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Date: 20000518

Dossiers : 97-3422-IT-G; 97-3423-IT-G

ENTRE :

HÉLÈNE SIMARD,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit de deux appels, suite à des avis de cotisations établies en vertu du paragraphe 160(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Le passage pertinent du paragraphe 160(1) est le suivant :

160(1) Lorsqu'une personne a, depuis le 1er mai 1951, transféré des biens, directement ou indirectement, au moyen d'une fiducie ou de toute autre façon, :

a) à son conjoint ou à une personne devenue depuis son conjoint;

...

les règles suivantes s'appliquent :

...

e) le bénéficiaire et l'auteur du transfert sont conjointement et solidairement responsables du paiement en vertu de la présente loi d'un montant égal au moins élevé des deux montants suivants :

(i) la fraction, si fraction il y a, de la juste valeur marchande des biens à la date du transfert qui est en sus de la juste valeur marchande à cette date de la contrepartie donnée pour le bien, et

(ii) le total des montants dont chacun représente un montant que l'auteur du transfert doit payer en vertu de la présente loi au cours de l'année d'imposition dans laquelle les biens ont été transférés ou d'une année d'imposition antérieure ou pour une de ces années;

...

[2] Les parties ont convenu de procéder au moyen d'une preuve commune.

[3] Les montants ou la valeur des transferts ne sont pas litigieux. D'autre part, l'appelante a admis le lien de dépendance au moment des transferts.

[4] Le litige porte essentiellement sur la qualité de la contrepartie; en effet, l'appelante soutient qu'elle n'a été ni avantagée, ni enrichie par les transferts; cette dernière, selon ses prétentions, a fourni une valeur équivalente en contrepartie des montants qui lui ont été cédés et transférés.

[5] Seule l'appelante a témoigné au soutien des deux appels. Elle a décrit l'historique de sa relation affective avec l'auteur des transferts, monsieur Pierre A. Durand. Elle a reconnu, dans un premier temps, avoir reçu de son conjoint de fait un montant de 40 000 $, mais nie catégoriquement qu'il s'agissait d'un don ou bénéfice à titre gratuit.

[6] Elle a soutenu que ce montant de 40 000 $ correspondait au total de deux prêts que lui avait consentis monsieur Durand, soit l'un au montant de 15 000 $ et un autre au montant de 25 000 $. Selon son témoignage, il s'agissait de deux prêts distincts ayant chacun un objectif précis.

[7] Le premier prêt de 15 000 $, au début de 1990, déposé à son compte le 1er mars 1990, aurait servi à rembourser un emprunt obtenu le 8 juin 1989 auprès d'une caisse populaire; elle avait emprunté ce montant pour la consolidation de ses dettes. Après avoir obtenu l'argent de monsieur Durand, l'appelante a indiqué avoir remboursé son emprunt à la caisse le même jour, le 1er mars 1990; la balance due à la Caisse populaire était alors de 13 292,66 $. Elle a soutenu avoir remboursé monsieur Durand selon des modalités bien précises.

[8] Quant au deuxième prêt de 25 000 $, le montant fut utilisé comme acompte pour l'achat d'un condominium. L'appelante a indiqué avoir retenu du 25 000 $, avancé par monsieur Durand, les argents nécessaires pour payer les frais inhérents à l'acquisition du condo, tels frais de recherche, frais d'hypothèque, frais de notaire, etc.

[9] Ce deuxième prêt au montant de 25 000 $ aurait été remboursé à monsieur Durand par une compensation; l'appelante a soutenu avoir acheté une automobile le 3 avril 1992, de marque Buick 1992, payée 26 007 $. Elle aurait assumé seule le paiement au moyen de plusieurs mensualités échelonnées sur plusieurs années. Elle a indiqué avoir elle-même effectué seule tous les paiements conséquents à l'acquisition de la voiture. La preuve a aussi établi que l'automobile en question avait été acquise à l'avantage et pour l'usage exclusif de monsieur Durand; l'appelante jouissait d'une automobile pour ses propres besoins, validant ainsi cette thèse. Ce sont là les explications fournies pour expliquer la compensation au niveau du prêt de 25 000 $.

