Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991208

Dossiers: 1999-364-EI; 1999-366-EI

ENTRE :

GONNI HOLDINGS LTD. (AUTREFOIS APPELÉE BILGA TRUCKING LTD.), PARMJIT SANGHERA,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

Intimé.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] Avec le consentement des parties, les appels en l'instance ont été entendus ensemble sur preuve commune à Edmonton (Alberta) les 21 et 22 juillet 1999. Un interprète s'exprimant en pendjabi était présent tout au long de l'audition.

[2] L'appelante, Gonni Holdings Ltd., autrefois appelée Bilga Trucking Ltd. (ci-après appelée la “ compagnie ”), et l'appelant, Parmjit Sanghera (ci-après appelé “ Parmjit ”), ont respectivement porté en appel un certain nombre de décisions du ministre du Revenu national (ci-après appelé le “ ministre ”) selon lesquelles, au cours des périodes suivantes, Parmjit a exercé pour la compagnie un emploi exclu de la catégorie des emplois assurables soit en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage (la “ Loi sur l'a.-c. ”), soit en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (la “ Loi sur l'a.-e. ”) :

Du 4 avril 1992 au 15 juin 1992

Du 7 novembre 1992 au mois de décembre 1992

Du 22 avril 1993 au 1er novembre 1993

Du 24 mars 1994 au 30 novembre 1994

Du 3 février 1996 au 28 janvier 1997

[3] Les motifs des décisions se rapportant aux périodes de l'année 1992 étaient les suivants :

[TRADUCTION]

[...] n'ayant pas été engagé aux termes d'un contrat de louage de services, il n'était pas un employé à ce moment-là.

[4] On a indiqué que cette décision avait été prise conformément à l'article 93 de la Loi sur l'a.-e. et qu'elle était fondée sur l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'a.-c.

[5] Les motifs des décisions se rapportant au reste des périodes étaient les suivants :

[TRADUCTION]

Vous avez été engagé aux termes d'un contrat de louage de services, mais le ministre n'est pas convaincu, compte tenu de toutes les circonstances, que les parties auraient conclu un contrat de travail semblable si elles n'avaient pas eu de lien de dépendance entre elles; par conséquent, vous exerciez un emploi exclu.

[6] On a indiqué que, dans ces cas, les décisions avaient été prises conformément à l'article 93 de la Loi sur l'a.-e. et étaient fondées sur l'alinéa 3(2)c) de la Loi sur l'a.-c. pour les périodes allant jusqu'au 29 juin 1996 et, pour le reste de la dernière période, sur l'alinéa 5(2)i) de la Loi sur l'a.-e.

[7] Pendant l'audition, les appelants ont abandonné leurs appels portant sur les deux périodes de 1992.

[8] Les faits établis révèlent que Parmjit est le frère de Tarlochan Sanghera (“ Tarlochan ”), qui, pendant les périodes pertinentes, détenait la totalité des actions en circulation de la compagnie. Celle-ci exploitait une entreprise de transport par camion, et Parmjit conduisait le camion. Par conséquent, conformément à l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur l'a.-c. et au paragraphe 5(3) de la Loi sur l'a.-e. et au sens de l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu, en tant que personne liée, il était réputé ne pas traiter avec son frère sans lien de dépendance dans le cadre de l'exploitation de l'entreprise de ce dernier et, sous réserve de l'exception prévue au sous-alinéa 3(2)c)(i) de la Loi sur l'a.-c. et à l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., son emploi était exclu de la catégorie des “ emplois assurables ” aux termes de la Loi sur l'a.-e. Le ministre a déterminé que l'emploi n'était pas visé par l'exception, et c'est à l'encontre de cette décision que les appelants ont interjeté appel.

Le droit

[9] Dans le régime établi en vertu de la Loi sur l'a.-c. et de la Loi sur l'a.-e., le législateur a prévu que certains emplois sont assurables, c'est-à-dire qu'ils donnent lieu au versement de prestations au moment de leur cessation, et que d'autres sont des emplois non assurables, soit des emplois qui, au moment de leur cessation, ne donnent pas droit à des prestations. Un arrangement conclu entre personnes ayant entre elles un lien de dépendance entre dans la catégorie des emplois non assurables. Des frères sont réputés avoir entre eux un lien de dépendance conformément au paragraphe 251(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui régit la situation. Il est bien clair que l'objet de cette loi est d'empêcher que, dans le cadre du système, on doive verser une multitude de prestations fondées sur des contrats de travail artificiels ou fictifs.

[10] La sévérité de cette règle est cependant atténuée par le sous-alinéa 3(2)c)(i) de la Loi sur l'a.-c. et l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e., qui prévoit que l'emploi mettant en cause des personnes liées entre elles est réputé un emploi sans lien de dépendance qui doit par conséquent être traité comme un emploi assurable, dans la mesure où il satisfait à toutes les autres exigences, c'est-à-dire quele ministre est convaincu qu'il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rémunération versée, les modalités, la durée, la nature et l'importance du travail accompli, qu'elles auraient conclu entre elles un contrat de travail à peu près semblable si elles n'avaient pas eu (dans les faits) un lien de dépendance. Il serait peut-être utile de reformuler la façon dont je comprends cette disposition. Aux termes de la Loi sur l'a.-c. et de la Loi sur l'a.-e., les personnes liées entre elles ne peuvent réclamer de prestations à moins que le ministre ne soit convaincu que, dans les faits, les modalités d'emploi sont identiques à celles que des personnes non liées, à savoir des personnes qui n'ont manifestement pas de lien de dépendance, auraient conclues. S'il s'agit d'un contrat de travail à peu près semblable, le législateur a jugé qu'il était à tout le moins juste qu'il soit inclus dans le régime. Cependant, le ministre est le gardien du régime. S'il n'est pas convaincu qu'il s'agit d'un contrat à peu près semblable, la porte reste close, l'emploi demeure exclu et l'employé n'est admissible à aucune prestation.

