Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 20000225

Dossier: 1999-254-IT-I

ENTRE :

STÉPHANE DESJARDINS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Prononcés oralement sur le banc le 14 février 2000 à Montréal (Québec) et modifiés à Ottawa (Ontario) le 25 février 2000)

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel où la question en litige est de savoir si la nouvelle cotisation, concernant l'année d'imposition 1994, a été mise à la poste le 14 mai 1998.

[2] La Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) prévoit aux paragraphes 244(15) et 244(14) que la cotisation est réputée avoir été établie à la date de mise à la poste de l'avis de cotisation. La date de mise à la poste de l'avis de cotisation est présumée être la date apparaissant sur cet avis. Les parties admettent qu'il s'agit de présomptions réfragables. L'appelant prétend que le 8 juin 1998, il a reçu quatre avis de cotisations dans des enveloppes séparées. Trois de ces avis portaient la date du 14 mai 1998, un portait la date du 22 mai 1998. Ces avis de nouvelles cotisations ont été déposés comme pièce A-1. Les avis portant la date du 14 mai étaient pour l'année 1994, 1995 et l'année 1996. Celui portant la date du 22 mai était également pour l'année 1996.

[3] La période normale de nouvelle cotisation, en ce qui concerne l'année 1994, se terminait le 1er juin 1998. L'appelant le savait.

[4] Les enveloppes dans lesquelles ont été reçues les différents avis de cotisations n'ont pas été déposées. Selon l'appelant, elles auraient été envoyées à la personne qui s'occupait des dossiers fiscaux de l'appelant. Ce qui a été déposé comme pièce A-2 est une photocopie d'une enveloppe de Revenu Canada, qui n'a pas été oblitérée, ni datée par Postes Canada. Les enveloppes originales n'ont pas été déposées parce qu'elles auraient été envoyées au fiscaliste de l'appelant et qu'elles n'ont pas été retracées. Le fiscaliste n'a pas témoigné.

[5] Je cite le témoignage de l'appelant :

Q. Monsieur Desjardins, comment est-ce que vous avez reçu ces quatre années de cotisation-là?

R. J'ai reçu les quatre avis de cotisation dans des enveloppes séparées, la même journée, soit le matin du huit (8) juin 98.

Q. O.K. Si je vous montre ici ...

Me Mounes Ayadi :Est-ce qu'il y a l'original de l'enveloppe?

PIÈCE A-2 : Copie d'une enveloppe.

Me Virginie Falardeau: L'original n'est pas disponible.

Me Mounes Ayadi : Pardon?

Me Virginie Falardeau : L'original, on n'a pas l'original.

Q. Je vous montre ici une copie d'une enveloppe. Est-ce que ça pourrait être une des enveloppes dans lesquelles ces avis de cotisation-là ont été reçus?

R. Oui, c'est la copie de l'enveloppe que j'ai, le matin du huit (8) juin 98, envoyée à mon fiscaliste.

Q. Est-ce qu'il y a un signe particulier quelconque sur l'enveloppe?

R. Non. L'enveloppe était non oblitérée. Il n'y avait pas aucune marque qui donnait la date de mise à la poste.

Q. Comment est-ce que vous êtes absolument sûr, là, que vous avez reçu ça le huit (8) juin 1998?

R. On avait vécu une révision fiscale dans une entreprise pour laquelle je travaille. Étant le président de la compagnie, j'étais quand même très, très au courant de ce qui se passait. Puis les gens du Ministère m'avaient expliqué le principe de la prescription au niveau de l'impôt. Alors, rendu au mois de juin, je savais que l'année 94 était prescrite. Lorsque le huit (8) juin 98, le matin, lorsque j'ai reçu ces quatre enveloppes-là par la poste, j'ai immédiatement communiqué avec et mon comptable et mon fiscaliste pour leur demander comment ça se faisait que je recevais l'avis de 94 étant donné que c'était prescrit. Et puis je leur ai également donné le mandat de mettre un bureau d'avocats là-dessus pour voir, faire valoir mes droits.

...

Me Mounes Ayadi :

Q. Est-il possible, monsieur Desjardins, que vous avez reçu les avis avant le huit (8) juin, et plus précisément pendant, disons entre le vingt (20) puis le vingt-cinq (25) mai?

R. C'est impossible. C'est la journée que j'ai reçu ça, j'ai immédiatement communiqué avec mon fiscaliste et mon comptable. Si je l'avais reçu avant le mois de juin, je ne serais pas ici, j'aurais payé comme j'ai fait pour les autres, j'aurais payé l'avis de cotisation parce qu'il n'aurait à ce moment-là pas été prescrit.

