Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19990629

Dossier: 98-113-IT-I

ENTRE :

GERALD GRUPP,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu en mars 1999 par feu le juge en chef Christie de notre cour. À la conclusion de l’audience, il a remis son jugement à plus tard et il est décédé avant d’avoir pu le rendre. Les parties ont accepté qu’un autre juge se prononce sur l’appel sur le fondement de la preuve soumise et des pièces déposées lors de l’audience devant le juge en chef Christie.

[2] L’appelant est un particulier qui est titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en droit de la Faculté de droit Osgoode Hall à Toronto. Il a, à l’occasion, enseigné le droit au niveau du collège communautaire, et il agit en qualité d’auxiliaire juridique. Il exerce ses activités d’auxiliaire juridique en tant qu’employé d’une compagnie appelée Persuader Court Agents Inc. (la compagnie), dont son épouse est l’unique actionnaire et administratrice. Il est employé de cette compagnie et a le titre de gérant. L’objet de cet appel est certaines sommes, s’élevant à 10 710,00 $, que Ner Israël Yeshiva (la Yeshiva) a versées en paiement des services rendus par l’appelant. Ces services consistent en des cours donnés à la Yeshiva pendant l’année 1994. La question en litige est bien précise. Il s’agit simplement de savoir si l’appelant a enseigné le cours en qualité personnelle, de sorte que la somme versée par la Yeshiva serait pour lui un revenu personnel, ou s’il a donné le cours en qualité d’employé de la compagnie, de sorte que la somme serait un revenu de la société, et l’appel serait accueilli.

[3] Persuader Court Agents Inc. a été constituée en juillet 1993, mais elle ne semble pas avoir fait beaucoup d’affaires, si elle en a fait, avant le printemps de 1994. L’appelant, entre-temps, s’est consacré quelque peu à l’enseignement, et en 1993 la Yeshiva lui a proposé de donner le cours en question. Selon sa déposition, l’école l’a pressenti personnellement. Il a témoigné comme suit :

[TRADUCTION]

Essentiellement, parce qu’il s’agissait d’un cours OAC, l’école a dû m’engager personnellement en guise d’enseignant, bien que je voulais qu’elle engage ma compagnie Persuader Court Agents Inc., qui est une compagnie oeuvrant dans le domaine parajuridique.

Plus tard au cours de son témoignage, il a dit :

[TRADUCTION]

Donc lorsque le poste a été offert, c’est à moi qu’il l’a été, Gerald Grupp, en raison de mes compétences. Toutefois, il a été exigé que j’exerce ces fonctions d’enseignement pendant les heures ouvrables de Persuader Court Agents. Ainsi donc, le revenu que je gagnais était en fait un revenu que je devais déclarer et remettre à Persuader Court Agents parce que je le gagnais pendant – au cours de ses heures ouvrables. Et il faisait partie de mes fonctions d’auxiliaire juridique de former d’autres auxiliaires juridiques, parce que je l’ai fait pour le Sheridan College.

Bref, la Yeshiva voulait engager l’appelant en sa qualité personnelle, et elle lui a fait une offre d’emploi en cette qualité. Rien dans la preuve n’indique que l’appelant et la Yeshiva ont abordé ensemble la question de savoir si le contrat de cette dernière serait conclu avec l’appelant personnellement ou avec sa compagnie, bien que l’appelant préférait apparemment cette seconde solution, pour que le revenu gagné soit celui de la compagnie.

[4] L’appelant a soutenu que puisqu’il faisait le travail requis par le cours pendant le jour alors qu’il était, selon son témoignage, employé par la compagnie, et puisqu’il utilisait les ordinateurs de la compagnie pour préparer le matériel pédagogique et les examens et pour noter ces derniers, et parce qu’il recourait aussi au personnel de la compagnie à ces fins, il doit par conséquent avoir travaillé en qualité d’employé de la compagnie, de sorte que le revenu tiré doit avoir été celui de la compagnie.

[5] La Yeshiva a payé par chèques libellés au nom de l’appelant personnellement. L’appelant a endossé les chèques en faveur de son épouse, qui les a encaissés. Ils ont été comptabilisés par un débit au compte de prêt d’actionnaire de son épouse dans les livres de la compagnie, réduisant de la sorte avec chaque chèque ce qui semble avoir été un prêt considérable qu’elle avait consenti à la compagnie lorsque celle-ci était entrée en exploitation.