[11] Le paragraphe 93(3) de la Loi sur l'a.-e. traite des appels portés devant le ministre. En voici le libellé :

Le ministre règle la question soulevée par l'appel ou la demande de révision dans les meilleurs délais et notifie le résultat aux personnes concernées.

[12] Le ministre n'a donc pas le pouvoir de décider s'il va oui ou non régler la question. Il est tenu, en droit, de le faire. S'il n'est pas convaincu, la porte reste close et l'employé n'est pas admissible. Si, cependant, il est convaincu, sans plus de cérémonie ou sans autre geste de sa part (si ce n'est l'obligation de donner un avis de la décision), l'employé devient admissible à des prestations, à la condition qu'il soit par ailleurs admissible. Il ne s'agit pas d'un pouvoir discrétionnaire dans le sens où, s'il est convaincu, le ministre peut alors juger que l'emploi est assurable. Il doit régler la question et, selon sa décision, l'emploi est réputé, en droit, mettre en cause des personnes qui ont ou qui n'ont pas de lien de dépendance. En ce sens, le ministre n'a pas de pouvoir discrétionnaire dans le véritable sens du terme car, lorsqu'il prend sa décision, il doit agir de façon quasi-judiciaire et il n'est pas libre de son choix. Les différentes décisions de la Cour d'appel fédérale sur cette question révèlent que le même critère s'applique à une myriade d'autres fonctionnaires qui prennent des décisions quasi-judiciaires dans nombre d'autres domaines. Voir les affaires Tignish Auto Parts Inc. v. M.N.R., 185 N.R. 73, Ferme Émile Richard et Fils Inc. v. M.N.R., 178 N.R. 361, Attorney General of Canada and Jencan Ltd., (1997) 215 N.R. 352 et Her Majesty the Queen and Bayside Drive-in Ltd., (1997) 218 N.R. 150.

[13] Le rôle de la Cour, dans le cadre d'un appel, est donc de contrôler la décision du ministre et de déterminer s'il y est arrivé légalement, c'est-à-dire conformément à la Loi sur l'a.-c. ou à la Loi sur l'a.-e. et aux principes de justice naturelle. Dans l'arrêt Her Majesty the Queen v. Bayside et al., précité, la Cour d'appel fédérale a énoncé certaines questions que la Cour canadienne de l'impôt doit examiner lorsqu'elle entend des appels de cette nature :

Le ministre a-t-il agi de mauvaise foi ou en s'appuyant sur un objectif ou un motif inapproprié?

Le ministre a-t-il omis de tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, comme il y est expressément tenu aux termes du sous-alinéa 3(2)c)(ii)? ou

(iii) Le ministre a-t-il tenu compte d'un facteur non pertinent?

[14] La Cour d'appel fédérale a ensuite déclaré :

Ce n'est que si le ministre a commis une ou plusieurs de ces trois erreurs susceptibles de contrôle que l'on peut dire qu'il a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une façon contraire à la loi, et donc, que le juge de la Cour de l'impôt serait justifié de faire sa propre évaluation de la prépondérance des probabilités quant à savoir si les intimés auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable s'il n'y avait pas eu entre eux de lien de dépendance.

[15] Dans l'examen de la présente affaire, il ne faut pas oublier que la Cour ne doit pas substituer sa propre opinion sur la preuve à celle du ministre. Toutefois, si la façon dont le ministre est parvenu à sa décision n'était pas légitime dans le contexte des jugements précités, les aspects en cause des faits énoncés peuvent être écartés, et je dois alors déterminer si ce qui reste constitue des bases justifiables aux fins de la décision. Si ces bases, en soi, étaient suffisantes pour que le ministre parvienne à une décision, la décision doit être maintenue, même si la Cour peut différer d'opinion. Par contre, s'il ne reste aucune base sur laquelle le ministre pouvait légitimement fonder une telle décision, d'un point de vue raisonnable et objectif, la décision peut alors être infirmée, et la Cour peut prendre en considération la preuve qui lui est présentée en appel et rendre sa propre décision.

[16] Bref, si le ministre dispose de faits suffisants pour fonder sa décision, celle-ci lui appartient et, s'il n'est “ pas convaincu ”, il n'appartient pas à la Cour de substituer son opinion sur ces faits et de dire qu'il aurait dû être convaincu. Parallèlement, s'il est convaincu, il n'appartient pas à la Cour de dire qu'il n'aurait pas dû être convaincu (un scénario peu probable de toute façon). La Cour ne peut intervenir que si la décision est prise de façon inappropriée et qu'objectivement elle est déraisonnable compte tenu des faits qui ont été présentés régulièrement au ministre.

[17] Mon point de vue est appuyé par un certain nombre de décisions de différents tribunaux d'appel du pays et de la Cour suprême du Canada dans des affaires apparentées portant sur divers éléments de procédure prévus au Code criminel, qui ont par la suite été examinés par les tribunaux et qui, à mon avis, sont analogues à la situation qui nous occupe. La norme de contrôle de la validité d'un mandat de perquisition a été énoncée par le juge Cory de la Cour d'appel (tel était alors son titre) dans l'arrêt Times Square Book Store, Re (1985) 21 C.C.C. (3d) 503 (C.A.), où il a dit qu'il n'appartenait pas au juge qui effectue le contrôle d'examiner de novo l'autorisation concernant le mandat de perquisition et qu'il ne pouvait pas substituer son opinion à celle du juge ayant décerné le mandat. La première question à résoudre dans le cadre d'un contrôle est plutôt de savoir si oui ou non il y avait une preuve sur le fondement de laquelle un juge de la paix agissant de façon judiciaire pouvait déterminer qu'il y avait lieu de décerner un mandat de perquisition.