Q. Ce que vous me dites, c'est que les quatre avis, même celui du vingt-deux (22) qui est daté une semaine plus tard, lui aussi vous l'avez reçu le huit (8) juin, c'est ça?

R. Tous en même temps, oui, la même journée.

...

Q. Monsieur Desjardins, là, vous nous avez soumis une copie de l'enveloppe. Si vous avez fait une copie, l'original, pourquoi ça n'a pas été présenté à la Cour?

R. D'après moi, c'est mon fiscaliste qui aurait ça. Mais on a vérifié dans les bureaux, même aux archives ...

Q. Ça n'a pas été trouvé?

R. ... de la compagnie. On ne l'a pas retrouvée.

[6] Comme pièce A-3 a été déposée une lettre d'une personne du Service à la clientèle de Postes Canada, qui fait état de la norme de livraison d'une lettre comme étant trois jours ouvrables. Lors de la preuve, il a été accepté que si cette lettre provient de l'Ontario, on peut peut-être ajouter un jour ouvrable, ce qui ferait un délai de quatre jours au maximum. L'avocate de l'appelant fait donc valoir que si l'avis a été reçu le 8 juin 1998, il a été mis à la poste après le 1er juin 1998.

[7] Madame Ruth Briand de Revenu Canada et monsieur Michel Legault, surintendant à Postes Canada, ont témoigné à la demande de l'avocat de l'intimée.

[8] Madame Briand est Chef d'équipe, résolution des problèmes pour le Centre fiscal d'Ottawa. Elle a expliqué qu'il y a deux façons d'établir un avis de cotisation, soit par un système manuel, soit par le système de l'ordinateur. Elle a mentionné que selon le code des avis de cotisations qui sont compris dans la pièce A-1, ils ont été établis par ordinateur, que les avis de cotisations portant la date du 14 mai 1998 étaient inclus dans le système d'envoi à partir du 7 mai 1998, et que ces avis de cotisations ont été envoyés en même temps qu'une centaine de milles autres avis. Je cite :

R. Par le système, les demandes rentrent. On a jusqu'à une certaine date pour les rentrer dans le système. Et puis c'est fait par n'importe qui. C'est juste “ tapé ” dans le système puis ça part comme les avis du quatorze (14), les avis du quatorze (14) mai, il fallait, la dernière journée pour rentrer ces avis-là dans le système, c'était le sept (7) mai, dans le cycle 23.

Q. O.K. si je comprends bien, puis vous me corrigerez, ça veut dire que les agents de Revenu Canada entrent les données au système?

R. C'est ça.

Q. La date limite pour les avis qui sortent le quatorze (14), vous avez dit que c'est le sept (7) mai?

R. C'est ça.

Q. Et puis, ça, ça fait partie d'un cycle?

R. C'est ça.

Q. Et puis tous les avis vont sortir le quatorze (14) mai, c'est bien ça?

R. Oui.

Q. Bon. Puis, ça, les avis qui ont sortir le quatorze (14), c'est quel cycle ça?

R. C'est le cycle 23.

Q. C'est le cycle 23.Quand vous parlez de cycle, est-ce que ce cycle couvre un centre fiscal ou si ça couvre tout le Canada?

R. Ça couvre tout le Canada.

Q. Ça couvre tout le Canada?

R. Oui.

Q. Ça veut dire que, au plus tard le sept (7) mai, les données entrent de partout, puis le quatorze (14) mai, les avis vont sortir?

R. C'est ça.

Q. Bon. Maintenant, pouvez-vous nous expliquer qu'est-ce qui se passe le quatorze (14)?

R. Ils sortent ... Bien, comme pour Ottawa, là, O.K., les avis de cotisation, de recotisation, c'est nous à Ottawa dans notre salle de courrier qui les “ mallent ” pour notre bureau international pour Ottawa, pour Shawinigan, pour Jonquière et St-Johns.

Q. O.K. Ça veut dire, puis j'essaie juste de comprendre ce que vous dites, c'est que les données qui entrent à Shawinigan, les avis en tant que tels, ils sont imprimés, ils sortent du bureau d'Ottawa?

R. C'est ça.

Q. O.K. Puis comment ça se fait cette opération le quatorze (14) ?

R. Comment ça se fait?

Q. Oui.

R. Bien, c'est tout fait par, ça sort du système informatique. Ça va à notre chambre de courrier. C'est là que ça sort. C'est tout fait par machine.