[10] Pour soutenir ses prétentions à cet égard, l'appelante a aussi produit le contrat d'acquisition du véhicule et quelques copies des relevés bancaires attestant le paiement des mensualités débitées à son compte bancaire personnel.

[11] L'appelante a soutenu avoir remboursé monsieur Durand comme suit (Pièce A-1(8) ci-après reproduite) :

Remboursement prêt de 25 000,00 $

retrait du compte 7302474 2 880,00 8 octobre 1992

versement de 242,00 x 60 mois 14 520,00 mai 92/avril 97

versement de 300,00 x 22 mois 6 600,00 mai 97/mars 99

1 000,00 avril 99

25 000,00

[12] Pour ce qui est du prêt de 15 000 $, l'appelante a affirmé avoir remboursé intégralement monsieur Durand au moyen de plusieurs montants, le tout entre le mois de juillet 1990 et juillet 1994. Il y a lieu de reproduire la cédule des remboursements indiqués :

provenant du compte 7302474

01-fév-93 1 000

23-août-93 1 500

01-mars-94 1 300 sous-total 3 800

provenant du compte 521-466-3

26-juil-90 100 30-avr-92 200

15-août 90 100 04-mai-92 200 sous-total 1 000

16-août-90 100 08-mai-92 100

23-août-90 100 20-mai-92 100

10-sept-90 300 06-juil-92 200

20-sept-90 100 17-août-92 100

28-sept-90 100 200

15-oct-90 100 sous-total 1 000 200

15-nov-90 100 28-sept-92 100 sous-total 1 000

30-nov-90 100 19-oct-92 200

100 200

17-déc-90 200 04-jan-93 200

21-déc-90 100 08-fév-93 100

08-févr-91 100 15-fév-93 200 sous-total 900

29-juil-91 100 25-mai-93 200

01-août-91 100 21-juin-93 200

23-août-91 100 sous-total 1 000 30-juin-93 100

100 17-sept-93 100

26-août-91 100 22-nov-93 100

03-sept-91 100 100

11-sept-91 200 23-nov-93 100

13-sept-91 100 26-nov-93 100 sous-total 1 000

04-oct-91 100 29-nov-93 100

07-oct-91 100 30-nov-93 100

23-oct-91 100 07-déc-93 100

05-nov-91 100 sous-total 1 000 15-déc-93 100

06-nov-91 200 17-déc-93 200

13-nov-91 200 29-déc-93 100

02-déc-91 100 31-janv-94 200

03-déc-91 100 03-févr-94 200 sous-total 1 100

16-déc-91 100 10-févr-94 100

23-janv-92 100 11-févr-94 100

16-mars-92 100 18-mars-94 100

200 sous-total 1 100 21-mars-94 100

18-mars-92 200 26-mars-94 100

25-mars-92 200 29-avr-94 100

30-mars-92 200 20-mai-94 100

20-avr-92 200 29-juin-94 100

200 sous-total 1 000 30-juin-94 100 sous-total 900

200 07-juil-94 100

200 13-juil-94 100

22-avr-92 200

[13] Pour ce qui est du deuxième appel, il porte sur des transferts de divers montants au compte de l'appelante, le tout totalisant 45 013,16 $. L'appelante a reconnu avoir reçu ces divers montants. Elle a fait valoir qu'il s'agissait là essentiellement de la participation financière de monsieur Durand aux charges du ménage, composées principalement de toutes les dépenses inhérentes à l'occupation d'une résidence et des frais requis par leur famille comprenant un jeune enfant.

