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Date: 19981016

Dossier: 97-2572-IT-I

ENTRE :

ANWAR HAK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Cet appel est interjeté à l'encontre d'une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1995 par laquelle le ministre du Revenu national a refusé la déduction par l'appelant, en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, de la somme de 12 000 $ à titre de pension alimentaire ou d'allocation d'entretien payée à sa conjointe, dont il s'était séparé.

[2] Les difficultés matrimoniales de l'appelant et de sa conjointe ne datent pas d'hier. Au moins deux fois, ils se sont séparés, puis ont tenté une réconciliation. Ils sont maintenant en voie d'obtenir un divorce.

[3] L'appelant a témoigné que lui et son épouse s'étaient séparés le 2 janvier 1995 et que, ce jour-là, ils avaient signé un accord de séparation. J'accepte le fait que l'accord a été signé par les deux conjoints le 2 janvier 1995. Cet accord se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Nous soussignés ANWAR HAK et FAZIMA HAK convenons de ce qui suit :

1. Nous serons séparés et vivrons séparément à compter du 2 janvier 1995.

2. Fazima Hak continuera d'habiter au 13862, 27e rue, app. 302, Edmonton (Alberta).

3. Anwar Hak habitera à divers endroits au Canada, selon ses affectations, et, entre ses affectations, il habitera au 2516, 143e avenue, Edmonton (Alberta).

4. Notre fils Sahyad Hak restera avec Fazima Hak jusqu'à ce qu'un règlement équitable soit conclu.

5. Anwar Hak versera une pension alimentaire de 1 000 $ par mois ou paiera :

le loyer de l'appartement 455 $ par mois

les services publics, soit environ 200 $ par mois

la prime du régime de soins de

santé, soit environ 100 $ par mois

Total 750 $ [sic] par mois

et 245 $ par mois au titre de dépenses diverses, soit en tout 1 000 $ par mois.

6. Fazima Hak continuera de recevoir le chèque mensuel d'allocation familiale, qu'elle gardera.

7. Toutes dépenses supplémentaires seront payées par Anwar Hak comme bon lui semblera.

8. Sauf ordonnance d'un tribunal compétent, Sahyad Hak ne doit pas être retiré d'Edmonton.

9. Anwar Hak jouit de droits généreux en ce qui concerne la possibilité de rendre visite à son fils et de s'entretenir avec lui par téléphone, à condition de donner un préavis de 24 heures.

10. Le présent accord est conclu sans préjudice.

TÉMOIN : Sheik Habil Signé :_______________

Anwar Hak

Signé :_______________

Fazima Hak

[4] Cet accord semble avoir été dressé sans l'aide d'un avocat. Les conjoints ont vécu séparément tout le reste de l'année 1995. Il est reconnu par le ministre que l'appelant a en fait payé le loyer mensuel de 455 $ pour l'appartement où habitait son épouse toute l'année 1995, soit en tout 5 460 $. Un reçu du propriétaire était annexé à l'avis d'appel.

[5] L'appelant a en outre établi, par la production de reçus, qu'il avait payé à Northwest Utilities un total de 296,08 $ pour le gaz servant à chauffer l'appartement et qu'il avait payé 1 304,42 $ pour l'électricité et l'eau. Il avait aussi payé 800 $ de primes de régime de soins de santé pour son épouse et avait aussi payé à la société Shaw 290,74 $ pour le service de câblodistribution. Les paiements faits en vertu de l'accord pour le loyer, les primes de régime de soins de santé et les services publics s'élevaient au total à 8 151,24 $.

[6] L'appelant a également témoigné qu'il avait fait à son épouse des paiements en espèces qui, avec les paiements pour le loyer et les services publics, dépassaient probablement le montant de 1 000 $ par mois prévu dans l'accord, et je considère que tel a probablement été le cas, surtout si l'on tient compte du fait que son épouse avait accès à sa carte Visa. L'appelant m'a fait l'impression d'un homme honnête prenant au sérieux ses responsabilités envers son épouse et ses enfants. Toutefois, la preuve des paiements supplémentaires en espèces était beaucoup trop vague, laissait beaucoup trop à désirer, pour que je puisse parvenir à quelque conclusion, et, par conséquent, seules les sommes totalisant 8 151,24 $ seront considérées comme ayant été clairement prouvées. Il reste donc la question de la déductibilité de ces sommes.

