Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000113

Dossiers: 98-1215-IT-I; 98-1216-IT-I

ENTRE :

NICOLA TARANTINO, MARGHERITA TARANTINO,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée,

Motifs du jugement

(rendus oralement à l'audience à Toronto (Ontario) le 25 novembre 1999)

Le juge Beaubier, C.C.I.

[1] Les présents appels, interjetés sous le régime de la procédure informelle, ont été entendus ensemble sur preuve commune avec le consentement des parties à Toronto (Ontario) le 25 novembre 1999. Nicola Tarantino, l'époux de Margherita Tarantino, a été l'unique témoin.

[2] Les paragraphes 4 à 10 inclusivement de la réponse à l'avis d'appel de M. Tarantino sont ainsi formulés :

[TRADUCTION]

4. En calculant son revenu pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelant a déclaré des pertes locatives provenant d'une propriété située au 53, chemin Burrard, Etobicoke (Ontario) (la “ propriété ”) de 9 309 $, de 8 060 $ et de 3 762 $ respectivement.

5. Le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établi une cotisation à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 au moyen d'avis de cotisation postés le 24 mars 1994, le 30 mars 1995 et le 4 avril 1996 respectivement.

6. Le 17 janvier 1997, l'appelant a présenté au ministre une renonciation selon le formulaire prescrit au cours de la période normale de nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1993.

7. En établissant une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, au moyen d'avis de nouvelle cotisation simultanés postés le 27 mars 1997, le ministre a refusé la déduction des pertes locatives.

8. En établissant ainsi une nouvelle cotisation à l'égard de l'appelant, le ministre a formulé les hypothèses de fait suivantes :

a) l'appelant et son épouse ont acheté la propriété (un bungalow à trois chambres à coucher) le 1er novembre 1990 pour un montant de 220 000 $, l'achat étant financé à 100 p. 100 au moyen d'un emprunt de 160 000 $ garanti par une hypothèque de premier rang sur la propriété et au moyen d'un emprunt de 60 000 $ garanti par une hypothèque de deuxième rang sur leur résidence principale;

b) l'appelant et son épouse ont acheté leur résidence principale en novembre 1985 pour un montant de 128 000 $;

c) l'appelant a déclaré les pertes locatives suivantes relativement à la propriété pour les années d'imposition 1990, 1991 et 1992 :

   Revenu Perte

Année    brut nette*

1990 3 600 $     848 $ (deux mois)

1991 13 200 $ 18 464 $

1992 12 000 $ 18 442 $

*L'appelant et son épouse ont déduit chacun la moitié des pertes locatives déclarées.

d) pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelant a déclaré des revenus locatifs bruts, des dépenses (avant la déduction pour amortissement) et des pertes locatives relatives à la propriété, de la manière suivante :

1993

1994

1995

Revenu locatif brut

Dépenses

12 000 $

12 300 $

12 600 $

Impôts fonciers

2 695 $

2 695 $

2 746 $

Réparations et entretien

240 $

6 410 $

356 $

Intérêts

23 732 $

15 196 $

13 301 $

Assurance

254 $

280 $

271 $

Électricité, chauffage et eau

3 408 $

2 484 $

3 116 $

Frais de financement

289 $

230 $

184 $

Honoraires d'avocat, de comptable et autres honoraires professionnels

125 $

150 $

Publicité

-

-

-

Dépenses totales

30 618 $

28 420 $

20 124 $

Pertes locatives nettes

18 618 $

16 120 $

7 524 $

– Déduites par l'appelant

9 309 $

8 060 $

3 762 $

– Déduites par l'épouse de l'appelant

9 309 $

8 060 $

3 762 $

e) l'intérêt payable sur les emprunts hypothécaires se rapportant à la propriété excédait le revenu locatif brut tiré de la propriété;

f) les dépenses locatives refusées n'ont pas été engagées en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien;

g) les dépenses locatives refusées constituaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant;

h) l'appelant n'avait aucune attente raisonnable de tirer un profit de la location de la propriété pendant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

B. QUESTIONS EN LITIGE

9. Les questions en litige sont les suivantes :

i) Les dépenses refusées par le ministre relativement à la prétendue exploitation locative ont-elles été engagées par l'appelant en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien?

ii) L'appelant avait-il une attente raisonnable de tirer un profit de la location de la propriété pendant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995?

iii) Subsidiairement, les dépenses refusées étaient-elles raisonnables dans les circonstances?

C. DISPOSITIONS LÉGISLATIVES, MOTIFS INVOQUÉS ET REDRESSEMENT DEMANDÉ

10. Il s'appuie sur les articles 3, 9 et 67, le paragraphe 248(1) et les alinéas 18(1)a), 18(1)b), 18(1)h) et 20(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) telle qu'elle a été modifiée pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995.

