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Date: 19980617

Dossier: 97-807-UI

ENTRE :

MICHEL ST-LOUIS,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Lamarre Proulx, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision du ministre du Revenu national (le “Ministre”) voulant que pour la période du 7 août 1995 au 16 février 1996, l’appelant n’occupait pas un emploi assurable auprès de La Coopérative Forestière de Papineau-Labelle, ci-après appelée “le payeur” ou “la Coopérative”.

[2] Le Ministre a fondé sa décision sur l’alinéa 3(1)a) de la Loi sur l’assurance-chômage (la “Loi”).

[3] Les faits sur lesquels le Ministre s’est appuyé pour rendre sa décision sont décrits au paragraphe 4 de la Réponse à l’avis d’appel (la “Réponse”) comme suit :

(a) le payeur opère dans le secteur de l'exploitation forestière;

(b) l'appelant opère une entreprise de débusqueuse et une entreprise de pourvoirie;

(c) l'appelant a été embauché par le payeur comme opérateur de débusqueuse pour ramasser et transporter le bois coupé par le bûcheron;

(d) l'appelant travaillait en équipe avec le bûcheron;

(e) l'appelant fournissait sa propre débusqueuse d'une valeur de 42 000 $;

(f) l'appelant fournissait aussi deux ou trois scies mécaniques évaluées à environ 1 000 $ chacune;

(g) l'appelant était payé un montant fixe de 750 $ par semaine pour son travail et un montant forfaitaire pour la location de sa machinerie lequel était déterminé selon la quantité et la sorte de bois coupé;

(h) le payeur assignait un secteur à défricher selon les exigences du ministère des Ressources naturelles du Québec;

(i) les heures travaillées par l'appelant n'étaient pas contrôlées par le payeur;

(j) l'appelant n'a reçu aucune formation du payeur étant donné que l'appelant a beaucoup d'expérience dans ce domaine;

(k) l'appelant avait le droit de choisir sa propre méthode de travail;

(l) le payeur n'était intéressé que par le produit final, c'est à dire la quantité et la qualité du bois coupé;

(m) l'appelant était responsable de l'entretien et les réparations de son équipement;

(n) l'appelant a déclaré des revenus d'entreprise provenant de la foresterie à chaque année;

(o) l'appelant a travaillé pour d'autres payeurs durant la période en question;

(p) selon les relevés d'emploi préparés pour l'appelant, ce dernier était rémunéré au taux de 750 $ par semaine, soit le maximum des gains assurables;

(q) il n'y avait aucun contrat de louage de services entre l'appelant et le payeur;

[4] L’appelant a admis les faits décrits à la Réponse. En ce qui concerne l’alinéa 4 (b) de la Réponse, l’appelant n’a pas fourni de réponse précise, ni en ce qui concerne l’entreprise de pourvoirie ni en ce qui concerne l’entreprise de débusqueuse.

[5] En ce qui concerne l’alinéa 4 (f) de la Réponse, l’appelant a expliqué qu’il fournissait une scie mécanique au bûcheron avec lequel il faisait équipe et qu’il en gardait une avec lui sur sa débusqueuse. Il a expliqué qu’il préférait fournir la scie mécanique au bûcheron parce qu’ainsi il était sûr que le bûcheron aurait une scie mécanique en bon état et qu’il n’y aurait pas de perte de temps. Il en avait une avec lui sur la débusqueuse pour donner la touche finale aux arbres qu’il laissait le long de la route, arbres qui seront mesurés et notés par le mesureur de la Coopérative.

[6] En ce qui concerne le choix du bûcheron, l’appelant a expliqué qu’il devait choisir un bûcheron parmi ceux qui étaient agréés par la Coopérative. Par ailleurs, il a volontiers admis que comme dans toute équipe, on fonctionne mieux avec l’un qu’avec l’autre et qu’il s’efforçait d’avoir comme coéquipier un bûcheron avec lequel il savait qu’il travaillait bien. Mais il était tout de même soumis aux règles de l’ancienneté dans le choix du bûcheron.

[7] En ce qui concerne l’alinéa 4 (g) de la Réponse, l’appelant a expliqué qu’il n’était pas toujours payé cette somme de 750 $ par semaine mais qu’en moyenne cela arrivait à peu près à cette somme.

[8] En ce qui concerne l’alinéa 4 (i) de la Réponse, l’appelant a dit qu’il devait rendre les services requis à l’intérieur d’heures déterminées soit entre 7 h et 16 h d’avril à octobre et de 7 h 30 à 16 h 30, de novembre à mars. Il dit aussi qu’un contremaître l’aurait supervisé. Ce contremaître lui assignait à lui et au bûcheron le secteur à défricher. Ce contremaître aurait supervisé de façon quotidienne cinq à six équipes de travailleurs forestiers. La supervision consistait notamment à voir à ce que les travailleurs forestiers ne dépassent pas les heures et à s’assurer qu’il n’y avait pas d’accidents. Ces contremaîtres portent le nom de contremaîtres de la coupe.

[9] L’appelant a expliqué que la Coopérative est formée d’un groupe de travailleurs soit les contremaîtres, les ingénieurs forestiers, les opérateurs de débusqueuse et les bûcherons.

[10] En ce qui concerne les allégués des alinéas 4 (b), 4 (n) et 4 (o) de la Réponse, il aurait été utile, lors du contre-interrogatoire de connaître la preuve du Ministre à l’égard de ces allégués. En ce qui concerne l’alinéa 4 (p) de la Réponse, qui semble mettre en doute le paiement de 750 $ par semaine, il aurait été intéressant lors du contre-interrogatoire de savoir en quoi les relevés étaient conformes ou différaient des relevés informatisés produits comme pièce I-1.

