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Date: 20000128

Dossier: 97-736-GST-G

ENTRE :

SIR WYNNE HIGHLANDS INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Sarchuk, C.C.I.

[1] L'appel dont il s'agit est interjeté en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”), à l'encontre d'une nouvelle cotisation du ministre du Revenu national (le “ ministre ”) pour la période de déclaration de l'appelante allant du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1994, soit une cotisation en vertu de laquelle l'appelante s'était vu fixer une taxe nette de 822 751,78 $ (soit 366 022,62 $ de plus que le montant que l'appelante avait indiqué comme taxe nette dans les déclarations qu'elle avait produites), ainsi que des intérêts de 92 210,27 $ et une pénalité de 91 344,15 $. L'opposition de l'appelante à la cotisation avait été admise en partie et, le 13 décembre 1996, le ministre a établi une nouvelle cotisation ramenant la taxe nette, les intérêts et la pénalité à 737 646,38 $, à 76 796,43 $ et à 75 255,75 $ respectivement.

[2] L'appelante est une société qui, durant la période pertinente, oeuvrait dans le domaine de la construction et de la vente d'immeubles d'habitation. Les questions en cause se rapportent à un lotissement situé dans la ville de Vaughan (Ontario) et découlent de diverses conventions d'achat-vente de maisons devant être construites par l'appelante. L'appelante soutient que ces maisons sont exonérées de la taxe sur les produits et services (la “ TPS ”) en vertu de la Loi. Le ministre n'est pas d'accord.

[3] Aux fins de cet appel, les parties ont convenu d'un exposé partiel des faits concernant chacune des questions soulevées. En outre, Vince Peticca a témoigné pour l'appelante, et Tony Ing et Robert Young ont témoigné pour l'intimée.

Question 1 : Modification de conventions d'achat-vente — Les maisons ont-elles été vendues aux termes d'une convention écrite avant le 14 octobre 1989?

[4] Les parties ont convenu du fait que, au cours de la période pertinente, l'appelante avait vendu six maisons dans les circonstances suivantes :

[TRADUCTION]

A. Lot 50 — Acheteurs : les Yannuzzi

8. Le 1er février 1989, l'appelante et Maria et Alberto Yannuzzi (les “ Yannuzzi ”) ont conclu une convention d'achat-vente, dont une copie figure à la section 9 du recueil conjoint de documents. La convention mentionnait le lot 121 du plan provisoire, une maison de type 3050 et un prix d'achat de 580 000 $.

9. Le 3 mars 1989, l'appelante et les Yannuzzi ont conclu une convention d'achat-vente, dont une copie figure à la section 10 du recueil conjoint de documents. La convention mentionnait le lot 136 du plan provisoire, une maison de type 3565 et un prix d'achat de 630 000 $.

10. Le 22 août 1989, l'appelante et les Yannuzzi ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” supprimant la mention du lot 136 et la remplaçant par une mention du lot 50 de Jolana Court — modèle “ Pinegrove ”, élévation B. Une copie de ce document figure à la section 11 du recueil conjoint de documents.

11. Dans le plan final approuvé par la ville de Vaughan, le lot 136 du plan provisoire a été renuméroté, devenait ainsi le lot 50.

12. Le 21 août 1990, l'appelante et les Yannuzzi ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le lot 50 de Jolana Court, Woodbridge (Ontario), ainsi que le modèle de maison “ Renshaw ”, élévation A, un prix d'achat de 525 000 $ et une date de clôture, soit le 28 décembre 1990. Une copie de cette convention figure à la section 12 du recueil conjoint de documents.

13. Le 27 novembre 1990 ou vers cette date, les Yannuzzi et l'appelante ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” supprimant la mention du 28 décembre 1990 comme date de clôture et la remplaçant par une mention du 28 février 1991 comme date de clôture. Une copie de ce document figure à la section 13 du recueil conjoint de documents.