Les hypothèses 8 a) à e) inclusivement sont exactes ou bien n'ont pas été réfutées.

[3] Au moment de l'achat de la propriété située au 53, chemin Burrard, à Etobicoke, les appelants vivaient au 37, chemin Burrard, à deux pas du numéro 53. La propriété était un bungalow à trois chambres à coucher comprenant un garage non relié à la maison. M. Tarantino travaillait pour un transporteur aérien, et Mme Tarantino, pour Eaton's. Ils prévoyaient aménager le sous-sol puis louer le sous-sol et le rez-de-chaussée comme deux appartements. Ils prévoyaient également effectuer des versements pour réduire le montant du capital emprunté. Ils ont acheté la propriété uniquement dans le but de la louer afin d'augmenter leurs revenus de retraite prévus. Ils ont immédiatement commencé à rembourser un montant supplémentaire de 25 $ par semaine à valoir sur le capital emprunté. Ils avaient tous les deux un revenu modeste, alors il s'agissait là d'un très grand sacrifice.

[4] Au début, le marché locatif n'était pas très fort. Fait plus important, leur projet d'aménager le sous-sol a été gâché lorsque Eaton's a commencé à s'effondrer, et ils craignaient que Mme Tarantino et leur fils perdent leur emploi. Pour cette raison, ils n'ont pas dépensé d'argent pour le sous-sol aussi tôt qu'ils l'avaient prévu (soit en 1991, en 1992 et en 1993).

[5] Les appelants ont aménagé le sous-sol au cours des années 1993, 1994 et 1995, soit les années en litige, et l'ont loué à partir de 1996. En raison de cela et du fait d'avoir réduit le principal et d'avoir effectué au cours des années un refinancement à de plus faibles taux d'intérêt, leurs gains bruts et nets et leurs pertes nettes, avant la déduction pour amortissement, sont les suivants pour les dernières années en ce qui concerne la propriété en cause :

1996

1997

1998

Loyer brut

19 500,00 $

19 500,00 $

19 500,00 $

Gain (ou perte) net

(1 648,00 $)

2 177,16 $

2 657,74 $

M. Tarantino prévoit un profit important en 1999. En utilisant le critère énoncé dans l'arrêt Enno Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73, à la page 105 (96 D.T.C. 6001, à la page 6013), la Cour conclut que la location en cause était purement commerciale. Il s'agissait de la location d'une maison dont l'acquisition a été faite à 100 p. 100 au moyen d'emprunts.

[6] La maison était située tout près de leur résidence, de sorte qu'ils pouvaient personnellement la surveiller, la réparer et l'entretenir, comme ils l'avaient prévu et comme ils l'ont fait. Cela leur a épargné des coûts importants. Leur projet était de pouvoir toucher des loyers durant leur vieillesse: c'était un plan d'investissement à long terme. Il n'était pas prévu qu'ils revendent la maison. Ils prévoyaient rembourser tôt le principal et aménager le sous-sol afin d'augmenter les loyers. L'exécution de ce plan a été interrompue par la fermeture de Eaton's en 1991; il a toutefois été exécuté en 1993, en 1994 et en 1995, soit les années en litige. La Cour conclut que le problème chez Eaton's était un événement imprévisible indépendant de leur volonté et que les loyers qu'ils ont reçus, lorsqu'ils ont finalement pu mener à bien leurs plans, constituaient des loyers raisonnables qu'ils auraient pu toucher plus tôt n'eût été la catastrophe de Eaton's, qui leur a nui.

[7] Les appelants n'avaient pas de formation en matière de location ni d'expérience dans ce domaine. Ils avaient un plan dont l'exécution a été retardée pendant trois ans en raison de circonstances imprévisibles. L'entreprise, telle qu'elle avait été planifiée, avait la capacité de produire un profit tout en satisfaisant aux exigences posées dans la Loi de l'impôt sur le revenu et c'est ce qu'elle a fait en 1997. Cette année se situait en fait six ans après le début des opérations.

[8] De l'avis de la Cour, les appelants avaient une attente raisonnable de tirer un profit de leur entreprise au moment où ils ont acheté la maison et au cours des années en litige. L'appel est admis. Il est adjugé à chacun des appelants des montants distincts de dépens entre parties à l'égard des présents appels, lesquels dépens sont établis à 650 $ pour chacun.

Je requiers que les motifs du jugement ci-dessus, rendus oralement à l'audience à la Cour canadienne de l'impôt, 200 King Street West, Toronto (Ontario) le 25 novembre 1999, soient déposés au dossier.

“ D.W. Beaubier ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 22e jour de décembre 2000.

Erich Klein, réviseur

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