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Date: 19981123

Dossier: 97-2588-IT-I

ENTRE :

FRANCES J. EVANS,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Porter, C.C.I.

[1] L'appelante a reçu pour les années d'imposition 1992 et 1993 des avis de nouvelle cotisation datés du 14 mars 1996 concernant des frais de déplacement qu'elle avait déduits du revenu de l'emploi qu'elle exerçait comme psychologue scolaire pour le conseil scolaire de Calgary, soit le Calgary Board of Education ( « C.B.E. » ).

[2] L'appelante a présenté l'avis d'opposition approprié au ministre du Revenu national (le « ministre » ) le 7 juin 1996. Le 11 juin 1997, une notification de ratification de nouvelle cotisation établie par le ministre a été envoyée à l'appelante. Cette dernière interjette maintenant appel devant notre cour à l'encontre de cette nouvelle cotisation.

[3] L'appel a été entendu sous le régime de la procédure informelle, à Calgary (Alberta), le 23 septembre 1998.

[4] Le point en litige tient au fait que l'appelante a déduit de son revenu des frais afférents à un véhicule à moteur qu'elle avait engagés, soit des frais de 3 697,26 $ pour 1992 et de 5 569,12 $ pour 1993. L'appelante alléguait que, conformément à l'alinéa 8(1)h.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ), ces frais avaient été engagés aux fins de déplacements effectués dans le cadre de son emploi et qu'elle était tenue aux termes de son contrat d'emploi d'engager ces frais dans l'accomplissement de ses fonctions. En bref, son emploi l'obligeait à engager des frais pour se déplacer entre diverses écoles du district scolaire, frais dont elle était remboursée. Toutefois, elle ne recevait aucun remboursement pour les déplacements entre sa résidence et la première et la dernière des écoles où elle se rendait au cours d'une journée. C'est à l'égard de ces derniers déplacements qu'elle réclame une déduction.

[5] Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation compte tenu de ce qui suit :

[TRADUCTION]

« vous avez reçu une allocation de 274,09 $ et de 465,24 $ pour 1992 et 1993 respectivement à l'égard de frais afférents à un véhicule à moteur que vous avez engagés pour vous déplacer aux fins de votre travail. En vertu du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1), cette allocation n'a pas été incluse dans votre revenu. Ainsi, en vertu de l'alinéa 8(1)h.1), vous ne pouvez déduire de votre revenu les montants de 3 869,26 $ et de 5 714,12 $ pour 1992 et 1993 respectivement. En outre, le paragraphe 8(2) ne permet pas de déduire ces montants dans le calcul de votre revenu tiré d'une charge ou d'un emploi. »

Les faits

[6] Dans sa réponse à l'avis d'appel, l'avocate du ministre disait ce qui suit :

[TRADUCTION]

« 2. Il admet :

a) que l'appelante exerce un emploi comme psychologue pour le conseil scolaire de Calgary, soit le Calgary Board of Education (l' « employeur » );

b) que l'appelante est tenue d'utiliser un véhicule à moteur dans l'accomplissement de ses fonctions;

c) que, conformément à ses fonctions, l'appelante est tenue de se rendre dans 20 à 30 écoles, par rotation, sur une base irrégulière;

d) que l'appelante ne reçoit aucun remboursement pour les déplacements entre sa résidence et le lieu de l'emploi qu'elle exerce pour l'employeur;

e) que, dans le calcul de ses frais afférents à un véhicule à moteur pour 1992 et 1993, l'appelante a déduit l'allocation reçue de l'employeur,

comme l'indique l'avis d'appel.

3. Dans le calcul de son revenu pour les années d'imposition 1992 et 1993, l'appelante a indiqué comme frais relatifs à un emploi, entre autres, des frais afférents à un véhicule à moteur de 3 697,26 $ pour 1992 et de 5 569,12 $ pour 1993, soit :

