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Date : 19980625

Dossiers : 96-1873-UI; 96-1874-UI; 96-1875-UI

ENTRE :

BRIAN HOWELL, CHRISTOPHER HOWELL, CORRADO GIORDANELLA,

appelants,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

Motifs du jugement

Le juge suppléant Rowe, C.C.I.

[1] L’avocat de l’intimé et Gerald Grupp, représentant de tous les appelants, ont convenu que les appels pouvaient être entendus sur preuve commune.

[2] L’appel de Brian Howell porte sur une décision rendue par le ministre du Revenu national (le « Ministre » ) le 28 mai 1996, l’appelant lui ayant demandé de régler la question de l’assurabilité de son emploi chez Ideal Pools Limited du 20 juillet au 12 décembre 1992, du 7 juin au 25 septembre 1993 et du 20 juin au 7 octobre 1994. Le Ministre est arrivé à la conclusion que les périodes d’emploi de Brian Howell n’étaient pas assurables parce que ce dernier n’était pas sans lien de dépendance avec Ideal Pools Limited ni n’était réputé traiter avec celle-ci sans lien de dépendance au sens de l’alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi sur l’assurance-chômage (la « Loi » ).

[3] Christopher Howell avait interjeté appel d’une décision rendue par le Ministre le 28 mai 1996, décision selon laquelle son emploi chez Ideal Pools Limited du 6 juin au 15 septembre 1994 n’était pas assurable parce qu’il n’était pas sans lien de dépendance avec son employeur ni n’était pas réputé traiter avec celui-ci sans lien de dépendance.

[4] Corrado Giordanella avait interjeté appel d’une décision rendue par le Ministre le 28 mai 1996, décision dans laquelle le Ministre était arrivé à la conclusion que l’emploi de l’appelant chez Ideal Pools Limited n’était pas assurable pour les périodes suivantes : du 1er juin au 17 octobre 1992, du 7 juin au 23 octobre 1993 et du 20 juin au 7 octobre 1994. Le Ministre avait rendu cette décision au motif que l’appelant Giordanella n’était pas sans lien de dépendance avec son employeur ni n’était réputé traiter avec celui-ci sans lien de dépendance.

[5] Gerald Grupp, représentant des appelants, a reconnu les faits suivants, relatifs aux appels de Brian Howell et de Corrado Giordanella, ainsi qu’il est exposé dans la réponse à l’avis d’appel de Brian Howell :

[TRADUCTION]

b) le payeur est une société dûment constituée en vertu des lois de la province de l’Ontario le 2 février 1988 ou vers cette date;

c) à toutes les périodes importantes, un groupe lié composé de l’appelant et de son beau-frère, Corrado Giordanella, contrôlait les deux-tiers des actions avec droit de vote en circulation du payeur;

d) le 28 septembre 1993 ou vers cette date, la 1045592 Ontario Ltd. (la société associée) a été constituée en société par l’appelant (39 actions ordinaires), son fils, Christopher Howell (22 actions ordinaires) et son beau-frère (39 actions ordinaires);

e) la société associée a déposé le nom commercial « Ideal Pools » lors de sa constitution en société;

f) le payeur semblerait avoir exploité un magasin à Richmond Hill (fermé en mai 1995) et la société associée aurait exploité un magasin à Newmarket (fermé en juin 1995);

g) le payeur et la société associée exploitaient une entreprise dans le domaine des piscines;

l) l’appelant devait être rémunéré (montant brut) 710 $ par semaine pendant 21 semaines en 1992, 744,84 $ par semaine pendant 16 semaines en 1993 et 780 $ par semaine pendant 17 semaines en 1994; »

[6] Le représentant a également reconnu les faits suivants, exposés dans la réponse à l’avis d’appel de Christopher Howell :

[TRADUCTION]

b) le payeur est une société dûment constituée en vertu des lois de la province de l’Ontario le 2 février 1988 ou vers cette date;

(c) à toutes les périodes importantes, un groupe lié composé du père de l’appelant, Brian Howell, ainsi que de son oncle, Corrado Giordanella, contrôlait les deux-tiers des actions avec droit de vote en circulation du payeur;

(d) le 28 septembre 1993 ou vers cette date, la 1045592 Ontario Ltd. (la société associée) a été constituée en société par l’appelant (22 actions ordinaires), son père (39 actions ordinaires) et son oncle (39 actions ordinaires);

(e) la société associée a déposé le nom commercial « Ideal Pools » lors de sa constitution en société;

f) le payeur semblerait avoir exploité un magasin à Richmond Hill (fermé en mai 1995) et la société associée aurait exploité un magasin à Newmarket (fermé en juin 1995);

[7] James Lockhart a déclaré dans son témoignage qu’il est négociant en ferraille et travailleur autonome résidant à Toronto. Il a dit connaître tous les appelants et a toujours utilisé le nom de Charley Giordanella pour désigner Corrado Giordanella. M. Lockhart a dit qu’entre 1992 et 1995, il savait que les trois appelants étaient propriétaires d’une entreprise nommée Ideal Pools Limited. Il louait des camions appartenant à cette entreprise - qui faisait également affaire sous le nom d’Avalon Paving - pour l’enlèvement de la neige. À ses dires, Brian Howell ou Charley Giordanella conduisaient les camions à un endroit spécifié, avec quatre ou cinq chauffeurs. M. Lockhart a expliqué qu’il travaillait comme surveillant et coordonnait jusqu’à 35 véhicules différents servant à l’enlèvement de la neige des parcs de stationnement. Les tarifs habituels allaient de 42 $ à 49,50 $ l’heure par camion avec conducteur. Son tarif de surveillant était de 25 $, mais il était également propriétaire de quatre camions utilisés pour les travaux de déneigement. D’après ses explications, le tarif augmentait avec la taille du matériel et le barème, énoncé plus haut, s’appliquait aux déchargeuses à godets, ainsi qu’aux petits camions équipés de charrues.

[8] Shawn Bishop a déclaré dans son témoignage qu’il était machiniste et résidait à Collingwood (Ontario); il connaît tous les appelants, mais passait davantage de temps avec Brian Howell, lorsqu’il travaillait pour Ideal Paving. D’après ses informations, cette dernière était une filiale d’Ideal Pools Limited, société qui faisait la construction et l’entretien de piscines. Il a déclaré avoir travaillé d’avril à la fin de juin 1993 avec une équipe d’asphaltage, sept jours par semaine lorsque le temps le permettait, habituellement comme manoeuvre, mais parfois comme opérateur de déchargeuse à godet. Il a déclaré qu’il gagnait 12,50 $ l’heure, tarif fixé par Brian Howell, et que Brian Howell travaillait avec la même équipe, qui commençait à 7 h et terminait à 17 h.

[9] Au contre-interrogatoire,M. Bishop a déclaré n’être pas lié à l’un ou l’autre des appelants, même si son beau-père connaissait Brian Howell.

[10] Lino Caruso a déclaré dans son témoignage qu’il connaissait tous les appelants et qu’il avait travaillé pour Ideal Pools Limited entre 1990 et 1994. Il s’agissait d’un travail saisonnier; il commençait chaque année en mai ou juin et finissait en août ou septembre, selon les conditions météorologiques. Il était manoeuvre dans le domaine des piscines et faisait donc l’installation, la réparation et l’entretien. À ses dires, il travaillait tous les jours, si le temps le permettait, et gagnait environ 13 $ l’heure; il travaillait en compagnie de Brian Howell et de Corrado (Charley) Giordanella, ce dernier étant son surveillant. Il a déclaré n’être lié à aucun des appelants.

[11] Au contre-interrogatoire, M. Caruso a déclaré que, chaque saison, il commençait à travailler avec Charley et que Brian et Christopher Howell faisaient également partie des équipes.

[12] Joan McMurdo, appelée à témoigner, a dit être agente d'assurabilité à Revenu Canada aux fins de la Loi sur l’assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada. Elle était agente d'assurabilité concernant chaque appelant et a préparé un rapport - Pièce A-1 - concernant Brian Howell. Elle travaille à la section des décisions depuis 1967 et connaît les dispositions législatives pertinentes, ainsi que les définitions de personnes liées au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. D’après ses estimations, elle a pris des centaines de décisions concernant l’assurabilité aux fins de l’assurance-chômage et du Régime de pensions du Canada. Elle s’est entretenue avec les appelants au téléphone, mais ne les a jamais rencontrés en personne. Elle pensait avoir peut-être expliqué à un ou plusieurs des appelants le sens du terme « sans lien de dépendance » , de même que donné certains renseignements sur le mécanisme des décisions prises par elle. Mme McMurdo a donné des explications sur l’étape suivante, lorsqu’elle-même a rendu une décision : la personne doit interjeter appel auprès du Ministre. Les appels sont traités par un agent des appels à London (Ontario). Même s’il est partie au processus de formulation de la décision, le travailleur ou l’employeur n’est pas invité à se présenter devant elle ou à formuler des observations avant ou pendant la délivrance de la décision. Elle a précisé que la demande de décisions provenait de Développement des ressources humaines Canada (DRHC), soit anciennement la Commission de l’assurance-chômage. La demande de décisions portait sur une période de trois ans. Le rapport du 16 novembre 1995, versé sous la cote A-1, contient un exposé des faits sur lesquels elle s’est fondée, ainsi que les motifs de la conclusion tirée dans ce document. Elle reconnaît ne s’être fondée que sur l’information reçue de DRHC et selon laquelle Brian Howell pouvait encore utiliser une voiture de l'entreprise, même après avoir été mis à pied; elle ne l’a pas joint pour vérifier l’exactitude de ces renseignements. Elle a expliqué avoir reçu de DRHC un dossier contenant les éléments d’information réunis par un enquêteur qui avait interviewé Brian Howell, l’un des dirigeants de Ideal Pools Limited, et qui avait également obtenu les chèques annulés, les états financiers et les déclarations de revenu relatifs à cette entreprise. Mme McMurdo a déclaré qu’elle est arrivée à la conclusion que Brian Howell supervisait les autres actionnaires de l’entreprise et que lui et ses collègues actionnaires prenaient les décisions concernant l’exploitation de l'entreprise. Elle savait qu’il détenait 39 % des actions ordinaires de l’entreprise et n’occupait pas un emploi exclu au sens de la Loi, parce qu’il était actionnaire. Elle a mentionné qu’elle n’était pas la personne qui avait pris les décisions faisant l’objet d’appels, car ces décisions avaient été rendues par W.S. McCallum, agent d’appels, agissant de façon indépendante d’après les renseignements recueillis dans le cadre d’un mécanisme où l’on avait envoyé des questionnaires aux appelants. Elle a reconnu ses rapports relatifs à Corrado Giordanella et à Christopher Howell, pièces A-2 et A-3 respectivement. À son avis, ainsi qu’il est précisé dans les décisions qu’elle a rendues, aucun des appelants n’occupait un emploi assurable, car chaque travailleur était lié à la société employeuse et n’aurait pas fourni de services aux mêmes conditions s’il avait traité avec une personne sans lien de dépendance et non liée.

