Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980126

Dossier: 97-472-IT-I

ENTRE :

GUYLAINE GAGNÉ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge G. Tremblay, C.C.I.

Point en litige

[1] Selon l’avis d’appel et la réponse à l’avis d’appel, il s’agit de savoir si le Ministre a correctement conclu que l’appelante et son ex-conjoint Florent Lemieux ont été, chacun pendant un nombre égal de mois pendant l’année de base 1994, le parent qui assumait principalement le soin et l’éducation de leurs fils Guillaume et Manuel conformément aux articles 122.6 à 122.64 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi). C’est devant l’impossibilité d’une entente entre les parents que l’intimée a pris cette décision.

[2] Les deux parents auraient pris soin de leurs enfants pendant la période de juillet 1995 à juin 1996. L’appelante soutient que durant ladite période, elle a assumé seule toutes les dépenses des enfants tant au niveau scolaire que pour les loisirs, assurances, vêtements, etc. L’intimée réclame de l’appelante la somme de 329,42 $.

Fardeau de la preuve

[3] L'appelante a le fardeau de démontrer que la détermination de la prestation fiscale pour enfants par l'intimée est mal fondée. Ce fardeau de la preuve découle de plusieurs décisions judiciaires dont un jugement de la Cour suprême du Canada rendu dans l'affaire Johnston c. le ministre du Revenu national[1].

[4] Dans le même jugement, la Cour a décidé que les faits assumés par l'intimée pour appuyer sa décision sont également présumés vrais jusqu'à preuve du contraire. Dans la présente cause, les faits présumés par l'intimée sont décrits au paragraphe 6 de la Réponse à l'avis d'appel qui se lit comme suit :

6. Pour établir l'avis de prestation fiscale pour enfants daté du 20 août 1996, à l’égard de l’année de base 1994, le ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

- au cours de la période en litige, l’appelante vivait séparée de son ex-conjoint, monsieur Florent Lemieux; [admis]

- l’appelante et monsieur Florent Lemieux sont les parents de Guillaume et Manuel, nés respectivement le 27 septembre 1983 et le 27 juillet 1987; [admis]

- l’appelante et son ex-conjoint avaient la garde partagée de leurs deux fils; [admis]

- la responsabilité pour le soin et l’éducation des deux fils fut assumée par les deux parents pendant la période du mois de juillet 1995 au mois de juin 1996; [nié]

- devant l’impossibilité d’une entente entre les parents, le ministre, à l’égard de l’appelante, révisa à néant pour les mois d’avril 1996, mai 1996 et juin 1996, les prestations fiscales pour enfants, de façon à ce que ces dernières pour l’année de base 1994, soient accordées pendant un nombre égal de mois entre l’appelante et monsieur Florent Lemieux :

Mois Appelante Florent Lemieux

juillet 1995 x

août 1995 x

septembre 1995 x

octobre 1995 x

novembre 1995 x

décembre 1995 x

janvier 1996 x

février 1996 x

mars 1996 x

avril 1996 x

mai 1996 x

juin 1996 x

- une somme de 329,42 $ fut calculée comme paiement reçu en trop, par l’appelante, au titre de prestation fiscale pour enfants.

Faits mis en preuve

[5] Suite aux admissions ci-dessus, la preuve a été complétée par les témoignages de l’appelante et de madame Muguette Nadeau, agent des appels de l’intimée..

[6] Les faits allégués dans l’avis d’appel de l’appelante résument bien en substance son témoignage :

Montmagny le 13 février 1997

Revenu Canada

Centre fiscal.

À qui de droit,

Je conteste votre décision concernant la prestation fiscale enfant pour l’année 1994 car pour cette période soit de juillet 95 à janvier 96, j’ai complètement assumé seule toutes les dépenses des enfants tant au niveau scolaire, loisirs, assurances, vêtements, etc... prévoyant une valise comprenant le nécessaire pour la semaine de garde chez mon ex-conjoint.

Curieusement, lorsqu’il a reçu les allocations seul de janvier à mars 96, plus question de valise : 2 poids, 2 mesures. Il prend l’argent mais n’assume pas. J’ai dû acheter des espadrilles au petit pendant cette période car franchement ... il faisait pitié. Elles étaient complètement désemellées.