[18] La Cour d'appel de l'Ontario a réitéré et approfondi ce point de vue dans l'arrêt R. v. Church of Scientology of Toronto and Zaharia (1987) 31 C.C.C. (3d) 449 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée. En indiquant que le tribunal qui effectue le contrôle devait examiner l'“ ensemble des circonstances ”, la Cour d'appel a indiqué à la page 492 :

[TRADUCTION]

De toute évidence, si cette conviction (qu'une infraction criminelle a été commise) ne s'appuie sur aucune preuve, on ne peut dire que, dans ces circonstances, le juge devrait être convaincu. Il y aura, en revanche, des cas où cette preuve (établissant des motifs raisonnables de croire) existe et où le juge pourrait être convaincu, mais où il ne l'est pas et où il n'exerce pas son pouvoir discrétionnaire pour décerner un mandat de perquisition. Dans ces circonstances, le juge qui effectue le contrôle ne doit pas dire que le juge aurait dû être convaincu et qu'il aurait dû décerner le mandat. De même, si, dans de telles circonstances, le juge dit qu'il est convaincu et qu'il décerne le mandat, le juge qui effectue le contrôle ne peut dire que le juge n'aurait pas dû être ainsi convaincu.

[19] La Cour suprême du Canada a entériné cette approche dans l'affaire R. c. Garofoli, [1990] 2 R.C.S. 1421. Au sujet d'une autorisation d'écoute électronique, feu M. le juge Sopinka déclarait dans cette affaire :

Bien que le juge qui exerce ce pouvoir relativement nouveau ne soit pas tenu de se conformer au critère de l'arrêt Wilson, il ne devrait pas réviser l'autorisation de novo. La façon appropriée est établie dans les motifs du juge Martin en l'espèce. Il affirme [...] :

Si le juge du procès conclut, d'après les documents dont disposait le juge ayant accordé l'autorisation, qu'il n'existait aucun élément susceptible de le convaincre que les conditions préalables pour accorder l'autorisation existaient, il me semble alors que le juge du procès doit conclure que la fouille, la perquisition ou la saisie contrevient à l'art. 8 de la Charte.

Le juge qui siège en révision ne substitue pas son opinion à celle du juge qui a accordé l'autorisation. Si, compte tenu du dossier dont disposait le juge qui a accordé l'autorisation et complété lors de la révision, le juge siégeant en révision, conclut que le juge qui a accordé l'autorisation pouvait le faire, il ne devrait pas intervenir. Dans ce processus, la fraude, la non-divulgation, la déclaration trompeuse et les nouveaux éléments de preuve sont tous des aspects pertinents, mais au lieu d'être nécessaires à la révision leur seul effet est d'aider à décider s'il existe encore un fondement quelconque à la décision du juge qui a accordé l'autorisation.

[20] Cette approche semble avoir été adoptée par presque tous les tribunaux d'appel de notre pays. (Voir R. v. Jackson, (1983) 9 C.C.C. (3d) 125 (C.A. C.-B.); R. v. Conrad et al., (1989) 99 A.R. 197, 79 Alta. L.R. (2d) 307, 51 C.C.C. (3d) 311 (C.A.); Hudon v. R., (1989) 74 Sask. R. 204 (C.A.); et R. v. Turcotte, (1988) 60 Sask. R. 289, 39 C.C.C. (3d) 193 (C.A.); R. v. Borowski, (1990) 66 Man. R. (2d) 49, 57 C.C.C. (3d) 87 (C.A.); Bâtiments Fafard Inc. et autres c. Canada et autres, (1991) 41 Q.A.C. 254 (C.A.); Société Radio-Canada v. Nouveau-Brunswick (Procureur général) et autres, (1991) 104 N.B.R. (2d) 1, 261 A.P.R. 1, 55 C.C.C. (3d) 133 (C.A.); R. v. Carroll and Barker, (1989) 88 N.S.R. (2d) 165, 225 A.P.R. 165, 47 C.C.C. (3d) 263 (C.A.), et R. v. MacFarlane, (K.R.) (1993) 100 Nfld. & P.E.I.R. 302, 318 A.P.R. 302, 76 C.C.C. (3d) 54 (C.A. I.-P.-É.).) Cette approche me semble des plus pertinentes dans le cadre du contrôle d'un règlement du ministre, qui constitue lui aussi une décision quasi-judiciaire.

Première étape - Analyse de la décision du ministre

[21] Dans la réponse à l'avis d'appel de Parmjit Sanghera (1999-366(EI)), déposée par le sous-procureur général du Canada, on peut lire que le ministre s'est fondé sur les hypothèses de fait suivantes, qui étaient les mêmes dans chaque cas :

[TRADUCTION]

les faits admis à l'alinéa 2 a) précédemment;

avant le mois de juillet 1994, la société était connue sous le nom de Bilga Trucking Ltd.;

le travailleur et la société ont entre eux un lien de dépendance;

la société et le travailleur sont des personnes liées entre elles au sens de l'article 251 de la Loi de l'impôt sur le revenu;

le travailleur accomplissait les tâches de chauffeur de camion de gravier;

le camion conduit par le travailleur appartenait à la société;

le travailleur a déclaré que la société lui avait versé les montants suivants :

2 425 $ par mois;

2 425 $ par mois jusqu'au 31 octobre, puis 2 600 $;

2 600 $ par mois jusqu'au 31 août, puis 3 000 $;

3 000 $ par mois jusqu'au 30 septembre, puis 3 500 $;

3 500 $ par mois;

de façon générale, le travailleur faisait de 8 à 10 heures par jour;

