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Date: 19990127

Dossiers: 95-3609-IT-G; 95-1651-IT-G

ENTRE :

GUNTHER W. SCHMIDT, LORE G. SCHMIDT,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Appels entendus le 22 juin 1998 à Vancouver (Colombie-Britannique) par l'honorable juge Gerald J. Rip

Motifs du jugement

Le juge Rip, C.C.I.

[1] Gunther W. Schmidt et son épouse, Lore G. Schmidt, interjettent appel à l'encontre des cotisations suivantes, établies en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), par le ministre du Revenu national (le « ministre » ) :

a) concernant M. Schmidt,

i) la cotisation établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, dont l'avis est daté du 25 janvier 1988 et qui porte le numéro 534824, soit une cotisation de 13 326 662,34 $ (la « cotisation no 1 » );

ii) la cotisation établie en vertu du paragraphe 227.1(1) de la Loi, dont l'avis est daté du 25 janvier 1988 et qui porte le numéro 534826, soit une cotisation de 3 386 875,81 $ (la « cotisation no 2 » );

la cotisation pour 1985 établie en vertu des paragraphes 15(1) et 56(2) de la Loi, dont l'avis est daté du 22 février 1988, soit une cotisation incluant 272 000 $[1] de revenus supplémentaires et imposant une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi (la « cotisation no 3 » );

iv) la cotisation pour 1985 établie en vertu de l'alinéa 6(1)a) et du paragraphe 56(2) de la Loi, dont l'avis est daté du 20 juillet 1989, soit une cotisation incluant 1 200 000 $ de revenus supplémentaires et imposant une pénalité en vertu du paragraphe 163(2) (la « cotisation no 4 » )[2];

b) concernant Lore G. Schmidt, l'épouse de M. Schmidt, la cotisation établie en vertu de l'article 160 de la Loi, dont l'avis est daté du 12 avril 1989 et qui porte le numéro 5847, soit une cotisation de 68 612,60 $.

[2] Tous les appels ont été entendus sur preuve commune. Malheureusement, malgré les montants de l'impôt en cause et malgré la complexité des faits, M. et Mme Schmidt ont plaidé leur cause sans l'aide d'un avocat. L'absence d'un avocat bien informé peut bien avoir été préjudiciable à leurs appels.

THÈSES DU MINISTRE

a) Responsabilité des administrateurs

[3] La cotisation no 1 a été établie par suite de l’omission de la QIX Facilities Corporation (la « Facilities » ) de payer le solde de 13 326 662,34 $ d'impôt fixé en vertu de la partie VIII de la Loi pour son année d'imposition 1985. La partie VIII et l'article 127.3 prévoyaient des crédits d'impôt pour la recherche scientifique en 1985. Ces dispositions permettent de façon générale à une compagnie de faire passer à des investisseurs certains avantages fiscaux auxquels la compagnie aurait par ailleurs droit du fait qu'elle avait engagé des dépenses en matière de recherche scientifique. La cotisation no 2 a été établie par suite du fait que la QIX Computer Corporation (la « Computer » ) avait omis de payer 3 386 875,81 $ d'impôt de la partie VIII pour son année d'imposition 1985. M. Schmidt était administrateur des deux compagnies durant toute la période pertinente et n'a pas, selon le ministre, agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir les manquements de la Facilities et de la Computer à l'obligation de payer de l'impôt de la partie VIII, qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables. Si le ministre a raison, M. Schmidt est responsable, avec la compagnie en cause, du paiement des impôts de la partie VIII et des intérêts ou des pénalités s'y rapportant : paragraphes 227.1(1) et (3).

b) Cotisation no 3 — hypothèses du ministre

[4] Dans la cotisation no 3, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

a) Le 26 mars 1984, la Computer a été constituée en Colombie-Britannique par l'appelant et Wolfgang Zink ( « M. Zink » ) pour la réalisation de travaux de R-D d'ordre scientifique à l'égard d'un système informatique devant être utilisé à l'usine d'irradiation d'aliments de Richmond (Colombie-Britannique);

b) durant toute la période pertinente, l'appelant et M. Zink étaient les seuls administrateurs de la Computer, dont l'appelant était le président et dont M. Zink était le secrétaire, et les seuls actionnaires de la Computer étaient l'appelant, des compagnies contrôlées par l'appelant et des compagnies contrôlées par M. Zink;

c) avant le 15 novembre 1985, la Computer était contrôlée par l'appelant et par d'autres compagnies contrôlées par l'appelant;

d) à partir du 15 novembre 1985, la Computer a été contrôlée dans une proportion de 50 p. 100 par l'appelant et d'autres compagnies contrôlées par lui et dans une proportion de 50 p. 100 par M. Zink et d'autres compagnies contrôlées par lui;

e) durant toute la période pertinente, l'appelant et M. Zink avaient un lien de dépendance, agissant de concert, sans intérêts distincts;

f) la Isatt Corporation (la « Isatt » ) a été constituée par l'appelant et M. Zink à Las Vegas (Nevada), aux États-Unis;

g) vers le début de 1985, l'appelant et M. Zink ont établi un projet de contrat en vertu duquel la Isatt devait fournir du matériel informatique à la Computer;

h) ce contrat, antidaté de septembre 1984, n'a jamais été signé de façon appropriée;

i) l'appelant et M. Zink ont fait en sorte que la Computer transfère 630 147 $ US à la Isatt;

j) de ce montant, 400 000 $ US ont été placés dans des dépôts à terme, et le reste a été dépensé à l'égard de matériel informatique fourni à la Computer;

k) en août et septembre 1985, suivant des instructions de l'appelant et de M. Zink, les 400 000 $ US ont été transférés de la Isatt aux comptes bancaires de la Barbade de la RDM International et de la Micro Research (200 000 $ US dans chaque cas), puis ces fonds ont été immédiatement transférés à Vancouver, c'est-à-dire que 200 000 $ US ont été transférés de la RDM International à la RDM Research et que 200 000 $ US ont été transférés de la Micro Research à la Alpha Micro;

l) la Isatt a été utilisée pour cette seule opération et n'a pas produit de déclarations de revenus américaines;

m) en juillet 1986, l'appelant a viré la plupart des fonds du compte bancaire de la RDM Research au compte bancaire de la Barbade de la RDM International;

n) par les opérations précédemment décrites, l'appelant et M. Zink ont fait en sorte que la Computer transfère indirectement 272 000 $ (200 000 $ US x 1,36) à la RDM Research à un moment où la Computer avait une obligation fiscale de 3 318 367 $ en vertu de la partie VIII de la Loi;

o) la RDM Research n'a donné aucune contrepartie pour les 272 000 $;

p) durant toute la période pertinente, les compagnies et les particuliers suivants, soit la Computer, la Isatt, la RDM Research, l'appelant, M. Zink et les compagnies contrôlées par l'appelant ou M. Zink avaient tous un lien de dépendance entre eux;

q) le transfert indirect de 272 000 $ à la RDM Research a été fait, suivant les instructions ou avec l'accord de l'appelant, à titre d'avantage que l'appelant désirait voir accorder à la RDM Research et qui aurait été inclus dans le revenu de l'appelant en tant qu'actionnaire de la Computer en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi si le transfert avait été fait à l'appelant;

r) l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait une omission dans sa déclaration de revenus pour son année d'imposition 1985 au sens du paragraphe 163(2) de la Loi, en omettant d'inclure dans son revenu les 272 000 $ reçus par la RDM Research, et l'impôt payable en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(i) excède l'impôt qui aurait été payable s'il avait été calculé en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(ii), de sorte qu'une pénalité fédérale de 23 770,18 $ a à bon droit été imposée en vertu du paragraphe 163(2) et qu'une pénalité provinciale de 11 823,29 $ a également été imposée, soit les pénalités totales suivantes :

pénalité fédérale 23 770,18 $

pénalité provinciale 11 823,29 $

total 35 593,47 $

c) Cotisation no 4 — hypothèses du ministre

[5] Concernant la cotisation no 4, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

[TRADUCTION]

