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Date: 19971014

Dossiers: 94-2355-UI; 94-74-CPP

ENTRE :

W.A. PACIFIC RIM COMPANY INC.,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

CAROL-ANN NELSON,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge Mogan, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance ont été introduits sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada. L'unique question est de savoir si certains particuliers qui ont fourni des services à l'appelante en 1992 et en 1993 doivent être considérés en droit comme des employés ou des entrepreneurs autonomes.

[2] L'appelante exploite une entreprise de transport de marchandises par camion. Elle a également des contrats avec la Société canadienne des postes, aux termes desquels elle effectue la livraison de colis et de dépliants publicitaires, que l'appelante appelle le “courrier publicitaire”. Les dépliants sont des publicités en couleurs envoyées en général par des magasins de vente au détail en vue de leur livraison directe à domicile. Les dépliants ou les publicités sont parfois perçus par le public comme de la publicité-rebut. L'appelante avait conclu avec la Société canadienne des postes des contrats prévoyant la livraison de ces dépliants dans la région de Niagara près de St. Catharines et dans la ville de Hamilton et les régions urbaines voisines. Les appels en l'instance ne se rapportent qu'aux activités de l'appelante relatives à la livraison de dépliants dans la ville de Hamilton et les régions urbaines voisines.

[3] Au cours d'une fin de semaine moyenne, l'appelante était chargée de livrer des dépliants produits par un certain nombre de magasins de vente au détail et d'établissements de restauration bien connus comme Zellers, Canadian Tire, Poulet frit Kentucky, etc. Ces dépliants sont livrés à l'entrepôt de l'appelante situé dans la région de Hamilton. À l'entrepôt, les dépliants d'un magasin donné sont divisés en paquets et le nombre de dépliants contenus dans chaque paquet est fonction des parcours établis par la Société canadienne des postes aux fins de la distribution postale. Chaque parcours compte un nombre donné d'habitations résidentielles. Ce nombre peut varier considérablement selon que les habitations sont des résidences unifamiliales, des immeubles d'habitation ou qu'il s'agit d'un secteur résidentiel d'une densité se situant entre les deux. Pour compenser, l'appelante établissait une distinction entre les immeubles d'habitation où de nombreux dépliants pouvaient être livrés à un seul endroit et les secteurs résidentiels à densité plus faible comprenant des résidences unifamiliales et des maisons à deux logements, où une livraison était faite à chaque endroit.

[4] La livraison porte-à-porte comme telle était effectuée par des particuliers que l'appelante appelait des “marcheurs”. Chacun d'entre eux se voyait attribué au moins un parcours chaque fin de semaine. Les parcours étaient identiques aux parcours habituels de la Société canadienne des postes pour la livraison du courrier. Dans un secteur résidentiel moyen à faible densité, le marcheur pouvait livrer approximativement 90 dépliants à l'heure et devait travailler environ trois heures, de sorte qu'il pouvait livrer jusqu'à 300 dépliants. Dans un secteur résidentiel à forte densité comprenant des immeubles d'habitation par exemple (appelés les parcours “accès avec clé” pour des raisons exposées plus loin), un marcheur pouvait livrer beaucoup plus de dépliants en bien moins de temps parce qu'un seul immeuble d'habitation pouvait compter entre 100 et 200 appartements. Ces parcours portaient le nom d'“accès avec clé” parce que la Société canadienne des postes possédait une clé spéciale pour chaque immeuble lui permettant d'accéder aux boîtes aux lettres de tous les appartements qui se trouvaient dans un immeuble donné. Comme l'appelante avait un contrat avec la Société canadienne des postes, pour laquelle les dépliants en question étaient livrés, la Société canadienne des postes fournissait à l'appelante la clé lui permettant d'avoir accès à toutes les boîtes aux lettres dans chaque immeuble d'habitation. Le marcheur était en mesure de livrer les dépliants dans chaque immeuble d'habitation en ouvrant chaque boîte aux lettres comme si les dépliants étaient du courrier ordinaire de la nature de celui qui est livré en semaine.