Q. Attendez! Je vais prendre les étapes. Ça veut dire que les avis sortent automatiquement par l'ordinateur?

R. C'est ça.

Q. Puis par la suite comment ces avis vont se retrouver dans des enveloppes?

R. C'est tout fait à la machine.

Q. Automatiquement?

R. Oui.

Q. Puis les enveloppes vont se trouver à un moment donné dans un sac du courrier?

R. Oui.

Q. Puis qu'est-ce qui se passe par la suite?

R. C'est parti pour la salle ... Je sais qu'il faut que ce soit sorti pour une telle heure, là.

Q. O.K.

R. Mais je n'ai aucune idée de l'heure.

Q. O.K.

R. Puis pour que ce soit daté du quatorze (14) sur les ... Il faut que ça sorte le quatorze (14).

Q. Donc, puisque la date sur l'avis est le quatorze (14), selon vos pratiques, il faut que ce soit posté le quatorze (14)?

R. Oui.

Q. Pouvez-nous dire, puis je pense que vous avez cette information, pour ce cycle, le cycle 23, il y a combien d'avis qui sont sortis cette journée à travers le Canada?

R. À travers le Canada?

Q. Oui.

R. Si vous regardez la feuille numéro 2, le cycle 23, il y a un million cent douze mille huit cent quatre-vingt un (1 112 881) avis de cotisation et de recotisation.

Q. Avis de cotisation. Ça, ça couvre tout le Canada?

R. Ça, ça couvre tout le Canada.

Q. Maintenant, pouvez-vous nous dire combien d'avis qui ont été imprimés et qui ont été postés à partir de votre bureau d'Ottawa qui, vous avez dit tantôt, il couvre plusieurs centres fiscaux?

R. Ça, c'est sur la page 1. Il y en a trois cent soixante-quatre deux cent soixante dix neuf (364 279).

Q. Avis?

R. Avis.

Q. Maintenant, pouvez-vous nous dire de ce trois cent soixante-quatre mille combien d'avis qui sont partis d'Ottawa et qui concernent le Centre fiscal de Shawinigan?

R. Cent vingt-trois mille deux cent un (123 201).

Q. Cent vingt-trois mille deux cent un (123 201) avis de clients de Shawinigan qui ont été postés à partir d'Ottawa?

R. C'est ça.

Q. Est-ce que, Madame Briand, avez-vous fait certaines démarches pour voir si cette journée-là il y a eu un problème particulier avec la poste, avec le courrier?

R. Oui. Il n'y en a pas eu.

Q. Tout a été normal?

R. Tout a été normal.

...

Q. O.K. Juste une dernière, peut-être une dernière question. En date du quatorze (14) mai, est-ce que les trois avis font partie du cycle 23, donc l'avis de 94, 95 et 96?

R. L'avis 94, 95, 96, il y en a eu trois qui ont sorti, puis après ça il y en a eu un autre qui a sorti le ...

Q. Mais les trois qui ont sorti le quatorze (14), ça fait partie du cycle 23?

R. C'est ça.

...

CONTRE-INTERROGÉE PAR Me VIRGINIE FALARDEAU :

Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu les vérifications que vous avez faites pour dire que tout s'est passé normalement la journée du quatorze (14) mai?

R. Quand il y a des problèmes à sortir les avis ou quoi que soit, on a un courrier interne, un E-Mail qu'ils appellent, qui nous dit, O.K., l'intérêt va être annulé jusqu'à telle date parce que ça a été “ mallé ” telle date, tant d'avis de telle place. On n'a pas eu de ça. Donc, ça veut dire qu'ils ont tous sorti en date du quatorze (14).

Q. Est-ce que vous pouvez nous affirmer, là, que le système informatique sur lequel Revenu Canada, avec lequel Revenu Canada travaille, est un système qui est absolument infaillible?

R. Bien, tout est infaillible, mais j'ai des données comme quoi tout a sorti cette journée-là.

Q. Mais en tant que système, vous n'avez aucune garantie comme quoi le système est sûr à cent pour cent (100%)?

R. Pas vraiment non.

Q. Quand vous parliez tantôt, vous disiez que, bon, les cotisations sont mises dans les enveloppes par des machines et aboutissent dans un sac. Les sacs, est-ce que c'est des machines qui sortent les sacs dans les salles de courrier ou si c'est traité manuellement?

