Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991125

Dossier: 98-106-IT-I

ENTRE :

FÉLIX J. DUBÉ,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel où la seule question en litige est de décider si l'appelant, propriétaire d'un immeuble regroupant trois logements, avait un espoir raisonnable de tirer profits de l'activité, qui consistait à louer les logements pour les années d'imposition 1994 et 1995.

[2] Les faits révélés par la preuve sont assez simples. L'appelant voulait faire l'acquisition d'un vieil immeuble, construit en 1919 et situé dans le village de Saint-Quentin au Nouveau-Brunswick, pour le transformer en logements locatifs.

[3] Après vérification auprès de la municipalité, il s'est avéré que l'appelant ne pouvait réaliser son projet à cause de la petitesse du terrain et des contraintes légales.

[4] Le propriétaire du terrain contigu audit immeuble ciblait également l'achat du même immeuble, mais dans le but de le démolir pour réaliser un projet d'agrandissement de sa propre entreprise.

[5] L'appelant et le propriétaire du terrain contigu se sont donc entendus de manière à ce que l'appelant l'achète, à la condition qu'il le déplace pour libérer le terrain, tous deux atteignant alors leur but respectif.

[6] Après avoir acheté l'immeuble, l'appelant l'a aussitôt revendu à son voisin et conséquemment, il a déménagé la bâtisse pour libérer le terrain.

[7] Le vieux bâtiment a été déménagé, au coût approximatif de 12 000 $, sur un terrain où il pouvait procéder aux transformations désirées. Il a obtenu un prêt de 45 000 $ pour modifier et transformer le bâtiment en trois logements locatifs.

[8] Après avoir réalisé les travaux, il a fait les démarches nécessaires pour louer les trois logements disponibles. Le projet a généré des surplus à ses premières années d'exploitation.

[9] En 1986, l'appelant décide d'occuper avec sa famille un des trois logements. Dans un premier temps, il habite le logement situé au sous-sol. Plus tard, il aménagera dans le logement au rez-de-chaussée.

[10] À compter de 1988, l'immeuble qui regroupait trois logements, dont l'un était habité par l'appelant et sa famille, a vu son exploitation générer, année après année, des pertes et cela, selon la chronologie et les montants ci-après indiqués.

Années d'imposition

Revenus bruts

Pertes nettes

1988

3 022 $

991 $

1989

2 585 $

1 849 $

1990

2 500 $

2 177 $

1991

5 880 $

3 274 $

1992

3 000 $

4 591 $

1993

2 700 $

4 454 $

1994

2 700 $

3 414 $

1995

2 700 $

3 971 $

1996

3 600 $

7 392 $

[11] L'appelant a justifié ses pertes en affirmant qu'il s'agissait d'un très vieux bâtiment rempli de vices cachés requérant des déboursés substantiels pour être corrigés et réparés.

[12] Il a notamment décrit les problèmes reliés au revêtement extérieur, à la fenestration, à la toiture, à l'isolation etc., etc.

[13] Il a aussi expliqué les pertes par le fait que ses logements ne trouvaient pas preneur à cause des coûts prohibitifs pour le chauffage. À cet égard, il a dû fournir à certains locataires des garanties à l'effet qu'il leur rembourserait tout excédent d'un montant raisonnnable préalablement déterminé. Il a également affirmé que l'offre était supérieure à la demande. Ses logements étant beaucoup plus grands que la surface recherchée par les locataires potentiels, il a soutenu que cela lui avait fait perdre plusieurs locations.

[14] Il a relaté avoir dû faire face à toutes sortes de problèmes imprévisibles qui ont considérablement retardé la rentabilité. L'appelant a, de plus, fait la description des démarches; actions et initiatives qu'il a prises pour trouver des locataires lorsqu'un de ses logements devenait disponible.

[15] Théoriquement, il aurait pu toucher des revenus de l'ordre de 7 200 $ si les deux logements avaient été loués. La réalité a été tout autre. L'écart entre les deux a été justifié, expliqué de manière acceptable et vraisemblable pour la période en litige, soit 1994 et 1995.

[16] Il devra cependant prendre très prochainement une décision guidée essentiellement par la réalité mathématique de l'opération puisque tout, mais vraiment tout, a été épuisé pour expliquer des pertes. S'il s'avérait que d'autres pertes soient enregistrées pour les années ultérieures, il y aurait lieu de s'interroger, tant sur les revenus que sur les dépenses, à savoir si l'appelant peut rationnellement avoir un espoir raisonnable et réaliste de retirer des profits de son activité commerciale après avoir investi autant dans une communauté où le potentiel de locataires est très limité.

[17] Pour ce qui est des années en cause, en rappelant qu'il est essentiel de se replacer à l'époque des périodes en litige, je réponds par l'affirmative à la question en litige. Conséquemment, l'appelant avait bel et bien, pour les années d'imposition 1994 et 1995, un espoir raisonnable de tirer profits de l'activité, d'où l'appel est accueilli. Le dossier sera donc retourné au ministre du Revenu national pour qu'il soit procédé à l'émission de d'autres cotisations en prenant pour acquis que l'appelant avait droit de tenir compte des pertes enregistrées pour les années 1994 et 1995, étant donné l'espoir raisonnable de tirer profits.

Signé à Ottawa, Canada ce 25e jour de novembre 1999.

“Alain Tardif”

J.C.C.I.

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