14. La vente faite par l'appelante aux Yannuzzi s'est conclue le 28 février 1991. Une copie du relevé d'ajustements (modifié) figure à la section 14 du recueil conjoint de documents.

B. Lot 64 — Acheteurs : les Dolan

15. Le 16 mars 1989, l'appelante et Kevin Dolan et Lorena Galant-Dolan (les “ Dolan ”) ont conclu une convention d'achat-vente, dont une copie figure à la section 15 du recueil conjoint de documents. La convention mentionnait le lot 123 du plan provisoire, une maison de type 3775 (élévation A) et un prix d'achat de 694 500 $.

16. Le 28 septembre 1990, l'appelante et les Dolan ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” supprimant la mention du lot 63 de Jolana Court (du plan final enregistré) et la remplaçant par une mention du lot 64 de Jolana Court (du plan final enregistré). Une copie de ce document figure à la section 16 du recueil conjoint de documents.

17. Le 2 novembre 1990, l'appelante et les Dolan ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” en vertu de laquelle, entre autres choses, le prix d'achat a été ramené de 694 500 $ à 619 000 $, et la mention de caractéristiques de qualité — annexe “ A ” a été remplacée par une mention d'une nouvelle annexe “ A ”. La date de clôture était fixée au 1er février 1991. Une copie de ce document figure à la section 17 du recueil conjoint de documents.

18. La date de clôture a par la suite été reportée. La vente faite par l'appelante aux Dolan s'est conclue le 22 mars 1991. Une copie du relevé d'ajustements figure à la section 18 du recueil conjoint de documents.

C. Lot 72 — Acheteur : M. Sgro

19. Le 3 février 1989, l'appelante a conclu avec Frank Sgro (“ M. Sgro ”) une convention d'achat-vente mentionnant le lot 130 du plan provisoire. Une copie de la convention d'achat-vente figure à la section 19 du recueil conjoint de documents.

20. Le 16 mars 1989, l'appelante et M. Sgro ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le lot 68 du plan provisoire ainsi qu'un prix d'achat de 738 000 $. Une copie de cette convention d'achat-vente figure à la section 20 du recueil conjoint de documents.

21. Le 3 octobre 1989, l'appelante et M. Sgro ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” supprimant la mention du lot 68 et la remplaçant par une mention du lot 123 de Longview Crescent. Une copie de ce document figure à la section 21 du recueil conjoint de documents.

22. En avril 1991, l'appelante et M. Sgro ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” stipulant, entre autres choses, que le lot 72 du plan final enregistré serait acheté au lieu du lot 68, que le prix d'achat serait ramené à 440 000 $, que la date de clôture serait le 27 septembre 1991 et que le genre de modèle serait changé. Une copie de ce document figure à la section 22 du recueil conjoint de documents.

23. Le 16 juillet 1991, l'appelante et M. Sgro ont signé une “ deuxième modification de convention d'achat-vente ” stipulant, entre autres, que la date de clôture serait le 30 août 1991 et que le prix d'achat serait de 415 707 $, une fois prises en compte certaines réductions et certaines augmentations. Une copie de ce document figure à la section 23 du recueil conjoint de documents.

24. Le 27 août 1991, l'appelante et M. Sgro ont signé une “ troisième modification de convention d'achat-vente ” stipulant que le prix d'achat serait de 410 002 $, de manière à prendre en compte diverses installations ainsi que divers crédits. Une copie de ce document figure à la section 24 du recueil conjoint de documents.

25. La vente faite par l'appelante à M. Sgro s'est conclue le 30 août 1991. Une copie du relevé d'ajustements figure à la section 25 du recueil conjoint de documents.

D. Lot 60 — Acheteur : M. Venneri

26. Le 1er février 1989, l'appelante et Frank Venneri (“ M. Venneri ”) ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant un type de maison de “ 4 200 pieds carrés semblable au Columbus ”, ainsi que le lot 124 du plan provisoire et un prix d'achat de 740 000 $. Une copie de la convention d'achat-vente figure à la section 26 du recueil conjoint de documents.