1992

ÉLÉMENT

MONTANT

Carburant et huile

988,21 $

Entretien et réparations

718,43 $

Assurances

1 431,00 $

Permis et immatriculation

58,00 $

Déduction pour amortissement

3 129,11 $

Total partiel

6 324,75 $

Moins : usage personnel

(8 000 km/21 500 km x 6 324,75 $) =

2 353,40 $

Total partiel

3 971,35 $

Moins : allocation non imposable

274,09 $

Frais afférents à un véhicule

à moteur admissibles

3 697,26 $

1993

ÉLÉMENT

MONTANT

Carburant et huile

874,00 $

Entretien et réparations

1 942,79 $

Assurances

1 815,00 $

Permis et immatriculation

106,00 $

Déduction pour amortissement

5 319,48 $

Total partiel

10 057,27 $

Moins : usage personnel

(10 600 km/26 500 km x 19 057,27 $) =

4 022,91 $   

Total partiel

6 034,36 $

Moins : allocation non imposable

465,24 $

Frais afférents à un véhicule

à moteur admissibles

5 569,12 $

4. Les premiers avis de cotisation pour les années d'imposition 1992 et 1993 ont été expédiés par la poste à l'appelante le 28 avril 1993 et le 9 mai 1994 respectivement et portaient ces dates-là.

5. Dans la nouvelle cotisation qu'il a établie à l'égard de l'appelante pour les années d'imposition 1992 et 1993, le ministre du Revenu national (le « ministre » ) a, entre autres choses, refusé la demande de déduction de frais afférents à un véhicule à moteur pour chaque année.

6. Dans cette nouvelle cotisation établie à l'égard de l'appelante, le ministre se fondait sur les hypothèses de fait suivantes :

a) les faits admis ci-devant;

b) durant toute la période pertinente, l'appelante travaillait comme psychologue pour l'employeur;

c) l'appelante a parcouru au plus 978 kilomètres en 1992 et 1 661 kilomètres en 1993 dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi qu'elle exerçait pour l'employeur;

d) l'appelante recevait chaque année de son employeur une allocation raisonnable de 0,28 $ le kilomètre à l'égard de l'utilisation d'un véhicule à moteur pour se déplacer dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi;

e) l'allocation qui est mentionnée à l'alinéa 6d) ci-dessus et que l'appelante a reçue chaque année n'a pas été incluse dans le calcul du revenu de l'appelante pour les années d'imposition 1992 et 1993, et ce, par l'effet de l'alinéa 6(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » );

f) l'appelante n'était pas tenue aux termes du contrat relatif à l'emploi qu'elle exerçait pour l'employeur d'acquitter des frais afférents à un véhicule à moteur;

g) la déduction indiquée par l'appelante au titre de frais afférents à un véhicule à moteur comprend les frais engagés pour les déplacements entre la résidence de l'appelante et le lieu de l'emploi qu'elle exerce pour l'employeur et, à cet égard, les kilomètres que l'appelante a indiqués comme correspondant à des frais engagés aux fins de son emploi et qui sont en sus des kilomètres à l'égard desquels elle a reçu une allocation se rapportaient aux déplacements entre sa résidence et son lieu d'emploi;

h) les déplacements entre la résidence de l'appelante et le lieu de l'emploi exercé pour l'employeur sont des déplacements de nature personnelle.

9. Il soutient que l'appelante n'est pas en droit de déduire des frais afférents à un véhicule à moteur pour les années d'imposition 1992 et 1993, car :

a) l'appelante n'était pas tenue aux termes de son contrat d'emploi d'acquitter des frais afférents à un véhicule à moteur;

b) l'appelante a reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l'effet de l'alinéa 6(1)b) de la Loi, n'a pas été incluse dans le calcul de son revenu pour chaque année,

au sens de l'alinéa 8(1)h.1) de la Loi, et l'appelante ne peut donc, en vertu du paragraphe 8(2) de la Loi, déduire de son revenu d'emploi les frais qu'elle a indiqués.

10. Il soutient en outre que les déplacements entre la résidence de l'appelante et le lieu de l'emploi exercé pour l'employeur sont des déplacements personnels et que l'appelante n'a donc pas droit à une déduction à l'égard de ces déplacements en vertu de l'alinéa 8(1)h.1) et au paragraphe 8(2) de la Loi. »

[7] L'appelante admet la plupart des paragraphes précités, mais elle nie expressément les alinéas 6c), f), g) et h).

[8] L'appelante a témoigné au sujet de sa situation. Elle était psychologue scolaire durant les années en question, travaillant à temps plein, comme salariée, pour le Calgary Board of Education (conseil scolaire de Calgary). Elle était chargée d'évaluations psychologiques, de tests et de services d'orientation et d'assistance pour les élèves des diverses écoles du district scolaire. L'appelante faisait partie d'une équipe de huit personnes.

