Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000602

Dossier: 1999-2228-IT-I

ENTRE :

WADE EMBERLEY,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance ont été entendus à St. John's (Terre-neuve), le 23 mai 2000.

Questions en litige

[2] Il s'agit de déterminer, d'une part, si, dans les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant avait droit à une réduction de 390 $ d'un avantage imposable de 2 180,88 $ lié à l'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule fourni par son employeur et, d'autre part, s'il avait le droit de déduire des frais d'essence de 3 425 $ en 1994 et de 3 275 $ en 1995.

[3] La réponse à l'avis d'appel est libellée dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'appelant a déduit, en plus de dépenses qui ne sont pas en litige, le montant de 390 $, par année, à titre de frais de démonstration, et les montants de 3 425 $ et de 3 275 $ respectivement à titre de frais d'essence (les “ frais d'essence ”).

Dans des avis de nouvelles cotisations datés du 2 juin 1997, le ministre a établi à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1994 et 1995 de nouvelles cotisations dans lesquelles il a refusé, en plus de montants qui ne sont pas en litige, les frais de démonstration et les frais d'essence.

L'appelant a déposé un avis d'opposition valide relativement aux frais de démonstration de 390 $ pour les années d'imposition 1994 et 1995 et aux frais d'essence de 3 425 $ pour l'année d'imposition 1994 et de 3 275 $ pour l'année d'imposition 1995.

Pour ainsi établir de nouvelles cotisations à l'égard de l'appelant, le ministre s'est fondé notamment sur les hypothèses suivantes :

pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelant travaillait comme vendeur d'autos pour The Royal Garage Limited (l'“ employeur ”);

les commissions comptaient pour plus de 87 p. 100 du revenu de l'appelant au cours des années d'imposition 1994 et 1995;

au cours des années civiles 1994 et 1995, l'employeur a, chaque semaine, déduit un montant de 7,50 $ du chèque de paie de l’appelant, au titre de l'utilisation par ce dernier d'un véhicule de démonstration;

sur chacun des feuillets T-4 remis à l'appelant pour 1994 et 1995, l'employeur a déclaré un montant de 2 180,88 $ à titre d'avantage imposable lié à l'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule fourni par l'employeur;

dans le calcul de l'avantage imposable lié à l'utilisation à des fins personnelles d'un véhicule fourni par l'employeur pour les années d'imposition 1994 et 1995, l'employeur a réduit l'avantage de 390 $, ce qui représente les 52 retenues hebdomadaires de 7,50 $ sur le chèque de paie de l'appelant pour l'utilisation du véhicule de démonstration;

le calcul par l'employeur de l'avantage imposable reçu par l'appelant relativement à l'utilisation à des fins personnelles du véhicule fourni par l'employeur a permis la déduction de tous les frais de démonstration retenus sur le chèque de paie de l'appelant;

l'employeur remettait à l'appelant 25 $ par semaine pour dédommager ce dernier de la consommation d'essence liée à son travail;

l'appelant n'a fourni aucune facture pour prouver qu'il avait engagé des frais d'essence supérieurs au montant de 25 $ que lui remettait son employeur chaque semaine;

le ministre a admis une déduction supplémentaire de 200 $ au titre des frais d'essence pour les années d'imposition 1994 et 1995; il s'agit d'un montant maximal raisonnable estimatif puisqu'il n'y a aucune documentation à l'appui.

[4] L'appelant et Hector Walters, un agent des appels de Revenu Canada au cours des années en cause, ont témoigné.

[5] L'appelant n'a soumis aucun reçu de frais d'essence ni de journal faisant état du kilométrage effectué à des fins personnelles d'une part, et aux fins de l'entreprise d'autre part. Il a soutenu que ces documents se trouvaient à la maison, qu'ils avaient déjà été soumis à Revenu Canada, et qu'il n'avait pas jugé nécessaire de les soumettre à la Cour.

