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Date: 19991207

Dossier: 98-1222-IT-G; 98-1410-IT-G

ENTRE :

GORDON M. SUMNER, ROXANNE MUSIC INC.,

appellant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Ces appels ont été entendus ensemble. Ils se rapportent tous deux à l'incidence de la Loi de l'impôt sur le revenu (Canada) sur six spectacles donnés par M. Sumner au Canada en 1991.

[2] Gordon M. Sumner est un chanteur rock de grande renommée, connu sous le nom de “ Sting ”. Durant l'année d'imposition en cause, soit 1991, M. Sumner habitait le Royaume-Uni. Au cours d'une importante tournée nord-américaine, il a donné cette année-là des spectacles au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Six spectacles ont eu lieu au Canada.

[3] La tournée nord-américaine a été gérée par Roxanne Music Inc. (“ Roxanne ”), laquelle était tenue, aux termes d'un contrat, de verser à M. Sumner un pourcentage correspondant à 95 p. 100 des bénéfices nets, avant déduction des sommes qui lui avaient été remises.

[4] Le meilleure moyen de faire comprendre la différence entre la position adoptée par chacune des parties serait de comparer les chiffres.

[5] Les parties conviennent que Roxanne a fait état, dans la déclaration de revenus qu'elle a produite aux États-Unis pour 1991, des revenus totalisant 5 965 599 $ US à l'égard de la tournée nord-américaine de l'appelant. De ce montant, Roxanne imputait 543 494 $ US aux spectacles ayant eu lieu au Canada, soit 9,11 pour cent de la totalité des revenus de cette tournée.

[6] Roxanne a versé à M. Sumner un salaire de 1 488 000 $ US en 1991. Dans sa déclaration de revenu américaine de 1991, M. Sumner indiquait un revenu de 1 511 850 $ US. Ce montant comprend des bénéfices réalisés au cours d'une année antérieure, ce qui ne nous intéresse pas en l'espèce. De ce montant, l'appelant a soustrait, aux fins de l'impôt américain, un montant de 127 543 $ US qu'il a imputé à la tournée canadienne. Le revenu indiqué dans sa déclaration américaine s'établissait, après des rajustements mineurs, à 1 385 499 $ US.

[7] Dans sa déclaration d'impôt canadienne de 1991, M. Sumner faisait état de revenus s'élevant à 42 780 $ CAN.

[8] Le ministre a établi à l'égard de M. Sumner une cotisation sur un montant de 155 890 $ CAN. La différence entre les deux montants obtenus est attribuable à l'utilisation de modes de calcul différents.

[9] M. Sumner, aux fins de l'impôt canadien, a utilisé la formule suivante :

6 (nombre de jours de travail au Canada)

(nombre présumé de jours de travail x 1 488 000 $ (salaire total

effectué pour Roxanne en 1991) versé par Roxanne)

= 37 200 $ US x 1,15 (taux de change américain)

= 42 780 $

[10] Le ministre a eu recours au même mode de calcul que celui que Roxanne avait utilisé :

1 488 000 $ US x 543 494 $ US (revenu tiré des spectacles au Canada)

(salaire total) 5 965 599 $ US (revenu total tiré de la tournée

nord américaine)

= 135 557 $ US x 1,15 (taux de change américain)

= 155 890 $ CAN.

[11] Roxanne est constituée en société sous le régime des lois du Delaware. Elle est une entité imposable aux États-Unis et une résidente américaine n'ayant pas d'établissement stable au Canada au sens donné à cette expression dans la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts.

[12] Dans la déclaration d'impôt canadienne qu'elle a produite pour l'année 1991, Roxanne faisait état à l'égard de la tournée canadienne d'un revenu brut de 625 018 $, duquel a été déduit un montant de 230 083 $ au titre des salaires et des avantages sociaux (le ministre présumant que ce montant se rapportait uniquement à M. Sumner) ainsi que d'autres dépenses, ce qui donnait en bout de ligne pour la tournée canadienne une perte de 104 530 $.