27. Le 19 juillet 1990, l'appelante et M. Venneri ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” qui, entre autres choses, supprimait la mention du lot 124 du plan provisoire pour la remplacer par une mention du lot 62 de Jolana Court du plan final, supprimait la mention des 4 200 pieds carrés pour la remplacer par une mention de 5 100 pieds carrés, supprimait la mention du prix d'achat de 740 000 $ pour la remplacer par une mention d'un prix d'achat de 750 000 $ et ajoutait une mention du 30 novembre 1990 comme date de clôture. Une copie de ce document figure à la section 27 du recueil conjoint des documents.

28. En mai 1991, l'appelante et M. Venneri ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” stipulant, entre autres, que le lot 60 du plan final enregistré serait acheté au lieu du lot 124, que le prix d'achat serait ramené à 614 000 $ et que la date de clôture serait le 27 septembre 1991. Une copie de ce document figure à la section 28 du recueil conjoint de documents.

29. Le 7 octobre 1991, l'appelante et M. Venneri ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” supprimant la mention du 27 septembre 1991 comme date de clôture et la remplaçant par une mention du 31 octobre 1991 comme date de clôture. Une copie de ce document figure à la section 29 du recueil conjoint de documents.

30. Une copie d'un “ deuxième relevé d'ajustements modifié ”, qui figure à la section 30 du recueil conjoint de documents, indique que la vente faite par l'appelante à M. Venneri s'est conclue le 22 novembre 1991, à un prix d'achat de 580 000 $.

E. Lot 66 — Acheteurs : les Marton

31. Le 7 février 1989, l'appelante et Mario et Maria Marton (les “ Marton ”) ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le type de maison 3570, le lot 117 du plan provisoire et un prix d'achat de 670 000 $. Une copie de la convention d'achat-vente figure à la section 31 du recueil conjoint de documents.

32. Le 16 mars 1989, l'appelante et les Marton ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le type de maison 4205, élévation A, le lot 147 du plan provisoire et un prix d'achat de 800 000 $. Une copie de la convention figure à la section 32 du recueil conjoint de documents.

33. Le 31 août 1989, l'appelante et les Marton ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” qui remplaçait la mention du lot 147 par une mention du lot 57, chemin Vaughan Mills, ville de Vaughan (plan final) (modèle “ Manchester ”, élévation “ A ”), qui remplaçait la mention du prix d'achat de 800 000 $ par une mention d'un prix d'achat de 825 000 $ et qui ajoutait une mention d'un sous-sol avec porte donnant sur l'extérieur. Une copie du document figure à la section 33 du recueil conjoint de documents.

34. Le 27 août 1990, l'appelante et les Marton ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le modèle de maison “ Windsor révisé, élévation A ”, le lot 66 de Jolana Court, Woodbridge, du plan final et un prix d'achat de 649 000 $. La date de clôture était fixée au 28 décembre 1990. Une copie de cette convention figure à la section 34 du recueil conjoint de documents.

35. Le 27 novembre 1990, l'appelante et les Marton ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” supprimant la mention du 28 décembre 1990 comme date de clôture et la remplaçant par une mention du 15 mars 1991 comme date de clôture. Une copie de ce document figure à la section 35 du recueil conjoint de documents.

36. La vente faite par l'appelante aux Marton s'est conclue le 12 mars 1991. Une copie d'un relevé d'ajustements (modifié le 03/11/91) figure à la section 36 du recueil conjoint de documents.

F. Lot 46 — Acheteuse : Mme Valente

37. Le 21 février 1989, l'appelante et Sylvia Valente (“ Mme Valente ”) ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le type de maison 3570, élévation A, le lot 137 du plan provisoire et un prix d'achat de 695 000 $. Une copie de la convention d'achat-vente figure à la section 37 du recueil conjoint de documents.