[7] Dans sa déclaration de revenus pour 1995, l'appelant a déduit 14 000 $ à titre de pension alimentaire et d'allocation d'entretien, soit une somme de 2 000 $ versée à une ancienne conjointe de fait et une somme de 12 000 $ versée à son épouse, Fazima Hak. À l'étape de l'opposition, le ministre avait admis les 2 000 $ versés à l'ex-conjointe de fait, mais refusait toujours la déduction des 12 000 $, bien qu'étant convaincu à tout le moins du paiement des 5 460 $ de loyer.

[8] L'appelant a témoigné que la seconde méthode de paiement, par laquelle il pouvait, au lieu de verser à son épouse la somme de 1 000 $ par mois, payer le loyer de l'appartement, les services publics et les primes de régime de soins de santé et verser le reste comptant avait été prévue parce que son épouse était totalement irresponsable à l'égard de l'argent, qu'elle aurait simplement pris l'argent et l'aurait dépensé pour autre chose, et qu'elle n'aurait pas payé le loyer ou les services publics et se serait probablement fait soit expulser de l'appartement, soit couper les services publics. C'est en fait ce qui était arrivé lors d'une séparation antérieure, de sorte que cette solution était sensée.

[9] Il y a un dernier élément de preuve que je mentionnerai par souci d'exhaustivité, bien que cet élément puisse, à strictement parler, ne pas être pertinent. En 1996, les conjoints ont de nouveau tenté une réconciliation, sans succès, et ils vivaient ensemble lorsque Fazima Hak faisait sa déclaration de revenus pour 1995. L'appelant a témoigné que, à sa connaissance, sa conjointe avait en fait inclus environ 12 000 $ dans son revenu pour 1995 comme pension alimentaire ou allocation d'entretien reçue. La preuve à cet égard est crédible, et je l'accepte. On pourrait soutenir qu'elle n'a pas de rapport avec l'appel, mais elle démontre à tout le moins que les parties entendaient que l'accord ait l'effet que, selon M. Hak, il faudrait lui donner.

[10] L'intimée base le refus de la déduction sur une interprétation de l'alinéa 60b), de l'article 60.1 et du paragraphe 56(12) et aussi sur ce qu'elle prétend être l'effet de la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire The Queen v. Armstrong, 96 DTC 6315.

[11] L'alinéa 60b) se lit comme suit pour 1995 :

Peuvent être déduites dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une année d'imposition les sommes suivantes qui sont appropriées :

[...]

b) — un montant payé par le contribuable au cours de l'année, en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, à titre de pension alimentaire ou autre allocation payable périodiquement pour subvenir aux besoins du bénéficiaire, d'enfants de celui-ci ou à la fois du bénéficiaire et de ces enfants, si le contribuable, pour cause d'échec de son mariage, vivait séparé de son conjoint ou ancien conjoint à qui il était tenu d'effectuer le paiement, au moment où le paiement a été effectué et durant le reste de l'année.

[12] L'avocate de l'intimée a convenu que, si M. Hak avait simplement versé 1 000 $ par mois à sa conjointe et qu'il l'avait laissé payer le loyer, les services publics et d'autres frais, il serait indéniable qu'il pourrait déduire cette somme. Cependant, les conjoints avaient convenu d'un arrangement selon lequel une partie des 1 000 $ par mois serait payée directement aux compagnies de gaz et de services publics et le reste serait versé à la conjointe de l'appelant. Ce mode de paiement était expressément prévu dans l'accord comme solution de rechange au versement des 1 000 $ par mois directement à la conjointe de l'appelant. Bien que l'accord ne parle pas de paiements faits « au nom de Fazima Hak » ou « au profit de Fazima Hak » , c'est manifestement là l'intention exprimée par l'accord et l'effet de celui-ci, et notamment son paragraphe 5. Simplement à partir de cela, j'aurais pensé qu'il était évident que les paiements faits par l'appelant au nom et au profit de Fazima Hak seraient réputés avoir été reçus par elle et représenteraient le type de paiement prévu à l'alinéa 60b).