[5] Le premier contact de l'appelante avec les marcheurs était généralement établi au moyen d'annonces publicitaires dans les journaux de l'endroit. L'appelante faisait simplement publier une annonce où elle indiquait qu'elle avait besoin de marcheurs pour la livraison de dépliants les fins de semaine sur des parcours préétablis. Nombre de particuliers répondaient à l'annonce, à la recherche d'une occasion de gagner un peu d'argent en échange de quelques heures de travail. Les personnes qui répondaient aux annonces devaient assister à une réunion qui se tenait à l'entrepôt de l'appelante à une heure donnée. Au cours de cette réunion, elles visionnaient un vidéo produit par la Société canadienne des postes, et un employé d'expérience de l'appelante décrivait ce qu'il fallait faire pour livrer les dépliants et pour respecter le contrat de l'appelante avec la Société canadienne des postes. L'obligation imposée aux marcheurs peut se résumer comme suit :

1. Le marcheur devait se présenter à l'entrepôt de l'appelante le samedi entre 7 h et 14 h pour y cueillir les dépliants.

2. Le marcheur était tenu de rassembler le nombre de dépliants à livrer de façon qu'aucun dépliant ne soit plié à l'intérieur d'un autre. La Société canadienne des postes avait avec ses clients une entente suivant laquelle chaque dépliant devait constituer un article séparé dans le paquet de dépliants à livrer un jour donné, de façon que le petit dépliant d'un magasin ne soit pas perdu dans le dépliant plus grand d'un autre magasin. Il incombait à chaque marcheur de faire son paquet de dépliants de la manière prescrite par la Société canadienne des postes. Cela pouvait être fait à l'entrepôt de l'appelante ou à la maison du marcheur.

3. Le marcheur devait avoir un véhicule de façon à pouvoir cueillir les dépliants à l'entrepôt de l'appelante et les transporter dans les secteurs où ils seraient livrés.

4. Les dépliants devaient être livrés le dimanche entre 8 h et 21 h. Si, pour une raison ou une autre (c'est-à-dire les conditions météorologiques, la maladie, etc.), les dépliants ne pouvaient être livrés le dimanche, ils devaient être livrés le lundi et, quoi qu'il en soit, au plus tard le lundi à 21 h.

5. Lorsqu'il avait terminé un parcours ou plus, le marcheur devait appeler l'entrepôt de l'appelante pour indiquer les parcours qui avaient été faits.

[6] Les marcheurs à qui on avait attribué les parcours à accès avec clé recevaient une clé de bureau de poste pour laquelle ils versaient un dépôt de 10 $. Cela était nécessaire pour garantir la remise de la clé puisqu'il était important de ne pas laisser le public avoir accès aux boîtes aux lettres situées dans divers immeubles d'habitation. Un sac pour transporter les dépliants était remis à chaque marcheur. Les sacs, de haute qualité, coûtaient à l'appelante environ 85 $ chacun; c'est pourquoi celle-ci exigeait un dépôt de 40 $ pour chaque sac. En raison du taux élevé de roulement des marcheurs, nombre de sacs n'étaient utilisés par un marcheur qu'une seule fin de semaine.

[7] M. William Armstrong, président de la société appelante, a témoigné à titre de témoin principal de l'appelante. Il a déclaré qu'il y avait un roulement élevé de marcheurs pour une variété de raisons. Le travail n'était pas très rémunérateur et certains particuliers ne revenaient pas après n'avoir travaillé qu'un dimanche. Le marcheur amenait parfois des membres de sa famille pour accélérer la livraison mais, s'ils étaient pourchassés par un chien ou vivaient quelque autre incident déplaisant, ils ne revenaient pas. Le mauvais temps un dimanche donné pouvait rebuter certaines personnes. Et, enfin, d'aucuns n'avaient tout simplement pas assez de discipline personnelle pour se lever régulièrement le dimanche matin afin d'aller livrer les dépliants. En conséquence, il y avait un roulement élevé parmi les marcheurs, mais l'appelante pouvait compter sur un bon noyau de marcheurs réguliers qui allaient livrer des dépliants tous les dimanches.