Le 29 août 1984, la Facilities a été constituée par l'appelant et M. Zink pour la création d'une usine d'irradiation d'aliments à Richmond (Colombie-Britannique);

b) durant toute la période pertinente, l'appelant et M. Zink étaient les seuls administrateurs de la Facilities, dont l'appelant était le président et dont M. Zink était le secrétaire, et les actionnaires de la Facilities étaient des compagnies contrôlées par l'appelant et les enfants de M. Zink;

c) durant toute la période pertinente, l'appelant et M. Zink avaient un lien de dépendance, agissant de concert, sans intérêts distincts;

d) le 5 novembre 1984, la A & A Refrigeration Contractors Inc. (la « A & A » ), soit une compagnie américaine de la Californie, a constitué une filiale, la Alpha Refrigeration Services Inc. (la « Alpha » ), qui a passé un contrat avec la Facilities pour la fourniture des systèmes de réfrigération nécessaires au projet;

le 14 février 1985, deux administrateurs de la A & A, Gerry Linton ( « M. Linton » ) et Michael Reppas ( « M. Reppas » ), ont signé une résolution autorisant l'ouverture de deux comptes bancaires au nom de la A & A à la Banque Royale, à Vancouver (Colombie-Britannique); l'appelant était le seul signataire autorisé à l'égard d'un de ces comptes (le « compte A & A de M. Schmidt » ), et M. Zink était le seul signataire autorisé à l'égard de l'autre compte (le « compte A & A de M. Zink » );

f) ces deux comptes s'ajoutaient à un troisième compte bancaire A & A à l'égard duquel deux des administrateurs de la A & A, M. Linton et Patrick Hogan ( « M. Hogan » ), étaient conjointement signataires autorisés;

g) l'appelant et M. Zink avaient dit à M. Linton et à M. Hogan que les deux comptes supplémentaires étaient nécessaires pour que l'appelant et M. Zink puissent contrôler les fonds en vue de payer les sous-traitants travaillant au projet;

h) le 12 février 1985, l'appelant a signé deux chèques de la Facilities à la A & A, soit des chèques de 300 000 $ chacun qui ont été déposés dans le compte de la A & A à l'égard duquel M. Linton et M. Hogan étaient signataires autorisés, après quoi 300 000 $ ont été virés au compte A & A de M. Schmidt et 300 000 $ au compte A & A de M. Zinc;

i) le 29 mai 1985, l'appelant a signé un chèque de la Facilities à la A & A, soit un chèque de 800 000 $ dont 400 000 $ ont été déposés directement dans le compte A & A de M. Schmidt et 400 000 $ dans le compte A & A de M. Zink;

j) le 2 août 1985, l'appelant a signé deux chèques de la Facilities à la A & A, soit des chèques de 500 000 $ chacun dont un a été déposé directement dans le compte A & A de M. Schmidt et l'autre dans le compte A & A de M. Zink;

k) le montant total ainsi déposé ou transféré dans les comptes A & A de M. Schmidt et de M. Zink était de 1 200 000 $ dans chaque cas, soit des sommes détenues dans des dépôts à terme et des bons du Trésor;

l) aucune partie de ces fonds n'a été versée à la A & A ou à la Alpha pour du travail accompli dans le cadre du projet;

m) la A & A n'a pas reçu les chèques de 800 000 $ ni les deux chèques de 300 000 $ ou n'était pas au courant de ces chèques;

n) le 16 août 1985, l'appelant a constitué la RDM Research International Inc. (la « RDM Research » ) en Colombie-Britannique, et M. Zink a constitué une autre compagnie en Colombie-Britannique, la Alpha Micro Research Corp. (la « Alpha Micro » );

o) le 19 août 1985, des comptes bancaires ont été ouverts pour la RDM Research et la Alpha Micro à la Banque Royale, à Vancouver (Colombie-Britannique);

p) l'appelant a en outre constitué à la Barbarde une compagnie appelée RDM International Inc. (la « RDM International » ), qui était contrôlée par lui; M. Zink a en outre constitué à la Barbade une compagnie appelée Micro Research Inc. (la « Micro Research » ), qui était contrôlée par ses enfants;

q) des comptes bancaires ont été ouverts pour ces deux compagnies à la Banque Royale, à la Barbade;

r) entre le 27 août 1985 et le 4 septembre 1985, suivant les instructions de l'appelant et de M. Zink, le montant total du compte A & A de M. Schmidt et le montant total du compte A & A de M. Zink, avec les intérêts accumulés, ont été virés, en deux versements, aux comptes bancaires de la Barbade de la RDM International et de la Micro Research respectivement (1 213 000 $ dans chaque cas), puis ont été immédiatement transférés à Vancouver, sans la partie « intérêts » , dans les comptes bancaires de la RDM Research et de la Alpha Micro respectivement (1 200 000 $ dans chaque cas);

s) par les opérations précédemment décrites, l'appelant et M. Zink ont fait en sorte que la Facilities transfère indirectement 1 200 000 $ à la RDM Research à un moment où la Facilities avait une obligation fiscale d'environ 17 000 000 $ en vertu de la partie VIII de la Loi;

t) la RDM Research n'a donné aucune contrepartie pour les 1 200 000 $;

u) durant toute la période pertinente, les compagnies ou les particuliers suivants, soit la Facilities, la A & A, la RDM International, la RDM Research, l'appelant, M. Zink, les enfants de M. Zink et les compagnies contrôlées par ces compagnies ou ces particuliers avaient tous un lien de dépendance entre eux;

v) le transfert indirect de 1 200 000 $ à la RDM Research a été fait suivant les instructions ou avec l'accord de l'appelant, à titre d'avantage que l'appelant désirait voir accorder à la RDM Research et qui aurait été inclus dans le revenu de l'appelant en tant qu'employé de la Facilities en vertu de l'alinéa 6(1)a) de la Loi si le transfert avait été fait à l'appelant;

l'appelant a, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde, fait une omission dans sa déclaration de revenus pour son année d'imposition 1985 au sens du paragraphe 163(2) de la Loi, en omettant d'inclure dans son revenu les 1 200 000 $ reçus par la RDM Research, et l'impôt payable en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(i) excède l'impôt qui aurait été payable s'il avait été calculé en vertu du sous-alinéa 163(2)a)(ii), de sorte qu'une pénalité fédérale de 107 099,91 $ a à bon droit été imposée en vertu du paragraphe 163(2) et qu'une pénalité provinciale de 53 317,39 $ a également été imposée, soit les pénalités totales suivantes :

pénalité fédérale 107 099,91 $

pénalité provinciale 53 317,39 $

total 160 417,30 $

d) Demande du ministre — alinéa 58(1)b) des Règles

[6] Avant le procès relatif à ces appels, l'avocat de l'intimée a demandé à la Cour de radier l'avis d'appel modifié de M. Schmidt[3], pour le motif qu'il ne révèle aucun moyen raisonnable d'appel au sens de l'alinéa 58(1)b) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles de la Cour canadienne de l'impôt » ) et que les appels interjetés à l'encontre des cotisations no 1 et no 4 constituent un recours abusif à la Cour au sens de l'alinéa 53c) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt, compte tenu du principe de l'issue estoppel (préclusion fondée sur la chose jugée). Ces questions ont déjà été tranchées par un autre tribunal, et M. Schmidt est préclus de les faire entendre de nouveau. La Cour provinciale de la Colombie-Britannique[4] a conclu que la Facilities et M. Schmidt étaient coupables d'évasion fiscale volontaire et qu'ils avaient fait des affirmations trompeuses dans des déclarations de revenus en déclarant en trop des dépenses d'ordre scientifique. La décision du juge Craig, de la Cour provinciale, a été confirmée par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique[5]. Le juge Craig a résumé les fondements des diverses accusations dans les motifs de son jugement[6] :

[TRADUCTION]

Concernant le premier chef d'accusation, la QIX[7] était accusée d'évasion fiscale volontaire à l'égard de 6 315 603 $ d'impôt de la partie VIII de la Loi de l'impôt sur le revenu. M. Schmidt et M. Zink ont été accusés comme dirigeants, administrateurs ou représentants de la QIX. L'allégation expresse est que, pour la période allant du 29 août 1984 au 21 mai 1986, les dépenses de la compagnie en matière de recherche scientifique au sens du paragraphe 194(2) de la Loi ont été déclarées en trop, soit une infraction en vertu de l'alinéa 239(1)d) de la Loi.