[13] Le paragraphe 60.1(1) se lit comme suit :

60.1 (1) — Dans le cas où une ordonnance, un jugement ou un accord écrit visé aux alinéas 60b) ou c), ou une modification s'y rapportant, prévoit le paiement périodique d'un montant par un contribuable:

a) soit à une personne qui est, selon le cas:

(i) le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable,

(ii) si le montant est payé en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, un particulier de sexe opposé qui est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du contribuable;

b) soit au profit de la personne, d'enfants confiés à sa garde ou à la fois de la personne et de ces enfants,

tout ou partie du montant, une fois payé, est réputé, pour l'application des alinéas 60b) et c), payé à la personne et reçu par elle.

[14] Il n'est pas évident ce que l'alinéa 60.1(1)b) a ajouté à ce qui était déjà prévu par les règles de droit en matière de « recette présumée » (constructive receipt). Il est à noter que le paragraphe 60.1(1) met l'accent sur le bénéficiaire du paiement et non sur l'auteur du paiement. C'est le bénéficiaire qui est réputé avoir été payé et avoir reçu la somme. Il est possible que le paragraphe 60.1(1) ait été ajouté à la Loi pour empêcher un bénéficiaire d'éviter, du fait qu'il ne les avait pas « reçues » , l'impôt sur des sommes payées en son nom à des tiers. Fait intéressant, l'alinéa 60b) exige que le montant ait été payé à titre de pension alimentaire ou d'allocation d'entretien. Il ne dit pas explicitement à qui les montants doivent être payés.

[15] L'intimée invoque le paragraphe 56(12), qui disait :

Sous réserve des paragraphes 56.1(2) et 60.1(2) et pour l'application des alinéas (1)b), c) et c.1) et 60b), c) et c.1), un montant reçu par une personne — appelée « contribuable » aux alinéas (1)b), c) et c.1) et « bénéficiaire » aux alinéas 60b), c) et c.1) — ne constitue une allocation que si cette personne peut l'utiliser à sa discrétion.

[16] Cette disposition peut avoir été ajoutée par suite de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire J.-P. Gagnon v. The Queen, [1986] 1 C.T.C. 410.

[17] Il semble bien évident que Fazima Hak avait un pouvoir discrétionnaire à l'égard de la totalité de la somme de 1 000 $ et qu'elle a exercé ce pouvoir en faisant de son mari son mandataire pour qu'il paie pour elle certaines dépenses comme les frais de services publics et le loyer. Ce que Fazima Hak disait en fait à son mari c'est qu'il devait lui verser 1 000 $ par mois et qu'il pouvait satisfaire à une partie de cette obligation en payant pour elle certaines de ses factures.

[18] L'avocate de l'intimée soutient toutefois que le fait que l'accord ne spécifie pas que les paragraphes 56.1(1) et 60.1(2) s'appliquent est fatal pour la cause de l'appelant.

[19] Le paragraphe 60.1(2) se lit comme suit :

(2) Pour l'application des alinéas 60b) et c), le résultat du calcul suivant:

A - B

où:

A représente le total des montants représentant chacun un montant, à l'exception d'un montant auquel les alinéas 60b) ou c) s'appliquent par ailleurs, payé par un contribuable au cours d'une année d'imposition en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendus par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, au titre d'une dépense (sauf une dépense relative à un établissement domestique autonome que le contribuable habite ou une dépense pour l'acquisition de biens corporels qui n'est pas une dépense au titre de frais médicaux ou d'études ni une dépense en vue de l'acquisition, de l'amélioration ou de l'entretien d'un établissement domestique autonome que la personne visée aux alinéas a) ou b) habite) engagée au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente pour subvenir aux besoins d'une personne qui est:

a) soit le conjoint ou l'ancien conjoint du contribuable,

b) soit, si le montant est payé en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, un particulier de sexe opposé qui est le père naturel ou la mère naturelle d'un enfant du contribuable,

ou pour subvenir aux besoins d'enfants confiés à la garde de la personne ou aux besoins à la fois de la personne et de ces enfants, si, au moment où la dépense a été engagée et durant le reste de l'année, le contribuable et la personne vivaient séparés;

B l'excédent éventuel du total visé à l'alinéa a) sur le total visé à l'alinéa b):

a) le total des montants représentant chacun un montant inclus dans le total calculé selon l'élément A relativement à l'acquisition ou à l'amélioration d'un établissement domestique autonome dans lequel la personne habite, y compris un paiement de principal ou d'intérêts sur un emprunt ou une dette contracté en vue de financer, de quelque manière que ce soit, l'acquisition ou l'amélioration,

b) le total des montants correspondant chacun à 1/5 du principal initial d'un emprunt ou d'une dette visés à l'alinéa a),

est, lorsque l'ordonnance, le jugement ou l'accord écrit prévoit que le présent paragraphe et le paragraphe 56.1(2) s'appliquent à tout paiement effectué à leur titre, réputé être un montant payé par le contribuable et reçu par la personne à titre d'allocation payable périodiquement.