[14] Les transferts à l'origine de la cotisation dont il est fait appel sont les suivants :

Montant Émis De : Déposé : Pages :

3 247,15 $ 01-11-94 Duralme Inc. 01-11-94 p. 50

3 154,60 $ 01-08-94 Duralme Inc. 01-09-94 p. 46

2 747,12 $ 31-01-95 Les Gicleurs de la Capitale Inc. 01-02-95 p. 27

1 837,50 $ 28-02-95 Les Gicleurs de la Capitale Inc. 01-03-95 p. 25

3 157,96 $ 30-03-95 Les Gicleurs de la Capitale Inc. 30-03-95 p. 23

2 613,52 $ 11-04-95 Duralme Inc. (312) 12-05-95 p. 21

2 613,52 $ 14-06-95 Duralme Inc. 16-06-95 p. 19

1 800,00 $ 01-08-95 Duralme Inc. 15-08-95 p. 15

1 000,00 $ mandat 06-11-95 p. 10

2 000,00 $ 31-10-95 Gicleurs F.F. (1981)Ltée 01-11-95 p. 10

13 863,35 $ 23-11-95 Construction Doverco Inc. 04-12-95 p. 7

1 500,00 $ 28-11-95 G. Lapalme (100) 28-11-95 p. 7

4 364,79 $ 29-12-95 Gicleurs F.F. (1981) Ltée 12-01-96 p. 5

1 113,65 $ 15-02-96 Construction Doverco Inc. 26-02-96 p. 1

Analyse

[15] Dans son ensemble, le témoignage de l'appelante a été clair, cohérent et vraisemblable.

[16] Certes, les retraits répétitifs de petits montants en paiement du prêt de 15 000 $ pourraient très bien correspondre aux habitudes de l'appelante pour ses besoins personnels. Une telle interprétation serait essentiellement intuitive d'une part et d'autre part, il n'y a aucun élément de preuve qui soutient une telle déduction.

[17] Cette interprétation subjective est-elle suffisante pour disqualifier le témoignage de l'appelante ? Je ne le crois pas. Certes, l'appelante assumait le fardeau de la preuve; à cet égard, elle devait démontrer par une prépondérance de preuve le bien-fondé de ses prétentions. Il ne s'agissait pas de relever un fardeau de preuve permettant de conclure hors de tout doute.

[18] Elle a témoigné d'une manière simple et spontanée; ses explications ont été raisonnables et vraisemblables. Les seuls reproches qui auraient pu lui être imputables ne sont pas fondamentaux. D'autre part, il s'agit de griefs non soutenus, ni étoffés; ils découlent essentiellement d'interprétations.

[19] D'ailleurs, le seul témoin de l'intimé, monsieur Marcel Martel, responsable du recouvrement de la dette fiscale due par monsieur Durand, a été imprécis, voire même assez ambigu quant au dossier de l'appelante. Il connaissait manifestement mieux le dossier de l'auteur des transferts que celui de la bénéficiaire.

[20] Après avoir identifié les transferts et constaté le lien de dépendance, il a très rapidement et intuitivement conclu qu'il s'agissait de transferts gratuits ou sans contrepartie.

[21] Connaissant manifestement très bien le dossier de Pierre A. Durand, pour y avoir consacré beaucoup de temps et d'énergie et étant donné la très importante dette fiscale, il a plutôt présumé que vérifié vraiment s'il y avait eu ou non une contrepartie correspondant au montant total ou partiel des transferts identifiés.

[22] L'appelante devait démontrer, par une prépondérance de preuve, qu'elle n'avait ni été avantagée, ni enrichie par les transferts. À cet égard, l'appelante a fourni des explications précises, claires, plausibles et cohérentes. Son témoignage n'a été ni contredit ni discrédité par le seul témoin de l'intimé.

[23] L'appelante a donc relevé le fardeau de la preuve qui lui incombait en démontrant d'une manière prépondérante qu'il n'y avait pas eu de transfert au sens de l'article 160(1) de la Loi. En effet, elle a prouvé à la satisfaction du Tribunal qu'elle n'avait reçu aucun bénéfice ou avantage des fonds qualifiés de transfert au sens de la Loi. Pour ce qui est du second appel, le montant en cause apparaît raisonnable et approprié comme contributions aux charges du ménage.

[24] Conséquemment, les appels sont accueillis et les cotisations sont annulées, le tout avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada ce 18e jour de mai 2000.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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