[13] L’avocat de l’intimé n’a pas procédé au contre-interrogatoire.

[14] Anita Giordanella a déclaré dans son témoignage être travailleuse de l’automobile, établie à Keswick (Ontario) et mariée à l’appelant, Corrado Giordanella. Entre 1992 et 1994, elle a travaillé pour Ideal Pools Limited, agissant comme secrétaire et s’occupant notamment des ventes, de la tenue de livres, de la paie, des soumissions d’installations de piscines et d’autres tâches de bureau. Elle a déclaré que Ideal Pools Limited exploitait également une entreprise d’asphaltage sous le nom commercial Ideal Paving. D’après ses explications, après le 28 septembre 1993, une société à numéro -1045592 Ontario Ltd. (1045592) - faisait affaires sous le nom de Ideal Pools, sans adjoindre à son nom le mot Limited. D’après sa déclaration, les appelants travaillaient dans l’entreprise tous les jours, en saison; elle les aurait vus travailler du lundi au vendredi et, au besoin, la fin de semaine. Elle a expliqué avoir établi divers formulaires pour son époux, Corrado Giordanella, car ce dernier avait de la difficulté à lire et à écrire en anglais. À ses dires, elle avait déclaré qu’il n’était pas lié au payeur, ayant procédé ainsi d’après ce qu’elle avait compris d’un conseil reçu d’un comptable, étant donné le fait que le payeur était une société. Même si Brian Howell, son frère, avait rempli sa propre demande de prestations d’assurance-chômage en 1994, elle l’avait examinée pour vérifier si elle était bien remplie car il avait certaines difficultés à lire et à écrire.

[15] Brian Howell a déclaré dans son témoignage être un appelant. Il a également déclaré qu'il travaille en tant qu’emballeur et réside à Uxbridge (Ontario). Il a déclaré qu’il était le trésorier d'Ideal Pools Limited, société constituée en personne morale le 2 février 1988. Il est devenu actionnaire en juillet 1992 et détenait le tiers des actions ordinaires en circulation. À cette époque, Corrado Giordanella avait acheté des actions (un tiers) de son frère, Sam Giordanella tandis qu’un autre actionnaire, Corrado DiRosolini, détenait aussi un tiers des actions. Plus tard, la 1045592 a été constituée en personne morale et Brian Howell en détenait 39 % des actions ordinaires en circulation. Il a expliqué avoir fréquenté l’école jusqu’en dixième année mais avoir éprouvé des difficultés à lire, à épeler et à écrire; selon lui, ses capacités se situaient au niveau de la septième année. Au début de 1993, on utilisait Ideal Paving comme nom commercial et DiRosolini était responsable. Pendant l’hiver, les camions appartenant à l’entreprise étaient loués pour le déneigement. En 1992, Brian Howell, selon sa déclaration, ne travaillait qu’à la construction de piscines, tandis qu’en 1993, il y travaillait encore, mais a fait de l’asphaltage jusqu’en octobre, après la fin de la saison des piscines. En 1994, il n’a travaillé qu’à la construction et à l’entretien des piscines. À ses dires, il travaillait tous les jours et, s’il pleuvait, il faisait du travail de bureau avec l’aide de son épouse ou de sa soeur. Il avait la tâche de surveiller l’émission des chèques et le paiement des factures ou la perception des comptes débiteurs. Selon sa déclaration, sa journée de travail commençait à 7 h 30 et ne se terminait que vers 16 h 30 ou 17 h; il travaillait comme manoeuvre. Corrado DiRosolini était responsable de l'entreprise d’asphaltage. Entre 1992 et 1994, tandis qu’il travaillait dans l’entreprise de piscines, Corrado Giordanella était le responsable. Brian Howell a déclaré ne pas avoir encaissé certains chèques qui lui avaient été tirés parce que l’entreprise n’avait pas suffisamment de fonds en banque et qu’il avait décidé d’émettre les chèques malgré tout, simplement pour disposer ultérieurement d’une preuve de rémunération. Il a déclaré qu’un problème a surgi avec Corrado DiRosolini concernant les méthodes commerciales, l’établissement des prix et d’autres points et que le litige s’est envenimé en septembre 1993 à un point tel que Ideal Pools Limited a dû fermer. DiRosolini disposait du pouvoir de signature aux comptes de l’entreprise sur lesquels les chèques avaient été tirés jusqu’à cette époque en 1993 et ce compte a été fermé, tout comme les autres où DiRosolini avait pouvoir de signer des chèques. D’après la déclaration de M. Howell, M. DiRosolini est parti avec certains équipements lorsqu’il a quitté l’entreprise et lui et l’autre actionnaire ont intenté une poursuite afin de récupérer la valeur de la machinerie ainsi prise, soit à leur avis, entre 15 000 $ et 20 000 $. D’après sa déclaration, il était important de veiller à ce que les autres employés - et non les membres de la famille - reçoivent toujours pleinement leur salaire, et que les fournisseurs soient payés. Il a ajouté avoir prêté de l’argent à Ideal Pools Limited pour l’achat d’un véhicule, expliquant qu’il avait emprunté 50 000 $ sur sa ligne personnelle de crédit, offrant en garantie sa résidence, pour obtenir des fonds supplémentaires à injecter dans l’entreprise. Après la constitution en personne morale de l’entreprise à numéro, le 28 septembre 1993, ils ont fonctionné sous le nom de cette entreprise et, en avril 1994, ont enregistré le nom commercial, Ideal Pools, aux fins de la taxe de vente provinciale (TVP) et de la taxe sur les produits et services (TPS). Il a expliqué que la nouvelle entreprise - 1045592 - pouvait utiliser les mêmes numéros de TPS et de TVP que la Ideal Pools Limited et qu’il y a eu cessation progressive des activités sous ce nom, de sorte qu’à l’été 1994, cette société n’était plus en affaires. Il a déclaré qu’il détenait 39 % des actions de la société à numéro - tout comme Corrado Giordanella - et que son fils, Christopher Howell, en détenait 22 %. Brian Howell a expliqué que les actionnaires recevaient tous un salaire et que les travailleurs étaient rémunérés à l’heure selon leurs fiches de temps. Il a admis l’hypothèse formulée au paragraphe 7(l) de la réponse à son avis d'appel et selon laquelle il devait recevoir brut 710 $ par semaine pendant 21 semaines en 1992, 744,84 $ pendant 16 semaines en 1993 et 780 $ par semaine pendant 17 semaines en 1994. Il a aussi reconnu ne pas avoir reçu de rémunération pour 11 des 21 semaines de 1992 ou 5 des 16 semaines de 1993, ou 9 des 17 semaines de 1994. D’après ses explications, les chiffres de vente inscrits au paragraphe 7(i) de la réponse à son avis d'appel étaient en fait des rentrées de revenus, car il n’y avait pas de vente réelle en janvier ou février, dans la période hivernale. À ses dires, sa déclaration de revenu et les documents pertinents aux fins de l’assurance-chômage et(ou) du Régime de pensions du Canada avaient été préparés comme s’il avait pu toucher tous les chèques qui lui avait été émis, même si certains d’entre eux n’ont jamais été encaissés. Il croyait en outre que la société avait porté les salaires en dépenses dans l’année visée. Selon sa déclaration, il a toujours essayé de travailler 44 heures par semaine au maximum, même si une certaine souplesse était nécessaire en raison du temps. Il a mentionné que, en peu de temps, il est devenu capable d’effectuer des travaux de construction, de réparation ou d’entretien de piscines à son propre compte, mais qu’il avait commencé à travailler sous la surveillance de Corrado Giordanella. Il a décrit la réunion avec les autres actionnaires au début de chaque saison, l’évaluation des recettes et le montant que chaque personne pouvait se réserver en salaire hebdomadaire. Il avait été décidé que la rémunération des trois actionnaires serait la même. Il utilisait sa propre carte de crédit pour les achats et l’entreprise n’utilisait pas de voiture et n’en possédait pas. Les seuls véhicules appartenant à l’entreprise étaient des Blazer, qui pouvaient être munis de charrues à neige pour l’hiver.