Concernant les chefs d'accusation 2 et 3, la QIX ainsi que M. Schmidt comme dirigeant, représentant ou administrateur de la QIX sont accusés d'avoir fait des déclarations fausses ou trompeuses dans les déclarations de revenus des corporations pour 1985 en vertu de la partie VIII et de la partie I respectivement. Il est allégué que les accusés ont faussement déclaré des dépenses de 34 700 000 $ et de 35 159 541 $ dans ces déclarations de revenus pour la période allant du 29 août 1984 au 27 septembre 1985, commettant ainsi une infraction en violation de l'alinéa 239(1)a) de la Loi. Les déclarations de revenus sont datées du 14 mai 1986.

Les chefs d'accusation 4 et 5 se rapportent à M. Schmidt seulement; le chef d'accusation 4 est une allégation d'évasion fiscale volontaire selon l'alinéa 239(1)d), c'est-à-dire que, pour la période allant du 31 décembre 1984 au 15 avril 1986, M. Schmidt est accusé d'avoir omis de déclarer comme revenus 1 200 000 $, soit de l'argent de la QIX qu'il s'était approprié. Le chef d'accusation 5 se rapporte à l'alinéa 239(1)a), c'est-à-dire qu'il est allégué que M. Schmidt a fait des inscriptions fausses ou trompeuses dans sa déclaration de revenus pour 1985 en omettant d'inclure 1 200 000 $ de revenus. M. Zink est l'objet d'accusations identiques aux chefs d'accusation 6 et 7.

Les chefs d'accusation 8, 9, 10 et 11 correspondent à des allégations identiques à l'encontre de la QIX, et MM. Schmidt et Zink sont accusés comme dirigeants, administrateurs ou représentants de la QIX d'avoir fait des inscriptions fausses ou trompeuses dans les livres et registres de la QIX, en violation de l'alinéa 239(1)c) de la Loi. Ces chefs d'accusation se rapportent à des déclarations solennelles faites par M. Zink le 11 janvier 1985, le 27 mai 1985, le 11 juillet 1985 et le 30 août 1985, soit des déclarations indiquant que la QIX avait fait ou prévoyait faire dans les 60 jours suivant chaque déclaration des dépenses en matière de recherche scientifique d'un montant précis, et il est allégué que cela correspondait à une inscription dans les livres et registres de la QIX qui a été faussement indiquée.

[7] L'avocat de l'intimée soutenait que les montants à l'égard desquels M. Schmidt a été reconnu coupable incluaient le montant de 13 326 662,34 $ (qui, d'après l'avocat, est inclus dans les montants de 34 700 000 $ et de 35 159 541 $ à l'égard desquels M. Schmidt a été accusé en vertu de l'alinéa 239(1)a)), plus le montant de 1 200 000 $ qui lui a été fixé (dans les cotisations no 1 et no 4 respectivement) en vertu de l'article 227.1 et de l'alinéa 6(1)a), ainsi que la pénalité imposée en vertu du paragraphe 56(2).

[8] Figuraient comme pièce, en annexe à l'avis de requête de l'intimée, l'affidavit de Donald Grant Cowan, un employé de Revenu Canada, des copies des motifs du jugement rendus dans les causes R. v. Q.I.X. Facilities et al. et Schmidt v. The Queen, précitées, ainsi que la transcription de l'audience sur l'état de l'instance. M. Cowan avait enquêté sur les affaires de M. Schmidt, de la Facilities, de la Computer et de M. Zink et il connaît les faits au sujet desquels il a déposé. Il avait authentifié sous serment les informations selon lesquelles les infractions à la Loi étaient alléguées et il avait assisté aux procès devant la Cour provinciale.

[9] Dans son affidavit, M. Cowan faisait état des conclusions de la Cour provinciale, qui a reconnu coupables M. Schmidt et M. Zink à l'égard de onze chefs d'accusation d'évasion fiscale, et il indiquait que la Cour d'appel a rejeté les appels interjetés à l'encontre du jugement de la Cour provinciale. Dans une poursuite distincte, M. Schmidt et M. Zink, ainsi que la Computer, ont été acquittés des accusations d'avoir délibérément déclaré en trop des dépenses, et M. Schmidt a fini par être acquitté de l'accusation d'avoir omis de déclarer les 272 000 $ de la Computer qu'il s'était prétendument appropriés[8].

[10] M. Cowan décrit les faits ayant conduit aux condamnations de M. Schmidt et aux cotisations 1 et 4 pour prouver qu'il y a préclusion fondée sur la chose jugée, c'est-à-dire que la même question a été tranchée par la Cour provinciale et la Cour d'appel, que la décision de la Cour d'appel confirmant celle de la Cour provinciale était définitive et que les parties à cette décision sont les mêmes que dans la procédure dans laquelle est soulevée la préclusion. La plupart sinon l'ensemble des faits décrits dans l'affidavit de M. Cowan sont énoncés dans ces motifs. M. Cowan explique également pourquoi et comment des redressements ont été faits dans l'établissement des cotisations.

[11] Au procès, M. Schmidt avait commencé à lire un exposé qu'il avait rédigé, mais je lui ai demandé de produire le document comme pièce pour que je l'examine. Il s'agit de la pièce A-1, soit une description longue et détaillée donnée du point de vue de M. Schmidt, ainsi que sa propre analyse d'événements survenus entre 1951, année où il a immigré au Canada, et le milieu de 1987. Ce document est parfois décousu, et bon nombre des renseignements ne sont pas pertinents aux fins des questions qui me sont soumises. Il est étonnant de voir combien de détails M. Schmidt prétend se rappeler concernant cette période, notamment la période relative aux événements ayant conduit aux appels. J'ai trouvé que bon nombre des éléments de preuve de M. Schmidt étaient fantaisistes ou que M. Schmidt prenait ses désirs pour la réalité. Je crois que, au fil des ans, il s'est lui-même convaincu de l'existence de faits et d'événements dont les tribunaux de la Colombie-Britannique ont conclu à l'inexistence.

COTISATIONS No 1 ET No 2

a) Arguments de M. Schmidt

[12] Pour l'essentiel, M. Schmidt a déclaré concernant les cotisations nos 1 et 2 qu'il avait fait de son mieux pour assurer la réussite de la Facilities et de la Computer et que tous les événements ayant conduit à ces cotisations et aux autres cotisations dont je suis saisi étaient attribuables aux actions d'autres personnes, notamment ses conseillers professionnels et ceux des deux compagnies.

[13] Au cours de son témoignage, M. Schmidt a voulu produire, ai-je conclu, une masse de documents ne faisant pas partie de sa liste partielle de documents déposée en vertu de l'article 81 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt. L'avocat de l'intimée s'est opposé à la production de ces documents, et j'ai alors reconnu que ces documents ne devraient pas être produits. Au cours de l'argumentation de M. Schmidt, cependant, ce dernier a dit qu'il voulait produire seulement à peu près quinze autres documents. Il a affirmé que ces documents contenaient des renseignements pertinents qui avaient été supprimés par la Couronne dans les poursuites précédentes, au criminel. Il affirmait également que son avocat dans les poursuites au criminel n'avait pas examiné les documents aussi assidûment qu'il aurait dû. J'ai ordonné à M. Schmidt de transmettre des copies de ces documents à l'avocat de l'intimée pour qu'il les examine avec un représentant de Revenu Canada. L'avocat de l'intimée devait ensuite me communiquer son opinion quant à la pertinence et à l'importance des documents et, évidemment, M. Schmidt devait avoir l'occasion de faire connaître son point de vue sur les observations de l'avocat. Je devais évidemment examiner les documents de mon côté. M. Schmidt a transmis une lettre contenant neuf séries de documents à l'avocat de l'intimée le 25 juin 1998 ou vers cette date, et l'avocat m'a écrit pour me faire part de ses observations le 15 juillet 1998. Les observations de M. et Mme Schmidt ont été envoyées à la Cour le 28 août 1998. J'ai examiné les documents, bien qu'ils n'aient pas été officiellement déposés en preuve, ainsi que les observations de l'avocat de l'intimée et de M. Schmidt. Certains des documents sont du ouï-dire, d'autres ne sont pas pertinents aux questions en cause, et aucun n'aide vraiment les appelants. Je présente, pour ce que cela vaut, en annexe aux présents motifs un examen des documents ainsi que de brèves observations. Si j'avais trouvé les documents utiles à M. et Mme Schmidt dans la poursuite de leurs appels, j'aurais ordonné la réouverture de l'audience conformément à l'article 138 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt.