Lorsqu’on m’a rendu les allocations en mars, j’ai partagé les dépenses avec le calcul que vous trouverez ci-joint. Vous constaterez qu’il a déjà reçu la moitié de ce qu’il me réclame encore à 100 %. C’est trop. J’ajoute que ce calcul est minime par rapport à ce qu’il m’en a coûté (facture à l’appui) mais je ne voulais pas le faire « capoter » . Bref, j’assume encore tous les loisirs tels patins à roulettes, skates, planches à neige, ce qui constitue le quotidien des enfants tant chez moi que chez lui sans jamais rien lui réclamer.

En outre, depuis qu’il reçoit la moitié de la prestation, il ne m’a jamais remboursé la portion d’assurance-vie pas plus que l’assurance médicament et dentaire. Guillaume, dont il reçoit la prestation, a perdu son manteau alors qu’il était sous sa responsabilité. Qui a dû lui en racheter un autre? Ses espadrilles étaient complètement ruinées. Qui en a racheté? Et les tuques, les mitaines? C’est toujours à moi à voir à ça. J’en ai marre mais si je ne le fais pas, qui le fera??? Et surtout, qui en subira les conséquences??? Toujours les enfants. Je trouve très injuste cet état de fait et les enfants confirmeront mes dires si nécessaire. Guillaume n’était vraiment pas content d’avoir été « choisi » sous la responsabilité de son père... il criait aussi à l’injustice.

...

[7] Au cours de son témoignage, madame Muguette Nadeau, agent des appels, soutient avoir pris sa décision conformément aux critères fixés à l’article 6302 du Règlement de l’impôt sur le revenu (le Règlement) qui se lit comme suit :

6302. Pour l’application de l’alinéa h) de la définition de « particulier admissible » à l’article 122.6 de la Loi, les critères suivants servent à déterminer en quoi consistent le soin et l’éducation d’une personne à charge admissible :

a) le fait de surveiller les activités quotidiennes de la personne à charge admissible et de voir à ses besoins quotidiens;

b) le maintien d’un milieu sécuritaire là où elle réside;

c) l’obtention de soins médicaux pour elle à intervalles réguliers et en cas de besoin, ainsi que son transport aux endroits où ces soins sont offerts;

d) l’organisation pour elle d’activités éducatives, récréatives, athlétiques ou semblables, sa participation à de telles activités et son transport à cette fin;

e) le fait de subvenir à ses besoins lorsqu’elle est malade ou a besoin de l’assistance d’une autre personne;

f) le fait de veiller à son hygiène corporelle de façon régulière;

g) de façon générale, le fait d’être présent auprès d’elle et de la guider;

h) l’existence d’une ordonnance rendue à son égard par un tribunal qui est valide dans la juridiction où elle réside.

[8] Madame Nadeau dit ne pas devoir tenir compte des ententes préalables entre les conjoints. Par ailleurs, elle tient compte du fait que le revenu net de l’appelante est plus élevé que celui de son conjoint pour refuser le supplément au revenu gagné.

[9] De plus, les sommes versées par chaque conjoint ne font pas partie des critères si ce n’est pour refuser le supplément au revenu gagné comme dans le présent cas à l’égard de l’appelante, selon l’avis de prestation fiscale pour enfants daté du 20 août 1996 que l’intimée a adressé à l’appelante.

[10] L’intimée a produit un ensemble de factures démontrant les achats faits pour les enfants (pièce I-1).

[11] L’appelante soutient qu’elle n’a pas vu les articles supposément achetés pour les enfants dont font mention les factures de la pièce I-1.

[12] Le conjoint de l’appelante est ébéniste. L’appelante est éducatrice spécialisée.

[13] Le conjoint n’est pas venu témoigner pour contredire le témoignage de l’appelante.

[14] Considérant l’ensemble de la preuve, la Cour est d’avis que l’appel de l’appelante est accordé dans le sens qu’elle n’a pas à rembourser la somme de 329,42 $.

Conclusion

[15] L’appel est accordé.

« Guy Tremblay »

J.C.C.I.

Québec, Canada,

ce 26e jour de janvier 1998.



[1] [1948] R.C.S. 486, 3 DTC 1182, [1948] C.T.C. 195.

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