[16] Au contre-interrogatoire, Brian Howell a déclaré qu’il envisagerait de travailler pour un employeur qui ne le paierait pas promptement seulement s’il s’agissait d’un ami proche, mais certainement « pas pour un étranger » . Il se souvenait qu’à certaines occasions, les chèques de paie de travailleurs étrangers à la famille avaient été retenus environ deux semaines. En 1992, reconnaissait M. Howell, il n’avait pas commencé à travailler avant le 20 juin; il a identifié le questionnaire - pièce R-1 - qu’il avait rempli en fournissant les réponses à une autre personne, qui les a ensuite dactylographiées. Il a reconnu qu’il avait fourni les chiffres de vente pour chaque mois et que le salaire à verser hebdomadairement correspondait au maximum des gains assurables tels qu’établis pour chaque année pertinente au présent appel, mais qu’il ne savait pas pourquoi on utilisait le montant de 744,84 $ par semaine, car il croyait que son salaire était de 740 $ par semaine en 1993. Il a en outre reconnu avoir fourni sans rémunération des services à la société et ne pas avoir reçu le moindre paiement sous forme de jeton de présence. Après sa mise en disponibilité le 12 décembre 1992, il a travaillé pour un client - chez lequel Ideal Pools Limited avait installé une piscine intérieure - et n’a pas été payé par la société pendant cette période. Il ne savait pas où l’on pouvait retracer le montant des recettes de l’entreprise attribuables à ses services non rémunérés. Il a déclaré que son fils, Christopher, était devenu actionnaire dans la 1045592, y détenant 22 % des actions et Corrado Giordanella, l’oncle de Christopher, avait acquis de l’expérience depuis 1968 dans les divers aspects du marché des piscines. Il a ajouté que l’agent des appels, M. McCallum, lui avait expliqué ce que signifie l’expression « sans lien de dépendance » et lui avait déclaré « Vous n'obtiendrai pas gain de cause » .

[17] Au réinterrogatoire, Brian Howell a précisé que les ventes de janvier 1993 s’élevaient à 5 193,63 $, montant considérablement plus élevé que celles du mois de janvier 1992 et 1994. D’après lui, cette hausse était due au travail qu’il avait fait après le 12 décembre 1992, expliquant que certains clients payaient un mois ou davantage après avoir été facturés. D'après ce qu'il se souvenait, le travail qu’il avait exécuté n’avait pas trait à une piscine; il s’agissait plutôt de rénover un endroit à l’intérieur de la maison et ce travail avait commencé après la fin de la saison de construction des piscines. Le client avait acheté lui-même les matériaux et l’entreprise ne facturait que la main-d’oeuvre. Howell s’est reporté à certaines factures - pièce A-4 - nombre d’entre elles n’ayant été payées que 60 ou 70 jours après facturation ce qui, à son avis, rendait compte du fait que l’entreprise obtenait des rentrées même après sa mise en disponibilité. M. Howell a expliqué qu’aucun des appelants n’avait travaillé dans l’entreprise de déneigement et que les recettes n’étaient générées que par la location de divers équipements.

[18] Dans un autre contre-interrogatoire découlant du réinterrogatoire (à la suite d’une reprise de l’instance après réinscription au rôle), Brian Howell a expliqué que le paiement d’un montant facturé est inscrit aux dossiers de l’entreprise à la rubrique « ventes » , même si le travail donnant lieu à la facturation a été effectué antérieurement. On a reporté M. Howell à la page 7 du rapport d’un règlement ou d’un appel figurant à la pièce A-1 et à la déclaration de revenu de la société, ainsi qu’à la déclaration de TPS pour la même période. M. Howell n’a pu expliquer pour quelle raison les chiffres des ventes ou des recettes utilisés dans les différentes déclarations ne correspondaient pas. Il a convenu avoir signé la déclaration de la société, ajoutant que les déclarations de TPS avaient été préparées par Anita Giordanella. En 1994, les chiffres qu’il a fournis à William McCallum de Revenu Canada faisaient état de ventes de 174 106,33 $, tandis que la déclaration de revenu de la même période faisait état de recettes brutes de 157 000 $ et la déclaration de TPS, de ventes de 124 370 $.

[19] William McCallum est venu témoigner, précisant qu’il est agent des appels de Revenu Canada et que son poste fait en sorte qu’il est appelé à réviser les faits pertinents à certaines décisions rendues par les agents d'assurabilité sur la question de savoir si certaines personnes occupaient un emploi assurable et ouvrant droit à pension. Il a déclaré que c’était lui qui était l'auteur des règlements ou des décisions dont les appelants interjettent appel. Pour y parvenir, il était appelé à consulter divers documents, notamment les rapports de Joan McMurdo. Il a mentionné avoir analysé les questionnaires remplis par les appelants et examiné les déclarations de TPS et de revenus d’entreprise et avoir discuté par téléphone avec Brian Howell. Il n’a pris aucune mesure pour tenir une audience et n’a informé aucun des appelants de leur droit d'être représenté, non plus qu’il ne les a invités à présenter d’autres éléments d’information avant de prendre sa décision. M. McCallum a déclaré qu’il voulait éclaircir certains points et a téléphoné à Brian Howell mais, en discutant avec lui, il ne lui a pas dit qu’il n’avait aucune chance d'obtenir gain de cause. Il lui a expliqué que la décision proprement dite – ou règlement, terme utilisé auparavant - a été prise par J.M. Cleaver, chef, Section d’appel, pour le ministre du Revenu national et qu’une lettre à cette fin a été expédiée à chaque appelant. M. McCallum a déclaré avoir examiné quatre critères distincts sous l’angle de leur application à chaque appelant. À son avis, le versement de la rémunération était particulier et la durée de l’emploi figurait également parmi les points analysés. À titre d’exemple, les périodes d’emploi commençaient un ou deux jours après l’expiration du droit aux prestations d’assurance-chômage; il était conscient de la nature saisonnière de l’entreprise de piscines, qui ne fonctionnait habituellement qu’entre mai et septembre. Il reconnaissait que chacun a le droit de demander des prestations après avoir été mis en disponibilité et deviendrait admissible s’il avait travaillé le nombre requis de semaines et gagné suffisamment d’argent au cours de la période pertinente. Il a identifié le questionnaire - pièce A-5 - rempli relativement à Corrado Giordanella et un autre - pièce A-6 - déposé au nom de Ideal Pools Limited, les deux signés par Corrado Giordanella. À la pièce A-6 - page 11 - se reportant à l’appelant, Corrado Giordanella, on pouvait lire « Puisque le travailleur est actionnaire, il a fourni ses services avant et après les périodes en question, sans rémunération. Le travail était exécuté simplement pour payer les factures de l’entreprise » . M. McCallum a déclaré avoir confirmé auprès de Brian Howell que les actionnaires offraient des services à l’entreprise sans être rémunérés, après leur mise en disponibilité. Ces renseignements n’ont pas été transmis à la Commission, car il ne peut communiquer ce genre d’information en raison de la politique administrative de Revenu Canada. M. McCallum a expliqué avoir examiné les chèques annulés, pour constater que ces pièces ne permettaient pas d’appuyer l’information contenue dans les divers relevés d’emploi établis à l’égard des appelants. D’autres travailleurs étaient moins rémunérés que les appelants et recevaient une paie périodique à un tarif horaire, plutôt qu’hebdomadaire. Il a déclaré savoir que tous les appelants étaient dirigeants de la société visée au cours de diverses périodes. Il a expliqué avoir acquis la certitude que les conditions d’emploi et la nature et l’importance du travail exécuté étaient suffisamment semblables pour les appelants et pour les travailleurs non liés. Une des différences était que les appelants semblaient se surveiller les uns les autres et il a pu acquérir la certitude qu’aucun appelant n’était actif dans l’entreprise de déneigement, c’est-à-dire qu’aucun n’était conducteur de l’un ou l’autre de ces équipements. M. McCallum a déclaré avoir reçu les questionnaires remplis de Christopher Howell - pièce A-7 - et de Ideal Pools Limited - pièce A-8 - concernant Christopher Howell à titre de travailleur dans cette entreprise. À la suite d’un examen des dossiers de paie, M. McCallum a déclaré qu’il n’avait pu retracer les chèques de paie correspondant au montant total de rémunération porté au relevé d’emploi de Christopher Howell. Même s’il était manoeuvre, ce dernier recevait un salaire hebdomadaire, et non horaire comme les autres membres de l’équipe. De plus, M. McCallum a découvert que Christopher Howell n’avait reçu que huit - sur un total de 16 - chèques de paie de Ideal Pools Limited pendant la période d’emploi s’étendant du 6 juin au 15 septembre 1994. En discutant avec Brian Howell de cette question, M. McCallum s’est fait dire qu’aucun autre chèque n’avait été émis et que l’intention était que les versements salariaux pour les périodes de paie manquantes seraient compensés ultérieurement par Ideal Pools Limited. M. McCallum a souligné avoir acquis la certitude que les conditions d’emploi étaient analogues à celles de travailleurs ayant un lien de dépendance, mais que la durée d’emploi visait la période minimum d’admissibilité et ne comportait pas de rapport direct avec les données de vente déclarées par le payeur. De plus, même si les recettes rentraient toujours, l’entreprise n’a recruté personne pour remplacer Christopher Howell après la mise en disponibilité de ce dernier. M. McCallum a rappelé avoir travaillé pendant cinq ans à Revenu Canada, dans un service où il conseillait les propriétaires de petites entreprises sur l’observation des exigences concernant la TPS, ajoutant savoir que la TPS est toujours facturée au moment de l’établissement de la facture, de sorte qu’il ne devrait y avoir aucune divergence entre les ventes ou les recettes, aux fins de la TPS, de l’impôt sur le revenu ou de la préparation des états financiers. Il a ajouté qu’il ne pouvait trouver les raisons de la différence au niveau des recettes de vente de la déclaration T2 de Ideal Pools Limited, comparativement à la même période de déclaration pour la TPS, ajoutant qu’à son avis, il n’était pas de son ressort de rapprocher ces différences. La déclaration de TPS de Ideal Pools Limited faisait état de ventes pendant la saison morte et les montants de ces ventes ne correspondaient pas aux chiffres fournis par l’entreprise sur sa déclaration de revenu. Il a déclaré que sa façon de faire est de donner au particulier l’occasion de fournir un supplément d’information en remplissant un questionnaire ou d’une autre façon. Il a reconnu que Christopher Howell n’avait jamais été actionnaire ou dirigeant de l’entreprise Ideal Pools Limited et que son appel ne visait qu’une période en 1994 où la société à numéro - 1045592 - fonctionnait sous le nom commercial Ideal Pools. M. McCallum s’est reporté au questionnaire - pièce A-9 - rempli par Brian Howell à propos de son emploi chez Ideal Pools Limited - la société - et 1045592 - la nouvelle société - exploitant une entreprise de construction, d’entretien et de réparation de piscines sous le nom de Ideal Pools, en saison, en 1992, 1993 et 1994. M. McCallum a découvert que Brian Howell n’avait pas reçu intégralement les salaires auxquels il avait droit; il n’a pas relevé, dans le questionnaire, la moindre mention de travaux d’asphaltage exécutés par Brian Howell. Il avait demandé qu’on lui produise le recueil de procès-verbaux de Ideal Pools Limited, mais que Brian Howell lui avait fait savoir que le document n'était pas disponible, de sorte qu’il a consulté l’information versée à la déclaration de revenu d’entreprise T2, de façon à évaluer la structure d’actionnariat. En 1992, les prestations d’assurance-chômage de Brian Howell se sont terminées le 18 juillet et il a commencé à travailler pour Ideal Pools Limited le 20 juillet. En ce qui a trait aux conditions d’emploi, M. McCallum a précisé qu’il n’a relevé aucune différence importante entre Brian Howell et les travailleurs non liés.