[9] Pour l'accomplissement de ses fonctions d'ordre administratif, il y avait des locaux à sa disposition à un bureau administratif central, à Parkdale, mais, dans l'ensemble, elle y passait très peu de temps, car les locaux étaient petits et bondés, et il lui fallait partager l'espace avec d'autres membres du personnel. Ce n'était pas propice à son travail, et cet endroit n'était pas proche des écoles où elle était en général; il n'était donc pas nécessaire qu'elle aille régulièrement à cet endroit.

[10] Pour l'essentiel, dans le cadre de ses fonctions quotidiennes, elle devait partir de sa résidence, située dans le nord-ouest de Calgary, et se rendre directement à son premier rendez-vous, c'est-à-dire à une école du district scolaire. Elle y accomplissait son travail, puis, tout au long de sa journée, se rendait dans d'autres écoles; à la fin de la journée, elle partait de la dernière école et se rendait directement chez elle. Souvent, elle devait être à une école avant les heures scolaires normales et, après les heures scolaires normales, elle devait attendre en vue d'avoir des entretiens avec des parents et des enseignants.

[11] La politique du C.B.E. était de rembourser l'appelante à l'égard des déplacements entre la première école où elle allait dans la journée et les diverses autres écoles du district où elle se rendait, y compris la dernière école de la journée. Il n'y a aucun différend quant au fait qu'il s'agissait d'une allocation raisonnable à l'égard de cette partie des déplacements et que cette allocation n'était pas imposable en vertu de l'alinéa 6(1)b) de la Loi. Cependant, l'appelante ne recevait aucun remboursement pour les déplacements entre sa résidence et la première école de la journée et pour les déplacements entre la dernière école de la journée et sa résidence. Que la première école de la journée et la dernière aient été plus proches ou plus loin de sa résidence que le bureau administratif, cela ne faisait aucune différence. Elles auraient pu être juste à côté de chez elle ou de l'autre côté de la ville.

[12] En outre, l'appelante a déclaré dans son témoignage que, tout au long de l'année scolaire, le coffre de sa voiture était rempli de gros porte-documents et de caisses contenant des papiers, évaluations et formulaires d'évaluation concernant ses fonctions professionnelles. Elle a déposé des photos qui montrent que le coffre de sa voiture était ainsi rempli et qu'il n'y avait pas de place pour des articles personnels. L'appelante a déclaré que ces choses restaient là en permanence tout au long de l'année scolaire, car elles étaient trop lourdes pour qu'elle les charge et les décharge quotidiennement. Elle reconstituait simplement les stocks à mesure qu'ils diminuaient. L'aspect secondaire de sa demande de déduction tenait donc au fait qu'il était nécessaire d'avoir une voiture pour transporter ces papiers et autres documents quotidiennement dans le cadre de son emploi, y compris pour les apporter de chez elle et les rapporter chez elle.

[13] La crédibilité n'était pas un problème, et je n'ai aucune hésitation à accepter le témoignage de l'appelante quant à la façon dont elle accomplissait ses fonctions. C'est l'implication de ce qu'elle faisait qui est en cause. L'avocate du ministre concédait que le caractère raisonnable des sommes déduites n'était pas en cause.

[14] Je n'ai aucun mal à conclure que l'appelante était tenue d'accomplir ses fonctions ailleurs qu'au lieu même de l'entreprise de l'employeur ou à différents endroits. La première question est de savoir si les frais qu'elle engageait quotidiennement pour se déplacer entre sa résidence et la première école de la journée et pour revenir de la dernière école à sa résidence étaient des frais qu'elle était tenue, aux termes de son contrat d'emploi, d'engager dans l'accomplissement des fonctions de son emploi ou s'il s'agissait de frais de nature personnelle. Si cela entrait dans le cadre des fonctions de son emploi, la deuxième question est de savoir si l’alinéa 8(1)h.1) de la Loi empêchait l'appelante de déduire ces frais à cause de l'exception prévue au sous-alinéa (i), parce qu'elle avait reçu de son employeur pour les déplacements entre les écoles une allocation non imposable en vertu de l'alinéa 6(1)b) de la Loi.