[11] Toutefois, l’avocate de l’intimé a demandé à l’appelant d’expliquer les relevés de salaire informatisés faits par la Coopérative au nom de l’appelant pour chacune des semaines en question dans le présent litige. L’appelant s’est reporté au relevé du 19 janvier 1996 et portant le numéro manuscrit 2776. Il a expliqué la façon de payer l’usage de la débusqueuse soit selon le volume du bois coupé et apporté au bord du chemin forestier. Dans cet exemple le volume est de 85.7017 mètre cube et est payé à 4,75 $ de ce mètre cube. Ceci est appelé “salaire machine”. En bas se retrouve les salaires hommes. Le premier mentionné est l’appelant qui est payé 2,40 $ du mètre cube et l’autre homme, G. Binette le bûcheron qui est payé 2,60 $ du mètre cube. On voit à côté du salaire brut de monsieur Binette, la somme de 19,71 $ pour la scie. Ce montant est laissé à monsieur Binette quoique ce serait l’appelant qui, selon son témoignage, aurait fourni la scie mécanique au bûcheron.

[12] Toutefois, il y a en fait huit relevés informatisés faits au nom de l’appelant pour cette même semaine du 19 janvier 1996. Celui auquel l’appelant s’est reporté est le troisième. Le premier porte le numéro manuscrit 2772 et un seul nom d’homme est mentionné à titre des deux fonctions. Il s’agit de P. St-Louis. Une écriture manuscrite dit que le salaire du bûcheron n’a pas été payé à Paolo mais a été payé à Gabriel Léonard. Le deuxième, portant le numéro manuscrit 2777 indique deux noms, soit celui de l’appelant comme opérateur de débusqueuse pour un salaire brut de 90,64 $ et celui de G. Binette pour un salaire brut de 111,08 $. Le quatrième relevé porte le numéro manuscrit 2767. Dans ce cas, l’appelant reçoit un salaire brut de 263,75 $. Le cinquième relevé informatisé porte le numéro manuscrit 2772. Quoiqu’il soit fait au nom de l’appelant, ce n’est pas lui qui a travaillé mais P. St-Louis. En fait, là encore la même personne a fait les deux opérations. Il faut dire pour un montant minime. Pour un montant de 10,90 $ comme opérateur de débusqueuse et 13,06 $ comme bûcheron. Sur le sixième relevé, l’appelant agit à titre d’opérateur de débusqueuse pour un montant de 66,63 $. Le bûcheron est un G. Léonard. Il reçoit le salaire de 69,61 $. Le septième relevé ne contient pas le nom de l’appelant, quoiqu’il soit fait au nom de celui-ci . L’opérateur de la débusqueuse est à nouveau P. St-Louis pour un salaire brut de 230,83 $ et le bûcheron est G. Léonard pour un salaire brut de 276,82 $. Le huitième relevé du 19 janvier 1996, montre comme opérateur de débusqueuse P. St-Louis pour un salaire brut de 571,64 $ et comme bûcheron G. Léonard pour un salaire brut de 699,13 $.

[13] Les autres semaines ne sont pas substantiellement différentes, sauf que souvent, l’appelant n’agit pas comme opérateur de débusqueuse mais comme bûcheron. De plus à l’examen de cette pièce, il est évident que le salaire de 750 $ par semaine est loin d’être exact. Il ne s’agit pas de variations de quelque 20 $ à 30 $ comme l’a mentionné l’appelant lors de son témoignage. Il y a des semaines où il n’y a rien du tout et des semaines qui sont bien en deçà du montant inscrit quoique quelques semaines sont en delà. Le relevé d’emploi mentionné à l’alinéa 4 (p) de la Réponse n’est donc pas du tout conforme à la réalité.

[14] À la lecture attentive des documents de la pièce I-1, il devient évident que l’appelant exerce une entreprise de foresterie et qu’il fournit à des travailleurs l’usage d’une débusqueuse et de scies mécaniques. Il lui arrive de travailler comme opérateur de débusqueuse ou comme bûcheron. Mais il lui arrive souvent de ne pas travailler du tout et que ce soit d’autres personnes qui travaillent avec la débusqueuse ou avec les scies mécaniques de l’appelant. Cependant, c’est lui qui dans tous les cas est payé par la Coopérative et non les travailleurs qui sont mentionnés au bas des relevés.

[15] La Coopérative lui accorde des secteurs à défricher et le paie selon la qualité et la quantité du bois coupé. Le contremaître de coupe est là pour s’assurer que le travail des entrepreneurs se fasse selon les normes gouvernementales et qu’il n’y a pas de gâchis. L’appelant peut travailler lui-même et il peut faire travailler d’autres personnes. Dans tous les cas, le paiement de la Coopérative lui est versé dans la totalité. L’appelant fournit un service d’entrepreneur et non d’employé.

[16] L’avocate de l’intimé s’est référée aux décisions de la Cour d’appel fédérale dans Procureur général du Canada c. Rousselle et al. (1990) 124 N.R. 339 et Procureur général du Canada c. Charbonneau (1997) 207 N.R. 299. Lors de l’audience, je croyais les faits de la présente affaire différents de ceux décrits à la deuxième décision. La lecture de la pièce I-1 m’a amenée à conclure que les faits n’étaient pas différents en ce sens que l’appelant agissait également, dans la présente affaire, à titre d’entrepreneur et non à titre d’employé.

[17] L’appel est en conséquence rejeté et le règlement de la question en litige est confirmé.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de juin, 1998.

“Louise Lamarre Proulx”

J.C.C.I.

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