Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980723

Dossier: 96-4797-IT-I

ENTRE :

SHEILA ROWE,

appelante,

et

SA MAJETÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Brulé, C.C.I.

[1] L’appelante interjette appel d’une cotisation d’impôt dans laquelle l’intimée n'a pas admis, pour l'année d'imposition 1992, le plein montant de l'exemption du gain en capital demandée par l'appelante à l'égard de la propriété.

Faits

[2] L’appelante a vendu une propriété à usage mixte (commercial et résidentiel), pour laquelle elle a réclamé une exemption du gain en capital sur la partie résidentielle de la vente. Le ministre du Revenu national (le “ Ministre ”), en établissant la cotisation de l’appelante, n’a pas admis une partie de l’exemption du gain en capital au motif que la division du bien-fonds effectuée, par l’appelante, entre l’usage résidentiel et usage commercial, était inexacte. En produisant sa déclaration de revenus, l’appelante a désigné 53 796,60 pieds carrés de propriété comme faisant partie de sa résidence principale. Le Ministre n'a admis que 33 474,57 pieds carrés, plus une superficie additionnelle de 1 200 pieds carrés sur laquelle un hangar à usage personnel était situé (pour un total de 34 674,57 pieds carrés), au motif que seulement cette superficie était nécessaire pour l’usage de la résidence principale.

(Je note en passant que les deux parties réfèrent régulièrement à la superficie de la propriété en pieds carrés plutôt qu'en mètres ou en hectares. Cela cause un certain degré de complication parce que la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”) fait allusion à la superficie en mesures métriques; cela revient à la même chose que si le Ministre établissait la cotisation d'un contribuable en dollars US, ce qui serait totalement absurde.)

Question en litige

[3] Est-ce que la répartition faite par le Ministre de la superficie du terrain entre la résidence principale et la propriété commerciale est correcte?

Analyse

[4] En établissant la nouvelle cotisation de l’appelante, le Ministre s’est fondé sur les hypothèses de fait suivantes :

a) que l’appelante était le propriétaire de la propriété connue comme les numéros municipaux 16-18 (“16-18”) et 20-26 (“20-26”) de la route principale, Long Pond, Terre-Neuve;

b) que le 16-18 était une propriété commerciale générant un loyer perçu par l’appelante et qu’elle a déclaré comme revenu dans le calcul de son revenu imposable;

c) qu'une partie du 20-26 était la résidence principale de l’appelante et que le reste était un terrain vague;

d) que la superficie totale de la propriété de l’appelante à cet endroit était de 86 275,75 pieds carrés (“ la propriété ”);

e) qu'en mars 1991 l’appelante a quitté la propriété pour habiter le 11, Limerick Place, St. John’s, Terre-Neuve;

f) que l’appelante a loué la maison située sur la propriété pendant une partie de 1991 et une partie de 1992;

g) que l’appelante n’a pas fait un choix, comme l'exige le paragraphe 45(2) de la Loi, dans sa déclaration de revenus de 1991;

h) qu’en février 1992, les négociations pour vendre la propriété ont commencé;

i) qu’en septembre 1992, l’appelante a vendu la propriété pour la somme de 345 000 $ à AMALCO Foods, qui a démoli les bâtiments et a construit un supermarché sur le site;

j) qu’avant la conclusion de la vente, en vertu d'un changement de zonage, les premiers 200 pieds de la propriété ont été désignés comme faisant partie de la zone commerciale générale et le reste de la propriété a été désigné comme faisant partie de la zone résidentielle à densité moyenne;

k) que l’évaluation effectuée au nom de l’appelante a révélé que seulement 29 992 pieds carrés du fonds de terre faisaient partie de la résidence principale qui ne comprenait pas le hangar utilisé par l’appelante;

l) que pas plus que 34 674,57 pieds carrés du fonds de terre pourraient raisonnablement être considérés comme contribuant à l’usage de la maison comme résidence, y compris le hangar et le chemin pour s’y rendre;

m) que la juste valeur marchande du fonds de terre qui se rattachait à la résidence principale lors de la vente était tout au plus de 138 596 $;

n) que les 51 601 pieds carrés restants du fonds de terre faisaient partie de la propriété commerciale (“ la propriété commerciale ”);

o) que le prix de base rajusté de la propriété commerciale était tout au plus de 57 550 $;

p) que juste valeur marchande de la propriété commerciale lors de vente était de 206 404 $;

q) que la propriété commerciale était un bien immobilisé vendu par l’appelante et que le produit de la vente constituait un gain en capital;

r) que l’exemption du gain en capital maximale à laquelle l’appelante avait droit pendant l’année d’imposition 1992 était de 75 000 $;

s) que le calcul du gain en capital imposable résultant de la disposition de la propriété de l’appelante (à l’exception de la résidence) était de 104 255,53 $.

[5] Selon la règle générale au sous-alinéa 40(2)g)(ii) de la Loi, un gain en capital réalisé par un résident canadien lors de la vente de sa résidence principale n’est pas imposable.

[6] L'expression “ résidence principale ” est définie à l’alinéa 54 g) de la Loi de 1992 comme suit :

“ résidence principale ” d'un contribuable, pour une année d'imposition, signifie un logement [...]

