Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19981001

Dossier: 98-347-IT-I

ENTRE :

MERRILL M. GORDON,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge McArthur, C.C.I.

[1] L'appel porte sur des cotisations par lesquelles le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a ajouté 2 086,60 $ et 760,50 $ au revenu de l'appelant pour les années 1995 et 1996 respectivement. Ces montants correspondent à la valeur attribuée à un laissez-passer gratuit pour les parcs donné à l'appelant par la ville de Burnaby (Colombie-Britannique).

[2] À l'issue de l'audience, j'ai mentionné que j'acceptais la position de l'intimée selon laquelle l'appelant avait été un employé. Mais, réflexion faite, j'ai changé d'avis et, pour les motifs qui suivent, je conclus en faveur de l'appelant.

[3] Au début des années 70, l'appelant a été pendant un an conseiller municipal pour la ville de Burnaby, ce pour quoi il a touché un salaire. Il a par la suite occupé de nombreux postes à titre de bénévole et, disons-le à sa louange, a offert ses talents gratuitement dans le cadre de plusieurs projets fort valables au profit de la ville de Burnaby. Geste directement lié au fait que l'appelant a été conseiller municipal, la ville de Burnaby lui a remis un laissez-passer gratuit grâce auquel lui et un invité ont pu jouer au golf sur trois des terrains de la ville.

[4] L'intimée a ramené à 495 $ pour 1995 et à 682 $ pour 1996 les montants des cotisations.

[5] L'appelant est âgé de 69 ans et bénéficie d'une pension. Ses ressources financières sont limitées. Comme il en est fait mention ci-dessus, l'appelant a servi la ville de Burnaby pendant un an en tant que conseiller municipal à salaire, et pendant une quarantaine d'années à titre de bénévole, notamment en les qualités suivantes :

- membre du conseil d'administration d'une bibliothèque et membre fondateur de la British Columbia Library Trustees Association. (4 ans)

- président de la campagne de financement pour les jeux d'été de la Colombie-Britannique de 1973 (6 mois)

- commissaire des parcs (6 ans)

- conseiller de la commission de planification de la ville de Burnaby (4 ans)

- administrateur du foyer New Vista pour personnes âgées (4 ans)

- fondateur et administrateur de Burnaby Youth Soccer (2 ans)

- fondateur et administrateur de Cliff Ave. Youth Soccer (42 ans)

- président bénévole à plein temps de la Burnaby Arts Centre Capital Campaign (campagne de mobilisation de fonds) qui a recueilli 2,3 millions de dollars au profit du Shadbolt Arts Centre (3 ans)

- président du Burnaby Mental Health Committee (5 ans)

- membre fondateur de la Burnaby Mountain Preservation Society, laquelle a eu un rôle à jouer dans le transfert par l'université Simon Fraser à la ville de Burnaby de 880 acres de terre destinées à servir de parc (5 ans)

[6] Le ministre a assimilé la valeur du laissez-passer en question à une allocation de retraite au sens de l'alinéa 56(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ); subsidiairement, le ministre prétend que cette valeur a été reçue par l'appelant à titre de revenu d'emploi au sens de l'alinéa 6(1)a) et du paragraphe 6(3) de la Loi.

[7] L'appelant soutient qu'il ne s'agissait pas d'une allocation de retraite et qu'il n'a jamais été employé de la ville de Burnaby.

[8] Le paragraphe 56(1) de la Loi se lit en partie comme suit :

Sommes à inclure dans le revenu de l'année - Sans préjudice de la portée générale de l'article 3, sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition :

a) Pensions, prestations d'assurance-chômage, etc. - toute somme reçue par le contribuable au cours de l'année au titre, ou en paiement intégral ou partiel :

[...]

(ii) d'une allocation de retraite, sauf s'il s'agit d'un montant versé dans le cadre d'un régime de prestations aux employés, d'une convention de retraite ou d'une entente d'échelonnement du traitement,

[...]

[9] Selon son témoignage non contredit, l'appelant a reçu le laissez-passer en question parce qu'il avait été conseiller municipal environ 25 ans avant les années d'imposition en cause.

[10] L'intimée a fait valoir principalement que l'appelant avait reçu une allocation de retraite au sens de l'alinéa 56(1)a).

[11] Selon la définition figurant au paragraphe 248(1) de la Loi, « allocation de retraite » s'entend d'une somme reçue par le contribuable, au moment où il prend sa retraite d'une charge ou d'un emploi ou par la suite, en reconnaissance de ses longs états de service.

[12] Le terme « emploi » désigne un poste qu'occupe un particulier, au service d'une autre personne (y compris Sa Majesté ou un État ou souverain étrangers), et « préposé » ou « employé » s'entend de la personne occupant un tel poste.

[13] Aux termes du paragraphe 248(1) de la Loi, « charge » s'entend du poste qu'occupe un particulier et qui lui donne droit à un traitement ou à une rémunération fixes ou vérifiables, y compris une charge judiciaire, la charge de ministre de la Couronne, la charge de membre du Sénat ou de la Chambre des communes du Canada, de membre d'une assemblée législative ou de membre d'un conseil législatif ou exécutif et toute autre charge dont le titulaire est élu au suffrage universel ou bien choisi ou nommé à titre représentatif, et comprend aussi le poste d'administrateur de société, et « fonctionnaire » ou « cadre » s'entend de la personne qui détient une charge de ce genre, y compris un conseiller municipal et un commissaire d'école.

[14] Pour que la valeur de l'avantage reçu puisse être considérée comme une « allocation de retraite » , il faut que l'appelant l'ait reçu au cours de l'année au titre, ou en paiement, d'une allocation de retraite. L'appelant a reçu l'avantage en question du fait d'avoir été conseiller municipal vers 1970. Il ne s'agit pas d'une somme versée au contribuable en reconnaissance de ses longs états de service, après qu'il a pris sa retraite d'une charge ou d'un emploi; l'appelant a été conseiller municipal pendant un an. Ayant été élu membre du conseil municipal, il était un représentant de ses concitoyens indépendant et non un employé.

[15] Je conclus que le travail bénévole de l'appelant ne répond pas aux définitions « d'emploi » ou de « charge » . L'appelant n'était ni « préposé » ni « employé » . Il a généreusement donné de son temps au profit de la collectivité. Il n'y a aucune preuve établissant que l'appelant était un particulier occupant un poste au service d'une autre personne. Tirer une conclusion différente donnerait un résultat que le sens du paragraphe 56(1) n'est assurément pas censé admettre. Appliquant les critères établis dans l'arrêt Wiebe Door Services Ltd. c. M.R.N., [1986] 3 C.F. 553, je conclus sans hésitation que l'appelant n'était pas un employé.

[16] L'appelant n'ayant pas été un employé de la ville de Burnaby en 1995 et en 1996, la valeur du laissez-passer qu'il a reçu ne constituait donc pas un revenu d'emploi au sens de l'alinéa 6(1)a) et du paragraphe 6(3) de la Loi. L'appel est en conséquence admis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 1er jour d'octobre 1998.

« C.H. McArthur »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 26e jour d'avril 1999.

Erich Klein, réviseur

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