[15] Bien que le ministre concède que l'appelante était tenue d'utiliser son véhicule automobile dans l'accomplissement de ses fonctions, que ces fonctions exigeaient qu'elle se rende dans vingt à trente écoles, par rotation, sur une base irrégulière, et qu'elle était remboursée par son employeur seulement pour les déplacements entre les écoles, le ministre nie expressément que les frais relatifs aux déplacements entre la résidence de l'appelante et la première et la dernière des écoles de la journée étaient des frais que l'appelante était tenue d'acquitter aux termes de son contrat d'emploi. Il soutient que ces frais étaient de nature personnelle et qu'ils n'étaient donc pas déductibles du revenu d'emploi de l'appelante.

[16] Enfin, je mentionne le fait que j'ai reçu en preuve une lettre de M. Don Andrews, directeur des services scolaires aux élèves et aux parents au C.B.E. Bien que cette lettre soit datée du 24 février 1997, la preuve indiquait qu'elle s'appliquait également aux années en question. La lettre confirmait les fonctions et les responsabilités des psychologues scolaires en général. Elle se terminait comme suit :

[TRADUCTION]

« [...] Le volume et le poids des dossiers et des documents relatifs aux tests nécessitent l'utilisation d'un véhicule automobile.

En résumé, les psychologues scolaires travaillant pour le Calgary Board of Education doivent avoir à leur disposition un véhicule automobile personnel pour entreprendre et mener à bien leurs affectations conformément à leur description de poste. »

Je n'ai aucune raison de ne pas accepter cet élément de preuve, et je l'accepte bel et bien.

Le droit

[17] Les passages pertinents du paragraphe 8(1) de la Loi se lisent comme suit :

« Éléments déductibles.

(1) Lors du calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, peuvent être déduits ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qui peut raisonnablement être considérée comme s'y rapportant :

[...]

h.1) Frais afférents à un véhicule à moteur. — dans le cas où le contribuable, au cours de l'année, a été, d'une manière habituelle, tenu d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu même de l'entreprise de son employeur ou à différents endroits et a été tenu, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter les frais afférents à un véhicule à moteur qu'il a engagés dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi, les sommes qu'il a dépensées au cours de l'année au titre des frais afférents à un véhicule à moteur pour se déplacer dans l'exercice des fonctions de son emploi, sauf s'il a, selon le cas :

(i) reçu une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui, par l'effet de l'alinéa 6(1)b), n'est pas incluse dans le calcul de son revenu pour l'année,

[...] »

[18] Les passages pertinents du paragraphe 6(1) se lisent comme suit :

« 6. Éléments à inclure à titre de revenu tiré d'une charge ou d'un emploi.

(1) Doivent être inclus dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi, ceux des éléments appropriés suivants :

[...]

b) Frais personnels ou de subsistance. — toutes les sommes qu'il a reçues dans l'année à titre d'allocations pour frais personnels ou de subsistance ou à titre d'allocations pour toute autre fin, sauf

[...]

(vii.1) les allocations raisonnables pour l'usage d'un véhicule à moteur qu'un employé — dont l'emploi n'est pas relié à la vente de biens ou à la négociation de contrats pour son employeur — a reçues de son employeur pour voyager dans l'accomplissement des fonctions de sa charge ou de son emploi,

[...] »

[19] Le ministre avait fait mention du paragraphe 18(1) dans la réponse à l'avis d'appel. Cependant, comme l'avocate du ministre a concédé que le caractère raisonnable n'était pas un problème, je n'ai pas à examiner cela davantage; de même en est-il de l'article 7306 du Règlement.

[20] J'ai notamment examiné les causes suivantes concernant la question :

Rozen v. The Queen, 1986 1 C.T.C. 50, 85 DTC 5611

Hoedel v. The Queen, 1986 2 C.T.C. 419, 86 DTC 6535

The Queen v. Mina and Jacobi, 1988 1 C.T.C. 380

[21] Le ministre fait valoir que l'allocation versée à l'appelante par son employeur pour les déplacements entre les écoles et indiquée par l'appelante comme une allocation non imposable en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1) de la Loi empêche en soi l'appelante de déduire tous autres frais afférents à un véhicule à moteur en vertu de l'alinéa 8(1)h.1) relativement à cet emploi. En toute déférence, j'estime que la Loi ne va pas aussi loin.

