Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990923

Dossier: 98-9378-IT-I

ENTRE :

DARRELL S. SIMMONDS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel interjeté contre une cotisation établie à l'égard de l’appelant pour son année d’imposition 1991. L’appelant est un agent de la GRC. En 1991, il a reçu une indemnité de déménagement équivalant à un mois de salaire (4 474,67 $), à titre d’assistance dans son changement de domicile. En calculant son revenu, l’appelant a déduit ce montant.

[2] La question de l’assujettissement à l'impôt des indemnités de déménagement a déjà été examinée par les tribunaux et il est désormais établi de façon irréfutable qu'elles sont imposables : A.G. Canada v. R.M. MacDonald, [1994] 2 C.T.C. 48; McGuire c. R., 7 avril 1999, 98-1004(IT)I, CCI, le juge Hamlyn. L’appelant ne le contredit pas. Il conteste plutôt la cotisation sur le fondement des deux moyens suivants :

a) qu’elle est prescrite, c’est-à-dire établie au-delà du délai habituel de trois années pour établir une nouvelle cotisation. Ce n’est tout simplement pas le cas. La cotisation initiale de l’appelant pour son année d’imposition 1991 a été établie le 21 juillet 1992 et la nouvelle cotisation, visée en l'espèce, a été établie le 24 avril 1995, bien à l'intérieur du délai de trois ans. Par ailleurs, je ne vois pas le bien-fondé du moyen selon lequel la cotisation n’a pas été établie avec célérité.

b) que la communication de renseignements au ministère du Revenu national par la GRC à la demande de celui-ci a constitué une atteinte aux droits de l’appelant que lui confère la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[3] Le paragraphe 8(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels dispose:

Les renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l'individu qu'ils concernent, que conformément au présent article.

[4] Les alinéas 8(2)b) et e) disposent:

(2) Sous réserve d'autres lois fédérales, la communication des renseignements personnels qui relèvent d'une institution fédérale est autorisée dans les cas suivants :

[...]

b) communication aux fins qui sont conformes avec les lois fédérales ou ceux de leurs règlements qui autorisent cette communication;

[...]

e) communication à un organisme d'enquête déterminé par règlement et qui en fait la demande par écrit, en vue de faire respecter des lois fédérales ou provinciales ou pour la tenue d'enquêtes licites, pourvu que la demande précise les fins auxquelles les renseignements sont destinés et la nature des renseignements demandés:

[5] La Direction de la vérification, ministère du Revenu national (Impôt) est un organisme d’enquête prévu par règlement.

[6] La question a été examinée en détail dans le rapport annuel du Commissaire à la protection de la vie privée de 1996-1997. On peut y lire ce qui suit à la page 63 :

Révision des cotisations d'impôt pour les indemnités de déménagement : pas de consultation à l'aveuglette. Plusieurs membres de la GRC ont porté plainte auprès du Commissaire à l'effet qu'en fournissant à Revenu Canada une liste des membres ayant reçu des indemnités de déménagement entre 1991 et 1993, la GRC avait communiqué de façon inappropriée leurs renseignements personnels. (Ils se sont aussi plaint de la collecte des renseignements par Revenu Canada). Selon les plaignants, la demande constituait un moyen aveugle d'obtenir des renseignements; Revenu Canada était tenu, aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu, d'obtenir un ordre de la cour pour obtenir des renseignements sur des personnes non désignées par leur nom et que, par conséquent, la GRC n'aurait pas dû soumettre la liste sans en avoir l'ordre de la cour.

La question concernait l'indemnité versée aux membres de la GRC lors d'un déménagement. Cette indemnité, qui équivaut à un douzième du salaire annuel, est imposable à la source par la GRC et doit être signalée par un membre sur sa déclaration d'impôt de l'année en cours comme bénéfice imposable. Les membres sont avisés de ce fait lors du versement de l'indemnité. Par contre, les frais de déménagement réels, avec reçus à l'appui, sont pleinement déductibles.