[20] Pour déterminer la force de l'argument de l'avocate de l'intimée, il faut établir ce que vise au juste ce paragraphe un peu compliquée.

[21] Le paragraphe 60.1(2) établit aux fins des alinéas 60b) et c) une formule pour déterminer les montants supplémentaires déductibles en vertu de ces alinéas et, suivant ledit paragraphe 60.1(2), ces montants sont réputés être une allocation payable périodiquement. Sont expressément exclus de l'application de la formule les montants auxquels les alinéas 60b) et c) s'appliquent par ailleurs. En vertu du paragraphe 60.1(2), des montants qui autrement ne seraient pas déductibles deviennent déductibles.

[22] Ce paragraphe permet de déduire un montant déterminé à l'aide de la formule A - B. L'élément A représente le total de tous les montants payés par un contribuable (l' « auteur du paiement » ) en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement rendu par un tribunal compétent ou en vertu d'un accord écrit, au titre d'une dépense engagée au cours de l'année ou de l'année d'imposition précédente, pour subvenir aux besoins du conjoint ou de l'ancien conjoint de l'auteur du paiement ou, dans le cas d'un montant payé en vertu d'une ordonnance rendue par un tribunal compétent en conformité avec la législation d'une province, à un particulier de sexe opposé qui est le père naturel ou la mère naturelle de l'enfant de l'auteur du paiement.

[23] Sont exclus du montant total de l'élément A :

a) les montants auxquels les alinéas 60b) ou c) s'appliquent;

b) les dépenses relatives à un établissement domestique autonome que l'auteur du paiement habite;

c) les dépenses pour l'acquisition de biens corporels.

Ne doivent pas être compris dans l'exclusion des montants auxquels s'appliquent les alinéas b) et c) (et sont donc à être inclus dans le montant total de l'élément A) :

d) les dépenses au titre de frais médicaux ou d'études, ou

e) les dépenses en vue de l'acquisition, de l'amélioration ou de l'entretien d'un établissement domestique autonome qu'une personne visée aux alinéas a) ou b) du paragraphe 60.1(2) habite. J'appellerai la personne visée aux alinéas 60.1(2) a) ou b) le « bénéficiaire » . Doivent aussi être inclus dans A les paiements faits pour subvenir aux besoins d'enfants confiés à la garde du bénéficiaire ou aux besoins à la fois de ces enfants et du bénéficiaire.

[24] Du total auquel on arrive à A, on déduit le chiffre auquel on arrive à B. L'élément B est déterminé:

(i) en totalisant les montants visés à e) ci-dessus qui se rapportent à l'acquisition ou à l'amélioration (mais non, soulignons-le, à l'entretien, terme employé à A) d'un établissement domestique autonome dans lequel le bénéficiaire habite (y compris les paiements de principal et d'intérêts sur un emprunt ou une dette contracté en vue de financer l'acquisition ou l'amélioration de cet établissement domestique), et

(ii) en déterminant l'excédent de ce total sur un cinquième du principal initial de l'emprunt ou de la dette contracté en vue de financer l'acquisition de l'établissement domestique que le bénéficiaire habite.

[25] Le chiffre ainsi déterminé (A - B) est alors réputé être un montant payé par l'auteur du paiement et reçu par le bénéficiaire comme allocation payable périodiquement si l'accord, le jugement ou l'ordonnance dit que les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) s'appliquent.

[26] Aucune disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu ne devrait nécessiter ce genre d'analyse grammaticale. Le paragraphe 60.1(2) illustre un style de rédaction législative qui remonte à la réforme fiscale de 1972 : le rédacteur législatif se croyait alors malin en ramenant à une phrase d'une page de long des formules algébriques ou mathématiques complexes. Il est grand temps que nos rédacteurs législatifs éliminent ce type d'obscurcissement de ce qu'ils s'attendent que le public assimile. La rédaction législative devrait avoir pour objet la formulation de principes relativement compréhensibles pour un profane intelligent.