Tarlochan Sanghera a déclaré que le salaire du travailleur correspondait à ce qu'il estimait être la norme dans le secteur;

le travailleur recevait un chèque tous les mois;

le travailleur n'avait aucun pouvoir de signature relativement aux comptes bancaires de la société;

le travailleur ne touchait aucune prime ni avance et il n'était pas payé en retard;

les heures du travailleur n'étaient pas consignées par la société ni par le travailleur;

les heures du travailleur étaient contrôlées au chantier par le superviseur du chantier en question;

le travailleur tenait des feuilles de route ou de chargement pour chaque livraison ou ramassage d'un chargement;

Tarlochan Sanghera a déclaré que les revenus de la société n'influaient pas sur le salaire du travailleur;

le travailleur n'a touché aucune indemnité de maladie, paye de vacances ou prime d'heures supplémentaires;

Tarlochan Sanghera a déclaré que le travailleur était remplacé s'il était incapable de travailler;

les heures travaillées par le travailleur chaque jour dépendaient du chantier, mais, de façon générale, le travailleur faisait entre 45 et 50 heures par semaine;

il est arrivé que le travailleur ne fournisse aucun service en raison du mauvais temps ou parce qu'un chantier n'était pas prêt;

le travail de la société est saisonnier; il est effectué du printemps à l'automne;

le travailleur a déclaré qu'il n'avait manqué aucune journée de travail au cours des périodes en cause;

les travailleurs étaient supervisés ou dirigés par un directeur de carrière de gravier ou par un superviseur de chantier;

la société a remboursé au travailleur toutes les dépenses qu'il a personnellement engagées dans l'exercice de ses fonctions;

d'après les relevés d'emploi déposés auprès de la Commission, le travailleur a été engagé et mis à pied aux dates suivantes :

Engagé Mis à pied

1er mai 1993 30 octobre 1993

23 mai 1994 30 novembre 1994

25 avril 1996 9 novembre 1996

les relevés d'emploi déposés auprès de la Commission indiquent que le travailleur a été mis à pied le 30 octobre 1993, le 30 novembre 1994 et le 9 novembre 1996 en raison d'une pénurie de travail;

le travailleur a accompli des tâches pour la société au cours des périodes où il avait été prétendument mis à pied en raison d'une pénurie de travail;

Tarlochan Sanghera a déclaré que le travailleur avait travaillé au cours des périodes où il avait été mis à pied, mais il a précisé que c'était pour compenser les jours de pluie et les jours de retard au début d'un contrat, pour lesquels il avait été payé, mais pendant lesquels il n'avait pas travaillé.

[22] Au cours des témoignages, les appelants ont admis les hypothèses énoncées aux alinéas a), b), d), e), f), g), h), i), j), k), l), m), n), o) (non contestées), p), q), r), s) (non contestées), t), u), v), w), x), y), z), aa) et bb).

[23] Les appelants ont contesté l'hypothèse énoncée à l'alinéa c), qui constitue en réalité la question en litige en l'espèce, bien qu'ils aient convenu que, en droit, ils sont réputés avoir un lien de dépendance.

[24] Tarlochan, le propriétaire de la compagnie, Parmjit, le travailleur, Angelina Chrestenson, l'agente des décisions de Revenu Canada qui a rendu la première décision au bureau des Services fiscaux d'Edmonton à la suite d'un renvoi de Développement des ressources humaines Canada (“ DRHC ”), Martin Whittaker, l'enquêteur et agent de vérification de DRHC qui a effectué les premières enquêtes, et Philip Hart, l'agent des appels de Revenu Canada qui a fait la recommandation finale au ministre, ont témoigné.

[25] La preuve, si je puis la classifier, porte sur deux aspects différents de l'affaire, en commençant par l'enquête de M. Whittaker. L'avocat des appelants a fait valoir que les questions soulevées par cette enquête sont d'une nature telle qu'elles vicient tout le processus et mènent à la conclusion qu'il y a eu mauvaise foi de la part du ministre. La preuve a ensuite porté sur la nature du travail accompli ou des services fournis par Parmjit en dehors des périodes indiquées dans les relevés d'emploi (“ RE ”). M. Hart a admis très honnêtement que, n'eût été le travail accompli en dehors des périodes mentionnées dans les RE, il en serait venu à la conclusion que l'entente était à peu près semblable à celle que des personnes sans lien de dépendance auraient conclu entre elles. Ces deux aspects de la preuve sont dans une certaine mesure liés. Pour déterminer si le ministre a pris en considération des faits non pertinents ou erronés ou s'il a omis de tenir compte de faits pertinents, je dois examiner la preuve relativement à ces deux aspects car il faut résoudre certaines questions de crédibilité pour déterminer quels sont ces faits. Je ne parle pas du poids qu'il y a lieu d'accorder aux faits établis, ce qui est clairement une question qu'il appartient au ministre de trancher à ce stade-ci; je dis plutôt qu'il faut déterminer les autres faits qui sont établis par la preuve et qui soit remettent en question l'exactitude ou la pertinence des faits présentés au ministre, soit étaient d'une telle pertinence que ce dernier aurait dû en tenir compte.

[26] Je me pencherai d'abord sur la question des enquêtes.

[27] M. Whittaker a examiné le dossier en cause pour la première fois en 1993. D'après Tarlochan, il est resté dans les locaux de son entreprise environ 2 heures et demie, il a examiné ses dossiers, et il y a eu une décision selon laquelle l'emploi en question était assurable au cours de l'été de 1992. Cette décision n'a jamais fait l'objet d'un appel et a résisté à l'épreuve du temps. Peu de temps après, M. Whittaker a de nouveau rencontré Tarlochan; il lui a, à ce moment-là, demandé de lui donner les noms de ceux et celles qui fraudaient peut-être le régime d'assurance-chômage. Le témoin a indiqué avoir dit à M. Whittaker qu'il ne se mêlait pas des affaires des autres, et la question en est restée là. À ce moment-là, M. Whittaker a félicité Tarlochan pour la bonne tenue de ses registres.