[20] Contre-interrogé par l’avocat de l’intimé, M. McCallum a déclaré ne s’être pas fondé sur le rapport de Joan McMurdo, agent d'assurabilité, pour formuler sa recommandation au chef des appels. Il a écrit à chacun des appelants et au payeur et a reçu d'eux des questionnaires remplis. Aucun appelant n’avait demandé qu’on lui communique par écrit les motifs, à la suite des décisions prises par Mme McMurdo. Les questionnaires sont conçus de façon à favoriser l’obtention de renseignements supplémentaires et d’observations à l’endroit prévu à cette fin. Il a découvert que Brian Howell avait signé la déclaration de revenu de la société en 1994 et que Corrado Giordanella avait signé au nom de la société en 1993 et en 1992. M. McCallum s’est souvenu que Brian Howell avait mentionné que - en 1996 - il existait encore des chèques impayés (non encaissés) à l’égard de salaires visant des travaux effectués par lui en 1992, 1993 et 1994. M. McCallum s’est reporté à un tableau figurant à la page 3 de son rapport, versé sous la cote A-1, où sont inscrits les chèques délivrés par le payeur à Brian Howell ainsi que ceux que ce dernier a en fait encaissés.

[21] En réinterrogatoire, M. McCallum a identifié une lettre - pièce A-10 - du 19 avril 1996 qu’il avait écrite à Brian Howell à la suite d’une conversation téléphonique tenue le 17 avril. Au cours de leur conversation téléphonique, Brian Howell avait corrigé quelques points que M. McCallum avait consigné dans son rapport. Il s’est également souvenu que Brian Howell lui avait dit que la 1045592 allait lui payer ses arriérés de salaire dès qu’elle disposerait de fonds.

[22] Corrado Giordanella a déclaré être appelant et être résidant à Keswick (Ontario), où il travaille comme poseur de cloisons sèches. En 1992 et 1993, il a travaillé pour Ideal Pools Limited et en 1994, pour Ideal Pools Limited et ensuite pour la 1045592, lorsque celle-ci a repris les activités de l’entreprise précédente. Il se souvenait que, en 1992, les travaux ont commencé en mai et, en juillet, Ideal Pools Limited avait trois actionnaires, soit lui-même, Brian Howell et Corrado DiRosolini, chacun possédant le tiers des actions. M. Giordanella a déclaré avoir épousé la soeur de M. Howell, Anita, en avril 1992, mais que ni lui ni M. Howell n’était apparenté à M. DiRosolini. Il a expliqué que Ideal Pools Limited faisait des affaires sur le marché des piscines et exécutait également des travaux d’asphaltage. La partie asphaltage de l’entreprise était gérée par M. DiRosolini. Brian Howell travaillait sous la surveillance de ce dernier les samedis ou pendant les périodes où l’activité était faible pour les piscines. M. Giordanella a déclaré qu’il avait travaillé presque tous les jours de 7 h à 18 h pendant la saison de 1992. Il était président de Ideal Pools Limited, de même que l’un de ses dirigeants, et savait qu’il devait effectuer certaines tâches pour remplir son rôle de président : lui et les autres actionnaires « se réunissaient à l’occasion » . Il a déclaré qu’en 1994, Corrado DiRosolini a été « expulsé » en raison de certains problèmes financiers constatés dans l’entreprise d’asphaltage, de sorte que les travaux de pavage ont été arrêtés. M. DiRosolini a réagi en prenant dans la cour certains matériels de l’entreprise et en vendant ensuite la déchargeuse à godet et certains autres véhicules en transférant les titres de propriété au nom de Majestic Paving, nom commercial utilisé par Corrado DiRosolini. D’après l’évaluation de M. Giordanella, la valeur de cet équipement se situait à près de 30 000 $. Lui et Brian Howell n’avaient signé aucun document concernant les transferts de titres sur le matériel et les véhicules et se sont plaints de la situation au ministère des Transports. Il a reconnu que plusieurs chèques lui avaient été émis en 1994 et qu’il ne les avait pas encaissés parce que l’entreprise n’avait pas d’argent. La nouvelle entreprise à numéro ne faisait pas de travaux de pavage et les éléments d’actif utilisés antérieurement pour cette tâche avait été pris par M. DiRosolini et ne pouvaient être vendus pour réunir du capital pour l’entreprise. De la sorte, la 1045592 s’est trouvée à court de fonds. Il a déclaré compter sur Brian Howell pour remplir le questionnaire qui le concernait. Les activités de la Ideal Pools Limited - et ensuite la 1045592, faisant affaire sous le nom de Ideal Pools - étaient la construction de piscines, leur ouverture et leur fermeture en début et en fin de saison, l’installation de doublures, de filtres, pompes et matériels connexes. Bien que la saison des piscines peut commencer à la fin d’avril, si le temps est chaud, les travaux commencent habituellement à la mi-mai et la saison dure jusqu’à la fin de septembre ou au début d’octobre. Pendant la saison morte, l’entreprise connaît des rentrées lorsque les clients paient leurs factures. Se reportant au tableau de la page 8 de la pièce A-2 - concernant les ventes de février 1994 pour un montant de 7 829,25 $ - M. Giordanella a précisé que ce montant englobait un compte débiteur et des recettes provenant de la location de matériels de déneigement. En mai 1993, les recettes s’élevaient à 51 971,80 $ et, à son avis, il était impossible que tout cet argent provienne des travaux de pavage ou de l’entreprise de piscines. Il a déclaré être installateur de piscines depuis 1968 et posséder beaucoup d’expérience de tous les aspects de cette entreprise, de la construction à l’entretien et aux réparations, mais n’avoir aucune expérience du pavage. Son épouse, Anita, faisait la tenue de livres et s’occupait de la paie; d’une année à l’autre, il ne savait pas quel était le maximum des gains assurables. Les salaires des actionnaires étaient établis en fonction de ce que chacun de ceux-ci avaient besoin pour faire fonctionner son ménage. Même s’il supervisait le travail de Brian Howell, il lui aurait été difficile de le mettre à pied et, si les difficultés s’étaient présentées, M. Giordanella était d’avis qu’il aurait probablement quitté l’entreprise et trouvé un autre emploi.

[23] Au contre-interrogatoire, M. Giordanella a reconnu qu’il était signataire autorisé pour le compte bancaire de la société et qu’il savait que Brian Howell avait avancé de l’argent à l’entreprise comme fonds de roulement. Puisqu’il se sentait tenu de veiller à ce que cet argent soit remboursé, il a mentionné au questionnaire qu’il avait lui aussi « prêté de l’argent » à la société. Puisque les actionnaires faisaient de longues heures de travail, il aurait été trop coûteux de les payer à un tarif horaire comme les autres travailleurs. Brian et Christopher Howell travaillaient dans l’entreprise de pavage et les travailleurs de l’entreprise de piscines gagnaient entre 13 $ et 14 $ l’heure. Christopher Howell, même s’il était payé à la semaine, gagnait environ 11 $ l’heure. Pendant l’hiver, selon la déclaration de M. Giordanella, il était plus logique sur le plan économique de louer l’équipement à une entreprise de déneigement et, pour lui-même, de chercher du travail régulier que de travailler comme chauffeur de camion ou d’équipement, ce qui ne l’aurait occupé que de temps à autre en fonction des besoins. Même si les recettes de la personne morale se situaient à près de 52 000 $ au mois de mai 1993, il n’a pas commencé à travailler dans l’entreprise avant le 7 juin 1993 et n’a pu expliquer la provenance de ces fonds ou les motifs pour lesquels il n’avait pas commencé à travailler plus tôt.