[6] Le comptable de la compagnie, M. Sklar, a témoigné. Premièrement, il a expliqué qu’au cours des années subséquentes à 1994, le revenu tiré du cours en question a été traité comme un revenu de la compagnie et non pas de M. Grupp personnellement, et que Revenu Canada a accepté cela et imposé le revenu entre les mains de la compagnie. Selon le témoignage du comptable, le problème qui a donné lieu à la cotisation contestée s’est posé avec Revenu Canada pour deux raisons. Tout d’abord, la Yeshiva a envoyé une formule T4A à M. Grupp personnellement, indiquant que la somme de 10 710,00 $ en question lui avait été versée à titre de salaire. Deuxièmement, une sorte d’erreur liée à l’usage d’un programme informatique acheté pour la compagnie désignait dans les livres de la compagnie l’argent versé par la Yeshiva en 1994 comme étant les « honoraires de l’associé B » . Ceci semble être dû au manque de familiarité du commis aux écritures avec le logiciel comptable acheté par la compagnie destiné à son système informatique. Selon la déposition de M. Sklar, c’est pour ces deux raisons que Revenu Canada a conclu que le revenu en question était en réalité celui de l’appelant, et l’a imposé entre ses mains. Il a témoigné qu’au cours des années subséquentes, on a tenu compte de la formule T4A tout d’abord en déclarant le revenu sur la déclaration personnelle d’impôt sur le revenu T1 de M. Grupp laquelle, lors de sa production, était accompagnée de la formule T4A, et ensuite en l’inscrivant en qualité de déduction du revenu de M. Grupp. Voici son témoignage sur ce point :

[TRADUCTION]

Nous avons inclus la T4A dans la déclaration d’impôt personnelle et ensuite, nous avons inscrit une déduction consistant en des fonds attribués à son employeur. Ainsi, il y avait une trace de ce qui a été fait.

Les sommes versées par la Yeshiva au cours des années subséquentes à 1994 ont été déclarées à titre de revenu par la compagnie.

[7] Comme la Couronne a accepté que cette affaire soit jugée en fonction de la transcription de l'audience tenue en présence de feu le juge en chef Christie, j’ai conclu que l’avocat de la Couronne acceptait la crédibilité des témoins. Ce qui est contesté, cependant, ce sont les inférences que l’on peut tirer à juste titre des témoignages de l’appelant et de M. Sklar. Il appartient à l’appelant de repousser les hypothèses sur lesquelles le ministre a fondé sa cotisation. Ces hypothèses sont exposées au paragraphe 6 de la réponse :

6. En établissant cette cotisation à l’égard de l’appelant, le ministre a fait les hypothèses de faits suivantes :

a) au cours de l’année d’imposition 1994, l’appelant a fourni des services à Ner Israël en vertu d’un contrat de service (les « services fournis » );

b) pour la prestation des services fournis, Ner Israël a versé à l’appelant la somme de 10 710,00 $;

c) Ner Israël a rédigé et remis à l’appelant un feuillet T4A établi au montant de 10 710,00 $ payés à l’appelant;

d) Ner Israël n’a pas déduit ni versé des impôts à l’égard de la somme de 10 710,00 $ versée à l’appelant;

e) la somme de 10 710,00 $ que l’appelant a reçue de Ner Israël en 1994 constituait un revenu d’une charge ou d’un emploi.

[8] Dans la mesure où j’ai pu l’établir à partir de la transcription, la prétention de l’appelant selon laquelle le revenu en cause était celui de la compagnie et non le sien personnellement, reposait sur deux faits. L’un était que l’appelant préférait que le contrat soit conclu entre la compagnie et la Yeshiva. L’autre était qu’il a donné ses cours pendant la journée, et qu’il a utilisé certaines ressources de la compagnie pour exécuter le contrat. Il ressort toutefois clairement de son propre témoignage que le contrat lui a été offert à titre personnel, et que l’intention de la Yeshiva était de conclure le contrat avec lui et non avec la compagnie. De plus, M. Skar a témoigné que la compagnie n’a pas été exploitée avant le printemps de 1994. Cependant, ce contrat a été conclu antérieurement à septembre 1993, lorsque l’année universitaire a débuté.

[9] L’appelant n’a cité aucun témoin de la Yeshiva pour appuyer sa prétention que le contrat était conclu entre elle et la compagnie de son épouse, pas plus qu’il n’a cité sa femme à comparaître pour qu’elle témoigne à l’égard des conditions d’emploi de celui-ci auprès de la compagnie. Au cours de 1994, l’appelant a travaillé pour la compagnie sans être rémunéré d’aucune façon. Ceci étant, il serait raisonnable de conclure que ses rapports avec la compagnie lui permettraient d’exercer des occupations personnelles pendant le jour, et d’utiliser certaines ressources de la compagnie à cet effet. De tous ces faits, et en l’absence de témoignages de la Yeshiva aussi bien que de Mme Grepp, je tire l’inférence que la Yeshiva a contracté avec l’appelant, comme elle en avait l’intention, et non avec Persuader Court Agents Inc. Le revenu en cause était par conséquent celui de l’appelant et il a été régulièrement imposé comme tel. Cette conclusion, bien sûr, ne vise que 1994, l’année visée par l’appel. Les ententes contractuelles ont pu être semblables ou différente au cours des années postérieures.

[10] L’appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 29e jour de juin 1999.

« E. A. Bowie »

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de mars 2000.

Benoît Charron, réviseur

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