[28] On en vient ensuite à l'année 1997, au cours de laquelle M. Whittaker a entrepris une autre enquête par suite d'un renseignement obtenu dans des circonstances semblables alors qu'il effectuait une autre enquête. Il a demandé aux Sanghera de lui remettre tous leurs registres, qu'ils ont laissés à son intention au bureau du comptable. Deux mois plus tard à peu près, M. Whittaker a demandé une rencontre avec les deux frères, qui a eu lieu en décembre 1997. M. Whittaker s'est dit incapable de se rappeler la nature exacte de la conversation et, de toute évidence, à en juger par son langage corporel à la barre des témoins, il était extrêmement mal à l'aise lorsque la question a été soulevée. Par contre, Tarlochan a pu se rappeler la conversation très clairement puisqu'elle revêtait une très grande importance pour lui. J'ai indiqué dans mes notes, lorsqu'il était à la barre, qu'il semblait un “ témoin honnête et franc ”, “ honnête ”. Très franchement, je n'ai aucune hésitation à accepter son témoignage dans son ensemble. Il m'a effectivement paru un homme intègre, honnête et travaillant. Il s'est rappelé que la première chose que M. Whittaker leur a dite, c'est qu'ils s'étaient créés de gros ennuis. Puis, M. Whittaker leur a dit qu'ils allaient être traînés en justice, qu'il leur faudrait retenir les services d'un avocat, que ça allait leur coûter cher, alors que lui-même n'aurait pas à débourser un seul sou. Enfin, il leur a dit que, s'ils lui donnaient le nom de ceux et celles qui fraudaient le régime, ils seraient tirés d'affaire. Tarlochan a déclaré avoir répété à M. Whittaker ce qu'il lui avait dit auparavant, c'est-à-dire qu'il ne se mêlait pas des affaires des autres. Il a subséquemment reçu les décisions qui ont mené aux décisions qui font maintenant l'objet d'un appel.

[29] M. Whittaker a déclaré lors de son témoignage qu'il demandait souvent aux gens visés par ses enquêtes de lui donner des renseignements sur d'autres personnes qui fraudaient le régime, mais il a maintenu vigoureusement que les résultats de cette demande n'avaient jamais influer sur son enquête. Je n'ai aucun doute qu'une conversation du genre a eu lieu en l'espèce. Je reconnais que M. Whittaker a nié avoir utilisé un langage aussi percutant que celui que Tarlochan a prétendu avoir entendu. Cependant, comme je l'ai déjà dit, Tarlochan m'a semblé un témoin très honnête et, puisque M. Whittaker a été incapable de se rappeler clairement leur conversation, j'admets que celle-ci s'est déroulée de la manière décrite par Tarlochan. La difficulté, avec ce type de façon de faire, c'est qu'elle laisse très clairement dans l'esprit des gens visés par l'enquête l'impression que, s'ils ne coopèrent pas, les choses tourneront à leur désavantage, et que le processus n'est pas équitable. Je n'ai aucun doute non plus que M. Whittaker a un travail très difficile à accomplir et qu'il doit mener ses enquêtes dans un milieu quelque peu trouble, où le climat n'est pas très facile. Néanmoins, les conséquences de cette façon de faire sont énormes et, très franchement, elles sont telles qu'elles vicient effectivement son enquête, aussi vigoureusement puisse-t-il choisir d'en nier le caractère injuste. Cette façon de faire ne devrait pas être encouragée par la Cour puisqu'elle a pour effet de rendre peu fiable, c'est le moins que l'on puisse dire, la preuve produite pour le compte du ministre.

[30] C'est donc dans ce contexte que je dois maintenant examiner les faits qui ont été présentés au ministre dans la mesure où ils se rapportent au travail accompli et aux services fournis par Parmjit en dehors des périodes indiquées dans les RE puisque, sans cela, M. Hart a-t-il admis, la décision aurait été différente.

[31] Les faits recueillis par Angelina Chrestenson ont été énoncés dans le rapport de décision de cette dernière produit en preuve sous la cote A-1. Elle a tiré la plupart de ses conclusions de fait du dossier de DRHC (préparé par M. Whittaker) et, en toute justice pour elle, il faut admettre que les appelants ont été plutôt avares de renseignements supplémentaires. Tarlochan a cependant souligné à cette époque que le travail effectué en dehors des périodes mentionnées dans les RE visait simplement à compenser les journées perdues au cours de la période de travail et qu'il n'en avait pas effectué beaucoup.

[32] Mme Chrestenson a énuméré les dates auxquelles différentes tâches avaient été effectuées, et son rapport a été très utile à cet égard. Les périodes indiquées dans les RE et les plus longues périodes travaillées ont été reproduites dans les rapports CPT110 dressés par Phillip Hart aux fins de ses recommandations au ministre. Elles sont les suivantes :

Année Période dans le RE Cycle de travail établi

1992 16 juin au 6 novembre 8 avril au 6 novembre

1993 1er mai au 30 octobre 22 avril au 5 novembre

1994 23 mai au 30 novembre 24 mai au 30 novembre

1995 11 juin au 25 octobre 13 avril au 31 octobre

(accident du travail 26 octobre)

1996 25 avril au 9 novembre 2 mars 1996 au

21 janvier 1997

[33] Par conséquent, dans ces rapports, en ce qui a trait à la “ Durée du travail ”, M. Hart a dit ceci pour arriver à ses recommandations :

[TRADUCTION]

[...] En réalité, étant donné que le travailleur était censé fournir des services 40 à 50 heures par semaine pour gagner le salaire qui lui était attribué, le fait qu'il a travaillé en dehors du cycle de paie n'est pas non plus en soi nécessairement un facteur d'exclusion. Cependant, le fait que la période s'est étalée sur des mois (en 1993, environ 2 semaines, en 1994, environ 2 mois, en 1996, environ 5 mois) et que les RE étaient inexacts (ce que le payeur a admis) et faisaient état en outre “ par hasard ” d'un nombre d'heures légèrement plus élevé que le nombre d'heures nécessaire pour recevoir des prestations, soulève de gros doutes sur la durée. (L'italique est de moi.)

