant ne satisfait pas au critère énoncé ci-dessus.

[10] Il a fait valoir que, pour l'application de l'article 64.1, et en vertu du paragraphe 250(1) de la Loi, il était absent du Canada mais y résidait pendant une partie de l'année d'imposition 1994 et que, par conséquent, le paragraphe 62(1) devait être interprété d'une certaine façon. La partie pertinente de l'alinéa 250(1)a) est reproduite ci-dessous :

Pour l'application de la présente loi, une personne est réputée [...] avoir résidé au Canada tout au long d'une année d'imposition si :

a) elle a séjourné au Canada au cours de l'année pendant une période ou des périodes dont l'ensemble est de 183 jours ou plus;

[11] L'appelant a ensuite affirmé qu'il avait séjourné au Canada après le déménagement du mois de juin et que, de ce fait, il avait résidé au Canada, mais en avait été absent une partie de l'année, soit pendant la période antérieure au déménagement à Calgary. Il a mentionné la période qui a suivi le déménagement et a déclaré qu'il avait “ séjourné au Canada ” au cours de cette même période, ce qui représentait plus de 183 jours. Il a invoqué la version française de la Loi, dont les termes “ a séjourné ”, a-t-il dit, signifient, si on les traduit littéralement, “ to live for a time in a place ” (vivre pendant un moment à un endroit), ce qui est différent du sens du terme “ sojourned ” dans la version anglaise, qui a une connotation plus temporaire. Une telle interprétation du terme “ sojourned ” changerait le sens des termes “ reside ” (résider) et “ residence ” (résidence). Dans l'arrêt Thomson v. M.N.R., 2 DTC 812, le juge Estey a dit, à la page 813 :

Areference to the dictionary and judicial comments upon the meaning of these terms indicates that one is “ordinarily resident” in the place where in the settled routine of his life he regularly, normally or customarily lives. One “sojourns” at a place where he usually, casually, or intermittently visits or stays. In the former the element of permanence; in the latter that of the temporary predominates. The difference cannot be stated in precise and definite terms, but each case must be determined after all of the relevant factors are taken into consideration, but the foregoing indicates in a general way the essential difference. It is not the length of the visit or stay that determines the question.

[12] De plus, dans l'arrêt Qing Gang K. Li v. Her Majesty the Queen, 94 DTC 6059, la Cour d'appel fédérale a analysé les termes “ qui séjourne ”, qui figurent dans l'Accord Canada-Chine en matière d'impôts sur le revenu de 1986 :

Je suis d'avis que l'article 19 a pour but d'éviter que l'on impose deux fois les ressortissants canadiens et chinois qui touchent un revenu pendant qu'ils séjournent temporairement dans l'État dont ils ne sont pas ressortissants. C'est ce qu'indiquent clairement les attendus de l'Accord, ainsi que le texte de ce dernier dans son ensemble. Bien que l'on puisse soutenir que la version anglaise de l'article 19 est ambiguë, l'emploi des mots “qui séjourne” dans la version française de cette disposition, qui fait autant autorité, dénote sans l'ombre d'un doute que la présence au Canada dont traite l'article - une condition préalable à l'invocation fructueuse de cette disposition - doit être temporaire.

[13] Je conclus que, après avoir quitté le Texas pour s'installer au Canada en 1994, l'appelant n'a pas “ séjourné ” (sojourn) au Canada. Il a résidé au Canada après ce déménagement. Par conséquent, il ne peut avoir résidé au Canada mais en avoir été absent au cours de la première partie de cette année-là, lorsqu'il vivait au Texas.

[14] Compte tenu de cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'examiner quelque autre argument que ce soit, la prémisse initiale des observations de l'appelant ayant été défaite.

[15] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 8e jour de janvier 1999.

“ R. D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour d’août 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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