R. C'est manuellement. C'est mis dans des ...

Q. C'est quelqu'un qui prend le sac pour aller l'envoyer à la poste?

R. C'est les sacs à Postes Canada.

Q. Qui sont sortis par quelqu'un, qui sont envoyés dans une salle de courrier?

R. C'est ça. C'est la salle de courrier ça.

Q. Une opération manuelle donc?

R. D'après moi, oui.

[9] Monsieur Michel Legault a expliqué que pour les gros clients postaux, l'étape de l'oblitération n'a pas lieu. Toutefois, si les enveloppes originales avaient été conservées, il est possible de vérifier les dates de mise à la poste par un système d'inscription électronique apposée sur chaque enveloppe lors de sa transmission. Je cite :

Q. Monsieur Legault, tout d'abord pouvez-vous nous dire avant de vous présenter cette enveloppe, dans quel cas Postes Canada oblitère une lettre? Ça veut dire elle met son cachet sur la lettre. Dans quel cas?

R. Quand la lettre est postée avec un timbre ...

Q. Je m'excuse. On parle du courrier régulier.

R. Courrier régulier. Une lettre postée avec un timbre va être oblitérée avec un cachet d'oblitération. Puis une lettre avec un compteur de compagnie va être oblitérée avec un cachet d'oblitération. Une lettre qui est déposée par un gros expéditeur de courrier n'est jamais oblitérée.

Q. Bon. Alors juste un instant. Je vous présente cette copie de cette enveloppe.

R. Oui.

Q. Puis cette enveloppe n'est pas oblitérée?

R. Non.

Q. Pouvez-vous nous dire pourquoi ce n'est pas oblitéré et puis est-ce que c'est normal?

R. C'est tout à fait normal qu'elle n'est pas oblitérée parce que Revenu Canada, c'est un gros expéditeur de courrier. Son courrier, quand il rentre à Postes Canada, il est traité à part du courrier normal, le courrier qui est ramassé dans les boîtes de rue. Il a un traitement à part pour les gros expéditeurs de courrier.

Q. C'est quoi ce traitement?

R. Le courrier qui est amené, soit que c'est nous qui allons chercher chez le client, ou le client nous apporte son courrier à l'établissement de tri. Le courrier il “ by-pass ” une partie du système pour être accéléré au traitement, il est amené directement aux machines, ce qu'on appelle les machines nationales pour sortir immédiatement dans la même journée du centre de traitement.

Q. Donc, il saute l'étape de l'oblitération?

R. Oui, il saute l'étape de l'oblitération. Puis il ne pourrait pas être oblitéré.

Q. O.K.

R. Parce que quand on a un permis comme ça, il n'y a aucun moyen pour les machines de détecter ... Normalement, un timbre, si on prend un timbre normal, il y a une bande phosphorescente tout le tour du timbre. Ou si on prend les compteurs, les petites compagnies ont ça des compteurs, l'encre qu'ils se servent, c'est de l'encre phosphorescente. Tandis que les permis de gros expéditeurs, il n'y a rien de phosphorescent. Puis c'est tout traité, tout le courrier mettons de Revenu Canada, s'ils nous amènent deux cents contenants de courrier, les deux cents contenants vont être traités tout en même temps sur la même machine. Ça fait que c'est pour ça qu'on n'oblitère pas. La machine ne pourrait pas détecter un permis qui n'est pas phosphorescent.

CONTRE-INTERROGÉ PAR Me VIRGINIE FALARDEAU :

Q. Est-ce que, bon, vous dites qu'il n'y a pas d'oblitération, est-ce qu'il y a un moyen quelconque de savoir dans ce cas-là quand est-ce que l'envoi a été ...

R. Il aurait pu avoir un moyen, mais l'enveloppe a été déchirée dans le bas. Si le courrier a été mécanisé, il y a un code à barres qui se place dans le bas de l'enveloppe. Puis à partir de ce code à barres là, on peut déchiffrer la date qui a été insérée dans une machine.

Q. Vous n'avez pas ...

R. On n'a pas le code à barres.

Q. Il n'y a pas eu de procédé dans cette analyse-là dans ce cas-ci?

R. C'est ça. Parce que l'enveloppe est déchirée dans le bas.

Analyse

[10] Les paragraphes 244(14) et 244(15) de la Loi se lisent ainsi :

(14) Date de mise à la poste — Pour l'application de la présente loi, la date de mise à la poste d'un avis ou d'une notification, prévus aux paragraphes 149.1(6.3), 152(4) ou 166.1(5), ou d'un avis de cotisation, est présumée être la date apparaissant sur cet avis ou sur cette notification.