b) Analyse

[14] Me fondant sur la preuve dont j'ai été saisi, je ne peux déterminer que le point litigieux qui est l'objet de la cotisation no 1 a été tranché par la Cour provinciale. L'affidavit de M. Cowan ne me convainc pas que le montant de 13 266 662,34 $ payable comme impôt de la partie VIII par la Facilities devait, aux fins de la poursuite au criminel, être inclus dans le revenu de M. Schmidt par suite de son incapacité à empêcher le manquement de la Facilities à l'obligation de payer l'impôt. Il n'y a dans l'affidavit de M. Cowan aucune mention directe du montant de 13 266 662,34 $. M. Cowan présente bel et bien avec moult détails des éléments de preuve établissant que les 1 200 000 $ de la cotisation no 4 sont les 1 200 000 $ que M. Schmidt a été reconnu coupable d'avoir omis d'inclure dans son revenu pour 1985. Je ne peux donc conclure que M. Schmidt est préclus d'interjeter appel à l'encontre de la cotisation no 1[9].

[15] L'appelant a la charge de prouver qu'il a satisfait à la norme de soin imposée par le paragraphe 227.1(3), à savoir qu'il a :

[...] agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[16] Dans l'affaire Soper v. The Queen[10], le juge d'appel Robertson a, pour la Cour, statué que, pour qu'un administrateur soit libéré de la responsabilité personnelle imposée par l'article 227.1, le soin devant être exercé par l'administrateur correspond à une norme devant être évaluée objectivement et subjectivement. À la page 5416, il explique ceci :

[...] La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d'affaires chevronnés).

La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la « compétence » et l'idée de « circonstances comparables » . Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme « objective subjective » .

[17] En d'autres termes, la norme allie le critère traditionnel des normes objectives raisonnables avec des éléments subjectifs comme l'intelligence, l'expérience et les connaissances du particulier. Ultérieurement, dans l'affaire Drover v. The Queen[11], le juge Robertson, de la Cour d’appel fédérale, a reconnu que l'arrêt Soper ne répond pas à toutes les questions de responsabilité d'administrateur et il a résumé comme suit l'arrêt Soper,à la page 6380 :

[...] La norme de prudence « objective subjective » [...] est centrée sur la question de savoir si les circonstances permettent d'affirmer que, compte tenu de sa compétence et de son expérience dans le domaine des affaires, l'administrateur en question était expressément tenu de s'assurer que la compagnie effectuait bien le versement des retenues d'impôt, comme elle avait l'obligation de le faire. [...]

[18] En ce qui a trait à la cotisation no 1 et à la cotisation no 2, M. Schmidt dit qu'il n'était pas responsable des manquements des compagnies à l'obligation de remettre de l'impôt, car ces manquements résultaient des actions d'autres personnes ou ont été causés par les actions d'autres personnes. Il dit que, comme administrateur des deux compagnies, il a agi avec le degré de soin, de diligence et d'habileté, pour prévenir les manquements de la Facilities et de la Computer à l'obligation de payer l'impôt de la partie VIII, qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables. Cependant, il n'a fourni aucune preuve à l'appui de sa prétendue diligence raisonnable. Les efforts qu'il a faits pour assurer le succès des compagnies ne constituent pas une bonne défense de « diligence raisonnable » . Il n'y a pas de jurisprudence qui appuie sa thèse. Il dit que le cabinet d'expertise comptable Cooper & Lybrand (le « cabinet C & L » ) lui avait remis des documents à signer et que, se fondant sur l'expertise professionnelle de ce cabinet, il avait signé ces documents, qu'il devait présenter à Revenu Canada. Il insiste pour dire que ses conseillers professionnels savaient que la fausse information figurant dans les documents était fausse. Il ne traite toutefois pas du fait que l'information figurant dans les documents émanait des compagnies contrôlées directement ou indirectement par lui ou avec M. Zink, qu'il participait activement aux activités de ces compagnies et qu'il savait que les montants utilisés pour calculer les crédits d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental étaient gonflés. Le fait que les compagnies ne devaient pas d'argent à Revenu Canada d'après les documents que les comptables des compagnies lui avaient fournis, en se fondant sur des renseignements qu'ils avaient reçus des compagnies, à l'époque où il a signé les déclarations de revenus n'étaye nullement sa thèse. De même, toute diligence raisonnable dont les comptables ont fait preuve avant que les opérations ne soient conclues ne protège pas l'appelant si les compagnies avaient fourni de la fausse information.

[19] M. Schmidt soutient en outre qu'il a été condamné à tort, que la Cour provinciale de la Colombie-Britannique est parvenue à une conclusion erronée. M. Schmidt attribuait sa condamnation à ses avocats. Il disait qu'ils n'avaient pas compris l'importance ou la pertinence de certains documents. Ils ne l'avaient pas laissé témoigner. En fait, a-t-il dit, certains éléments de preuve n'ont été que « récemment découverts » . (Cela inclut plusieurs documents qui ont été présentés après l'audition des appels considérés en l'espèce et dont j'ai traité précédemment.) Je dois faire remarquer que, durant le contre-interrogatoire, les réponses de M. Schmidt étaient décousues, notamment lorsqu'il a commenté les poursuites au criminel, et je n'ai pu découvrir de faits qui pourraient l'aider dans sa défense de « diligence raisonnable » .

[20] Quoi qu'il en soit, M. Schmidt est un homme instruit, diplômé en chimie organique de l'Université de l'Alberta. Il avait acquis de l'expérience dans le domaine des affaires au sein d'une compagnie appelée Canadian Elastileum Limited, qu'il a exploitée avec son père, Gerhard Schmidt, de 1956 à avril 1985. Il était le président de la Facilities ainsi que de la Computer. Il participait activement aux opérations quotidiennes de ces deux compagnies et connaissait intimement les opérations d'entreprise des deux compagnies. En outre, il était au courant de son obligation de faire preuve d'une diligence raisonnable et, contrairement aux contribuables dans l'affaire Cloutier et al. v. M.N.R., 93 DTC 544, à la page 550, M. Schmidt était en mesure de contrôler les mesures prises par les compagnies.

[21] Pour ce qui est de la Facilities, la Cour provinciale et la Cour d'appel avaient toutes les deux conclu que M. Schmidt savait que les factures de la A & A présentées au cabinet C & L avaient été artificiellement gonflées pour accroître le montant des dépenses en matière de recherche scientifique indiquées dans la déclaration solennelle et la lettre d'accord présumé du cabinet C & L. Il savait que cela donnerait lieu à la libération de fonds entiercés qui autrement auraient été affectés au paiement de l'impôt de la partie VIII à payer.

[22] L'appelant maintient qu'il s'est fondé sur l'information que lui avait transmise M. Zink concernant la facturation et la libération de fonds et qu'il en avait obtenu confirmation auprès de représentants du cabinet C & L. Cependant, il n'y a aucune preuve, à part ses assertions, pour étayer ce qu'il maintient là. Bien que M. Zink ait été le directeur financier de la Facilities, l'appelant était assez compétent et connaissait suffisamment les opérations de la Facilities ainsi que le programme de crédit d'impôt pour la recherche scientifique pour mettre en doute la prudence des mesures prises par la compagnie. Il est possible qu'un prépaiement à la A & A ait été raisonnable dans les circonstances et qu'il ait été nécessaire de créer des comptes bancaires distincts pour maintenir un contrôle sur les fonds. Toutefois, il faut s'interroger sur la prudence de la mesure ultérieure consistant à transférer ces fonds de la A & A à une tierce compagnie à l'étranger, puis à une autre compagnie au Canada. L'appelant soutient qu'il n'a pas donné de directives à la Facilities de déposer directement des fonds dans les comptes bancaires de la A & A contrôlés par lui et M. Zink. Cependant, il dit qu'il a bel et bien reçu tous les relevés bancaires concernant ces comptes, et par conséquent il savait ou aurait dû savoir que de tels dépôts avaient été faits. L'appelant dit qu'on l'a informé que le transfert à la Barbade était nécessaire du fait de la non livraison de matériel d'une compagnie appelée ETI, ce qui menaçait inévitablement la poursuite du projet de la Facilities au-delà du délai. Cette explication est douteuse, étant donné que les fonds en question étaient détenus au nom de la A & A et qu'il n'y a aucun lien manifeste entre la A & A et la ETI. Assurément, l'appelant ne pouvait croire qu'une fois les fonds transférés, ceux-ci seraient encore utilisés pour le paiement de services ultérieurs de la A & A, car les fonds avaient été complètement soustraits au contrôle de la compagnie.