(i) normalement habité dans l'année par le contribuable,

[...]

sauf qu'en aucun cas, sous réserve de l'article 54.1, le logement ou celui auquel lui donne droit ce droit ou cette action, selon le cas, ne peut être considéré comme étant la résidence principale d'un contribuable pour une année;

(c) à moins que le contribuable, étant un particulier [...], ne l’ait désigné comme étant sa résidence principale pour l’année en la forme et selon les modalités réglementaires et qu’aucun autre bien n’ait été désigné, pour l’application de la présente définition, [...]

[...]

En outre, pour l’application de la présente définition :

(e) la résidence principale d’un contribuable pour une année d’imposition est réputée comprendre [...] le fonds de terre sous-jacent au logement ainsi que la partie du fonds de terre adjacent qu’il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence; toutefois, dans le cas où la superficie totale du fonds de terre sous-jacent et de cette partie excède un demi-hectare, l’excédent n’est réputé faciliter l’usage du logement comme résidence que si le contribuable établit qu’il était nécessaire à cet usage; [...]

[7] Dans cet appel, l’appelante a vendu deux lots de terre adjacents qui ont un zonage mixte résidentiel et commercial. Selon la preuve, il est clair que la résidence principale de l’appelante était située sur une partie du fonds de terre qu’elle avait vendu. L’appelante n’avait pas désigné cette propriété comme sa résidence principale comme l'exige le paragraphe 45(2) de la Loi. Cependant, le Ministre a exempté l'appelante de cette obligation. Le litige entre l’appelante et le Ministre porte sur la partie du profit de la vente qui se rattache à la résidence principale de l’appelante et qui est donc admissible à l’exemption du gain en capital.

[8] L’appelante, lors de la production de sa déclaration de revenus, a tenu pour acquis qu'un fonds de terre d'un demi-hectare (52 216 pieds carrés) sur lequel se trouvait sa résidence principale faisait partie de plein droit de la résidence principale du contribuable en vertu de la Loi, et elle a affecté en conséquence le produit de la vente de la propriété. Cependant, selon une interprétation littérale de l’alinéa (g) de la définition de “ résidence principale ” figurant à l'article 54 de la Loi, il est clair que la disposition crée simplement une présomption réfutable à l’effet que toute superficie de fonds de terre qui dépasse un demi-hectare ne fait pas partie de la résidence principale du contribuable. Tout fonds de terre de moins d’un demi-hectare et qui est sous-jacent (fondamental) et adjacent (attenant) à la résidence principale doit être un fonds de terre “ qu'il est raisonnable de considérer comme facilitant l’usage du logement comme résidence ”.

[9] Le juge Strayer (tel était alors son titre) s’est exprimé comme suit dans l'arrêt Fourt v. the Queen, 91 DTC 5631 (C.F. 1re inst.), à la page 5633:

“En premier lieu, la charge de la preuve qui incombe au contribuable dans le cas d’une disposition d’un fonds de terre d’une superficie de moins d’un demi hectare est beaucoup moins lourde que la charge de la preuve qui s’applique dans le cas d’un fonds de terre de plus d’un demi hectare. Les deux charges de la preuve ont un élément commun, à savoir l’obligation de démontrer que le fonds de terre qui a fait l’objet d’une disposition a facilité “ l’usage et la jouissance du logement comme résidence ”. Mais il suffit, dans le cas de la disposition d’une superficie moins grande, de démontrer qu’“ il est raisonnable de considérer ” que le fonds de terre qui a fait l’objet d’une disposition a facilité cet usage et cette jouissance, tandis que, dans le cas de la disposition d’une superficie plus grande, le contribuable doit établir que cette superficie était “ nécessaire à cet usage et à cette jouissance ”. En second lieu, il me semble que l’usage et la jouissance que le contribuable a effectivement faits de sa propriété sont beaucoup plus importants en ce qui concerne l’application du critère relatif à la dispositions d’un fonds de terre de moins d'un demi hectare. Il n’est pas nécessaire que j’entre dans le débat relatif à la question de savoir si ce qui est “ nécessaire ” dans le cas de la disposition d’une superficie plus grande constitue un critère objectif ou un critère subjectif. Cependant, pour ce qui est du critère applicable dans le cas de la disposition d’une superficie moins grande, la seule exigence est qu’il soit “ raisonnable de considérer ” que le fonds de terre qui fait l’objet d’une disposition a facilité l’usage et la jouissance en question. Le mot “ raisonnable ” suppose un critère objectif quelconque, en ce sens que la Cour n’est pas obligée d’accepter les vues les plus extravagantes ou fantasques du contribuable sur la façon dont le fonds de terre adjacent facilite l’usage ou la jouissance de sa résidence. Mais lorsqu’il existe, comme en l’espèce, des éléments de preuve dignes de foi concernant l’usage et la jouissance que le contribuable a effectivement faits du fonds de terre adjacent relativement à sa maison, on doit accorder beaucoup de valeur à ces éléments de preuve pour déterminer s’il est raisonnable de considérer que ce fonds de terre a facilité au contribuable l’usage et la jouissance de sa résidence ”.

[10] L’arrêt Fourt (précité) n’a pas été considéré dans les décisions rapportées par la suite.

[11] En considération des motifs ci-dessus et des éléments de preuve présentés au procès, l’appel est par la présente rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juillet 1998

“ J.A. Brulé

J. C. C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 7e jour de décembre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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