[22] Il est clair que, si un contribuable parcourt 1 000 kilomètres dans le cadre de son emploi et reçoit une allocation de 25 cents le kilomètre, disons, soit une allocation non incluse dans le revenu par l'effet de l'alinéa 6(1)b), ce contribuable ne peut ensuite alléguer que cette allocation est insuffisante à l'égard des mêmes déplacements et qu'il devrait avoir le droit de déduire des frais supplémentaires relativement à ces déplacements, à moins que cela n'entre dans la catégorie de l'indemnité [TRADUCTION] « nettement insuffisante » mentionnée dans l'affaire Mina, précitée. L'exception prévue au sous-alinéa 8(1)h.1)(i) empêche nettement cela.

[23] Toutefois, l'argument du ministre selon lequel une telle allocation empêche de déduire des frais relatifs à des déplacements différents non couverts par cette allocation pourrait donner lieu à des résultats absurdes, et il est clair que cela n'est pas prévu dans la législation ni appuyé par la jurisprudence sur cette question. Disons, par exemple, que le contribuable était tenu dans le cadre de son emploi de parcourir avec son propre véhicule environ 40 000 kilomètres par année et que, pour quelque raison, il était remboursé par son employeur seulement pour 100 des 40 000 kilomètres. Pourrait-on dire que cette allocation empêche de déduire du revenu d'emploi les frais de déplacement relatifs aux 39 900 kilomètres restants? Ce serait un résultat absurde, qui n'a pas lieu d'être. L'allocation pourrait être parfaitement raisonnable concernant les déplacements à l'égard desquels elle était versée, mais elle ne devrait avoir aucune incidence sur les déplacements à l'égard desquels elle n'était pas versée.

[24] On a traité du même principe dans l'affaire Rozen, précitée, à savoir que, si un contribuable est tenu d'utiliser son véhicule aux fins de son emploi, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur d’une ville, et qu'il n'est toutefois remboursé que pour les déplacements hors de la ville, par une allocation non imposable en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1), ce contribuable conserve le droit de déduire de son revenu d'emploi les frais relatifs aux déplacements effectués à l'intérieur de la ville, pourvu que cela réponde à tous les autres critères pertinents.

[25] À mon avis, l'article est tout à fait sensé si on l'interprète comme indiquant que, si un contribuable reçoit une allocation pour frais afférents à un véhicule à moteur qui n'est pas incluse dans son revenu imposable par l'effet de l'alinéa 6(1)b), ce contribuable ne peut indiquer d'autres sommes à l'égard de frais afférents à un véhicule à moteur engagés à l'égard des mêmes déplacements (à moins que cela n'entre dans la catégorie de l'indemnité [TRADUCTION] « nettement insuffisante » mentionnée dans l'affaire Mina, précitée), même si les frais effectifs étaient supérieurs à l'allocation relative à ces déplacements. Cependant, si ce contribuable engage des frais pour des déplacements autres que ceux qui sont couverts par l'allocation, et ce, dans l'accomplissement de ses fonctions aux termes du contrat d'emploi, explicite ou implicite, l'existence de cette allocation n'empêche pas de déduire ces autres frais du revenu d'emploi en vertu de l'alinéa 8(1)h.1). En bref, l'exception prévue au sous-alinéa 8(1)h.1)(i) ne se rapporte qu'aux frais relatifs aux déplacements pour lesquels l'allocation a été versée et n'empêche pas de déduire des frais relatifs à des déplacements pour lesquels l'allocation n'a pas été versée.

[26] Je suis appuyé dans cette approche par les propos que le juge Strayer tenait dans l'affaire Rozen, précitée, à la page 52 :

« Le fait qu'il y ait eu remboursement, fondé sur une indemnité kilométrique fixée par l'employeur, pour l'utilisation de l'automobile à l'extérieur de la ville, n'empêche pas le contribuable de déduire ce genre de dépenses en vertu du sous-alinéa 8(1)h)(ii): voir Faubert c. M.R.N. [1979] C.T.C. 2723 (C.R.I.); Cival c. La Reine (1981) 81 D.T.C. 5311, aux pages 5316 et 5317 (C.F.D.P.I.) (décision infirmée pour d'autres motifs par la Cour d'appel fédérale (1983) 83 D.T.C. 5168). [...] »