[23] Le caractère déraisonnable de ces opérations, allié au fait, entre autres, que la Cour provinciale et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont conclu que l'appelant avait sciemment et délibérément contribué à tromper Canada Trust pour assurer la libération de fonds, confirme que l'appelant n'a pas agi avec le degré de soin, d'habileté et de diligence, pour prévenir le manquement de la Facilities à l'obligation de payer de l'impôt de la partie VIII, qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables. M. Schmidt est responsable de l'impôt de la partie VIII de la Facilities qui n'a pas été payé.

[24] Les actions de M. Schmidt concernant la Computer ne sont pas conformes non plus aux actions d'une personne ayant exercé quelque degré de soin, de diligence ou d'habileté pour prévenir le manquement de la Computer à l'obligation de payer de l'impôt de la partie VIII. L'appelant a déclaré qu'il y avait entre la Isatt et la RDM International un contrat visant la prestation de services techniques en génie, en chimie et en physique aux fins d'activités ultérieures. Toutefois, il n'y a aucun élément de preuve pour étayer le fait que la Isatt exploitait une entreprise. L'appelant a produit au procès des factures de la Isatt que lui et M. Zink avaient établies à l'aide de leur ordinateur personnel. Cette preuve est suspecte, car l'appelant n'a pu me convaincre que la Isatt exploitait une entreprise. En outre, l'appelant n'a présenté aucune explication raisonnable quant à savoir pourquoi la Computer avait payé à la Isatt 400 000 $ US en sus du coût du matériel et des services informatiques fournis par la Isatt. Il a dit que ces fonds avaient ultérieurement été transférés à la RDM International et à la Micro Research conformément à un contrat d'entreprise conclu entre les compagnies. Cependant, comme je l'ai mentionné précédemment, il n'y a guère d'éléments de preuve pour étayer l'existence d'un tel contrat. Et, si un tel contrat existait bel et bien, il faut s'interroger quant à la raison pour laquelle deux compagnies ont été utilisées pour la prestation de services identiques. M. Schmidt a fait preuve d'une indifférence à l'égard des obligations ou responsabilités que lui ou une compagnie avait en vertu de la Loi. L'appelant ne saurait avoir gain de cause dans la défense de diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3)[12].

COTISATIONS No 3 ET No 4

a) Arguments de l'appelant

[25] En ce qui a trait aux cotisations nos 3 et 4, M. Schmidt n'a encore là produit aucun élément de preuve approprié indiquant qu'une hypothèse de fait invoquée par le ministre dans la cotisation était erronée. Il a bel et bien présenté une copie de motifs d'un jugement de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique en date du 3 janvier 1991[13], qui a annulé la déclaration de culpabilité prononcée contre lui par la Cour provinciale et a ordonné la tenue d'un nouveau procès. Il avait fait appel d'une accusation, entre autres, voulant qu'il ait omis d'indiquer dans sa déclaration de revenus pour 1985 des revenus de 272 000 $ de la Computer qu'il s'était appropriés et qu'il ait commis une infraction visée à l'alinéa 239(1)d) de la Loi.

[26] L'allégation contre M. Schmidt devant la Cour provinciale était que le versement de fonds par la Computer à la Isatt et le transfert de 200 000 $ US de la RDM International à la RDM Research avaient été faits suivant les instructions ou avec l'accord de M. Schmidt. La thèse de la Couronne était que M. Schmidt était imposable en vertu du paragraphe 56(2) de la Loi. Dans les motifs de son jugement, le juge du procès s'était fondé sur les motifs du jugement rendus par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire R. v. McClurg[14]. La Cour d'appel fédérale, concluait-il, a statué que le paragraphe 56(2) ne s'applique pas dans le contexte d'une compagnie. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a exprimé l'avis que l'applicabilité du paragraphe 56(2) dépend des faits propres à chaque affaire. La Cour d'appel de la Colombie-Britannique a en outre dit qu'il n'y avait aucune preuve que M. Schmidt était un actionnaire de la Computer. Au nouveau procès[15], M. Schmidt a été déclaré non coupable par le juge McGivern, de la Cour provinciale de la Colombie-Britannique. Le juge McGivern a statué qu'il y avait un doute raisonnable quant au fait que M. Schmidt s'était approprié des fonds ou qu'il entendait se soustraire frauduleusement au paiement de l'impôt. Sur la foi des faits des appels considérés dans la présente espèce, le ministre a présumé dans la cotisation que MM. Schmidt et Zink étaient les seuls actionnaires de la Computer, et M. Schmidt n'a pas prouvé que cette hypothèse était erronée.

b) Thèse de l'intimée

[27] Le sous-procureur général soutient que les cotisations nos 3 et 4 sont exactes. Le ministre a inclus les montants de 272 000 $ et de 1 200 000 $ dans le revenu de M. Schmidt pour 1985 conformément au paragraphe 56(2) de la Loi, car ces montants ont été indirectement transférés de la Computer et de la Facilities, respectivement, à la RDM Research suivant les instructions ou avec l'accord de M. Schmidt, à titre d'avantage que M. Schmidt désirait voir accorder à la RDM Research et qui auraient été inclus dans le revenu de M. Schmidt comme actionnaire de la Computer conformément au paragraphe 15(1) et comme employé de la Facilities conformément à l'alinéa 6(1)a) si les transferts avaient été faits à M. Schmidt.

c) Thèse de l'appelant et analyse : cotisation no 3

[28] M. Schmidt faisait valoir que les transferts de 272 000 $ par la Computer à la Isatt, puis à la RDM International et finalement à la RDM Research, étaient des opérations commerciales véritables et que les fonds ont été correctement acquis par la RDM Research à titre de prêt de la RDM International. En 1985, le paragraphe 56(2) se lisait comme suit :

Tout paiement ou transfert de biens fait, suivant les instructions ou avec l'accord d'un contribuable, à toute autre personne au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne doit être inclus dans le calcul du revenu du contribuable dans la mesure où il le serait si ce paiement ou transfert avait été fait au contribuable.

[29] Ainsi, pour que le paragraphe 56(2) s'applique : a) un paiement ou transfert effectif doit avoir été fait à une personne autre que le contribuable, b) le paiement ou transfert doit avoir été fait suivant les instructions ou avec l'accord du contribuable, c) le paiement ou transfert doit avoir été fait au profit du contribuable ou à titre d'avantage que le contribuable désirait voir accorder à l'autre personne et d) le paiement ou transfert aurait été inclus dans le revenu du contribuable s'il avait été fait au contribuable[16].

[30] Les faits ayant donné lieu à la cotisation no 3 indiquent que les 272 000 $ ont été payés par la Computer à la Isatt conformément à un contrat, puis transférés à la RDM International et ensuite à la RDM Research. Ces transferts ont été faits suivant les instructions ou avec l'accord de M. Schmidt. Bien que M. Schmidt puisse ne pas avoir effectivement ordonné le paiement fait à la Isatt, il était au courant du contrat existant entre la Isatt et la Computer ainsi que des obligations financières y afférentes. Les faits dont j'ai été saisi indiquent que la Isatt semble avoir été constituée pour cette seule opération et que le prix contractuel était de 400 000 $ US en sus du matériel et des services fournis. Il n'y avait aucune raison commerciale réelle de payer le montant excédentaire, et il semble que les fonds aient été versés à la Isatt de façon à ce que les fonds passent de la Computer à la Isatt. M. Schmidt était un administrateur et un actionnaire de la Isatt. Il était au courant des activités de la compagnie. En outre, il était le seul actionnaire de la RDM International. Selon la prépondérance des probabilités, il était raisonnablement au courant du transfert de 200 000 $ US de la Isatt à la RDM International. Le transfert des fonds de la RDM International à la RDM Research a été fait suivant les instructions ou avec l'accord de l'appelant; ce dernier était le particulier jouant un rôle dans l'exploitation de ces compagnies. Donc, les deux premières conditions sont remplies aux fins de l'application du paragraphe 56(2).