38. Le 22 août 1989, l'appelante et M. Valente ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” remplaçant la mention du lot 137 et du type de maison 3570 par une mention du lot 49 de Jolana Court (plan final) et du modèle de maison “ Silverthorne ”, élévation A. Une copie de ce document figure à la section 38 du recueil conjoint de documents.

39. Le 5 juin 1991, l'appelante et Mme Valente ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” qui, entre autres choses, remplaçait la mention du lot 49 de Jolana Court par une mention du lot 46 de Jolana Court (plan final), remplaçait la mention du prix d'achat de 695 000 $ par une mention d'un prix d'achat de 390 000 $, remplaçait la mention du modèle “ Silverthorne ”, élévation A, par une mention du type de maison 3435, élévation A, et ajoutait une mention du 31 août 1991 comme date de clôture. Une copie de ce document figure à la section 39 du recueil conjoint de documents.

40. Le 15 juin 1992, l'appelante et Mme Valente ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” qui, entre autres choses, remplaçait la mention du 31 août 1991 comme date de clôture par une mention du 12 septembre 1992 comme date de clôture et remplaçait la mention du prix d'achat de 390 000 $ par une mention d'un prix d'achat de 370 000 $. Une copie de ce document figure à la section 40 du recueil conjoint de documents.

Analyse

[5] Les dispositions pertinentes de la Loi concernant cette question figurent au paragraphe 336(2), qui se lit comme suit :

336(2) Les règles suivantes s'appliquent à la fourniture taxable par vente d'un immeuble d'habitation à logement unique au Canada, effectuée au profit d'un particulier aux termes d'une convention écrite conclue avant le 14 octobre 1989 entre le fournisseur et le particulier, si aux termes de la convention la propriété et la possession de l'immeuble ne sont pas transférées au particulier avant 1991 et la possession lui en est transférée après 1990 :

a)                   aucune taxe n'est payable par le particulier relativement à la fourniture;

[...]

[6] À l'égard de chacun des biens en cause, l'appelante avait conclu une convention d'achat-vente avant le 14 octobre 1989. Dans chaque cas, après le 14 octobre 1989, l'appelante et l'acheteur ont apporté à chacune des conventions diverses “ modifications ”. La question est de savoir s'il s'agit effectivement de modifications ou s'il s'agit plutôt de nouvelles conventions conclues après le 14 octobre 1989, auquel cas le paragraphe 336(2) de la Loi ne s'applique pas et l'appelante doit payer de la TPS sur la vente de ces habitations.

[7] L'avocat de l'appelante soutient que, dans chaque cas, l'ensemble des documents — soit les conventions et toutes les modifications y afférentes — étaye la conclusion selon laquelle l'intention des parties n'avait pas changé et était que l'acheteur reste le même, que le vendeur reste le même et que se conclue une opération relative à un terrain sur lequel une maison particulière serait construite. Plus précisément, au sujet des opérations conclues avec les Yannuzzi et les Dolan, l'appelante dit que dans chaque cas le bien cédé, après une série de modifications de la convention, était le même terrain que celui dont les parties avaient convenu de la cession par voie de contrat avant le 4 octobre 1989. Concernant les Dolan, M. Sgro, M. Venneri et Mme Valente, le bien a, dans chaque cas, été vendu aux termes d'une série de documents contractuels confirmant la convention initiale, conclue avant le 14 octobre 1989.

[8] L'avocat de l'appelante soutenait que le point de vue de la common law selon lequel tout immeuble est unique en son genre ne tient plus à une époque de production en série d'immeubles résidentiels, commerciaux et industriels et il arguait que, dans le cas de chacune des six opérations, les modifications prévoyaient clairement la continuation de la convention initiale[1].