[13] Le ministre a réfusé la déduction d'une partie des dépenses, mais aucun élément de preuve n'a été produit à l'égard des montants admis ou refusés. Ceux-ci ne sont mentionnés ni dans l'avis d'appel ni dans la réponse, et la cotisation n'a pas été produite en preuve.

[14] L'appelant prétend, dans l'avis d'appel, que le ministre n'a pas autorisé la déduction de dépenses qui auraient selon lui dû l'être, mais on n'a présenté aucun élément de preuve étayant les dépenses indiquées ou justifiant leur déduction dans le calcul du revenu de source canadienne. Je dois par conséquent présumer que si Roxanne est de quelque manière imposable au Canada, elle le sera sur le montant déterminé par le ministre, simplement parce que le fardeau de la preuve incombait à cet égard à Roxanne et qu'elle ne s'est pas acquittée de la charge de la preuve.

[15] Roxanne soutient, en s'appuyant sur la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, qu'elle n'est pas imposable au Canada. Pour évaluer la valeur de cette assertion, il convient d'examiner de près la relation existant entre Roxanne et Gordon Sumner.

[16] M. Robert Kornreich, comptable du cabinet d'expertise comptable Phillips Gold and Company sis à New York, s'est occupé de la comptabilité de Roxanne et de M. Sumner à l'occasion de la tournée nord-américaine, notamment en produisant leurs déclarations d'impôt sur le revenu. Le bureau du cabinet correspond à l'adresse postale de Roxanne. M. Kornreich a témoigné que Wyneco B.V., une compagnie néerlandaise détenant toutes les actions de Roxanne, était elle-même possédée en propriété exclusive par un certain M. Dihkof, et que ce dernier et M. Sumner n'avaient aucune relation d'affaires. Ce renseignement lui avait été fourni par les comptables de M. Sumner au Royaume-Uni, soit Ernest & Young. Il s'agit évidemment là de preuve par ouï-dire, mais même si j'acceptais cet élément de preuve à sa face même, il ne permet pas à lui seul de réfuter l'hypothèse du ministre selon laquelle Roxanne et M. Sumner avaient un lien de dépendance. Il semble plutôt improbable qu'une compagnie dont le seul rôle est de gérer la tournée de spectacles qui a amené M. Sumner au Canada, aux États-Unis, au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande, et qui s'est engagée à remettre à ce dernier 95 p. 100 de ses profits, puisse être considérée comme n'ayant aucun lien de dépendance avec lui. Il faudrait qu'on me présente des éléments de preuve admissibles et plus convaincants que la preuve de ce que les comptables de M. Sumner au Royaume-Uni ont dit à son comptable américain.

[17] En bout de ligne, il importe toutefois peu que M. Sumner et Roxanne aient un lien de dépendance ou non. Les liens juridiques sont cependant, il faut l'avouer, quelque peu particuliers.

[18] Le 4 septembre 1990, Wyneco et M. Sumner concluaient une entente dans laquelle ce dernier était désigné comme “ l'employé ”. Dans une des clauses de l'entente, Wyneco acceptait de verser à M. Sumner 95 pour cent de ses “ recettes nettes ” au sens de cette expression que Wyneco et Roxanne avaient convenu dans une autre entente. Wyneco avait de fait “ loué ” les services de M. Sumner dans le territoire visé par l'entente du 4 septembre 1990. Les parties convenaient que M. Sumner serait, pendant la période prévue par l'entente, l'employé de Wyneco et non celui de Roxanne. Celle-ci s'est engagée à verser à M. Sumner 95 p. 100 des recettes nettes (au sens de cette expression convenu par les parties) qu'elle tirait des services offerts par M. Sumner en Amérique du Nord.

[19] L'avocate de l'intimée a préféré décrire la rémunération versée par Roxanne à M. Sumner comme étant une forme de partage des bénéfices plutôt qu'un salaire. Peut-être est-ce en fait le cas (on pourrait facilement ainsi percevoir le pourcentage de 95 pour cent des recettes nettes tirées par Roxanne des spectacles donnés par M. Sumner), mais il ne me semble pas nécessaire de caractériser les montants reçus par M. Sumner autrement qu'ils l'ont été dans l'entente.