[8] Au cours d'une fin de semaine donnée, il pouvait y avoir entre 100 et 150 marcheurs qui distribuaient des dépliants. Il y avait également huit à dix autres personnes, appelées les “vérificateurs”. Comme son nom l'indique, le vérificateur a pour fonction de vérifier la livraison des dépliants par un nombre donné de marcheurs qui relèvent de lui. L'un d'entre eux, M. Korczynski, a témoigné à l'audition et il a décrit la façon dont il exécutait sa tâche de vérificateur. Il y a d'abord lieu de noter qu'il n'était pas tenu d'effectuer la vérification lui-même. Au cours des années en cause, soit 1992 et 1993, M. Korczynski gérait un hôtel; il a donc pris des dispositions pour que son épouse effectue la vérification environ une fois sur deux. Lorsqu'il effectuait la vérification, il utilisait une méthode de sélection au hasard et vérifiait un certain nombre de résidences au début d'un parcours donné, un certain nombre à la fin du parcours, et un certain nombre au milieu. Une fois déterminé le groupe de résidences qui feraient l'objet de la vérification au hasard, il pouvait vérifier les boîtes aux lettres ou frapper à la porte de certaines résidences pour demander à ceux qui y habitaient s'ils avaient reçu le paquet de dépliants. S'il faisait beau et qu'un résident était dehors en train de tondre le gazon ou de râteler les feuilles, il lui demandait si le marcheur était passé et si les dépliants avaient bien été livrés. En utilisant cette méthode de vérification au hasard pour chaque parcours, a déclaré M. Korczynski, il pouvait savoir si le marcheur avait bel et bien fourni les services de livraison.

[9] M. Armstrong a expliqué qu'il fallait des vérificateurs pour trois raisons. D'une part, il était impossible d'effectuer une vérification en profondeur de l'honnêteté ou des antécédents de travail de chaque personne qui offrait ses services comme marcheur et il y avait eu certains cas isolés dans le passé où le marcheur avait simplement jeté un paquet de dépliants dans un endroit retiré sans effectuer la moindre livraison. D'autre part, le bureau de poste effectuait sa propre vérification le mardi ou le mercredi de chaque semaine, après avoir été avisé par l'appelante que toutes les livraisons avaient été effectuées. L'appelante n'avait aucun moyen de savoir quels parcours seraient vérifiés par le bureau de poste, de sorte qu'il lui fallait des vérificateurs pour vérifier l'ensemble de l'activité. Enfin, il était important que les marcheurs sachent que l'appelante employait des vérificateurs et que, par conséquent, leurs services de livraison étaient surveillés.

[10] Les marcheurs et les vérificateurs ne portaient pas d'uniforme aux couleurs de l'appelante, mais chaque marcheur et chaque vérificateur portait un insigne d'identité avec une photographie de la personne d'un côté et, de l'autre, le nom de l'appelante et l'inscription “Société canadienne des postes”. L'insigne d'identité visait à protéger les personnes au cas où on les interpellerait parce qu'ils se trouvaient sur une propriété privée ou dans la salle de courrier d'un immeuble d'habitation.

[11] Dans les appels en l'instance, ce n'est que la classification des marcheurs et des vérificateurs qui est en litige. À l'ouverture de l'audition, l'avocat de l'appelante a admis que sa cliente reconnaissait que les personnes qui travaillaient dans son bureau ou son entrepôt étaient des employés et non des entrepreneurs autonomes.

[12] En ce qui concerne les faits essentiels des appels en l'instance, deux éléments me donnent à penser que les marcheurs et les vérificateurs étaient des entrepreneurs autonomes et non des employés. Premièrement, les livraisons sur un parcours donné n'avaient pas à être effectuées par le marcheur à qui le parcours en question avait été attribué. Ainsi, une personne “X” pouvait répondre à l'annonce de l'appelante, assister à la réunion à l'entrepôt de l'appelante pour visionner le vidéo du bureau de poste et recevoir les instructions concernant la livraison de dépliants, être retenue par l'appelante comme marcheur qualifié, et se voir attribuée un nombre donné de parcours pour la fin de semaine suivante. Le dimanche suivant, X pouvait faire livrer les dépliants par ses enfants, des parents ou des amis, et elle se trouvait à s'être acquittée de sa responsabilité envers l'appelante dans la mesure où les dépliants avaient bien été livrés à toutes les résidences se trouvant sur le parcours. Les mêmes remarques s'appliquent aux vérificateurs puisqu'ils n'étaient pas tenus d'effectuer la vérification eux-mêmes dans la mesure où ils étaient convaincus, d'une manière responsable, que la livraison de dépliants sur les parcours qui leur étaient attribués avait été vérifiée. Dans le cas précis de M. Korczynski, ce dernier a déclaré que son épouse effectuait la vérification environ une fois sur deux. M. Armstrong a déclaré qu'un certain nombre de vérificateurs avaient une plus longue expérience chez l'appelante car ils avaient d'abord été des marcheurs.

