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Date: 20000320

Dossier: 1999-577-IT-I

ENTRE :

BERNICE ERLY,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

La juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel portant sur les années d'imposition 1994, 1995 et 1996. La question en litige est celle de savoir si le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a à bon droit imposé des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) pour ces années.

[2] L'appelante n'a pas contesté le fait qu'elle n'avait pas déclaré certains revenus d'emploi pour les années en cause, mais a soutenu que cette non-déclaration a été faite de bonne foi et dans la croyance sincère que son employeur s'occupait de l'impôt sur le revenu.

[3] Les faits sur lesquels s'est appuyé le ministre pour établir la cotisation à l'égard de l'appelante sont énoncés aux paragraphes 2 et 3 de la réponse à l'avis d'appel (la “ réponse ”) et sont les suivants :

[TRADUCTION]

2. Le 4 juin 1998, en établissant une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) :

a) a ajouté au revenu total de l'appelante un revenu d'emploi de 18 088 $ en 1994, de 9 701 $ en 1995 et de 11 879 $ en 1996;

b) a autorisé la déduction de frais relatifs à un emploi de 1 200 $ en 1994, de 700 $ en 1995 et de 650 $ en 1996;

c) a imposé une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de 16 888 $ en 1994, de 9 001 $ en 1995 et de 11 229 $ en 1996.

3. En établissant ainsi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelante, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

a) au cours des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, l'appelante a travaillé pour Marilyn Craig, qui offrait des soins de santé à domicile;

b) au cours des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, Marilyn Craig a considéré l'appelante comme une entrepreneure;

c) au cours des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, Marilyn Craig a fait des affaires avec un CLSC;

d) au cours des années d'imposition 1994, 1995 et 1996, l'appelante devait faire le transport de patients;

e) l'appelante a reçu un salaire de Marilyn Craig de 18 088 $ en 1994, de 9 701 $ en 1995 et de 11 879 $ en 1996;

f) comme l'appelante devait utiliser son véhicule personnel, le ministre a accordé la déduction de frais d'automobile de 1 200 $ pour 1994, de 700 $ pour 1995 et de 650 $ pour 1996;

g) l'appelante, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la Loi, a fait des faux énoncés ou des omissions dans les déclarations de revenu qu'elle a produites pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996, ou y a participé, y a consenti ou y a acquiescé, de sorte que l'impôt qui aurait été payable selon les cotisations établies en fonction des renseignements fournis dans les déclarations de revenu de l'appelante produites pour ces années-là était inférieur à l'impôt effectivement payable;

h) par suite de cette déclaration en moins du revenu, le ministre a imposé à l'appelante en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi des pénalités de 1 578,47 $, de 662,06 $ et de 896,69 $ pour les années d'imposition 1994, 1995 et 1996 respectivement.

[4] Dans son avis d'appel, l'appelante expose sa position de la manière suivante :

[TRADUCTION]

Je suis une personne honorable et j'ai produit une déclaration de revenu tous les ans depuis que j'ai seize ans. Mon dernier employeur, Marilyn Craig Home Health Care Services (MCHHCS), m'a trompée en me disant qu'il payait tous les impôts applicables pour TOUS les membres de son personnel. Je n'ai jamais reçu de document ni de déclaration de MCHHCS qui me faisait croire que cet arrangement était faux. MCHHCS a affirmé que ses avocats, qui avaient une bonne réputation, veillaient à ce que tout soit légal et fait correctement.

Pour notre salaire net de 7 $ l'heure, nous devions nous vêtir de manière appropriée afin de bien représenter MCHHCS, avoir à notre disposition un véhicule personnel pour conduire les patients jusqu'à leurs lieux de rendez-vous et les reconduire chez eux ainsi que leur fournir les soins nécessaires. Nous avons été informés également que nos véhicules étaient assurés lorsque nous les utilisions dans l'exercice de nos fonctions pour MCHHCS.

J'ai réellement cru, de bonne foi (j'étais traitée comme une amie intime), que la déclaration de MCHHCS était vraie et que les impôts appropriés sur le salaire gagné chez MCHHCS étaient payés.

Comme mon ancien employeur, MCHHCS, a omis de remplir ses obligations légales d'employeur honnête, je suis d'avis qu'aucune preuve de négligence ne peut être établie contre moi.