[20] Les faits des deux affaires qui nous occupent sont énoncés dans ce qui précède.

[21] Dans l'appel de M. Sumner, le litige porte uniquement sur la détermination de la fraction parmi les deux fractions suivantes qui devrait être appliquée à son salaire de 1 488 000 $ :

a) le nombre de jours passés au Canada sur les 240 jours qu'il aurait passés aux États-Unis (calcul fondé sur la “ durée du séjour ”);

b) le montant des recettes canadiennes brutes sur les recettes nord-américaines brutes (calcul fondé sur les “ recettes brutes”).

[22] Je pourrais dans un premier temps faire remarquer que le rapport 6/240 est un peu douteux, puisque le contre-interrogatoire de M. Kornreich a fait ressortir le fait que le dénominateur, soit les 240 jours, comprenait un certain nombre de jours (nombre qui n'a pas été précisé) qui n'avaient rien à voir avec la tournée nord-américaine.

[23] Dans un tout autre ordre d'idées, je signale qu'on n'a pas établi que le calcul fondé sur la “ durée du séjour ” était à quelque égard plus exact que celui fondé sur les “ recettes brutes ”. Ni l'article XVI de la Convention Canada-Royaume-Uni en matière d'impôt sur le revenu ni le sous-alinéa 115(1)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le revenu ne peuvent nous aider à trancher la question. Le paragraphe 4(1) de la Loi prévoit le calcul du revenu provenant de différents endroits ou la répartition entre les revenus tiré de plusieurs endroits; cette disposition n'établit cependant aucune règle, si ce n'est que le législateur suppose que le revenu obtenu à un endroit particulier est le seul revenu tiré par le particulier et que les dépenses déduites sont raisonnables.

[24] En l'espèce, l'employeur a lui-même réparti les recettes selon un calcul fondé sur les recettes brutes, et bien que cette façon de procéder ne soit pas déterminante et n'entraîne pas la préclusion, il s'agit à tout le moins d'une preuve prima facie qu'on a tenté de procéder à une répartition raisonnable. C'eût peut-être été différent si M. Sumner n'avait pas été un employé et si l'employeur n'avait pas effectué de répartition. Pour quiconque tente de déterminer le revenu qui est tiré d'une entreprise consistant à organiser des spectacles rock dans différents pays, il me semble que le témoignage d'expert d'un comptable serait très utile. Il se peut fort bien que les spectacles aient occasionné des pertes dans un pays et rapporté des bénéfices dans un autre. Il importe en outre d'examiner la question de la répartition des frais généraux d'entreprise. Mon intention n'est pas d'approuver dans les présents motifs un mode de calcul au détriment de l'autre. Les deux modes me semblent avoir des inconvénients, et d'autres formules de répartition pourraient convenir. En ce qui concerne l'appel de M. Sumner, ma décision est uniquement fondée sur le fait qu'on n'a pas établi que le mode de calcul fondé sur la “ durée du séjour ” était meilleur ou plus approprié que celui que le ministre a utilisé. L'appel de M. Sumner est par conséquent rejeté.

[25] L'appel de Roxanne est fondé uniquement sur le paragraphe 1 de l'article VII de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts, qui se lit comme suit :

1. Les bénéfices d'un résident d'un État contractant ne sont imposables que dans cet État, à moins que le résident n'exerce son activité dans l'autre État contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si le résident exerce ou a exercé son activité d'une telle façon, les bénéfices du résident sont imposable dans l'autre État mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable.

[26] Il est inutile de reproduire ici les autres dispositions de l'article VII, puisqu'il a été admis que Roxanne n'avait pas d'établissement stable au Canada.

[27] Roxanne ne serait de toute évidence pas imposable au Canada si seul l'article VII était applicable.