[13] Le second élément qui joue en faveur de l'appelante est ce que j'appellerais la nature occasionnelle des services de livraison et de vérification. Il ne s'agissait pas d'un travail hautement spécialisé. Une personne pouvait être formée pour effectuer les tâches d'un marcheur ou d'un vérificateur en moins d'une heure. Le volume de travail ne pouvait jamais excéder quelques heures au cours d'une semaine donnée. Personne ne pouvait compter sur les revenus tirés de ce travail pour assurer sa subsistance. Et, enfin, le travail semblait attirer un nombre anormalement élevé de personnes qui manquaient d'endurance au travail, car il y avait parmi les marcheurs un taux de roulement élevé. M. Armstrong a indiqué qu'en général, les vérificateurs restaient plus longtemps chez l'appelante. Même les vérificateurs, cependant, ne pouvaient compter sur les services qu'ils fournissaient à l'appelante pour assurer leur subsistance. Les tâches des marcheurs et des vérificateurs étaient en raison de leur nature exécutées rapidement les fins de semaine, ce qui ne pouvait engendrer qu'un revenu occasionnel en contrepartie de services occasionnels.

[14] Dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. v. M.N.R., 87 DTC 5025, la Cour d'appel fédérale a eu recours à un critère à quatre volets pour déterminer si un particulier était un employé ou un entrepreneur autonome. Les quatre volets du critère sont le contrôle, la propriété des instruments de travail, les chances de profit ou les risques de pertes et l'intégration. En ce qui concerne le contrôle, l'appelante exerçait un contrôle infime sur les marcheurs et les vérificateurs. Bien qu'elle désignât elle-même les marcheurs et les vérificateurs, elle ne faisait aucun effort pour déterminer si c'était la personne désignée qui avait livré les dépliants ou effectué la vérification. Le particulier qui acceptait de fournir des services de livraison à titre de marcheur ou de vérifier les livraisons à titre de vérificateur pouvait fournir ces services lui-même ou demander à un parent ou un ami responsable de fournir ces services pour son compte. Il est vrai que les services du marcheur étaient vérifiés par un vérificateur et qu'à leur tour, les services du vérificateur étaient vérifiés par la Société canadienne des postes. Cette vérification ne comporte cependant pas en elle-même quelque élément de contrôle que ce soit. Elle pouvait correspondre à l'examen de n'importe quel client qui fait effectuer un travail par un entrepreneur autonome.

[15] Pour ce qui est du second volet du critère, la propriété des instruments de travail, ce dont un marcheur avait surtout besoin c'était d'un véhicule pour transporter les dépliants de l'entrepôt de l'appelante aux secteurs où les dépliants seraient distribués. Il était absolument nécessaire qu'une personne souhaitant être un marcheur ait un véhicule capable de transporter les dépliants. Les seuls autres articles qui pourraient être qualifiés d'“instruments” étaient les clés du bureau de poste utilisées pour les parcours “accès avec clé” et les sacs que les marcheurs utilisaient pour transporter les dépliants. Bien que la clé soit essentielle pour faire la livraison dans les immeubles d'habitation parce qu'elle donnait accès aux boîtes aux lettres individuelles situées dans l'entrée de chaque immeuble, le sac n'était pas essentiel si le marcheur disposait d'autres moyens pour transporter les dépliants. Si un marcheur craignait d'endommager le sac fourni par l'appelante, il pouvait utiliser un chariot ou un panier ou tout autre pièce d'équipement pour transporter les dépliants. Il importait peu à l'appelante que les dépliants soient transportés dans l'un de ces sacs spéciaux, tant que les dépliants étaient livrés aux résidences désignées sur un parcours donné. Les vérificateurs aussi devaient avoir un véhicule parce que chacun d'eux vérifiait les livraisons d'un bon nombre de marcheurs (probablement 15). Pour le marcheur et pour le vérificateur, le véhicule était le principal instrument de travail. L'autre article, l'insigne d'identité, paraît avoir été la propriété des marcheurs et des vérificateurs car la plupart d'entre eux gardaient les insignes lorsqu'ils mettaient fin à leur association avec l'appelante.