[5] Mme Norma Mac Donald et l'appelante ont témoigné à la demande du représentant de l'appelante. Mme Marilyn Craig a témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée.

[6] Les alinéas 2a) et b) et 3a), d), e) et f) ont été admis. L'appelante a été payée par chèque hebdomadairement.

[7] Mme Mac Donald était la coordonnatrice de Home Healthcare Services. Elle était également soignante. Elle a affirmé que, comme l'appelante, elle croyait que Mme Marilyn Craig, propriétaire de l'entreprise employeuse, Home Healthcare Services, s'occupait de l'aspect fiscal de son revenu. Le ministre a établi à son égard également une cotisation pour revenu non déclaré, et elle a payé les pénalités. Elle a affirmé n'avoir pas contesté les pénalités parce qu'elle ne souhaitait pas subir les tracas d'un litige. Elle a déclaré que les soignants demandaient parfois à Mme Craig : [TRADUCTION] “ Qu'en est-il des impôts? ” et Mme Craig répondait : [TRADUCTION] “ Ne vous inquiétez pas, nous nous occupons de tout. ”

[8] L'appelante a indiqué dans son témoignage qu'elle travaillait depuis qu'elle avait terminé l'école secondaire. Elle avait été salariée pendant bien des années et n'avait jamais eu de problème d'impôt sur le revenu. Elle a affirmé qu'elle n'avait jamais reçu de feuillet T4 de Mme Craig, et qu'on lui avait dit à maintes reprises qu'il n'y avait pas d'impôt sur le revenu à payer, que Mme Craig s'occupait de cela. Son conjoint, maintenant décédé, avait demandé à Mme Craig des précisions à ce sujet puisqu'il était directeur du service de la comptabilité d'une entreprise. Il aurait reçu la même réponse de Mme Craig.

[9] Lorsque Mme Craig a témoigné, elle a déclaré que ce qu'elle avait dit à ses employés ou entrepreneurs était que le revenu était minime et que les impôts seraient très bas s'il y en avait. Elle a affirmé qu'elle ne leur avait jamais dit de ne pas déclarer leur revenu. Ils gagnaient un faible revenu et, de ce point de vue, l'impôt sur le revenu allait être très bas. Elle avait 27 employés et elle ne savait pas que 90 p. 100 d'entre eux n'avaient pas déclaré leur revenu avec exactitude.

[10] Le représentant de l'appelante a soutenu que cette dernière n'avait pas sciemment omis de déclarer son revenu, qu'elle avait tout lieu de croire que ses impôts étaient payés. Par conséquent, aucune pénalité ne devrait être imposée, selon le représentant de l'appelante.

[11] L'avocat de l'intimée a soutenu que l'appelante travaillait depuis la fin de ses études secondaires et que, de ce fait, elle savait très bien qu'elle devait remplir des déclarations de revenu. Il a également soutenu que, même si son employeur lui avait dit que son revenu était faible et qu'elle pouvait ne pas avoir à payer d'impôt, l'appelante savait assurément que l'ensemble du revenu gagné par une personne doit être déclaré annuellement par cette personne. Si elle ne l'a pas déclaré, cela avait été fait sciemment ou du moins dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la Loi.

[12] L'avocat de l'intimée a fait référence à R. Girard c. M.R.N., C.C.I., no 82-1772, 10 août 1988, aux pages 6 et 7 ([1989] 1 C.T.C. 2138, aux pages 2140 et 2141) :

Pour se dégager de sa responsabilité devant la loi lorsqu'un appelant a omis de déclarer un revenu, il ne suffit pas pour lui d'attribuer cette omission à des circonstances apparemment hors de son contrôle et d'essayer de placer le blâme sur des tiers. [...]

[...]

[...] Mais pour réussir à convaincre la Cour que l'infraction qu'il a pu commettre l'a été en raison de circonstances indépendantes de son contrôle, et dégager ainsi sa responsabilité, il doit lui démontrer qu'il a apporté une attention et une diligence raisonnable dans les circonstances à la préparation et à la production de sa déclaration.