[24] Au réinterrogatoire, M. Giordanella a précisé que Ideal Pools Limited avait exploité un magasin vendant divers accessoires et diverses fournitures de piscines.

[25] Christopher Howell a déclaré dans son témoignage être appelant, résidant à Uxbridge (Ontario), ajoutant qu’il avait travaillé pour la 1045592 – faisant affaires sous le nom de Ideal Pools - en 1994. En 1992, il travaillait dans un centre du jardin, tandis qu’en 1993, il était au chômage; il a commencé à travailler pour la société à numéro en 1994, après être devenu actionnaire avec 22 % des actions avec son père, Brian, et son oncle, Corrado Giordanella, qui détenaient chacun 39 % des actions. Il a déclaré avoir obtenu un salaire suffisant pour rapporter au ménage - après retenues - 400 $ par semaine. Il ne possédait aucune expérience pratique du marché des piscines et son oncle, Corrado, était son surveillant. Il savait que d’autres travailleurs étaient rémunérés à un tarif horaire supérieur. Il se souvenait que le travail s’est terminé tôt, cette année-là, car les gens voulaient faire fermer leur piscine au début de septembre, de sorte que son dernier jour de travail a été le 15 septembre. Il pensait que son travail n’était pas aussi important que celui des autres travailleurs, car il s’occupait surtout du travail à la brouette. Il a rempli le questionnaire qu’on lui avait fait parvenir et était au courant de la décision présentée antérieurement par un agent d'assurabilité.

[26] Au contre-interrogatoire, Christopher Howell a reconnu ne pas avoir été payé pour sa première semaine de travail dans l’entreprise, faute de fonds suffisants dans le compte bancaire de celle-ci. Il n’a pas été rémunéré pendant la semaine du 13 août 1994 malgré des recettes de 29 268,74 $ reçues par la société. Interrogé sur le motif pour lequel il n’avait pas été payé, M. Howell a répondu « Je ne sais pas pourquoi - j’étais seulement un sous-fifre » . Il a reconnu que les travailleurs étrangers à la famille étaient payés en priorité, ajoutant : « Finalement, j’ai reçu un peu d’argent comptant - beaucoup plus tard » . Il a déclaré que, en cas de nécessité, il travaillerait dans les mêmes circonstances pour une entreprise non liée, mais qu’il les harcèlerait certainement pour obtenir paiement des paies en souffrance et a reconnu que la 1045592 ne lui avait payé que huit de ses 16 semaines de travail.

[27] Le représentant des appelants a allégué que l’agent d'assurabilité avait pris une décision assimilable au règlement d'une question au sens de la Loi. Même si W.S. McCallum, agent des appels, a amorcé un examen des divers points et formulé au chef des appels une recommandation qui a abouti à la décision faisant objet d’appels, le représentant a soutenu que les appelants n’ont eu aucune possibilité de participer au processus ou de connaître les fondements du règlement. Le représentant a allégué que M. McCallum aurait dû se fonder sur le respect des règles de la justice naturelle et offrir aux appelants la possibilité de connaître les preuves retenues. Le représentant a également allégué qu’il n’était pas utile pour des particuliers d’interjeter appel au Ministre si le rapport de l’agent d'assurabilité doit, en toute probabilité, être confirmé. De l’avis du représentant, il serait plus opportun que le Ministre suive la même pratique que lorsqu’il délivre des avis de cotisations en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, où il donne en détail les motifs sur lesquels repose la cotisation proposée et où il laisse au contribuable l’occasion de répondre à l’intérieur d’un délai fixé. La méthode en vigueur, qui consiste à s'appuyer sur divers éléments d’information sans faire savoir aux personnes touchées de quelle façon ces renseignements seront utilisés - ni à quelles fins - est, selon le représentant, peu équitable et prouve que le Ministre « Garde un atout systémique dans sa manche » . Le représentant a soutenu que la preuve a permis de démontrer que le travail a été fait, que le taux de rémunération était raisonnable, que les appelants avaient fait de leur mieux dans des circonstances difficiles et avaient payé les autres travailleurs en priorité, lorsque les liquidités étaient insuffisantes. Selon son argumentation, la société était une petite entreprise faisant des travaux saisonniers et il était évident que les appelants et les autres travailleurs auraient à obtenir des prestations d’assurance-chômage pendant la saison morte, conformément à l’objectif global du programme d’assurance-chômage, tel que conçu par le gouvernement fédéral et qui, en réalité, était un mécanisme d’aide sociale dont l’objet était de distribuer des fonds afin que les personnes puissent survivre pendant les mois d’hiver.

[28] L’avocat de l’intimé a soutenu qu’il n’y avait pas manquement à la justice naturelle et que tous n’ont pas droit à une audience - au sens normal - avant qu’une décision administrative soit prise en vertu de la loi. Les appelants ont retourné les questionnaires et fourni par ailleurs l’information et les explications pertinentes concernant leur travail et le fonctionnement des entreprises payeuses. Les agents des appels ont examiné certains documents, dont les déclarations de revenu et de TPS, et Brian Howell a discuté directement avec W.S. MCallum et a fourni les renseignements sur les ventes et autres données financières pertinentes. L’avocat a soutenu qu’un examen de la preuve laisserait voir qu’il n’existe aucun motif d’aller à l’encontre de la décision du Ministre car les preuves étaient suffisantes pour fonder sa décision, selon laquelle aucun des appelants n’occupait un emploi assurable au cours des périodes pertinentes.

[29] J’aimerais d’abord préciser que la raison pour laquelle le témoignage de Joan McMurdo, agente d'assurabilité à l’emploi de Revenu Canada, a été entendue est que M. Grupp, représentant des appelants, m’a assuré qu’il pourrait déposer - dans les délais - une décision d’un juge de la Cour canadienne de l’impôt soutenant qu’une décision était équivalente au règlement d'une question au sens de l’article 70 de la Loi. Il n’a pu produire en preuve cette jurisprudence et, quoi qu’il en soit, je n’ai jamais vraiment compris ce qu’il pourrait prouver, même si cette hypothétique décision avait existé.

[30] L'arrêt Corazzo v. M.M.R., 92 DTC 1554 (C.C.I.) illustre qu’il n’existe pas de procédure pour déposer un avis d’opposition à une évaluation, en vertu de la Loi, contrairement à la méthode prévue à la Loi de l’impôt sur le revenu. La méthode à suivre est de présenter au Ministre une demande de réexamen de l'évaluation. Le Ministre règle alors la question et le règlement est transmis à la partie concernée, de sorte que celle-ci peut interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Lorsqu’un point touche l’assurabilité d’un travailleur pendant telle ou telle période, Développement des ressources humaines Canada (aussi appelé ministère du Développement des ressources humaines selon divers documents publiés en 1995), plutôt que de demander - en vertu du paragraphe 61(3) de la Loi - que le Ministre règle la question, demande qu’un agent désigné de Revenu Canada prenne une décision sur la question. Par la suite, si le travailleur et(ou) l’employeur n’est pas d’accord avec la décision, l’un ou l’autre ou les deux peuvent demander - en déposant le formulaire CPT 101 - le règlement de la question de l’assurabilité et, lorsque ce règlement ou cette décision est transmis, il y a appel devant la Cour canadienne de l’impôt. La marche à suivre pour désigner une personne appelée à agir à titre d’agent d'assurabilité - à la demande de DRHC - semble être une adaptation du compartimentage qui semble récemment en vogue et qu’utilisent les grandes institutions financières, les maisons de courtage, les banques mercantiles ou les cabinets comptables internationaux lorsqu’un marché met en cause des clients dont les intérêts pourraient porter à litige en cas de fuite de certains renseignements entre « compartiments » d’une même organisation. Quoi qu’il en soit, la décision, consécutive à l'exercice par le Ministre du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'alinéa 3(2)c) de la Loi, dont on a interjeté appel dans chacun des appels visés aux présentes, est celle communiquée le 28 mai 1996 à chaque appelant par J.M. Cleaver, chef, Section des appels (Revenu Canada) et selon laquelle aucun des appelants n’occupait un emploi assurable pour les périodes précisées aux documents.

[31] La méthode par laquelle le Ministre communique le règlement ou, pour utiliser un terme plus récent, la décision, a suscité certaines réserves chez l’honorable juge Bowman, de la Cour canadienne de l’impôt, lorsqu’il rédigeait sa décision dans l'arrêt Donald Persaud c. M.R.N. 96-1987(UI) le 7 janvier 1998. Après s’être reporté à la décision de la Cour d'appel fédérale The Queen v. Bayside Drive-in Ltd. (1997) 218 N.R. 150, à la page 11 de ses motifs - tandis qu’il amorçait une analyse de l’exercice de la discrétion ministérielle - le juge Bowman poursuivait ainsi :

Le premier volet de l’analyse nécessite un examen tripartite :

a) Il y a d’abord ce qu’on appelle les « hypothèses » alléguées. L’allégation et l’utilisation d’hypothèses dans les appels de décisions ou d’actions du ministre du Revenu national dans les affaires d’impôt ou d’assurance-chômage sont chose unique dans les instances civiles. Cela découle principalement de deux arrêts de principes, Johnston v. M.N.R., [1948] R.C.S. 486 et M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184. Les hypothèses alléguées ont le caractère de renseignements sur le fondement factuel de l’action du ministre, qu’il s’agisse d’une cotisation d’impôt établie en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu ou de la Loi sur la taxe d’accise ou d’un règlement rendu en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi. Dans les faits, elles établissent la charge qui incombe à l’appelant. Si elles ne sont pas contestées, elles doivent être acceptées, aux fins du litige, comme étant exactes sur le plan factuel. Pour cette raison, il est d’une importance capitale que les hypothèses alléguées révèlent complètement, exactement et honnêtement le fondement de la décision du ministre et qu’elles incluent toutes les conclusions tirées par le ministre, quelle que soit la partie qu’elles favorisent.