[31] Le montant de 272 000 $ (200 000 $ US) a été payé à la RDM Research. Le paiement était un avantage pour cette compagnie. C'était aussi un avantage indirect pour l'appelant, car il était le seul actionnaire de la RDM International, soit la société mère de la RDM Research, et il pouvait donc au bout du compte ordonner aux compagnies de lui verser ces fonds, soit un avantage pour lui-même.

[32] Si la Computer avait versé les 272 000 $ directement à l'appelant, le montant de 272 000 $ aurait été accordé à titre d'avantage pour M. Schmidt en tant qu'actionnaire et serait inclus dans le revenu de M. Schmidt en vertu du paragraphe 15(1) de la Loi. Le paragraphe 15(1) est conçu pour imposer des particuliers à l'égard d'avantages qu'ils reçoivent du fait qu'ils sont actionnaires. Le paiement direct d'une somme par la Computer à l'appelant serait inclus dans le revenu de l'appelant. Il n'y a aucun élément de preuve qui indique que l'appelant a donné une contrepartie à la Computer ou que le paiement faisait partie d'une opération commerciale véritable. Les deux conditions restantes aux fins de l'application du paragraphe 56(2) sont présentes en l'espèce[17].

[33] Je ne saurais être d'accord avec M. Schmidt sur le fait que le transfert de fonds entre la Computer et, au bout du compte, la RDM Research, était une opération commerciale véritable. Malgré l'existence d'un prétendu contrat d'entreprise entre la Computer et la Isatt, l'objet commercial du contrat est suspect, car la Computer a payé 400 000 $ US en sus du coût du matériel et des services informatiques fournis par la Isatt. M. Schmidt n'a pu expliquer, de manière à me convaincre, la raison des coûts excédentaires. Aucun élément de preuve autre que le témoignage de l'appelant n'indique qu'un contrat d'entreprise véritable existait entre la Isatt et la RDM International. Les 400 000 $ US ont été divisés entre la RDM International et la compagnie de M. Zink, soit la Micro Research. L'appelant a déclaré que les deux compagnies avaient été établies pour assurer un soutien technique à la Isatt, mais il ne pouvait expliquer la raison pour laquelle deux compagnies, plutôt qu'une, avaient été créées à cette fin. L'appelant a dit en outre que la RDM International avait prêté ces fonds à la RDM Research, sa filiale canadienne, et que telle est la raison pour laquelle les fonds ont ensuite été retransférés à la compagnie de la Barbade, en juillet 1986. Encore là, aucun élément de preuve n'étaye l'existence d'un tel prêt intersociétés.

[34] Les faits ayant conduit à la cotisation no 3 semblent être une série d'opérations creuses conçues dans le seul but de faire en sorte que des fonds soient transférés de la Computer, qui avait une importante obligation fiscale, à une compagnie que l'appelant contrôlait indirectement. Il semble que l'appelant ait traité les actifs de la Computer et de la RDM Research, entre autres compagnies, comme les siens propres, de manière à pouvoir en disposer à sa guise. Le transfert de fonds à la RDM Research était un avantage pour l'appelant au sens de la Loi, car l'appelant pouvait au bout du compte ordonner que les fonds lui soient versés en tant que seul actionnaire de la RDM International, soit la société mère de la RDM Research. Donc, les 272 000 $ doivent être inclus dans le revenu de l'appelant.

[35] M. Schmidt a défendu sa cause avec vigueur, mais il n'avait pas suffisamment de munitions. Il n'a produit aucune preuve pouvant m'amener à conclure que les cotisations nos 1, 2 et 3 étaient erronées. Les faits dont j'ai été saisi correspondent essentiellement aux hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé dans l'établissement des cotisations. Dans l'affaire Hickman Motors Limited v. The Queen[18], le juge L'Heureux-Dubé faisait remarquer ce qui suit :

Il est bien établi en droit que, dans le domaine de la fiscalité, la norme de preuve est la prépondérance des probabilités: Dobieco Ltd. c. Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 95, et que, à l'intérieur de cette norme, différents degrés de preuve peuvent être exigés, selon le sujet en cause, pour que soit acquittée la charge de la preuve: Continental Insurance Co. c. Dalton Cartage Co., [1982] 1 R.C.S. 164; Pallan c. M.R.N., 90 D.T.C. 1102 (C.C.I.), à la p. 1106. En établissant des cotisations, le ministre se fonde sur des présomptions: (Bayridge Estates Ltd. c. M.N.R., 59 D.T.C. 1098 (C. de l'É.), à la p. 1101), et la charge initiale de « démolir » les présomptions formulées par le ministre dans sa cotisation est imposée au contribuable (Johnston c. Minister of National Revenue, [1948] R.C.S. 486; Kennedy c. M.R.N., 73 D.T.C. 5359 (C.A.F.), à la p. 5361). Le fardeau initial consiste seulement à « démolir » les présomptions exactes qu'a utilisées le ministre, mais rien de plus: First Fund Genesis Corp. c. La Reine, 90 D.T.C. 6337 (C.F. 1re inst.), à la p. 6340.

L'appelant s'acquitte de cette charge initiale de « démolir » l'exactitude des présomptions du ministre lorsqu'il présente au moins une preuve prima facie: Kamin c. M.R.N., 93 D.T.C. 62 (C.C.I.); Goodwin c. M.R.N., 82 D.T.C. 1679 (C.R.I.). [...]

[36] M. Schmidt n'a pas démoli les hypothèses du ministre. Il n'a pas présenté une preuve prima facie que les cotisations dont il fait appel sont erronées. Les hypothèses du ministre n'ont pas été contredites ou mises en doute par des éléments de preuve raisonnables et appropriés. Les faits dont le ministre a présumé qu'ils étaient véridiques demeurent les faits considérés comme véridiques.

c) Cotisation no 4

[37] L'appel interjeté à l'encontre de la cotisation no 4, soutient l'avocat de l'intimée, se fonde sur des faits identiques à ceux qui ont été entendus et rejetés par le juge Craig, de la Cour provinciale, et M. Schmidt est donc préclus d'obtenir que l'affaire soit réentendue. Aucun élément de ce que M. Schmidt a dit ou déposé en preuve dans les appels considérés en l'espèce ne soulève un doute sérieux quant aux conclusions du juge Craig.

[38] La cotisation no 4 a été établie conformément au paragraphe 56(2) et à l'alinéa 6(1)a) de la Loi.

[39] En ce qui concerne le paragraphe 56(2), pour que la préclusion s'applique, il doit être établi que, dans les poursuites au criminel, on avait répondu à la question de savoir si un paiement ou un transfert de 1 200 000 $ avait été fait, suivant les instructions de l'appelant, à une autre personne, au profit de l'appelant ou de cette autre personne. Le juge de première instance et le juge de la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont tous deux statué qu'un tel transfert avait effectivement eu lieu.

[40] La A & A était une compagnie américaine exploitant une entreprise dans l'État de la Californie. Le 5 novembre 1984, elle avait constitué une filiale, appelée Alpha, qui a par la suite conclu un contrat avec la Facilities pour la fourniture de systèmes de réfrigération. En février 1985, M. Schmidt et M. Zink avaient convaincu les administrateurs de la A & A d'établir deux comptes bancaires de société en vue de payer les sous-traitants. La raison d'être de cette décision tenait au fait que la Facilities devait dépenser une somme d'argent déterminée durant l'année d'imposition pour être admissible à un crédit d'impôt pour la recherche scientifique. Ainsi, l'appelant et M. Zink avaient proposé de faire à l'avance des paiements à la A & A pour ses services, y compris ceux des sous-traitants, et de déposer cet argent dans des comptes bancaires de la A & A distincts. Deux comptes avaient été ouverts au nom de la A & A, l'appelant étant le seul signataire autorisé à l'égard de l'un des comptes, et M. Zink étant le seul signataire autorisé à l'égard de l'autre. L'appelant et M. Zinc avaient ensuite émis un certain nombre de chèques en faveur de la A & A, chèques qui ont été déposés dans les deux comptes, soit des dépôts d'un montant de 1 200 000 $ dans chaque cas. Un de ces chèques avait initialement été viré du compte général de société de la A & A aux comptes individuels, mais les chèques restants ont été déposés directement dans les comptes de l'appelant et de M. Zink à l'insu des administrateurs de la A & A.