[27] Un exemple de la façon dont fonctionne le paragraphe 60.1(2) peut aider à l'éclaircir. Supposons qu'un accord de séparation prévoit que le conjoint qui est l'auteur du paiement effectuera les paiements hypothécaires relatifs à la maison où habite la conjointe bénéficiaire, ainsi que tous les paiements pour l'entretien de la maison, qu'il achètera à la bénéficiaire une voiture neuve, qu'il paiera les frais de scolarité d'une école privée pour l'enfant confié à la garde de la conjointe bénéficiaire, ainsi que les frais médicaux. Supposons aussi que le prêt hypothécaire initial était de 350 000 $, que les paiements de principal et d'intérêts s'élevaient à 30 000 $ par année, que les frais d'entretien pour la maison étaient de 5 000 $, que les frais de scolarité étaient de 10 000 $ par année et que la voiture neuve a coûté 25 000 $.

[28] Le chiffre visé à A serait le suivant : 30 000 $ + 10 000 $ + 5 000 $, soit au total 45 000 $; il n'inclurait toutefois pas les 25 000 $ relatifs à la voiture.

[29] Le chiffre visé à B serait l'excédent des 30 000 $ sur un cinquième des 350 000 $ (70 000 $), qui est zéro en l'occurrence. Ainsi, A – B (45 000 $ - 0) donne 45 000 $.

[30] Le conjoint qui est l'auteur du paiement pourrait déduire 45 000 $, et le bénéficiaire devrait inclure ce montant dans son revenu, pourvu qu'ils aient pensé à mentionner que les paragraphes 60.1(2) et 56.1(2) s'appliquaient aux paiements. Il convient de noter qu'il n'est pas nécessaire que le titre de propriété afférent à la maison soit au nom du bénéficiaire. Il pourrait rester au nom de l'auteur du paiement.

[31] Je ne pense pas que le paragraphe 60.1(2) s'applique. Le paiement du loyer et des frais de services publics était simplement une autre façon, dont les conjoints avaient convenu, de satisfaire à une partie de l'obligation de l'appelant de verser à sa conjointe l'allocation périodique de 1 000 $ par mois. L'omission de mentionner dans l'accord qu'une disposition n'ayant de toute façon aucune application doit s'appliquer aux paiements ne peut être fatale pour la déductibilité en vertu de l'alinéa 60b).

[32] L'avocate de l'intimée s'est référée à la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Armstrong. Avant d'examiner cet arrêt, je tiens à mentionner une décision antérieure de la Cour d'appel fédérale, soit l'arrêt The Queen v. Arsenault,96 DTC 6131.

[33] Le sommaire de cet arrêt énonce les faits comme suit :

[TRADUCTION]

En vertu d'un accord de séparation en date du 26 juin 1984, le contribuable était notamment tenu de payer 400 $ par mois de pension alimentaire à sa conjointe, « S » , dont il s'était séparé, et 100 $ par mois pour chacun des trois enfants. Au lieu de faire de tels paiements, le contribuable a remis à S des chèques mensuels de 690 $ (puis de 760 $) payables au propriétaire de S, lesquels chèques S remettait à ce dernier. Dans la cotisation établie à l'égard du contribuable pour 1991 et 1992, le ministre a refusé les déductions que le contribuable avait indiquées au titre de ces chèques pour le loyer. L'appel du contribuable devant la Cour canadienne de l'impôt a été accueilli. Le juge de la Cour de l'impôt a conclu que les montants payés par le contribuable étaient des sommes limitées et prédéterminées et se rapportaient à un certain type de dépenses que S pouvait ainsi payer. De plus, de l'avis du juge de la Cour de l'impôt, S était réputée avoir reçu les montants en cause en ce qu'elle avait acquiescé au paiement de ces montants par le contribuable au propriétaire, faisant ainsi de son propriétaire son mandataire pour la réception des montants et leur affectation appropriée. Donc, dans l'esprit du juge de la Cour de l'impôt, toutes les conditions de l'alinéa 60b) et du paragraphe 56(12) étaient remplies, ce qui l'a amené à la conclusion que les montants en cause étaient déductibles. Le ministre a présenté à la Cour d'appel fédérale une demande de contrôle judiciaire des conclusions du juge de la Cour de l'impôt.