Un peu plus loin dans le même jugement, il disait :

« Je crois également que le sous-alinéa 8(1)h)(ii) peut recevoir une interprétation plus large. Même si le demandeur n'était pas tenu expressément d'utiliser son automobile, il lui fallait payer les frais de déplacement nécessaires pour accomplir ses fonctions, et ceci lui permettrait d'invoquer le sous-alinéa. La preuve a clairement fait ressortir que pour faire son travail, le demandeur devait se rendre aux bureaux de plusieurs clients. Aucune disposition ne prévoyait le remboursement des frais de déplacement pour se rendre à ces bureaux, sauf s'il s'agissait de bureaux situés à l'extérieur de Vancouver, où l'on accordait à tout le moins une indemnité kilométrique. Si un employé est tenu de se déplacer pour se rendre à son travail, et que son employeur n'est pas prêt à lui verser le montant exact et total du transport, alors cet employé répond aux exigences du sous-alinéa 8(1)h)(ii). La Cour d'appel fédérale n'avait pas été saisie de cette question dans l'affaire Cival. En se fondant sur cette prémisse, il n'est pas réellement essentiel de déterminer si le demandeur était ou non tenu d'utiliser son automobile: il lui fallait se rendre, avec ses dossiers, aux bureaux des clients de l'entreprise, et il n'existait aucune disposition, du moins dans les circonstances pertinentes à l'espèce, prévoyant que l'employeur s'engageait à payer la totalité des frais de déplacement. »

[27] Le jugement Rozen a été cité avec approbation par le juge en chef adjoint Jerome dans l'affaire Mina, précitée, à la page 385 :

« [...] Je souscris aux remarques du juge Strayer dans l'affaire Rozen où il a dit que si un employé est tenu de se déplacer pour se rendre à son travail et que son employeur n'est pas prêt à lui verser le montant exact et total du transport, cet employé répond alors aux exigences du sous-alinéa 8(1)h)(ii). Il reste à déterminer si les frais raisonnables engagés dans la présente affaire étaient couverts par l'indemnité de kilométrage. Si tel n'est pas le cas, ils peuvent être déduits conformément à l'alinéa 8(1)h). »

[28] Certes, il est clair qu'un contribuable ne peut normalement déduire de son revenu d'emploi les frais engagés pour se déplacer entre sa résidence et le lieu de l'entreprise de son employeur, même s'il n'est pas peu fréquent qu'il apporte du travail chez lui, car ces frais sont généralement considérés comme des frais personnels, mais la question qui se pose dans la présente espèce est de savoir si les frais des déplacements entre la résidence et la première et la dernière des écoles où se rendait l'appelante étaient des frais que l'appelante pouvait déduire en vertu de l'alinéa 8(1)h.1). Pour pouvoir déduire ces frais, l'appelante doit démontrer :

a) qu'elle était, d'une manière habituelle, tenue d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu même de l'entreprise de son employeur ou à différents endroits;

b) qu'elle était tenue, aux termes de son contrat d'emploi, d'acquitter des frais afférents à un véhicule à moteur;

c) que ces frais ont été engagés dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi.

[29] Il ressort clairement des jugements Rozen et Mina, précités, qu'il peut s'agir d'une disposition explicite ou implicite du contrat. Si l'employeur s'attend que l'employé utilise un véhicule personnel ou s'il est clair que l'employé ne pourrait accomplir le travail adéquatement sans utiliser sa voiture, il s'agit d'une disposition implicite du contrat.

[30] La question de savoir si les déplacements en cause étaient effectués dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi me semble une question de fait.

[31] Dans l'examen de cette question de fait, il semble pertinent d'examiner la décision rendue par la Cour d'appel fédérale dans l'affaire Hoedel, précitée. Cette affaire a également été examinée, favorablement, par le juge en chef adjoint Jerome dans l'affaire Mina, précitée, où il la résumait comme suit :