[41] Dans l'intervalle, M. Schmidt avait constitué la RDM Research à Vancouver et la RDM International à la Barbade. M. Zink avait constitué la Alpha Micro à Vancouver et la Micro Research à la Barbade. Toutes ces nouvelles compagnies avaient ouvert des comptes bancaires dans leurs pays respectifs.

[42] La Cour provinciale (juge Craig) et la Cour d'appel de la Colombie-Britannique ont considéré comme avéré que, au cours de la période allant du 27 août 1985 au 4 septembre 1985, l'appelant et M. Zink avaient viré les fonds de leurs comptes A & A respectifs aux comptes bancaires des compagnies de la Barbade, lesquelles compagnies ont ensuite viré les fonds aux comptes bancaires de la RDM International et de la Alpha Micro à Vancouver. Donc, l'appelant et M. Zink ont effectivement transféré 1 200 000 $ chacun de la Facilities à la RDM International et à la Alpha Micro, respectivement, empêchant ainsi la Facilities de payer son impôt de la partie VIII.

[43] Le juge Craig a reconnu l'appelant coupable d'avoir omis de déclarer 1 200 000 $ de fonds de la Facilities qu'il s'était appropriés et d'avoir fait des inscriptions fausses et trompeuses dans sa déclaration de revenus pour 1985 en omettant d'inclure ce revenu[19]. Le juge Legg, de la Cour d'appel, disait ce qui suit à la page 5328 :

[TRADUCTION]

À mon avis, le savant juge a eu nettement raison de statuer que les accusations contre M. Schmidt et M. Zink d'avoir omis d'indiquer 1 200 000 $ de revenus dans les déclarations de revenus pour 1985 et d'avoir omis d'inclure cette somme dans leur revenu total déclaré avaient été établies hors de tout doute raisonnable[20].

[44] La Cour provinciale a conclu que M. Schmidt avait délibérément fait un faux énoncé dans sa déclaration de revenus et qu'il était coupable d'une infraction en vertu de l'article 239 de la Loi[21]. Le juge Craig, de la Cour provinciale, a conclu qu'un transfert de 1 200 000 $ avait été fait, suivant les instructions ou avec l'accord de l'appelant, à la RDM Research, au profit de la compagnie, et que le montant aurait donc dû être inclus dans le revenu de l'appelant. Telles sont les questions dont je suis saisi. Tels sont les faits qui me sont soumis. Donc, la préclusion fondée sur la chose jugée s'applique à la cotisation no 4, et le fait d'entendre un appel interjeté à l'encontre de cette cotisation constituerait un recours abusif à la Cour selon l'alinéa 53c) des Règles de la Cour canadienne de l'impôt[22]. Je ne puis accepter l'affirmation de M. Schmidt selon laquelle les procédures devant la Cour provinciale étaient marquées au coin du parjure et de l'incompétence professionnelle. Il n'y a simplement rien qui indique que les arguments de M. Schmidt à cet égard sont valables et m'obligent à réentendre cette question.

PÉNALITÉS

[45] Les cotisations nos 3 et 4 incluent en outre des pénalités imposées en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Le ministre considère que M. Schmidt :

[...] dans l'exécution d'une fonction ou d'une obligation imposée par la [...] Loi [...] a fait sciemment ou dans des circonstances qui justifient l'imputation d'une faute lourde, un faux énoncé ou une omission dans une déclaration [...] fait[e] à l'égard [... de 1985] en vertu de la [... Loi] ou d'un règlement, ou a participé, consenti, acquiescé à [...]

et qu'il est donc passible d'une pénalité. Le ministre soutient que M. Schmidt a omis d'inclure dans son revenu le montant de 272 000 $ concernant la cotisation no 3 et le montant de 1 200 000 $ concernant la cotisation no 4; les pénalités imposées conformément au paragraphe 163(2) étaient de 23 770,17 $ et de 107 099,91 $ respectivement[23]. Les faits présentés par l'intimée, y compris les jugements de la Cour provinciale (juge Craig) et de la Cour d'appel, sont suffisants pour justifier l'imposition de la pénalité concernant la cotisation no 4. M. Schmidt savait que le montant de 1 200 000 $ devait être inclus dans son revenu et il a délibérément omis de l'inclure.

[46] En ce qui a trait à la pénalité imposée dans la cotisation no 3, je suis convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, M. Schmidt a, sciemment ou dans des circonstances justifiant l'imputation d'une faute lourde, omis d'inclure la somme de 272 000 $ dans son revenu. Toutefois, un tribunal de juridiction compétente, soit la Cour provinciale de la Colombie-Britannique, avait statué qu'il y avait un doute raisonnable quant au fait que M. Schmidt entendait se soustraire frauduleusement au paiement de l'impôt à l'égard du montant de 272 000 $. Le juge McGivern, de la Cour provinciale, s'était penché sur la question de savoir si M. Schmidt avait commis une infraction visée à l'alinéa 239(1)d) de la Loi, c'est-à-dire s'il avait :

[...] volontairement, de quelque manière, éludé ou tenté d'éluder l'observation de la présente loi ou le paiement d'un impôt établi en vertu de cette loi [...]

[47] En ce qui a trait à l'imposition d'une pénalité en vertu du paragraphe 163(2), le ministre a la charge d'établir les faits qui justifient l'imposition de la pénalité : paragraphe 163(3). En imposant la pénalité, le ministre s'est fondé sur les faits qu'il avait présumé être exacts quand il avait inclus le montant de 272 000 $ dans le revenu de M. Schmidt. L'imposition de la pénalité est une sanction pénale. La charge de la preuve y est plus lourde que dans le cas d'une sanction au civil. M. Schmidt devait composer avec une décision de la Cour provinciale pour ce qui est de la pénalité incluse dans la cotisation no 4; le ministre devait composer avec une décision de la Cour provinciale pour ce qui est de la pénalité incluse dans la cotisation no 3. L'affidavit de M. Cowan n'aide pas l'intimée sur ce point. La charge qui incombe au ministre de justifier la pénalité est donc encore plus lourde du fait d'une conclusion d'un tribunal selon laquelle M. Schmidt n'a pas éludé ou tenté d'éluder l'impôt sur le montant de 272 000 $. Le ministre n'est pas parvenu à justifier la pénalité.

APPEL DE Mme SCHMIDT

[48] En ce qui a trait à l'appel de Mme Schmidt, aucun des éléments de preuve qui m'ont été présentés ne donne même à entendre que la cotisation est suspecte. De la manière dont j'apprécie la preuve, Mme Schmidt est une bonne épouse, fidèle, qui, au début de son mariage, travaillait pour faire vivre la famille et qui a été une source constante d'appui pour M. Schmidt.

[49] En 1961, M. et Mme Schmidt avaient acheté une résidence. La maison avait été enregistrée au nom de M. Schmidt et au nom de Mme Schmidt. Mme Schmidt a déclaré dans son témoignage qu'elle avait payé la résidence, mais elle ne pouvait le corroborer. Ce n'est pas étonnant, car l'opération a eu lieu il y a plus de 35 ans. La propriété était enregistrée au nom des deux conjoints. Elle a dit que le prix de la maison était de 15 900 $ et qu'un prêt de 14 250 $, garanti par une hypothèque de premier rang, avait été obtenu. Il y avait aussi un prêt hypothécaire de second rang, qui avait été remboursé en deux ans. Mme Schmidt a déclaré que le prêt hypothécaire de premier rang avait été remboursé en 25 ans et que M. Schmidt et elle avaient fait les paiements.

[50] Par la voie d'un acte en date du 14 février 1986 et enregistré le 17 février 1986, M. Schmidt avait transféré son intérêt dans la maison à Mme Schmidt pour la somme de 1 $. La moitié de la valeur marchande du bien au moment du transfert était de 75 000 $, d'après l'acte.