[28] L'intimée se fonde sur l'article XVI de la Convention Canada-États-Unis en matière d'impôts. Les paragraphes 1 et 2 se lisent comme suit :

1. Nonobstant les dispositions des articles XIV (Professions indépendantes) et XV (Professions dépendantes), les revenus qu'un résident d'un État contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l'autre État contractant en tant qu'artiste du spectacle, tel qu'un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision, ou qu'un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre État, sauf si le montant des recettes brutes, y compris les dépenses qu'on lui rembourse ou qui sont encourues en son nom, que cet artiste du spectacle ou ce sportif tire de telles activités n'excède pas quinze mille dollars (15 000 $) en monnaie de cet autre État au cours de l'année civile considérée.

2. Lorsque les revenus d'activités qu'un artiste du spectacle ou un sportif exerce personnellement et en cette qualité sont attribués non pas à l'artiste ou au sportif mais à une autre personne, ces revenus sont imposables, nonobstant les dispositions des articles VII (Bénéfices des entreprises), XIV (Professions indépendantes) et XV (Professions dépendantes), dans l'État contractant où les activités de l'artiste ou du sportif sont exercées. Au sens de la phrase précédente, les revenus d'un artiste du spectacle ou d'un sportif sont considérés ne pas être attribués à une autre personne s'il est établi que ni l'artiste du spectacle ou le sportif, ni des personnes qui lui sont liées, ne participent d'aucune manière, directement ou indirectement, aux bénéfices de cette autre personne, y compris par des rémunérations différées, des bonus, des honoraires, des dividendes, des attributions ou distributions par des sociétés de personnes ou d'autres distributions.

[29] L'avocate de l'appellante a prétendu que le paragraphe 2 de l'article XVI visait une situation dichotomique, c'est-à-dire qu'un État contractant pouvait, lorsque l'artiste réussissait à réaffecter le revenu qu'il avait tiré de ses spectacles dans cet État à une personne morale, imposer cette personne morale même si elle n'y avait pas d'établissement stable. Aux termes de l'entente convenue par Wyneco et Roxanne, il est clair que M. Sumner participe aux bénéfices de cette dernière.

[30] Selon l'avocate, le paragraphe 2 ne s'applique pas lorsqu'une personne, et c'est le cas de M. Sumner en l'espèce, a admis être assujetti à l'impôt et est de fait imposé sur les gains réalisés au cours des spectacles qu'il a donnés au Canada. L'avocate soutient que le paragraphe 2 est une disposition anti-évitement qui s'applique lorsque le particulier a réussi à éluder l'impôt dans le cas visé au paragraphe 1 de l'article XVI.

[31] Sauf le respect que je dois à l'avocate, je ne crois pas que cette analyse résiste à un examen minutieux, et ce, pour plusieurs raisons.

[32] Premièrement, le libellé du paragraphe 2 est clair et n'étaye pas la conclusion selon laquelle ce paragraphe s'applique uniquement lorsque tous les revenus qu'un artiste du spectacle tire de ses activités personnelles sont réaffectés à une autre personne. Cette disposition exige uniquement qu'un “ revenu ” soit attribué à une personne autre que l'artiste. Si les parties qui ont conclu la convention avaient souhaité que l'article s'applique uniquement lorsque la totalité des revenus tirés par l'artiste de la source mentionnée était attribuée à une autre personne, elles auraient fort bien pu l'indiquer.

[33] Deuxièmement, l'exception figurant à la deuxième phrase du paragraphe 2 vise précisément le type d'entente qui a été convenu en l'espèce, soit le partage des revenus entre l'artiste qui participe aux bénéfices et l'autre personne (vraisemblablement une personne morale). L'exception ne s'applique pas puisque c'est précisément ce qui arrive en l'espèce : M. Sumner a participé aux bénéfices de Roxanne “ [de quelque] manière, directement ou indirectement, [...] y compris [...] des bonus [...] ou d'autres distributions. ”

[34] Troisièmement, le paragraphe 2 des explications techniques du paragraphe 2 de l'article XVI vise précisément le cas qui nous occupe, lequel est décrit dans la deuxième phrase du paragraphe 2.

