Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19981023

Dossier: 97-2597-IT-I

ENTRE :

JEAN-GILLES ROBICHAUD,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Tardif, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel relatif aux années d'imposition 1993, 1994 et 1995. Pour ces années d'imposition, l'intimée a déterminé que les montants que l'appelant avait versés à sa fille France ne respectaient pas les conditions prévues par la Loi de l'impôt sur le revenu (la “Loi”) pour être déductibles de ses revenus pour les années concernées.

[2] Lors de l'audition de son appel, l'appelant a d'abord reconnu le bien-fondé de la plupart des faits allégués par l'intimée à la Réponse à l'avis d'appel pour justifier la cotisation.

[3] Il a ensuite fait l'historique quant à l'origine des montants qu'il avait payés dans un premier temps à son ex-épouse et, dans un deuxième temps, à sa fille France, durant les années en litige, qui effectuait des études.

[4] Lors des procédures de divorce en 1978, l'appelant et son épouse avaient convenu d'une entente relative aux mesures accessoires dont une pension alimentaire. Les dispositions ayant trait à la pension alimentaire furent rédigées comme suit :

L'intimé paiera à la requérante pour son enfant mineure une pension alimentaire de $50.00 par mois, payable le premier de chaque mois au domicile de la requérante. Toutefois, la requérante se réserve pour elle-même tous ses recours quant à une pension alimentaire future;

[5] L'appelant a aussi indiqué que le Juge, alors saisi du dossier de divorce, lui avait enjoint de majorer régulièrement le montant de la pension; il s'agit là d'une interprétation de l'appelant puisque le jugement ne fait pas mention d'une telle obligation.

[6] Préoccupé par cette recommandation, l'appelant a, par la suite, bonifié le montant en fonction de sa capacité de payer et des nouveaux besoins financiers de sa fille qui a poursuivi des études supérieures.

[7] Tout au cours des années qui ont suivi la signature de la convention, l'appelant s'est, sans doute, très bien acquitté de ses obligations, puisqu'aucune demande de révision quant au montant n'a été initiée par les bénéficiaires de la pension. La seule intervention, à cet égard, le fut à l'initiative de l'appelant lui-même au mois de décembre 1995; elle avait pour but de faire clarifier le libellé relatif à la pension alimentaire dans le jugement de l'honorable juge Henri Larue, jugement du 30 novembre 1978. Suite à cette initiative, les parties ont convenu que le texte de 1978 aurait dû être formulé comme suit :

PENSION ALIMENTAIRE POUR L'ENFANT :

2. Le paragraphe 6 de la convention relative aux mesures accessoires et entérinée par jugement rendu en date du 30 novembre 1978 par l'Honorable Juge Henri Larue devrait se lire comme suit :

L'intimé paiera à la requérante pour son enfant, une pension alimentaire de CINQUANTE DOLLARS (50,00 $) par mois, payable le premier de chaque mois au domicile de la requérante;

3. Cette clause est celle qui aurait dû se lire en 1978 et la présente correction est rétroactive en date du 30 novembre 1978;

4. De surcroît, les parties confirment que cette pension alimentaire a été indexée au cours des ans;

[8] La véritable distinction entre les deux textes vise essentiellement la question de la minorité de l'enfant bénéficiaire; le texte de la première convention limitait la durée de l'obligation de payer puisqu'il faisait référence à la minorité de l'enfant bénéficiaire.

[9] L'appelant a indiqué que la modification lui ayant permis d'obtenir gain de cause auprès de Revenu Québec. Selon lui, il aurait normalement dû profiter du même résultat avec Revenu Canada, d'autant plus qu'il avait été avisé que son dossier serait gardé en suspens jusqu'à ce que la décision de Revenu Québec soit connue.

[10] Comme beaucoup de contribuables, il a présumé que le règlement avec un des deux ministères du Revenu était automatiquement opposable à l'autre. Les deux ministères sont des entités distinctes et les lois qui les régissent, bien que semblables sur plusieurs aspects, sont différentes. Conséquemment les décisions de Revenu Québec ne lient pas Revenu Canada et l'inverse est aussi vrai.