[34] Compte tenu du témoignage de M. Hart selon lequel, sans le travail effectué en dehors des périodes mentionnées dans les RE, il aurait tiré une conclusion différente, il y a lieu de déterminer de quelle façon on est arrivé à ces périodes assez longues “ en 1993, environ 2 semaines, en 1994, environ 2 mois, en 1996, environ 5 mois ”, et si elles sont appuyées par la preuve.

[35] Elles ont évidemment été tirées du dossier de M. Whittaker et ont été communiquées à Mme Chrestenson. Elles méritent d'être examinées de beaucoup plus près.

[36] L'année 1992 n'est plus en litige.

[37] En 1993, l'écart entre le RE et le cycle de travail établi est de neuf jours à la fin du mois d'avril (du 22 au 30 avril) et de six jours au début du mois de novembre (du 31 octobre au 5 novembre).

[38] D'après les renseignements contenus dans le rapport de Mme Chrestenson, le camion a commencé à faire du transport pour la ville d'Edmonton le 22 avril 1993. Les documents produits sous la cote R-13 en font la preuve. Tarlochan a témoigné que Parmjit avait touché 110 $ par jour pour deux jours de travail les 22 et 23 avril. Il appert que quatre autres chargements ont été transportés, un le 29 avril et un autre le 30 avril. La preuve révèle donc, et j'accepte cette preuve, qu'au total six chargements ont été transportés au cours de cette période de 9 jours. Le camion n'était pas utilisé de façon régulière, et la proposition selon laquelle, au cours de cette période, l'appelant Parmjit a travaillé autrement que de façon très occasionnelle, est complètement erronée. Il aurait peut-être fallu en tenir compte dans le calcul des prestations, mais il est clair que Parmjit n'était pas inscrit régulièrement sur la feuille de paie pour ce qui est du transport de ces chargements isolés.

[39] Je me pencherai maintenant sur le mois de novembre 1993. D'après le RE, Parmjit a été mis à pied le 30 octobre. Il a apparemment approuvé des réparations effectuées au camion le 1er novembre. Tarlochan soutient qu'il a simplement demandé à son frère de conduire le camion jusqu'à l'atelier de réparation pour lui rendre service. Il n'occupait aucun emploi à l'époque et il n'était pas obligé d'accepter; il a simplement acquiescé à une demande de son frère. De façon générale, Parmjit ne s'occupait ni de l'entretien du camion ni des réparations qui y étaient effectuées. Tarlochan s'en occupait lui-même. Cela ne faisait pas partie des tâches courantes de Parmjit.

[40] De même, le 5 novembre, Tarlochan a déclaré qu'il avait demandé à son frère, qui, encore une fois, était sans emploi, d'aller chercher certaines pièces car il devait changer la boîte du camion. Celui-ci ne servait pas au transport de chargements ni n'était utilisé à cette époque.

[41] C'est là le total des tâches qui ont été accomplies et, très franchement, elles sont très loin de représenter une semaine d'activité supplémentaire pour laquelle aucune rétribution n'a été versée, comme l'indiquent les rapports. Les faits qui ont été présentés à M. Hart et, par son entremise, au ministre, étaient déformés. Ces tâches, telles qu'elles ont été décrites et déformées, ont mené Mme Chrestenson à affirmer que le RE était “ faux ”, laissant entendre qu'il y avait eu tromperie ou fabrication délibérées. Cela était clairement erroné.

[42] Vient ensuite l'année 1994. Dans le rapport, on peut lire que Parmjit a commencé à travailler le 24 mars alors que le RE précise que le premier jour de travail est le 23 mai, ce qui mène donc à l'hypothèse de fait, dans le rapport de M. Hart, que le travailleur a travaillé pendant deux mois sans être rémunéré. Encore une fois, la preuve, que je n'hésite aucunement à accepter, démontre que cette hypothèse est erronée. En fait, la preuve a révélé que Parmjit était simplement allé chercher des pièces pour le camion le 24 mars. Il n'y a aucune preuve qu'il faisait autre chose qu'aller chercher des pièces pour son frère. Ce n'est pas une preuve qu'il a travaillé dans le cadre d'un emploi consistant à conduire le camion.

[43] Le 9 avril, a-t-on dit, il était en Colombie-Britannique pour y acheter des pièces. En fait, la preuve a révélé que des membres de la famille des deux frères vivaient en Colombie-Britannique. Parmjit rendait visite à des membres de sa famille à cette époque. La remorque du camion avait été fabriquée en Colombie-Britannique. Pendant que Parmjit s'y trouvait, Tarlochan lui a demandé d'aller chercher certaines pièces et de les lui ramener. Il ne s'est pas rendu spécialement en Colombie-Britannique pour aller chercher ces pièces, comme on l'a prétendu. Encore une fois, on est loin de l'affirmation selon laquelle il est allé en Colombie-Britannique pour y prendre livraison de pièces, comme on le présume dans le rapport.