Analyse et décision

[6] À mon avis, l'intimée a établi que, dans le calcul de l'avantage imposable (2 180,88 $) lié à l'utilisation personnelle d'un véhicule fourni par l'employeur pour 1994 et 1995, ce dernier avait, pour arriver au montant figurant dans les feuillets T-4 remis à l'appelant, déduit le montant de 390 $, ce qui représente 52 retenues hebdomadaires de 7,50 $. C'est l'une des hypothèses énoncées dans la réponse, et elle n'a pas été détruite ou réfutée par le témoignage de l'appelant ni par la preuve qu'il a produite. En conséquence, elle est présumée véridique.

[7] Quant aux frais d'essence, l'intimée, par l'entremise de l'agent des appels, Hector Walters, a présenté un exposé chronologique des mesures qu'elle a prises pour tenter de vérifier le montant des frais d'essence. Cet exposé (pièce R-1) est reproduit ci-après en partie :

[TRADUCTION]

19 octobre 1998

10 h 15

J'ai appelé l'opposant pour obtenir des renseignements supplémentaires. Il doit vérifier auprès de son employeur et m'informer du nombre de véhicules de démonstration qu'il a utilisés en 1995. Je lui ai aussi demandé de me communiquer les numéros de téléphone des personnes suivantes, dont les noms ont été soumis, parmi d'autres, et à qui il a prêté son véhicule de démonstration : Eli Myles, Jim Bolt, Morley Caines, Paul Priest, Mike Kearney, Elizabeth Power, Dick Farrell, John Fewer et Theresa Dober. Ces noms, ainsi que ceux d'autres personnes, ont été tirés de notes qu'il prenait chaque semaine et qu'il consignait dans le journal soumis à la fin de chaque semaine. L'opposant a été informé également du fait qu'un reçu faisant état de l'approvisionnement en essence pour un mois n'était pas une preuve acceptable des frais d'essence; cependant, compte tenu des circonstances, nous admettrions des montants raisonnables sur le fondement de notre examen du dossier. L'opposant a convenu d'obtenir les renseignements demandés et de m'appeler par la suite.

...

...

...

3 novembre 1998

J'ai appelé différentes personnes pour déterminer la nature de l'utilisation par les clients du véhicule de démonstration ou du véhicule usagé de l'opposant dans la mesure où elle se rapporte à sa déduction pour frais d'utilisation d'un véhicule. Voici les notes prises au cours de ma conversation avec les personnes avec lesquelles j'ai communiqué :

a) Eli Myles – j'ai parlé à son épouse, qui m'a informé que M. Myles était décédé en décembre 1994 et, donc, qu'aucun véhicule ne lui avait été prêté en 1995. Elle a déclaré qu'elle ne se rappelait pas que son défunt époux avait à quelque moment que ce soit emprunté un véhicule à M. Emberley. Le défunt avait une mini-fourgonnette 1990 avant son décès et il n'avait pas fait effectuer beaucoup de travail d'entretien au Royal Garage.

b) Jim Bolt – M. Bolt a déclaré qu'il avait conduit une fois un véhicule de Avis Rentals pendant que son véhicule était en réparation; les coûts de la location avaient été pris en charge par Chrysler Corporation, et il avait assumé lui-même les coûts de l'essence. Il a déclaré qu'il devait avoir effectué environ 540 kilomètres, ainsi qu'il est indiqué dans les renseignements qui m'ont été fournis par l'opposant. Toutefois, l'opposant n'a engagé aucune dépense à cet égard. M. Bolt a déclaré que, à une autre reprise, M. Emberley lui avait prêté un véhicule pour une journée environ. Ayant effectué moins de 20 milles, il n'avait pas fait le plein d'essence. M. Bolt vit à 1 kilomètre environ du garage.

c) Paul Priest – J'ai tenté de le joindre au numéro indiqué, celui du College of the North Atlantic. Il n'y travaille plus et il se peut qu'il travaille maintenant à Montréal. Aucun autre numéro n'a été communiqué.