Une vérification faite par Revenu Canada auprès des membres de la GRC du district de Regina a révélé que nombre de membres déduisaient simplement le plein montant de l'indemnité à titre de frais de déménagement. Les vérificateurs ont également découvert que la GRC n'avait pas bien inscrite l'indemnité imposable sur les formulaires T4 des membres. Autrement, Revenu Canada aurait découvert que les renseignements ne correspondaient pas aux données conservées dans son propre ordinateur et n'aurait pas eu besoin de la liste de la GRC. Lorsqu'il a repéré cette omission, Revenu Canada a demandé à la GRC les listes afin de déterminer par échantillonnage aléatoire l'étendue du problème. Suite à une conversation téléphonique entre le Commissaire de la GRC et le sous-ministre de Revenu Canada, la GRC a consenti à acheminer les dossiers pertinents pour assurer que les indemnités de déménagement étaient déclarées de façon adéquate.

Revenu Canada a revu le ruban informatique et étudié les déclarations de tous les membres à qui une indemnité avait été versée au cours des trois années visées. Sur un total de 1 400 déclarations d'impôt, 633 ont été réévaluées et 1 227 000 dollars en impôts non payés ont été recouvrés. Le reste des déclarations a été traité sans qu'un changement ne soit apporté, soit parce que le membre ne s'était pas prévalu de l'indemnité, soit parce que la déclaration avait déjà été réévaluée par le bureau régional au cours du processus de révision postérieure.

Le Commissaire était clairement d'avis que les deux ministères étaient au fait des restrictions contenues dans la Loi sur la protection de la vie privée et la Loi sur l'impôt sur le revenu, avaient obtenu l'avis de leur avocats et avaient agi avec prudence. La GRC est tenue de signaler de façon appropriée à Revenu Canada toutes les indemnités qu'elle verse à ses employés. Plutôt que de demander à la GRC d'émettre une nouvelle série de T4 à tous ses membres pour les années visées (ce qui aurait déclenché une révision de tous les dossiers des membres), Revenu Canada a fait porter sa demande sur les membres qui avaient obtenu une indemnité de déménagement. Le Commissaire a conclu que Revenu Canada était autorisé à recueillir les renseignements aux termes de la Loi sur l'impôt et que, par conséquent, la Loi sur la protection des renseignements personnels n'avait pas été enfreinte.

[7] Le rapport ne lie pas la Cour mais il a une valeur probante. Je suis d’accord avec la conclusion exprimée dans le rapport.

[8] Je ne suis pas d'avis qu'il y ait eu atteinte aux droits que la Loi sur la protection des renseignements personnels confère à l'appelant. Cette opinion est conforme à celle exprimée par le juge Teskey dans Dreilich v. R., [1999] 2 C.T.C. 2588. L’alinéa 8(2)e) vise la communication de renseignements au ministère du Revenu national en vue de l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu.

[9] Si j’avais conclu qu'il y avait eu atteinte aux droits que la Loi sur la protection des renseignements personnels confère à l'appelant, il aurait été nécessaire d’examiner s'il était justifié d’annuler cette cotisation. Il n’est pas nécessaire en l'espèce que je procède ainsi. Aussi, cette question reste ouverte. Il a été établi dans O'Neill Motors Limited v. The Queen, 96 DTC 1486, conf. C.A.F., 98 DTC 6424, que chaque violation de la Charte ne justifiait pas nécessairement l’annulation d’une cotisation. Je suis d'avis que des considérations similaires s’appliqueraient dans le cas d’une violation des droits d’une personne en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Dans l’affaire The Promex Group Inc. v. The Queen, 98 DTC 1588, j’ai examiné en détail le fait que le ministre du Revenu national se soit fondé sur des renseignements obtenus en violation d'une ordonnance de la cour pour établir une cotisation. Appel a été interjeté à l'égard de cette affaire devant la Cour d’appel fédérale, et je n'ajouterai rien à ce sujet.

[10] L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de septembre 1999.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 26e jour de juillet 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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