Étrangement, l’appelant est pour la première fois informé de la teneur de ce qu’on appelle les hypothèses lorsque le procureur général dépose une réponse à l’avis d’appel. Si je comprends bien, elles ne sont en général pas communiquées à l’appelant avant que le règlement soit rendu, et l’appelant (à cette étape il est un requérant) n’a pas la possibilité de les réfuter ou d’indiquer pourquoi le règlement qui lui est défavorable ne devrait pas être rendu. Au risque d’affirmer l’évidence même, cette omission constitue manifestement une atteinte fondamentale à l’un des préceptes les plus fondamentaux de la justice naturelle. Puisque nous savons de source sûre que pour arriver à la conclusion qu’il est convaincu ou qu’il n’est pas convaincu, le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire, il est essentiel que le principe voulant que l’autre partie soit entendue soit respecté. En outre, l’omission de donner les motifs au moment où le pouvoir discrétionnaire est exercé est en soi une violation d’une autre règle cardinale de justice naturelle.

Pour les motifs qui suivent, je ne crois pas nécessaire en l’espèce de tenir compte de ces atteintes aux principes fondamentaux de justice naturelle dans ma décision d’infirmer le règlement. Celui-ci est si manifestement vicié à de nombreux autres égards qu’il est inutile de traiter de ces points, bien qu’en elle-même l’omission de respecter les règles de justice naturelle justifierait que l’on annule le prétendu exercice de ce qu’on appelle le pouvoir discrétionnaire du ministre.

La première étape de l’examen consiste à déterminer si les hypothèses alléguées, en autant qu’elles ne sont pas contestées, appuient le règlement. Dans la négative, le règlement ne peut être maintenu, bien que le ministre ait le droit d’alléguer d’autres faits à l’appui du règlement et d’assumer la charge d’établir ces faits. Si les hypothèses alléguées et non contestées justifient à elles seules le règlement, il faut passer à la deuxième étape de l’examen.

b) La deuxième étape consiste pour l’appelant à produire une preuve visant à établir, si possible, soit que certaines des hypothèses ou la totalité de celles-ci sont erronées, soit qu’il existe d’autres faits importants que le ministre a omis de prendre en considération et qu’il aurait dû examiner dans le cadre de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. À cet égard, je me reporte aux facteurs énoncés par le juge en chef Isaac dans le passage de l’arrêt Bayside cité précédemment. La question de savoir si les hypothèses sont correctes sur le plan factuel est implicite dans ce passage.

c) La troisième étape consiste à déterminer si ce qui reste, une fois que les hypothèses contestées par l’appelant ont été réfutées et que les autres faits présentés à la Cour par l’appelant ou le ministre ont été établis, justifie l’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire. Même à cette étape-ci, la Cour ne peut substituer son propre pouvoir discrétionnaire à celui du ministre. Ce n’est que si, et seulement si la réponse à cette question est négative, que la Cour peut passer à la deuxième étape.

[32] On constate que le juge Bowman n’avait pas à fonder sa décision sur le fait que le Ministre n’avait pas observé « les principes élémentaires de la justice naturelle » .

[33] Dans l'arrêt Attorney General of Canada v. Jencan Ltd., (1997) 215 N.R. 352, décision rendue par la Cour d’appel fédérale, le juge en chef Isaac écrivait aux pages 365-367, pour le compte de la Cour :

À mon humble avis, la décision précédente qui avait été rendue dans l'affaire Jencan no 1 ne constituait pas en soi un « facteur non pertinent » , contrairement à ce que prétend l'intimée. Il faut examiner comment la décision précédente a été utilisée. Le ministre n'a pas essayé de se fonder sur le jugement Jencan no 1 en tant que décision par laquelle il était lié pour statuer sur la demande présentée par l'intimée en vue d'obtenir une décision. Se fondant sur ce qu'il croyait être une confirmation par l'intimée que les modalités d'emploi du salarié n'avaient pas changé depuis la décision précédente confirmée par la Cour de l'impôt dans le jugement Jencan no 1, le ministre a simplement retenu les hypothèses de fait formulées dans la décision précédente. Il n'était pas déraisonnable de la part du représentant du ministre, lorsqu'il examinait une autre demande de décision concernant le même salarié et le même payeur, de se fonder sur les hypothèses de fait formulées dans la décision précédente comme point de départ pour son examen des faits.

Si le représentant du ministre a commis une erreur en l'espèce, c'est en se fondant exclusivement sur les hypothèses de fait retenues dans le jugement Jencan no 1 sans obtenir de confirmation fiable que les faits étaient effectivement identiques. Lorsque le représentant du ministre a communiqué avec M. Blaine Jenkins et lui a posé des questions au sujet des modalités d'emploi du salarié, M. Jenkins lui a répondu qu'elles étaient « essentiellement les mêmes que celles qui s'appliquaient au cours des années précédentes » . Ayant obtenu une réponse aussi équivoque et ambiguë, le représentant du ministre aurait dû interroger davantage M. Jenkins pour déterminer si les modalités d'emploi du salarié étaient effectivement les mêmes que celles qui s'appliquaient au cours des périodes visées par la décision précédente et, dans la négative, comment et dans quelle mesure elles avaient changé. Je suis d'accord avec le juge suppléant de la Cour de l'impôt pour dire que, lorsqu'une décision fait l'objet d'un appel en vertu de l'article 70, le juge de la Cour de l'impôt doit contrôler la légalité de la décision du ministre en fonction des faits, tels qu'ils sont particulièrement établis devant lui au procès. Le paragraphe 71(1) de la Loi sur l'assurance-chômage le précise bien en déclarant que la Cour de l'impôt a le pouvoir de décider toute question de fait ou de droit qu'il est nécessaire de décider pour statuer sur l'appel. Ainsi que le juge Desjardins l'a déclaré dans l'arrêt Sylvie Desroches c. M.R.N.:

En dernière analyse . . . comme l'a affirmé notre Cour dans Le Procureur général du Canada c. Jacques Doucet, c'est la détermination du ministre qui est en cause, à savoir que l'emploi n'était pas assurable parce que la requérante et le payeur n'étaient pas liés par un contrat de louage de services. Le rôle du juge de la Cour canadienne de l'impôt s'étend à l'étude du dossier et à la preuve en son entier. Ainsi, le juge Marceau, au nom de la cour s'est-il exprimé ainsi dans l'affaire Doucet :

« . . . Le juge avait le pouvoir et le devoir d'examiner toute question de fait ou de droit qu'il était nécessaire de décider pour se prononcer sur la validité de cette détermination. Ainsi le présuppose le paragraphe 70(2) de la Loi et le prévoit, dès après le paragraphe 71(1) de la Loi qui le suit . . . .

Une remarque s'impose. Bien que tous les intéressés, y compris le salarié et l'intimée, aient la possibilité de faire valoir leur point de vue devant un agent des appels de Revenu Canada avant que le ministre ne rende sa décision en vertu du paragraphe 61(3) de la Loi sur l'assurance-chômage, il ne leur est pas loisible de répondre aux éléments de preuve recueillis par l'agent des appels ou de faire valoir leur point de vue directement devant le ministre avant que celui-ci ne rende sa décision. C'est vraisemblablement la raison pour laquelle le législateur a accordé aux prestataires le droit d'interjeter appel de plein droit de la décision du ministre en vertu de l'article 70. En appel, les faits sur lesquels le ministre s'est fondé pour rendre sa décision sont considérés comme des hypothèses ou des allégations de fait. Bien qu'il incombe au prestataire, qui est la partie qui interjette appel de la décision du ministre, de faire la preuve de ce qu'il avance, notre Cour a affirmé dans les termes les plus nets que le prestataire a le droit de présenter de nouveaux éléments de preuve lors de l'audience de la Cour de l'impôt pour contester les hypothèses de fait sur lesquelles le ministre s'est fondé.

Ainsi, bien que la Cour de l'impôt doive faire preuve de retenue judiciaire à l'égard des décisions que le ministre rend en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) -- en limitant son analyse préliminaire à un contrôle de la légalité de la décision du ministre-- cette retenue judiciaire ne s'applique pas aux conclusions de fait tirées par le ministre. En affirmant que le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'est pas limité aux faits sur lesquels le ministre se fonde pour rendre sa décision, on ne trahit pas l'intention qu'avait le législateur fédéral en conférant un pouvoir discrétionnaire au ministre. Pour évaluer la façon dont le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire, la Cour de l'impôt peut tenir compte des faits qui ont été portés à son attention au cours de l'audition de l'appel. Ainsi que le juge Desjardins l'a déclaré dans l'arrêt Tignish:

. . . la Cour a le droit d'examiner les faits qui, selon la preuve, se trouvaient devant le ministre quand il est arrivé à sa conclusion, pour décider si ces faits sont prouvés. Mais s'il y a suffisamment d'éléments pour appuyer la conclusion du ministre, la Cour n'a pas toute latitude pour l'infirmer simplement parce qu'elle serait arrivée à une conclusion différente.

[34] Il semblerait que la procédure - si toutes les parties intéressées ont la possibilité d’exposer des faits à un agent d’appels - ait été acceptée comme adéquate, même si le juge en chef a exprimé l’avis qu’ « il ne leur est pas loisible de répondre aux éléments de preuve recueillis par l’agent des appels ou de faire valoir leur point de vue directement devant le Ministre avant que celui-ci ne rende sa décision » .