[13] L'avocat de l'intimée a également fait référence à G. Sigouin c. M.R.N., C.C.I., no 90-3339, 28 août 1992, aux pages 6 à 8 ([1993] 2 C.T.C. 2760, à la page 2764) :

Dans la présente cause, l'appelant affirme ne pas avoir déclaré les revenus de location et d'intérêts parce qu'il n'avait pas les informations ou les documents pertinents [...] De plus, à supposer même que l'on puisse accepter une telle explication, il n'en reste pas moins que l'appelant n'a fait état d'aucune démarche pour s'assurer d'obtenir les informations nécessaires de façon à compléter sa déclaration correctement [...]

[...] Ainsi, ici encore, si je ne peux affirmer avec certitude que c'est “ sciemment ” que l'appelant a omis de mentionner la vente de l'immeuble de la rue Marlowe, du moins puis-je conclure que cette omission doit être considérée “ dans des circonstances équivalant à faute lourde ”.

Conclusion

[14] Le paragraphe 163(2) de la Loi est ainsi formulé :

Toute personne qui, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la présente loi ou à un règlement d'application, fait un faux énoncé ou une omission dans une déclaration, un formulaire, un certificat, un état ou une réponse — appelé “ déclaration ” au présent article — rempli ou produit pour une année d'imposition conformément à la présente loi ou à un règlement d'application, ou y participe, y consent ou y acquiesce est passible d'une pénalité égale, sans être inférieure à 100 $, à 50 % du total :

a) de l'excédent éventuel

(i) de la fraction éventuelle de l'impôt qui serait payable par cette personne pour l'année en vertu de la présente loi qui est en sus [...]

[15] Le paragraphe 150(1) de la Loi est ainsi formulé :

Il doit être produit auprès du ministre, sans avis ni mise en demeure, une déclaration de revenu selon le formulaire prescrit, contenant les renseignements prescrits, pour chaque année d'imposition dans le cas d'une corporation — à l'exception d'une corporation qui a été, tout au long de l'année, un organisme de charité enregistré — et, dans le cas d'un particulier, pour chaque année d'imposition pour laquelle un impôt est payable — ou le serait s'il n'était pas tenu compte des articles 127.2 et 127.3 de la présente partie — ou dans laquelle le particulier a un gain en capital imposable ou a disposé d'un bien en immobilisation ou encore pour laquelle il a reçu un versement en application de l'article 164.1 :

[...]

[16] Le paragraphe 150(1) de la Loi exige que, dans le cas d'un particulier, une déclaration de revenu soit produite auprès du ministre pour chaque année d'imposition pour laquelle un impôt est payable. À un moment donné au cours de l'analyse du présent appel, je me demandais si un impôt était payable sur les petits montants reçus par la contribuable et j'ai été informée par les deux parties que c'était le cas, particulièrement puisqu'il y avait d'autres revenus pour chacune des années d'imposition en cause. On doit également tenir compte du fait qu'aucune pénalité ne serait imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi s'il n'y avait pas eu d'impôt payable puisque les pénalités sont calculées sur la base de l'impôt payable excédentaire.

[17] Pour ce qui est de l'application du paragraphe 163(2) de la Loi, l'appelante a déclaré dans son avis d'appel qu'elle était une personne honnête et honorable et qu'elle n'avait pas omis intentionnellement d'inclure le revenu en question dans sa déclaration de revenu. Je n'ai aucun motif de ne pas croire qu'elle est une personne honnête et honorable dans sa vie familiale et sociale. Toutefois, il me serait difficile de conclure, dans les circonstances de la présente affaire, que l'appelante n'a pas agi, si ce n'est sciemment, du moins dans des circonstances équivalant à faute lourde en ne déclarant pas la totalité de son revenu. Même si elle croyait que les impôts avaient été déduits de son revenu par son employeur et que celui-ci avait remis ces impôts au ministre, elle savait du fait de son expérience comme travailleuse qu'elle devait produire des déclarations de revenu indiquant son revenu et les montants déduits pour elle par son employeur. Je dois en conséquence conclure que pour ce qui est de l'exécution de son obligation de

se conformer aux dispositions de la Loi, elle n'a pas exercé le degré de soin et de diligence requis. Par conséquent, ses appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour de mars 2000.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

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