(15) Date d'établissement de la cotisation — Lorsqu'un avis de cotisation a été envoyé par le ministre comme le prévoit la présente loi, la cotisation est réputée avoir été établie à la date de mise à la poste de l'avis de cotisation.

[11] Selon la décision de la Cour d'appel fédérale dans Aztec Industries Inc. c. La Reine, no A-405-94, en date du 6 avril 1995, il appartient en premier lieu au Ministre de faire la preuve que les avis de cotisation ont été mis à la poste à la date que les avis portent. En second lieu, si cette preuve est faite, il s'agit de déterminer si le contribuable a réfuté la présomption d'envoi. Je cite quelques extraits de cette décision :

Lorsque, comme en l'espèce, le contribuable affirme non seulement qu'il n'a pas reçu l'avis de cotisation, mais encore que cet avis n'a jamais été émis, c'est au ministre qu'il incombe de prouver l'existence de l'avis et la date de sa mise à la poste; lui seul est en possession de ces faits et lui seul peut en administrer la preuve. Diverses dispositions de la Loi confirment que la charge de la preuve incombe au Ministre à cet égard et visent manifestement à l'alléger.

...

Le juge de la Cour de l'impôt était appelé à se prononcer sur deux questions. Il s'agissait en premier lieu de savoir si le ministre a fait la preuve que des avis de cotisation avaient été émis et envoyés par la poste conformément à la loi. En second lieu de savoir, à supposer que cette preuve ait été faite, si la contribuable a réfuté la présomption de réception de ces avis. Si la réponse à la première question était négative, la seconde question ne se poserait pas.

[12] L'avocat de l'intimée s'est référé notamment à la décision du juge Bowman dans Adèle Schafer c. La Reine, [1998] A.C.I. no 459. Je cite :

[para21] Lorsque, comme en l'espèce, un avis de cotisation n'a pas été reçu par le contribuable, il incombe au ministre d'établir, selon la prépondérance des probabilités, que cet avis a au moins été envoyé.

[para22] ... L'intimée acceptait donc le fardeau de prouver que la cotisation avait été envoyée par courrier ordinaire.

[para23] Dans une grande organisation comme un ministère, un cabinet d'avocats ou d'experts-comptables ou une société, où le courrier envoyé chaque jour est volumineux, il est pratiquement impossible de trouver un témoin pouvant jurer qu'il a déposé au bureau de poste une enveloppe adressée à telle ou telle personne. Le mieux qu'on puisse faire est de décrire en détail les étapes suivies, par exemple le fait d'adresser les enveloppes, d'y insérer des documents, d'apporter les enveloppes à la salle du courrier et de livrer le courrier au bureau de poste.

...

[para29] Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que l'avis de cotisation a vraisemblablement été placé dans le sac de Postes Canada le 2 septembre 1993. Je dis cela sans disposer d'aucune preuve précise à cet égard. Toutefois, si la marche normale a été suivie, l'hypothèse selon laquelle l'avis a été envoyé semble plus probable que l'hypothèse contraire.

[13] La preuve a révélé que l'établissement de l'avis de cotisation concernant l'année 1994 a été fait par ordinateur et faisait partie d'un lot de plus de 100,000 cotisations établies le même jour. La preuve n'a pas révélé que cet avis de cotisation aurait pu être mis à la poste un jour différent des autres portant la même date. Je suis donc d'avis que le Ministre s'est déchargé de son fardeau de preuve et que l'avis de nouvelle cotisation pour l'année 1994 a bien été mis à la poste à la date qui paraît sur l'avis. Je suis aussi d'avis que la preuve présentée par l'appelant est vraiment trop faible pour me permettre de renverser cette présomption. Aucune des enveloppes originales n'a été conservée et produite. Il est difficile de croire que quatre avis différents, dont l'un est en date du 22 mai et les trois autres du 14 mai, aient été reçus le même jour par le contribuable, soit le 8 juin 1998. Il me faut aussi noter d'une part, que l'appelant savait qu'il était en vérification fiscale et qu'il y avait possibilité que l'année 1994 devienne prescrite et, d'autre part, que personne d'autre que l'appelant n'a témoigné pas même le fiscaliste auquel les enveloppes originales auraient été envoyées.

[14] L'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 25e jour de février 2000.

“ Louise Lamarre Proulx ”

J.C.C.I.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.