« [...] le contribuable faisait partie de la Division canine du service de police de la ville de Regina. Il était tenu, en vertu de son emploi, de garder son chien avec lui lorsqu'il n'était pas de service et il a tenté de déduire les frais de transport aller-retour du chien jusqu'à son domicile. Il a reçu du service une indemnité pour les dépenses liées aux soins du chien, mais celle-ci ne couvrait pas les frais de transport. La Cour a permis la déduction, même si elle a conclu que l'inobservation de la condition obligeant le contribuable à garder le chien avec lui en tout temps n'entraînerait pas nécessairement l'imposition de mesures disciplinaires. Il suffisait que cela entraîne une évaluation négative du travail du contribuable pour en faire une fonction de son emploi, et c'est pourquoi la Cour a statué que les dépenses engagées pour transporter le chien étaient visées par l'alinéa 8(1)h). »

J'estime que c'est un jugement important pour déterminer l’incidence qu’a sur la situation le fait, pour l'appelante, de transporter en permanence des papiers et autres documents volumineux dans le coffre de sa voiture, pour peu que cela ait une incidence.

Conclusion

[32] Premièrement, je ne suis pas d'avis qu'une allocation raisonnable versée par un employeur à un employé pour des déplacements effectués dans le cadre de l'emploi empêche nécessairement cet employé de déduire de son revenu d'emploi des frais d'automobile engagés dans le cadre de l'emploi et devant être engagés en vertu de dispositions du contrat d'emploi explicites ou implicites, si ces frais se rapportent à des déplacements autres que ceux qui sont couverts par l'allocation. La Cour pourrait à tout le moins statuer que l'allocation n'était pas raisonnable à l'égard de ces derniers déplacements. Je ne pense toutefois pas qu'il soit nécessaire de suivre cette voie, car il me semble ressortir clairement du libellé de la Loi qu'une allocation (si elle est raisonnable) n'est qu'un empêchement à la déduction de frais relatifs aux mêmes déplacements que ceux à l'égard desquels elle est versée. Si le législateur avait voulu qu'il en soit autrement, il aurait su le dire bien clairement. À mon avis, vu les termes employés, il ne l'a pas fait. Même cet empêchement est assujetti au principe de la catégorie de l'indemnité [TRADUCTION] « nettement insuffisante » mentionnée dans l'affaire Mina, précitée. L'argument contraire du ministre n'est pas fondé en droit. Le fait que l'appelante a reçu une allocation du C.B.E. pour les déplacements entre les écoles n'empêche pas en soi qu'elle déduise des frais engagés pour d'autres déplacements, pourvu que cela réponde à tous les autres critères pertinents.

[33] Deuxièmement, il est clair que l'appelante était, d'une manière habituelle, tenue d'accomplir les fonctions de son emploi ailleurs qu'au lieu même de l'entreprise de son employeur — soit le bureau administratif de Parkdale, dirais-je — ou à différents endroits.

[34] Troisièmement, je suis d'avis que l'appelante était tenue en vertu de son contrat d'emploi avec le conseil scolaire, sinon de façon explicite, assurément de façon implicite, d'acquitter les frais d'automobile engagés dans l'accomplissement des fonctions de son emploi. À mon sens, il ressort clairement du témoignage de l'appelante, qui est étayé par la lettre du représentant du conseil scolaire, que l'on s'attendait que l'appelante ait une voiture à sa disposition pour se rendre d'une école à l'autre avec tous les documents qu'il lui fallait pour accomplir son travail professionnel. On ne s'attendait pas qu'elle aille à son bureau administratif chaque jour. Cela aurait été une perte totale de temps et d'énergie. En outre, cela aurait entravé son travail consistant à s'entretenir avec des personnes avant et après les heures scolaires normales.

[35] Dans la mesure où l'appelante devait se rendre à des écoles ou revenir d'écoles situées plus loin que le bureau administratif de Parkdale, il semblerait manifestement injuste qu'elle ne puisse, pour cette distance supplémentaire, soit obtenir du conseil scolaire une allocation non imposable en vertu du sous-alinéa 6(1)b)(vii.1), soit déduire ces frais de son revenu d'emploi en vertu de l'alinéa 8)(1)h.1). Il s'agissait nettement de frais engagés dans l'accomplissement de ses fonctions, et le simple fait qu'elle ne se rendait pas d'abord au bureau administratif ne doit pas signifier qu'elle n'est pas en droit de réclamer ces frais.