[44] Le 16 avril 1994, Parmjit s'est occupé du renouvellement des plaques d'immatriculation du camion, qui ont été payées par Tarlochan. L'assurance est entrée en vigueur le 18 avril, et du carburant a été acheté ce jour-là. Tarlochan a témoigné que Parmjit lui devait quelques jours de travail pour les journées de travail perdues au cours de l'année précédente, qu'il avait conduit le camion le 18 avril et le 5 mai et que, pour ce dernier déplacement, il avait obtenu le 4 mai un permis de déplacement à l'extérieur d'un rayon de 50 kilomètres. Donc, la totalité de la preuve, lorsqu'on l'analyse, montre que le travailleur a conduit le camion deux jours sans être payé pour compenser les journées perdues au cours de l'année précédente, qu'il est allé chercher les plaques d'immatriculation et certaines pièces. On est encore là bien loin des deux mois de travail indiqués dans le RE, avant le début de ce que j'estime être une période d'emploi régulier. La période de deux jours n'excède pas ce qui était considéré comme normal dans le résumé même de M. Hart. C'est, comme il l'a dit, le fait qu'elle s'est “ étalée sur des mois ” qui a influé sur sa recommandation. En fait, elle ne s'est pas étalée sur des mois car elle n'était que de deux jours. L'affirmation faite à cet égard dans le rapport transmis à M. Hart était complètement erronée.

[45] Il n'y avait aucun écart à la fin de 1994.

[46] Dans le rapport de Mme Chrestenson, on mentionne l'année 1995. Toutefois, cette période n'est pas visée par l'appel à la Cour pour une raison inconnue, et, bien qu'on ait mentionné également certaines des situations en 1995, je n'ai aucun besoin de me pencher sur cette année-là.

[47] Mme Chrestenson indique dans son rapport que Parmjit est retourné au travail le 25 avril 1996, après avoir touché des indemnités d'accident du travail pour une blessure au dos. Selon la preuve documentaire, il est allé chercher certaines pièces le 24 mars. Entre le 7 et le 24 mars, le camion était utilisé à Niton Junction et Parmjit en était le chauffeur. Tarlochan a témoigné qu'il avait été payé pour deux semaines pour effectuer ce travail. La paie devait représenter 25 p. 100 des gains, et Parmjit a reçu un chèque de 3 000 $ le 1er mai. Il s'agissait d'un contrat unique, et il ne fait aucun doute qu'il fallait en tenir compte dans le calcul des prestations. Ce n'était cependant pas un travail régulier. Encore une fois, on est loin de la proposition selon laquelle Parmjit a travaillé sans paie pendant une partie des cinq mois avant et après la période indiquée dans le RE en 1996-1997.

[48] À la fin de la saison 1996, le rapport de Mme Chrestenson indique que, selon le RE, le dernier jour de travail est le 9 novembre 1996.

[49] Des documents montrent que Parmjit est allé chercher des pièces en 1996, comme elle le dit. Ils montrent également qu'un chargement a été transporté le 15 novembre. On a formulé l'hypothèse que le chauffeur était Parmjit. En fait, la preuve, que j'accepte, a révélé que c'est Hardip Sanghera, un autre frère, qui a conduit le camion ce jour-là et qu'il a été payé par Tarlochan. L'hypothèse était donc erronée.

[50] Tarlochan est d'accord avec l'affirmation de Mme Chrestenson selon laquelle c'est Parmjit qui est allé chercher les pièces les 21, 25 et 26 novembre. Tarlochan s'occupait des réparations effectuées au camion et il a demandé à Parmjit d'aller chercher certaines pièces, ce que ce dernier a fait.

[51] D'après le rapport de Mme Chrestenson, des achats ont été effectués les 27 et 28 novembre 1996, indiquant que Parmjit conduisait le camion à ce moment-là. En fait, la preuve a révélé et, encore une fois, j'accepte cette preuve, que c'est un autre frère, Mansit Sanghera, qui a conduit le camion ces jours-là. L'hypothèse était dans ce cas aussi erronée.

[52] Des réparations ont été approuvées par Parmjit le 13 décembre 1996, et le camion a été lavé ce jour-là. La preuve a révélé que Tarlochan avait demandé à Parmjit de conduire le camion jusqu'à l'atelier de réparation pour son compte. Il ne s'agissait que d'une courte distance.

[53] Le 17 décembre, du carburant a été acheté. Tarlochan a témoigné qu'un entrepreneur avait appelé. Parmjit a fait le plein du camion le 17 décembre et l'a ensuite conduit entre les 19 et 22 décembre, tâche pour laquelle il a touché 324,85 $. Il n'a pas lavé le camion à la fin de cette période, lorsqu'il l'a ramené; il l'a simplement stationné. Tarlochan lui a demandé de le laver vu qu'il ne l'avait pas fait à son retour, et Parmjit s'est attelé à la tâche au début du mois de janvier. Il est aussi allé chercher d'autres pièces. Encore une fois, cette activité rémunérée aurait très bien pu être prise en considération dans le calcul des prestations, mais elle ne confirme pas du tout la proposition selon laquelle Parmjit a travaillé sans paie au cours d'une période de cinq mois avant et après la période indiquée dans le RE de 1996.

[54] Enfin, Tarlochan a admis que Parmjit avait effectivement travaillé les 6 et 21 janvier 1997, qu'il avait alors conduit le camion pour compenser les journées de travail perdues la saison précédente.