[11] Pour être déductibles à titre de pension alimentaire, il eût fallu que le bénéficiaire de la pension puisse avoir une discrétion quant à l'utilisation des montants en cause.

[12] Or, la convention à l'origine de la pension alimentaire tant dans sa formulation originale qu'au niveau de la version corrigée est très claire et précise sur l'absence totale de discrétion quant à l'utilisation.

[13] La version originale 1978, se lit comme suit :

L'intimé paiera à la requérante pour son enfant mineure une pension alimentaire de $50.00 par mois, payable le premier de chaque mois au domicile de la requérante. Toutefois, la requérante se réserve pour elle-même tous ses recours quant à une pension alimentaire future;

[14] La version corrigée 1995, se lit comme suit :

PENSION ALIMENTAIRE POUR L'ENFANT :

2. Le paragraphe 6 de la convention relative aux mesures accessoires et entérinée par jugement rendu en date du 30 novembre 1978 par l'Honorable Juge Henri Larue devrait se lire comme suit :

L'intimé paiera à la requérante pour son enfant, une pension alimentaire de CINQUANTE DOLLARS (50,00 $) par mois, payable le premier de chaque mois au domicile de la requérante;

3. Cette clause est celle qui aurait dû se lire en 1978 et la présente correction est rétroactive en date du 30 novembre 1978;

4. De surcroît, les parties confirment que cette pension alimentaire a été indexée au cours des ans;

[15] La preuve quant aux montants versés est également insatisfaisante en ce que les montants payés ne découlaient d'aucun jugement ou convention écrite entre les parties.

[16] L'appelant, soucieux de se conformer aux bons voeux de l'honorable juge qui avait prononcé le jugement du divorce, a ajusté et bonifié au fil des ans, de façon unilatérale, les montants qu'il versait directement à sa fille. D'ailleurs les écarts entrent les montants versés sont assez révélateurs sur l'absence de contrainte; l'appelant avait la liberté et la capacité juridique de fixer lui-même les montants puisqu'aucun jugement ou convention écrite ne limitait cette liberté.

[17] Bien que l'appelant ait été généreux, collaborateur et assidu dans son soutien financier, cela n'est malheureusement pas suffisant pour qualifier les sommes versées de pension alimentaire déductible. La preuve a essentiellement démontré qu'il s'agissait d'une collaboration financière paternelle à l'endroit de sa fille qui a réalisé des études supérieures.

[18] Pour ce faire, l'appelant mérite certes notre respect et admiration pour s'être acquitté dignement de ses responsabilités financières à l'endroit de sa fille. Cependant cette sympathie ne peut ni changer, ni corriger la réalité qui a prévalu au cours de ces années.

[19] Pour bénéficier des avantages fiscaux associés au paiement d'une pension alimentaire, il était essentiel que ces paiements soient clairement déterminés à l'avance au moyen d'une convention écrite ou défini par jugement. D'autre part, il est tout aussi essentiel que le paiement soit versé au bénéficiaire et que ce dernier ou cette dernière ait le plein pouvoir et la totale capacité quant à l'utilisation des fonds reçus.

[20] En l'espèce, la preuve a démontré que les montants étaient en quelque sorte discrétionnaires; en d'autres termes, l'appelant avait la liberté de décider du montant; il était le seul maître de la détermination du montant et cela bien qu'il se soit senti obligé par les propos du Juge lors du prononcé du jugement du divorce.

[21] En outre, les montants n'étaient pas versés ou payés à son ex-épouse contrairement à la convention. Ils étaient payés directement à sa fille pour l'aider à parfaire des études. Cette façon de faire ne rencontre pas les exigences de la Loi pour être considérée comme une pension alimentaire déductible.

[22] Conséquemment, je rejette l'appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d’octobre 1998.

“ Alain Tardif ”

J.C.C.I.

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