[35] Sur la question de l’exercice de la discrétion ministérielle aux termes de l’alinéa 3(2)c) de la Loi, le juge en chef Isaac, dans l'arrêt Jencan, précité, aux pages 363 et suivantes, déclarait :

Le nombre d'appels interjetés de décisions qui ont été rendues par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) depuis le prononcé de l'arrêt Tignish donne à penser qu'il y a lieu de clarifier davantage les règles de droit applicables. Pour cette raison, j'expose plus loin les principes que l'on peut dégager de la jurisprudence de notre Cour portant sur le sous-alinéa 3(2)c)(ii).

L'arrêt que notre Cour a prononcé dans l'affaire Tignish, précitée, exige que, lorsqu'elle est saisie d'un appel interjeté d'une décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), la Cour de l'impôt procède à une analyse à deux étapes. À la première étape, la Cour de l'impôt doit limiter son analyse au contrôle de la légalité de la décision du ministre. Ce n'est que lorsqu'elle conclut que l'un des motifs d'intervention est établi que la Cour de l'impôt peut examiner le bien-fondé de la décision du ministre. Comme nous l'expliquerons plus en détail plus loin, c'est en limitant son analyse préliminaire que la Cour de l'impôt fait preuve de retenue judiciaire envers le ministre lorsqu'elle examine en appel les décisions discrétionnaires que celui-ci rend en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii). Dans l'arrêt Tignish, notre Cour a, sous la plume du juge Desjardins expliqué dans les termes suivants la compétence limitée qui est conférée à la Cour de l'impôt à cette première étape de l'analyse:

Le paragraphe 7(1) de la Loi porte que la Cour de l'impôt a le pouvoir de décider toute question de fait et de droit. La requérante, qui en appelle du règlement du ministre, a le fardeau de prouver sa cause et a le droit de soumettre de nouveaux éléments de preuve pour réfuter les faits sur lesquels s'est appuyé le ministre. Toutefois, comme la décision du ministre est discrétionnaire, l'intimé fait valoir que la compétence de la Cour de l'impôt est strictement circonscrite. Le ministre est la seule personne qui puisse établir à sa satisfaction, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rémunération versée, les modalités d'emploi et l'importance du travail accompli, que la requérante et son employée sont réputées avoir entre elles un lien de dépendance. Souscrivant à l'arrêt Minister of National Revenue v. Wrights' Canadian Ropes Ltd., qui fait autorité, l'intimé prétend que, à moins que l'on établisse que le ministre n'a pas tenu compte de toutes les circonstances (comme il y est tenu aux termes du sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi), a pris en compte des facteurs dépourvus d'intérêt ou a violé un principe de droit, la Cour ne peut intervenir. En outre, la Cour a le droit d'examiner les faits qui, selon la preuve, se trouvaient devant le ministre quand il est arrivé à sa conclusion, pour décider si ces faits sont prouvés. Mais s'il y a suffisamment d'éléments pour appuyer la conclusion du ministre, la Cour n'a pas toute latitude pour l'infirmer simplement parce qu'elle serait arrivée à une conclusion différente. Toutefois, si la Cour est d'avis que les faits sont insuffisants, en droit, pour appuyer la conclusion du ministre, la décision de ce dernier ne peut tenir et la Cour est justifiée d'intervenir.

À mon avis, la position de l'intimé est correctement exposée sur le plan du droit . . .

Dans l'arrêt Ferme Émile Richard c. M.R.N., notre Cour a confirmé sa position. Dans une remarque incidente, le juge Décary a déclaré ce qui suit:

Ainsi que cette Cour l'a rappelé récemment dans Tignish Auto Parts Inc. c. Ministre du Revenu national ((25 juillet 1994), A-555-93, C.A.F. inédit), l'appel devant la Cour canadienne de l'impôt, lorsqu'il s'agit de l'application du sous-alinéa 3(2)c)(ii), n'est pas un appel au sens strict de ce mot et s'apparente plutôt à une demande de contrôle judiciaire. La Cour, en d'autres termes, n'a pas à se demander si la décision du Ministre est la bonne; elle doit plutôt se demander si la décision du Ministre résulte d'un exercice approprié de son pouvoir discrétionnaire. Ce n'est que lorsque la Cour en arrive à la conclusion que le Ministre a fait un usage inapproprié de sa discrétion, que le débat devant elle se transforme en un appel de novo et que la Cour est habilitée à décider si, compte tenu de toutes les circonstances, un contrat de travail à peu près semblable aurait été conclu entre l'employeur et l'employé s'ils n'avaient pas eu un lien de dépendance.

L'article 70 confère le droit d'interjeter appel devant la Cour de l'impôt de toute décision rendue par le ministre en vertu de l'article 61, y compris de toute décision rendue en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii). La compétence que possède la Cour de l'impôt de contrôler la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) est circonscrite parce que le législateur fédéral, par le libellé de cette disposition, voulait de toute évidence conférer au ministre le pouvoir discrétionnaire de rendre de telles décisions. Les mots « si le ministre du Revenu national est convaincu » que l'on trouve au sous-alinéa 3(2)c)(ii) confèrent au ministre la compétence pour exercer le pouvoir discrétionnaire administratif de rendre le type de décision visé par ce sous-alinéa. Comme il s'agit d'une décision rendue en vertu d'un pouvoir discrétionnaire, par opposition à une décision quasi-judiciaire, il s'ensuit que la Cour de l'impôt doit faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de la décision du ministre lorsque celui-ci exerce ce pouvoir. Ainsi, lorsque le juge Décary déclare dans l'arrêt Ferme Émile, précité, que ce type d'appel interjeté devant la Cour de l'impôt « s'apparente plutôt à une demande de contrôle judiciaire » , il voulait simplement souligner, à mon humble avis, qu'on doit faire preuve de retenue judiciaire envers les décisions que le ministre rend en vertu de cette disposition à moins que la Cour de l'impôt ne conclue que le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui est contraire à la loi.

Si le pouvoir qu'a le ministre de réputer que des « personnes liées » n'ont pas de lien de dépendance entre elles pour l'application de la Loi sur l'assurance-chômage est un pouvoir discrétionnaire, pourquoi, pourrait-on se demander, le droit d'interjeter appel devant la Cour de l'impôt en vertu de l'article 70 s'applique-t-il au sous-alinéa 3(2)c)(ii)? La réponse est que même l'exercice de pouvoirs discrétionnaires est susceptible d'un contrôle judiciaire pour s'assurer que ces pouvoirs sont exercés d'une manière judiciaire ou, en d'autres termes, qu'ils sont exercés d'une manière qui est compatible avec la loi. Il découle nécessairement du principe de la primauté du droit que tous les pouvoirs conférés par le législateur sont intrinsèquement limités. Dans l'arrêt D. R. Fraser and Co., Ltd. v. Minister of National Revenue, lord Macmillan a résumé les principes juridiques qui devraient régir un tel contrôle judiciaire. Il a déclaré:

[traduction] Les critères selon lesquels il faut juger l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi ont été définis dans plusieurs arrêts qui font jurisprudence et il est admis que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, sans influence d'aucune considération étrangère, ni de façon arbitraire ou illégale, aucune cour n'a le droit d'intervenir, même si cette cour eût peut-être exercé ce pouvoir discrétionnaire autrement s'il lui avait appartenu.

Le juge Abbott, de la Cour suprême, a cité et approuvé les commentaires de lord Macmillan dans l'arrêt Boulis c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration. Voir également les arrêts Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports) et Canada (Procureur général) c. Purcell.

Ainsi, en limitant la première étape de l'analyse de la Cour de l'impôt à un contrôle de la légalité des décisions rendues par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii), notre Cour a simplement appliqué des principes judiciaires acceptés dans le but de trouver le juste milieu entre le droit que possède le demandeur en vertu de la loi de faire contrôler la décision du ministre et la nécessité de faire preuve de retenue judiciaire à l'égard de celle-ci, compte tenu du fait que le législateur fédéral a conféré un pouvoir discrétionnaire au ministre en vertu de cette disposition.

Compte tenu de ce qui précède, le juge suppléant de la Cour de l'impôt n'était justifié d'intervenir dans la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii) que s'il était établi que le ministre avait exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière qui était contraire à la loi. Et, comme je l'ai déjà dit, l'obligation d'exercer un pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire implique l'existence de motifs d'intervention spécifiques. La Cour de l'impôt est justifiée de modifier la décision rendue par le ministre en vertu du sous-alinéa 3(2)c)(ii)--en examinant le bien-fondé de cette dernière--lorsqu'il est établi, selon le cas, que le ministre: (i) a agi de mauvaise foi ou dans un but ou un mobile illicites; (ii) n'a pas tenu compte de toutes les circonstances pertinentes, comme l'exige expressément le sous-alinéa 3(2)c)(ii); (iii) a tenu compte d'un facteur non pertinent.