[34] Le jugement des majoritaires (juges Strayer et MacGuigan) a été rendu verbalement par le juge Strayer, qui a dit :

J'estime que le requérant n'a pas fait la preuve d'une erreur donnant lieu à contrôle judiciaire de la part du juge de la Cour de l'impôt. J'estime que ce dernier a eu raison de conclure que les paiements en question relevaient de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu car, selon les faits de l'espèce, l'ex-conjointe de l'intimé conservait le pouvoir discrétionnaire de décider comment la somme d'argent était versée en application de l'accord de séparation et du jugement intervenus et, partant, pouvait l'utiliser à sa discrétion.

[35] Le juge Stone a exprimé comme suit sa dissidence :

Je ne suis pas persuadé que l'ex-conjointe « pouvait [...] utiliser [la somme d'argent] à sa discrétion » à l'époque où elle lui était versée au sens de la définition du terme « allocation » au paragraphe 56(12) de la Loi de l'impôt sur le revenu puisqu'il est clair que les chèques qu'elle recevait étaient payables à un tiers et ne pouvaient être affectés à aucune autre fin, même si l'on peut dire qu'elle pouvait utiliser chaque somme de cette façon ou la retourner à l'appelant en exigeant que les chèques soient libellés à son nom conformément à l'ordonnance de la Cour et à l'accord de séparation.

Je ne suis pas convaincu que l'affaire soit visée par le paragraphe 60.1(1) de la loi, puisque ni le jugement de divorce ni l'accord de séparation ne prévoient que ces sommes doivent être versées au profit de l'ex-conjointe ou de ses enfants. Le paragraphe 60.1(2), il me semble, ne s'applique pas en raison des conditions posées à la fin de cette disposition.

J'accueillerais en conséquence la demande et j'annulerais le jugement de la Cour canadienne de l'impôt.

[36] Trois mois plus tard, la question de paiements faits à des tiers a de nouveau été portée devant la Cour d'appel fédérale, dans l'affaire Armstrong, qui a été entendue par le juge en chef Isaac et les juges Stone et Linden. Le jugement a été rendu par le juge Stone. Dans cette affaire, la cour saskatchewanaise avait ordonné au contribuable d'effectuer les paiements hypothécaires mensuels relatifs au foyer conjugal, où continuait d'habiter son épouse. En ordonnant ces paiements, la cour n'avait pas fait mention du paragraphe 60.1(2). La Cour d'appel fédérale a statué que le contribuable ne pouvait se prévaloir de la disposition déterminative figurant à la fin du paragraphe 60.1(2) et que le paragraphe 60.1(1) ne pouvait être invoqué puisque les paiements faits n'étaient pas une « allocation » au sens du paragraphe 56(12), car la conjointe ne pouvait utiliser les paiements hypothécaires à sa discrétion.

[37] Je suis évidemment lié par cet arrêt dans la mesure où sa ratio decidendi s'applique. Il s'agit d'un arrêt concernant des paiements qui étaient expressément prévus au paragraphe 60.1(2) et qui ne relevaient pas par ailleurs de l'alinéa 60b). De plus, l'ordonnance a été rendue par la cour et ne laissait apparemment à la conjointe aucun pouvoir discrétionnaire. Dans la présente espèce, les paiements sont à mon avis visés par l'alinéa 60b) et l'accord entre les conjoints ne fait que permettre à l'appelant de s'acquitter en partie de son obligation de verser le montant périodique de 1 000 $ en payant certaines factures que l'épouse aurait autrement à payer sur l'allocation de 1 000 $ par mois. Selon moi, la présente espèce ressemble beaucoup plus à l'affaire Arsenault. En l'absence d'une indication claire du contraire, je ne peux présumer que, dans l'arrêt Armstrong, la Cour d'appel fédérale entendait casser la décision qu'elle avait elle-même rendue trois mois plus tôt dans l'affaire Arsenault. En fait, la présente cause est plus forte que la cause Arsenault. Dans l'affaire Arsenault, l'époux avait unilatéralement présenté à son épouse des chèques à l'ordre d'une tierce personne alors qu'en l'espèce, les paiements ont été faits avec le consentement exprès de l'épouse.

[38] L'appel est admis, et la cotisation pour 1995 est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation de manière que soit accordée à l'appelant une déduction de 8 151,24 $ en vertu de l'alinéa 60b) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[39] L'appelant a droit à ses frais, s'il en est, conformément au tarif.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour d'octobre 1998.

« D. G. H. Bowman »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de janvier 1999.

Erich Klein, réviseur

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