[35] Les explications techniques du paragraphe 2 de l'article XVI se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

Explications techniques [1984] :

Le paragraphe 2 prévoit que lorsque les revenus d'activités qu'un artiste du spectacle ou un sportif exerce personnellement sont attribués non pas à l'artiste ou au sportif mais à une autre personne, ces revenus sont imposables, par dérogation aux dispositions des articles VII (Bénéfices des entreprises), XIV et XV, dans l'État contractant où les activités de l'artiste ou du sportif sont exercées. La disposition anti-évitement figurant au paragraphe 2 ne s'applique pas si l'artiste du spectacle ou le sportif établit que ni lui, ni des personnes qui lui sont liées, ne participent d'aucune manière, directement ou indirectement, aux bénéfices d'une telle autre personne, y compris par des rémunérations différées, des bonus, des honoraires, des dividendes, des attributions ou distributions par des sociétés de personnes ou d'autres distributions.

Ainsi, si un artiste du spectacle résidant au Canada a conclu avec une compagnie une entente prévoyant le versement à l'artiste de sommes fondées sur les bénéfices de la compagnie, tous les revenus de cette dernière qui sont attribuables aux activités de l'artiste aux États-Unis sont imposables dans ce pays, que la compagnie ait ou non un établissement stable aux États-Unis. Le paragraphe 2 n'a pas d'incidence sur la règle figurant au paragraphe 1, lequel s'applique à l'artiste du spectacle ou au sportif lui-même.

[36] Les explications techniques des clauses d'un traité international convenu par les deux signataires sont beaucoup plus importantes lorsqu'il s'agit de l'interprétation d'un traité que peuvent l'être, par exemple, les bulletins d'interprétation émis par le ministère du Revenu national (comparer A.G. of Canada v. Kubicek Estate, 97 DTC 5454, à la page 5456 (C.A.F.) avec The Queen v. Crown Forest Industries Limited et al., 95 DTC 5389, aux pages 5396 à 5399 (C.S.C.)).

[37] Quatrièmement, la position adoptée par la Couronne est étayée par le modèle de convention de l'OCDE et par les commentaires qui l'accompagnent. Cette convention sert de fondement à la totalité ou à la quasi-totalité des conventions fiscales que le Canada a conclues avec divers pays et constitue une aide extrinsèque utile aux fins de l'interprétation de telles conventions fiscales.

[38] L'article 17 du modèle de convention de l'OCDE se lit comme suit :

Article 17

ARTISTES ET SPORTIFS

1. Nonobstant les dispositions des articles 14 et 15, les revenus qu'un résident d'un État contractant tire de ses activités personnelles exercées dans l'autre État contractant en tant qu'artiste du spectacle, tel qu'un artiste de théâtre, de cinéma, de la radio ou de la télévision, ou qu'un musicien, ou en tant que sportif, sont imposables dans cet autre État.

2. Lorsque les revenus d'activités qu'un artiste du spectacle ou un sportif exerce personnellement et en cette qualité sont attribués non pas à l'artiste ou au sportif lui-même mais à une autre personne, ces revenus sont imposables, nonobstant les dispositions des articles 7, 14 et 15, dans l'État contractant où les activités de l'artiste ou du sportif sont exercées.