[36] Dans l'affaire Adolfo Elia c. M.R.N. - A-560-97, décision rendue par la Cour d'appel fédérale le 3 mars 1998, à la page 2 de la version originale - après les observations selon lesquelles le juge de la Cour canadienne de l’impôt avait mal compris les décisions de la Cour d'appel fédérale, le juge Pratte déclarait :

« Contrairement à ce qu’a pensé le juge, il n’est pas nécessaire pour que le juge puisse exercer ce pouvoir, qu’il soit établi que la décision du Ministre était déraisonnable ou prise de mauvaise foi eu égard à la preuve que le Ministre avait devant lui. Ce qui est nécessaire, c’est que la preuve faite devant le juge établisse que le Ministre a agi de mauvaise foi, ou de façon arbitraire ou illégale, a fondé sa décision sur des faits non pertinents ou n’a pas tenu compte des faits pertinents. Alors, le juge peut substituer sa décision à celle du Ministre. »

[37] Puisque je suis le juge qui a erré en interprétant à ce moment des décisions de la Cour d'appel fédérale, car Bayside, précité et Jencan, précité ont été publiées après ma décision dans l'affaire Elia, je souhaite signaler que la situation, dans les appels visés aux présentes, est différente de celle de l'affaire Elia. Dans l'affaire Elia - 96-1648(UI) du 8 avril 1996 - je m’occupais d’un cas où un appelant n’avait pas communiqué en bonne et due forme les faits au Ministre, mais n’avait qu’offert une explication adéquate de divers points - utilisée par le Ministre à l’encontre de l’appelant - lors du dépôt de la preuve devant la Cour canadienne de l’impôt. En pareil cas, il me semblerait injuste de fustiger le Ministre d’avoir exercé sa discrétion sur les faits déposés devant lui. Par ailleurs - au vu des preuves récentes déposées en bonne et due forme devant la Cour avec la documentation et les témoignages à l’appui - s’il est raisonnable de conclure que la décision pourrait probablement être toute différente parce que les preuves récentes annulaient les inférences contraires tirées antérieurement par le Ministre, confirmer la décision pourrait être inadéquat, même en présence d’autres motifs - figurant à l’ensemble de renseignements portés à la connaissance du Ministre - que l’on pourrait considérer comme susceptibles d’appuyer cette conclusion. La difficulté est d’évaluer s’il y a lieu l’effet éventuel, sur le Ministre, du nouvel éclairage découlant de l’ensemble de la preuve. Il est possible que la qualité de la preuve déposée devant un tribunal au cours d’un appel - si elle y avait été présentée d’une façon analogue au Ministre - ait été suffisante alors pour faire valoir le point de vue. Toutefois, le mécanisme est tel qu’on ne peut le faire effectivement comme lorsqu’on dépose une preuve ou un argument devant un juge. Puisque cette disposition particulière de la Loi n’autorise pas un véritable appel de novo, non assujetti à certaines conditions ou restrictions de l’exercice de la discrétion ministérielle - contrairement à un appel portant sur l’alinéa 3(1)a) de la Loi - il existera toujours une impossibilité comparative d’accorder un redressement après l’audition de la preuve, sauf si le seuil précis exigé au sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi a été franchi. Par conséquent, l’examen des « faits qui, selon la preuve, se trouvaient devant le Ministre quand il est arrivé à sa conclusion, pour décider si ces faits sont prouvés » ainsi que le déclarait le juge Desjardins dans l'arrêt Tignish Auto Parts Inc. v. M.N.R. (1994) 185 N.R. 73 (C.A.F.) à la page 77 peut parfois faire ressortir une divergence importante par rapport à la preuve déposée en appel devant un tribunal, même en tenant compte de la mise en garde du juge Desjardins dans l'arrêt Tignish, qui disait « ...s’il y a suffisamment d’éléments pour appuyer la conclusion du Ministre, la Cour n’a pas toute latitude pour l’infirmer simplement parce qu’elle serait arrivée à une conclusion différente » . Dans le cas des appels dont nous sommes saisis, il n’y a eu aucune révélation importante ou étonnante non conforme à l’information déposée devant le Ministre et les points non expliqués à ce niveau n’ont pas été éclaircis devant moi.

[38] En la présente affaire, j’ai examiné la totalité de la preuve pour vérifier si le Ministre a réagi d’une manière justifiant une intervention de ma part. Nombre d’éléments nous ont prouvé que le Ministre avait analysé beaucoup d’éléments, sous l’éclairage du rapport entre certains faits pertinents et les indices énoncés au sous-alinéa 3(2)c)(ii) de la Loi. Les trois appelants étaient actionnaires d’une société et il existe manifestement des différences inexpliquées entre le chiffre des ventes ou l’état des recettes utilisés pour répondre à M. W.S. McCallum, agent des appels, et ceux portés sur les déclarations de revenu, les déclarations trimestrielles de TPS ou les renseignements relatifs aux gains et à la durée d’emploi tels qu’indiqués sur les relevés d’emploi de chaque appelant. Manifestement, le début de l’emploi n’était pas lié aux besoins de la société, car nous avons relevé des occasions où un appelant n’a commencé à travailler que quelques mois après des rentrées importantes. À d’autres occasions, un appelant a travaillé sans rémunération après avoir été prétendument mis à pied par la société. Les travaux de rénovation exécutés par Brian Howell après sa mise en disponibilité n’avaient rien à voir avec l’activité normale de l’entreprise et ne cadraient certainement pas avec les tâches habituelles d’un agent ou dirigeant s’occupant de tenir les dossiers d’entreprise ou de satisfaire aux exigences d’enregistrement et de production de déclarations. De toute évidence, chaque appelant a renoncé à recevoir jusqu’à 50 % de sa rémunération totale, comme c’est le cas pour Christopher Howell, qui n’a jamais encaissé huit de ses 16 chèques de paie. Brian Howell n’a jamais reçu une forte proportion de sa paie, pendant diverses périodes, à compter de 1992. Corrado Giordanella a également dû renoncer à encaisser des chèques de paie afin que d’autres travailleurs puissent être rémunérés et que les fournisseurs soient payés. Cela pourrait à première vue sembler louable mais, dans la pratique, il reste que les appelants utilisaient des fonds de l’entreprise pour verser les cotisations d’assurance-chômage - tout en ne percevant qu’une partie de leur salaire, voire même en travaillant sans être payés - et s’attendaient à être admissibles aux prestations d’assurance-chômage après avoir occupé un emploi dans leur propre société pendant la période minimale requise. De plus, les prestations auraient été calculées d’après la limite maximale des gains assurables alors que, dans la réalité, la société n’a jamais versé ces montants, même si elle défalquait en dépenses le montant complet comme si les salaires avaient été versés. Leur propre société recevait - indirectement - un fonds de roulement par l’entremise du régime d’assurance-chômage, par la manière dont les appelants, à titre de particuliers, traitaient avec la société - que ce soit Ideal Pools Limited ou 1045592 - et, dans le cas de Brian Howell et de Corrado Giordanella, à titre d’actionnaires et de dirigeants de la société, avec eux-mêmes et Christopher Howell en qualité de travailleurs, d’une manière qui n’aurait pu constituer le fondement d’un contrat de travail entre parties sans lien de dépendance. J’ai eu l’occasion de constater - dans l'arrêt Mark Ostapowich c. M.R.N. - 97-161(UI) - aux pages 11 et 12 :

« Les gens sont libres d’organiser leurs affaires comme ils l’entendent, en payant un salaire à des personnes liées et, pourvu que le travail soit fait et que les dépenses soient raisonnables, ils peuvent déduire ce coût de leur revenu. Toutefois, si les membres d’une famille veulent conclure entre eux des contrats de louage de services et établir une relation employeur-employé pour les besoins d’un emploi assurable aux termes de la Loi sur l’assurance-chômage, ils doivent alors s’assurer que l’ensemble de la relation de travail satisfait aux exigences du sous-alinéa 3(2)c)(ii). À cette fin, chaque partie à la relation de travail, si elle est liée, peut devoir renoncer à certaines particularités du contrat de travail souhaité qui sont surtout affaire de loyauté familiale, de tradition ou de commodité pour faire en sorte que ce contrat de travail puisse être considéré objectivement comme un contrat de travail à peu près semblable à celui qui aurait été conclu avec des étrangers. Selon les circonstances, un problème d’assurabilité peut se poser lorsque le travailleur tarde à recevoir sa paie, lorsqu’il y a échange d’utilisation de biens sans compensation, lorsque des services sont fournis en dehors de la période pertinente visée par le règlement, lorsqu’un nombre exceptionnel d’heures de travail sont effectuées contre un trop faible salaire ou lorsque le nombre d’heures de travail est insuffisant par rapport au salaire versé, ainsi qu’en présence de divers autres facteurs pouvant influer sur la décision que le ministre doit rendre. Dans le cas d’une entreprise familiale, les choses sont faites différemment. Lorsque l’entreprise familiale est de grande taille, un employé lié peut se mêler à l’ensemble de la main-d’oeuvre, pointer en début et en fin de journée avec les autres travailleurs et se voir assigner des tâches par un superviseur, qui peut même ne pas être un membre de la famille. Toutefois, une exploitation agricole familiale, de par sa nature même, a souvent de la difficulté à organiser les affaires commerciales entre les membres de la famille d’une manière qui puisse satisfaire aux exigences de la Loi dans le présent appel, l’arrangement conclu entre l’appelant et son père était un arrangement sensé sur le plan commercial. Cela ne signifie pas automatiquement que le contrat donnait lieu à un emploi assurable au regard de la Loi sur l’assurance-chômage, telle qu’elle a été modifiée en 1990 par l’adoption de l’alinéa 3(2)c).

[39] Dans les appels qui nous occupent, la situation mettait en cause un véhicule, soit une société, mais le point soulevé dans l'arrêt Ostapowichs’applique auxdits appels.

[40] Je conclus n’être pas justifié d’intervenir dans les décisions prises par le Ministre, car elles semblent raisonnables et solidement fondées sur les faits tels qu’établis dans les hypothèses figurant dans chaque réponse aux avis d’appel déposés au nom de chaque appelant. La preuve présentée au nom des appelants n’a pas suffi à faire tomber ces hypothèses. Pour ces motifs, l’appel de chaque appelant est rejeté.

Signé à Toronto, Ontario, ce 25e jour de juin 1998.

« D.W. Rowe »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour d'octobre 1998.

Mario Lagacé, réviseur

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