[55] La somme de tout cela, comme l'a souligné l'avocat des appelants, n'est pas du tout le scénario que M. Hart et, à son tour, le ministre, ont imaginé. Il y a eu des jours supplémentaires de travail et, dans un ou deux cas, deux ou trois semaines d'emploi occasionnel supplémentaire pour lesquelles Parmjit a été payé. À part cela, il n'y a eu que deux jours en 1993, deux jours en 1994 et deux jours en 1997, quand Parmjit a travaillé pour compenser les journées perdues la saison précédente, et pour lesquelles il n'a pas été payé. En outre, pendant toutes ces années, il lui est arrivé à dix occasions d'aller chercher des pièces (8) et de conduire le camion jusqu'à l'atelier de réparation (2), et chaque fois il n'a pas été payé. Cela ne concorde pas du tout avec la situation qui a été présentée à M. Hart — selon laquelle le travailleur a travaillé sept mois et deux semaines sans être payé — sur laquelle il a fondé sa décision qui aurait sans cela été différente, à ses dires.

[56] J'hésite à conclure de quelque façon que ce soit que la méprise au sujet de la période travaillée en excédent des périodes indiquées dans les RE, dont M. Hart a pris connaissance dans le rapport de Mme Chrestenson fondé sur le dossier de M. Whittaker, était délibérée ou avait un rapport avec la demande adressée aux appelants par M. Whittaker, au cours de l'enquête, de révéler le nom d'autres personnes. Cependant, un doute subsiste et il ne peut être écarté. C'est certainement une impression que les appelants ont eue et, d'après la preuve, elle n'est pas sans fondement.

[57] Compte tenu de la preuve, je ne peux que conclure que, si les renseignements complets et exacts décrits précédemment avaient été fournis au ministre et que ce dernier avait tenu compte des facteurs présentés, qui sont fort pertinents et qu'il n'a pas eu l'occasion d'examiner, et que les propositions erronées en ce qui concerne la durée du travail accompli en dehors des périodes mentionnées dans les RE ne lui avaient pas été soumises, il n'aurait pas, d'un point de vue objectif et raisonnable, tiré légalement la conclusion qu'il a tirée. Par conséquent, en droit, sa décision ne peut être maintenue, et je dois maintenant passer à l'étape suivante du processus d'appel et déterminer si, compte tenu de la preuve, les parties, si elles n'avaient eu aucun lien de dépendance, auraient conclu un contrat de travail à peu près semblable, si l'on tient compte des circonstances, dont celles qui sont expressément énoncées à l'alinéa 5(3)b) de la Loi sur l'a.-e.

Deuxième étape - Examen de la preuve

[58] J'arrive donc à la deuxième étape de ma décision. Nul n'est besoin de répéter la preuve. Il m'apparaît clairement que, sans les renseignements erronés qui lui ont été soumis, le ministre aurait tiré une conclusion différente. En effet, il était convaincu, comme je le suis moi-même, que, n'eussent été les renseignements erronés sur le travail accompli en dehors des périodes indiquées dans les RE, la durée de l'emploi était à peu près semblable à celle que l'on aurait vu dans une relation sans lien de dépendance. Il était également convaincu que c'était le cas lorsqu'il a examiné la nature et l'importance du travail accompli, la rétribution versée, les heures travaillées et les méthodes de paiement ainsi que la question des heures supplémentaires et de la paie de vacances. L'avocat du ministre a mentionné le fait que Parmjit avait utilisé la carte de crédit personnelle de Tarlochan, mais, comme M. Hart l'a souligné dans son rapport au ministre, “ à peu près semblable ne signifie pas identique ”. Le fait de confier une carte de crédit à un employé de confiance ne semble pas totalement incongru dans les circonstances. On ne pouvait de toute façon manquer de relever quelques différences sans importance, la nature humaine étant ce qu'elle est.

[59] La preuve qui a été faite du travail effectué en dehors des périodes indiquées dans les RE se rapporte à mon avis beaucoup plus au calcul des prestations qu'à la question de savoir si les modalités de travail conclues entre Parmjit et la compagnie étaient à peu près semblables aux modalités qu'ils auraient conclues s'ils n'avaient eu aucun lien de dépendance entre eux. Il ne fait aucun doute que le travail a été véritablement accompli en contrepartie d'un salaire qui constituait la norme dans le secteur. Les heures de travail et la méthode de travail correspondaient de façon générale à ce à quoi on peut s'attendre entre des employeurs et des employés qui n'ont pas de lien de dépendance entre eux. Même la question de la carte de crédit fait partie de ce à quoi on peut s'attendre d'un employé de confiance dans les circonstances. Le fait que Parmjit a rendu service à son frère occasionnellement en dehors des périodes de travail ne compromet pas à mon avis l'entente de travail conclue au cours des périodes en question. C'est toujours une question de degré, je suppose, mais si, dans les faits, le système empêchait des membres d'une même famille de s'entraider simplement pour le motif qu'ils ont conclu une entente de travail en règle portant sur une partie de l'année, laquelle serait ainsi compromise, ce serait malheureux pour le Canada. Si le travail était de nature continue et que, dans les faits, la cessation d'emploi était effectivement un trompe-l'oeil visant à permettre à la partie liée de toucher des prestations d'assurance-emploi, la question serait autre. La situation en l'espèce n'était pas de cette nature. Tarlochan et Parmjit ont été des témoins on ne peut plus dignes de foi. L'entente conclue était à mon avis tout à fait authentique.

Conclusion

[60] Après examen de la totalité de la preuve, je suis parfaitement convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que, effectivement, l'entente était authentique, qu'il s'agissait d'un contrat de louage de services et que, compte tenu des circonstances, dont la rétribution versée, les modalités, la durée ainsi que la nature et l'importance du travail accompli, il est raisonnable de conclure que les parties auraient conclu ce contrat si elles n'avaient pas eu de lien de dépendance entre elles, ou à tout le moins un contrat à peu près semblable.

[61] En conséquence, l'appel est accueilli et la décision du ministre est annulée.

Signé à Calgary (Alberta), ce 8e jour de décembre 1999.

“ Michael H. Porter ”

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 5e jour de septembre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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