d) Morley Caines – J'ai tenté à plusieurs reprises de le joindre au téléphone, mais en vain.

e) Mike Kearney – J'ai parlé à M. Kearney, et il a affirmé se souvenir d'avoir emprunté un véhicule Dodge à M. Emberley pour une journée ou deux. Il a déclaré que le plein d'essence avait été fait lorsqu'il avait reçu le véhicule et qu'il avait fait le plein avant de remettre le véhicule. Il n'avait dû payer aucun montant pour l'utilisation du véhicule, sauf l'essence.

f) Elizabeth Power – J'ai parlé à Mme Power, qui a déclaré qu'elle ne pouvait se souvenir d'avoir utilisé un véhicule emprunté à M. Emberley.

g) Dick Farrell – En dépit de plusieurs appels effectués, il a été impossible de lui parler.

h) John Fewer – Je l'ai appelé et j'ai parlé à Mme Fewer, qui a déclaré qu'elle se rappelait que son époux avait emprunté un véhicule pour une journée et qu'il n'avait pas payé l'essence. Les 67 kilomètres effectués, selon ce qui est indiqué dans les renseignements fournis par l'opposant, lui semblaient raisonnables.

i) Theresa Dober – Impossible de lui parler en dépit des appels répétés.

Compte tenu des renseignements recueillis ci-dessus, il est raisonnable de conclure que le montant de 25 $ par semaine remis à M. Emberley par le concessionnaire au titre des frais d'essence devrait suffire à payer le coût du prêt des véhicules à ses clients et des véhicules d'essai. Afin de reconnaître que des frais supplémentaires ont pu être engagés et pour être aussi raisonnable que possible à l'égard de l'opposant, il y aura une autre conversation avec ce dernier pour permettre la déduction d'un montant supplémentaire.

10 déc. 1998

12 h 15

J'ai appelé l'opposant et l'ai informé que j'avais communiqué avec plusieurs des personnes dont il m'avait donné le nom pour appuyer l'existence de ses frais d'utilisation d'un véhicule, et que, à partir des renseignements disponibles, nous admettrions un montant supplémentaire de 200 $ par année pour reconnaître le fait que des frais d'essence supplémentaires avaient pu être engagés en sus du montant fourni par le garage. M. Emberley n'a exprimé aucune opinion sur notre décision; il a par conséquent été informé que des renseignements sur les procédures instituées à la Cour canadienne de l'impôt lui seraient envoyés dans peu de temps.

[8] L'appelant a déclaré principalement que son territoire de ventes était vaste et qu'il avait bel et bien engagé des frais d'essence supérieurs au montant de 25 $ qui lui était remboursé chaque semaine par l'employeur, à savoir les montants dont il avait demandé la déduction — 3 425 $ pour 1994 et 3 275 $ pour 1995. L'avocat de l'intimée a effectué un calcul indiquant que, si les montants déduits par l'appelant avaient été admis, les frais supplémentaires se seraient élevés à 90 $ par semaine environ; à son avis, cela paraissait excessif.

Analyse et décision

[9] À mon avis, l'intimée a établi le bien-fondé de sa prétention en ce qui concerne le montant de 390 $. L'hypothèse contenue dans la réponse n'a pas été démolie ni réfutée. En conséquence, l'appel sur cette question doit être rejeté.

[10] En ce qui concerne les frais d'essence supplémentaires dont la déduction a été demandée, la pièce R-1 fait état des mesures que M. Walters a prises pour tenter de vérifier l'existence des frais d'essence supplémentaires et, même si son interrogatoire de certains clients sur leurs frais d'essence a été limité, tout indique qu'il est raisonnablement impossible de conclure que l'appelant a engagé les frais d'essence supplémentaires dont la déduction a été demandée. En outre, l'appelant avait la charge de la preuve, et, à mon avis, il ne s'en est pas acquitté.

[11] En conséquence, l'appel sur cette question est lui aussi rejeté.

[12] Les appels sont donc rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 2e jour de juin 2000.

“ T. P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour d'octobre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.