[36] Si l'appelante devait simplement se transporter elle-même entre sa résidence et les diverses écoles où elle commençait et finissait ses journées, il me semblerait que ses frais de déplacement se limiteraient à juste titre au coût de tels déplacements, moins le montant qu'elle aurait dépensé pour se rendre quotidiennement au centre administratif et en revenir. Normalement, le coût de ses déplacements entre sa résidence et le centre administratif serait assimilé à des frais de nature personnelle. Ce ne serait que l'excédent qu'elle pourrait à bon droit réclamer. Par exemple, si elle parcourait en un jour 20 kilomètres pour se rendre à la première école, 30 kilomètres pour se rendre aux autres écoles et 15 kilomètres pour se rendre de la dernière école à sa résidence et que la distance entre sa résidence et le centre administratif était de 10 kilomètres, disons, elle pourrait réclamer le total des 20 kilomètres et des 15 kilomètres, soit 35 kilomètres (le total entre la première et la dernière des écoles et sa résidence), moins les 20 kilomètres qu'elle aurait normalement parcouru pour aller au travail si elle s'était d'abord rendue au centre administratif. Ainsi, elle pourrait déduire de son revenu d'emploi les frais relatifs à 15 kilomètres pour cette journée-là et serait évidemment remboursée par l'employeur à l'égard des 30 kilomètres parcourus entre les diverses écoles.

[37] Cependant, il me semble qu'il y a un autre aspect à ce cas particulier, soit le fait que l'appelante devait transporter une quantité volumineuse de papiers et autres documents jusqu'à ses divers lieux de travail, ce qui exigeait l'utilisation exclusive du coffre de la voiture en permanence tout au long de l'année scolaire. À mon avis, l'appelante n'avait d'autre choix dans le cadre de ses fonctions que de transporter ces documents, aller et retour, entre sa résidence et la première et la dernière des écoles où elle se rendait quotidiennement. Je n'ai aucune hésitation à conclure qu'il était implicite dans son contrat d'emploi non seulement qu'elle devait avoir une voiture à sa disposition pour se transporter elle-même, mais aussi qu'il lui fallait tous ces documents à portée de la main pour l'accomplissement de ses fonctions. Concrètement, elle ne pouvait faire autrement que partir de chez elle avec ces documents et revenir chez elle avec ces documents. Du point de vue du principe, la situation ne me semble aucunement différente de celle qui était en cause dans l'affaire Hoedel, précitée, dans laquelle l'agent de police devait transporter son chien policier aller et retour. Tout comme dans cette affaire-là, l'appelante dans la présente espèce était tenue de garder les documents en question avec elle tout le temps et de les avoir à sa disposition à chacune de ses affectations, y compris la première de la journée. La preuve indiquait clairement qu'elle ne pouvait transporter ces documents d'une autre façon et qu'elle ne pouvait non plus, physiquement, les charger et les décharger quotidiennement.

[38] Donc, je conclus que le coût du transport des documents par voiture, aller et retour, au début et à la fin de chaque journée, représentait une dépense nécessaire engagée dans l'accomplissement des fonctions de l'appelante. Il s'agissait d'une exigence continuelle et de frais continuels. Ainsi, à mon avis, l'appelante ne doit pas être tenue de réduire sa déduction d'un montant équivalant au coût du transport à destination et en provenance du centre administratif, ce qui aurait été le cas en l'absence de cette responsabilité supplémentaire.

[39] Pour ces motifs, je conclus que les frais engagés par l'appelante pour les déplacements entre sa résidence et la première et la dernière des écoles où elle se rendait quotidiennement n'étaient pas des frais personnels comme le prétendait le ministre. L'appelante était tenue aux termes de son contrat d'emploi d'acquitter des frais afférents à un véhicule à moteur pour ces déplacements, soit des frais engagés dans l'accomplissement des fonctions de son emploi et payés par elle pour se déplacer dans le cadre de son emploi. Ces frais n'entraient pas dans le cadre de l'exception prévue au sous-alinéa 8(1)h.1)(i) de la Loi. C'était à mon avis des frais qu'elle était en droit de déduire de son revenu d'emploi conformément à l'alinéa 8(1)h.1) de la Loi.

[40] En conséquence, l'appel est admis, et la nouvelle cotisation est annulée.

Signé à Calgary (Alberta) ce 23e jour de novembre 1998.

« M. H. Porter »

J.S.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 14e jour de juillet 1999.

Mario Lagacé, réviseur

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