[16] Tout bien considéré, je conclus que le critère de la “propriété des instruments de travail” joue en faveur de l'appelante parce que l'article le plus important pour les marcheurs et les vérificateurs était un véhicule capable de transporter des paquets de dépliants ou de permettre au vérificateur de couvrir un grand nombre de parcours de livraison. Cet article était beaucoup plus important que le sac qui était fourni par l'appelante en contrepartie d'un dépôt. Le véhicule appartenait toujours au marcheur ou au vérificateur et non à l'appelante. En ce qui concerne la clé donnant accès aux immeubles d'habitation, elle était essentielle pour avoir accès aux boîtes aux lettres individuelles situées dans les immeubles, mais la clé elle-même appartenait au bureau de poste et non à l'appelante.

[17] En ce qui concerne le troisième volet du critère, la “chance de profit et les risques de pertes”, les marcheurs étaient payés à la pièce. La pièce A-4 est un tableau indiquant les taux que touchaient les marcheurs pour, soit les parcours ordinaires faits à pied, soit les parcours à accès avec clé. Cette pièce est datée du 1er avril 1993 et elle établit les taux relativement (i) au triage des dépliants, (ii) à la livraison des dépliants et (iii) à l'allocation pour l'utilisation du véhicule. Il ressort clairement de la pièce A-4 que les taux augmentent selon le nombre de dépliants que le marcheur doit livrer au cours d'une fin de semaine donnée. Par conséquent, un marcheur qui est très productif peut accepter un plus grand nombre de parcours et, en faisant la livraison plus vite, faire plus d'argent en moins de temps. Aussi, M. Armstrong a déclaré catégoriquement que l'appelante n'était pas responsable des dommages causés par le véhicule d'un marcheur ou d'un vérificateur. En d'autres termes, si un marcheur ou un vérificateur utilisant son propre véhicule pour livrer des dépliants ou faire la vérification des livraisons causait des dommages personnels ou matériels à une tierce partie, il lui incombait d'assumer le coût de ces dommages. De l'avis de M. Armstrong, l'appelante n'assumait pas la moindre responsabilité pour les dommages. En plus d'assumer le risque de dommages, le marcheur et le vérificateur payaient les frais de fonctionnement de leurs véhicules mais, en retour, ils touchaient une allocation pour le véhicule, ainsi qu'il est indiqué à la pièce A-4. Ni le marcheur ni le vérificateur ne touchait un taux horaire fixe.

[18] Parce qu'un marcheur n'était pas tenu d'effectuer les livraisons lui-même, il pouvait gagner plus d'argent en ayant recours à des parents ou à des amis pour l'aider à effectuer les livraisons et en acceptant un nombre accru de parcours. Le travail du marcheur comporte un élément d'entrepreneuriat qui, en général, ne se retrouve pas dans le travail d'un employé. Si cet élément d'entrepreneuriat est absent du travail du vérificateur, il est établi que celui-ci disposait d'une plus grande marge de manoeuvre pour effectuer la vérification des livraisons de dépliants. La chance de profit ou le risque de pertes en tant que critère soit ne favorise personne, soit fait davantage pencher la balance en faveur de l'entrepreneur autonome.

[19] Enfin, en ce qui concerne le critère de l'intégration, le service de livraison de dépliants n'était pas la seule entreprise exploitée par l'appelante. Celle-ci exploite également une entreprise de transport par camion. L'appelante ne se retrouverait pas sans travail s'il était mis fin au service de livraison de dépliants. Compte tenu du critère à quatre volets énoncés dans l'arrêt Wiebe Door, je conclus que les marcheurs et les vérificateurs étaient des entrepreneurs autonomes et non des employés.

[20] Ma conclusion dans les appels en l'instance est appuyée par deux autres décisions de la Cour. Je renvoie à Mister Messenger Inc. v. M.N.R. (dossier 88-553(UI)), une décision du juge Baryluk datée du 16 août 1989, et à Charles McKinnon v. M.N.R. (dossier 93-335(UI)), une décision du juge Margeson en date du 19 janvier 1994. L'intimé a invoqué la décision de la Cour dans 872538 Ontario Inc. v. M.N.R. (dossier 92-644(UI)), parfois appelée l'affaire “Pizza Pizza”. Dans cette affaire, le juge Teskey a statué que les chauffeurs étaient des employés, mais ils étaient contrôlés par la compagnie, et la plus grande partie de l'équipement nécessaire à la pizzeria appartenait à la compagnie. À mon avis, l'affaire Pizza Pizza se distingue nettement des appels en l'instance. Les appels sont accueillis.

“M. A. Mogan”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour de novembre 1997.

Benoît Charron, réviseur

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