[39] Le paragraphe 11 des commentaires sur le paragraphe 2 du modèle de convention se lit comme suit :

Paragraphe 2

11. Le paragraphe 1 de l'article s'applique aux revenus qu'un artiste ou un sportif tire de ses activités personnelles. Le paragraphe 2 traite des cas où les revenus de ses activités sont attribués à d'autres personnes. Si le revenu d'un artiste ou d'un sportif est réalisé par une autre personne et que l'État de source n'a pas l'autorité législative pour faire abstraction de la personne qui reçoit le revenu de façon à imposer directement l'artiste ou le sportif sur ce revenu, le paragraphe 2 prévoit que la fraction du revenu sur lequel l'artiste ou le sportif ne peut être imposé peut être imposé (sic) comme revenu de la personne qui le reçoit. Si la personne qui reçoit le revenu est une entreprise, l'État de source peut imposer ce revenu même si celui-ci n'est pas imputable à un établissement stable situé dans ce pays. Si la personne qui reçoit le revenu est une personne physique, ce revenu peut être imposé même s'il n'y a pas de base fixe. Cependant, il n'en va pas toujours ainsi. Il y a trois cas principaux de ce genre.

a) Le premier cas est celui où une société de gestion perçoit une rémunération pour la venue par exemple d'un groupe de sportifs (qui n'a pas lui-même la personnalité juridique).

b) Le deuxième cas est celui d'une équipe, d'une troupe, d'un orchestre, etc. qui est constitué en personne morale. Les revenus des spectacles ou événements sportifs peuvent être versés à cette entité. Les membres de l'équipe, de l'orchestre, etc. seront imposables, en vertu du paragraphe 1, dans l'État où se déroule le spectacle ou l'événement sportif, pour toute rémunération (ou tout autre revenu dont ils bénéficient) en contrepartie du spectacle ou de l'événement; toutefois, si les membres perçoivent une rémunération périodique fixe et s'il est difficile d'attribuer une part de ces revenus à des manifestations particulières, les pays Membres peuvent décider, unilatéralement ou bilatéralement, de ne pas l'imposer. Le bénéfice réalisé par cette personne morale du fait de ce spectacle ou événement serait imposable en vertu du paragraphe 2.

c) Le troisième cas concerne certains procédés d'évasion fiscale lorsque la rémunération due pour la prestation fournie par un artiste ou par un sportif n'est pas versée à lui-même mais à un tiers, par exemple à ce qu'on appelle une société d'artiste, de sorte que le revenu n'est imposé, dans l'État où l'activité est exercée, ni comme rémunération personnelle de l'artiste ou du sportif pour la prestation de ses services, ni comme bénéfice de l'entreprise en l'absence d'un établissement stable. Certains pays font abstraction de tels dispositifs dans leur législation nationale et considèrent les revenus comme réalisés par l'artiste ou le sportif : lorsque c'est le cas, le paragraphe 1 leur permet d'imposer les revenus tirés d'activités exercées sur leur territoire. D'autres pays n'ont pas cette possibilité. Lorsqu'un spectacle y est organisé, le paragraphe 2 permet à l'État en question d'imposer les bénéfices détournés du revenu de l'artiste ou du sportif au profit de l'entité. Toutefois, les États auxquels leur législation nationale ne donne pas les moyens d'appliquer cette disposition ont la faculté de convenir d'autres solutions ou de ne pas faire figurer le paragraphe 2 dans les conventions bilatérales qu'ils concluent.

[40] La troisième phrase du paragraphe 11 des commentaires se lit en partie comme suit :

[...] le paragraphe 2 prévoit que la fraction du revenu sur lequel l'artiste ou le sportif ne peut être imposé peut être imposé (sic) comme revenu de la personne qui le reçoit.

(le soulignement est de moi)

[41] Cela démontre clairement que le paragraphe 2 de la convention Canada-États-Unis n'est pas régi par le principe du noir ou blanc ou par celui du tout ou rien. Il vise plutôt le cas de l'artiste dont une partie des revenus lui revient personnellement et une partie est attribuée à une compagnie, auquel cas la totalité des revenus peut être imposée.

[42] Pour ces motifs, je ne trouve aucune erreur dans les cotisations établies à l'égard des appelants.

[43] Les appels sont rejetés, avec frais. L'intimée a droit à un seul mémoire pour ce qui est des honoraires d'avocat touchant les deux appels.

Signé à Ottawa, Canada, ce 7 e jour de décembre 1999.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.C.I

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de juillet 2000.

Benoît Charron, réviseur

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