[51] Un document présenté par l'appelante au cours de l'argumentation rapporte, peu clairement, divers événements prétendument liés au transfert de l'intérêt de M. Schmidt dans la résidence des Schmidt.

[52] Selon ce document, le père de M. Schmidt avait acheté un immeuble à Richmond (Colombie-Britannique) en 1956. M. Schmidt et son père avaient commencé à exploiter une entreprise ensemble en 1956; ils étaient devenus associés à parts égales en 1968. En 1984, la Computer avait été constituée. En août 1984, le père de M. Schmidt avait transféré la moitié de son fief simple dans l'immeuble de Richmond à M. Schmidt, et ils avaient alors été propriétaires de l'immeuble comme tenants conjoints. La Facilities avait commencé à exploiter une entreprise en septembre 1984. Il semble que l'entreprise ait été exploitée à partir de l'immeuble de Richmond. En août 1985, une charge semble être enregistrée à l'égard de l'immeuble. Lorsque le père de M. Schmidt a transféré la moitié de sa participation dans l'immeuble de Richmond à M. Schmidt, a témoigné Mme Schmidt, il a demandé à M. Schmidt de transférer à Mme Schmidt son intérêt dans la résidence dont il était propriétaire avec Mme Schmidt. Il s'agit de l'opération en cause dans la cotisation. Le document décrit aussi d'autres événements, dont bon nombre ne sont pas corroborés et qui sont, à mes yeux du moins, un peu déroutants. Quoi qu'il en soit, il n'y a rien que j'aie pu trouver dans la preuve qui indique que l'intérêt de 50 p. 100 de M. Schmidt dans la résidence familiale n'était pas détenu par lui ou que cet intérêt valait moins que les 69 000 $ estimés par le ministre.

[53] L'article 160 dit que, lorsqu'une personne a transféré un bien, directement ou indirectement, à son conjoint, le bénéficiaire (le conjoint) et l'auteur du transfert (la personne) sont solidairement responsables du paiement d'une partie de l'impôt de l'auteur du transfert pour chaque année d'imposition. Si le bénéficiaire du transfert a versé une contrepartie à l'auteur du transfert pour le bien transféré, son obligation fiscale est réduite d'autant. Aucun élément de la preuve ou des arguments de l'appelante ne permettrait de réduire l'obligation fiscale de l'appelante en vertu de l'article 160. Ce qui peut s'être passé entre l'époux et le beau-père, en fait entre l'appelante et son beau-père, n'aide nullement l'appelante.

[54] L'appelante n'a pas établi que les cotisations d'impôt relatives à M. Schmidt étaient erronées ou que le total de tous les montants que M. Schmidt était tenu de payer en vertu de la Loi pour l'année d'imposition où il a transféré son intérêt dans la résidence à Mme Schmidt ou pour une année d'imposition précédente était moins élevé que les 177 967,32 $ allégués par le ministre.

JUGEMENTS

[55] Les appels de M. Schmidt à l'encontre des cotisations nos 1, 2 et 4 sont rejetés. Son appel à l'encontre de la cotisation no 3 est admis, et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation uniquement de manière à supprimer la pénalité imposée en vertu du paragraphe 163(2) de la Loi. Par une ordonnance du juge suppléant Rowe, de la C.C.I., l'appelant Gunther W. Schmidt avait été dispensé de payer des frais concernant l'interjection et la poursuite de ses appels jusqu'au commencement de l'audition des appels. Je demande à M. Schmidt et à l'avocat de l'intimée de présenter des observations d'ici le 5 mars 1999 quant à savoir si l'appelant Gunther W. Schmidt devrait avoir droit à des mesures de redressement supplémentaires in forma pauperis ou s'il devrait lui être ordonné de payer des frais pour l'audition de ses appels.

[56] L'appel de Mme Schmidt est rejeté avec frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de janvier 1999.

« Gerald J. Rip »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 27e jour de septembre 1999.

Mario Lagacé, réviseur

ANNEXE DES MOTIFS DU JUGEMENT

[Omise]



[1]            Le montant de 272 000 $ est l'équivalent canadien de 200 000 $ US.

[2]           Des copies des avis de cotisation n'ont pas été produites au procès. Le ministre ne semble pas avoir adressé à la Cour de copies des avis de cotisation qu'il est tenu d'adresser en vertu du paragraphe 170(2) de la Loi. Je présume donc que la cotisation no 4 est une cotisation supplémentaire.

[3]           Le juge ayant initialement entendu cette demande a déféré celle-ci au juge du procès, qui, disait-il, serait le mieux placé pour trancher la question après avoir entendu l'ensemble de la preuve.

[4]            R. v. Q.I.X. Facilities Corporation et al., 91 DTC 5440.

[5]           Schmidt v. The Queen, 93 DTC 5319.

[6]           Affaire Q.I.X. Facilities, précitée, pages 5441-5442.

[7]           La « QIX » dont il est question dans les motifs du juge Craig, de la Cour provinciale, est appelée la « Facilities » dans les présents motifs.

[8]           Voir les notes 13 et 15 figurant ci-après.

[9]           Voir l'affaire Adams et al. v. The Queen, 96 DTC 1733, pages 1735-1736, juge Bowman, C.C.I. M. Schmidt a déclaré dans son témoignage qu'il n'a pas déposé au procès tenu devant la Cour provinciale.

[10]          97 DTC 5407 (C.A.F.).

[11]          98 DTC 6378 (C.A.F.).

[12]          Je sais que M. Schmidt a été acquitté à l'égard de l'accusation d'avoir omis d'inclure les 272 000 $ de la Computer qu'il s'était prétendument appropriés; cette question n'est pas directement liée à son omission, comme administrateur, de prévenir le manquement de la Computer à l'obligation de payer de l'impôt de la partie VIII.

[13]          Jugement non publié. Cela est mentionné dans l'affidavit de M. Cowan et n'est pas une question dont avait été saisi le juge Craig, de la Cour provinciale, dans l'affaire mentionnée précédemment.

[14]          88 DTC 6047, aux pages 6049-6050. La Cour suprême du Canada (91 DTC 5001), infirmant le jugement de la Cour d'appel fédérale, a statué que, sur la foi des faits de l'affaire McClurg, le paragraphe 56(2) s'appliquait à des dividendes non véritables. Toutefois, voir l'arrêt Neuman v. The Queen, 98 DTC 6297, dans lequel la Cour suprême a statué que, à moins qu'un contribuable faisant l'objet d'une nouvelle cotisation n'ait eu un droit préexistant au dividende, le paragraphe 56(2) ne peut s'appliquer de manière à attribuer le revenu en dividendes au contribuable aux fins de l'impôt. M. Schmidt ne peut s'appuyer sur les conclusions de la Cour suprême. Les faits de l'espèce ne révèlent la présence d'aucun dividende.

[15]          Jugement R. v. Schmidt (non publié), en date du 8 janvier 1993.

[16]          Affaire Neuman, précitée, note 14.

[17]          La RDM Research n'est pas assujettie à de l'impôt sur le montant de 272 000 $ reçu indirectement de la Computer : voir Winter et al. v. The Queen, 90 DTC 6681, juge d'appel Marceau, à la page 6684.

[18]          97 DTC 5363, à la page 5376 (C.S.C.).

[19]          Affaire Q.I.X. Facilities, précitée, à la page 5452.

[20]          Affaire Schmidt, précitée.

[21]          L'alinéa 239(1)a) se lit comme suit :

            239(1) Toute personne qui, selon le cas :

a) a fait des déclarations fausses ou trompeuses, ou a participé, consenti ou acquiescé à leur énonciation dans une déclaration, un certificat, un état ou une réponse produits, présentés ou faits en vertu de la présente loi ou de son règlement;

[...]

commet une infraction et, en plus de toute autre pénalité prévue par ailleurs, encourt, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire :

[...]

[22]          Voir les jugements suivants : Wm. Van Rooy v. M.N.R., 88 DTC 6323, juge Urie (C.A.F.), Boehm v. The Queen, 96 DTC 6087 (C.F., 1re inst.), et Sarraf v. M.N.R., 93 DTC 1569.

[23]          Des pénalités supplémentaires ont été imposées en vertu de la Income Tax Act (loi de l'impôt sur le revenu) de la Colombie-Britannique.

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