[9] L'appelante dit aussi qu'elle a payé 12 p. 100 de taxe de vente fédérale (la “ TVF ”) sur tous les matériaux utilisés pour construire les maisons des Yannuzzi, des Dolan, des Marton et de Mme Valente et elle argue qu'exiger qu'elle paie maintenant de la TPS sur ces maisons équivaut en fait à exiger qu'elle paie à la fois de la TVF et de la TPS à l'égard des mêmes opérations, ce qui est contraire à l'intention exprimée au paragraphe 336(2) de la Loi. L'avocat de l'appelante soutenait que le libellé du paragraphe 336(2) est clair quant au fait que, si une convention écrite a été conclue avant le 14 octobre 1989, il n'y a pas de TPS à payer. Il soutenait en outre que, si le législateur avait voulu que les contribuables soient assujettis à de la TPS ou, comme en l'espèce, à deux taxes, il aurait pu préciser bien davantage le sens de “ convention écrite ”. Il a choisi de ne pas le faire, et l'appelante soutient donc que la loi n'est pas dépourvue d'ambiguïté. Ainsi, l'appelante fait valoir que, dans la mesure où il existe une ambiguïté quant à l'applicabilité du paragraphe 336(2) aux circonstances de l'espèce, une telle ambiguïté doit être interprétée en faveur du contribuable.

[10] L'intimée soutient pour sa part que la fourniture de chacune de ces six maisons a été effectuée aux termes de conventions conclues après le 14 octobre 1989. Dans chaque cas, les parties ont conclu des conventions et ont renégocié des prix d'achat après la parution de l'avant-projet de loi sur la TPS. Dans certains cas, une disposition expresse avait été incluse dans la convention pour indiquer laquelle des parties serait chargée de payer la TPS. L'intimée argue que cela ne cadre pas avec le raisonnement qui sous-tend le paragraphe 336(2), lequel indique clairement qu'il serait inéquitable d'imposer de la TPS lorsque le prix d'achat a été négocié avant la parution de l'avant-projet de loi sur la TPS. L'intimée soutient en outre que dans chaque cas les modifications visaient des conditions fondamentales des conventions et qu'il ne s'agissait pas de changements mineurs apportés aux conventions d'achat-vente initiales.

Conclusion

[11] Les expressions “ immeuble d'habitation à logement unique ”, “ immeuble d'habitation ” et “ habitation ” sont définies au paragraphe 123(1) de la Loi. Il ressort clairement de ces définitions qu'un “ immeuble d'habitation ” et, partant, un “ immeuble d'habitation à logement unique ” comprennent deux éléments : un bâtiment et le fonds sous-jacent ou contigu qui est raisonnablement nécessaire à l'usage du bâtiment. Le fonds fait partie intégrante d'un immeuble d'habitation.

[12] Il est bien établi en droit que les trois éléments essentiels d'une convention d'achat-vente d'immeuble sont les parties à la convention, l'immeuble et le prix. Ainsi, une convention d'achat-vente doit contenir une description suffisante pour établir quel bien est acheté, c'est-à-dire qu'elle doit indiquer par exemple le numéro de lot et de plan ou l'adresse de voirie. Les conventions d'achat-vente concernant les six particuliers indiquent clairement que l'appelante non seulement construisait les maisons, mais vendait des immeubles décrits dans les conventions comme étant “ le terrain et l'habitation ”. Chaque acheteur choisissait un lot particulier à partir du plan de situation, dont une copie figurait en annexe à la convention d'achat-vente. Il ressort clairement de la preuve qui a été présentée, notamment par M. Peticca, que l'emplacement et la superficie des lots étaient des facteurs des plus importants pour chacun des acheteurs. Bien que les conventions initiales aient stipulé que la superficie ou les dimensions du lot pouvaient être modifiées sans préavis, pourvu qu'elles ne le soient pas considérablement, les conventions ne prévoyaient pas la substitution d'un lot à un autre.

[13] En ce qui a trait précisément à chacun des achats, je prends bonne note de ce qui suit :

A. Acheteurs : les Yannuzzi

Sur les six opérations, il s'agit de la seule dans laquelle le lot est resté le même. La convention conclue le 21 août 1990 prévoyait toutefois la construction d'une habitation beaucoup plus petite, dont le plan était différent, pour un prix de 525 000 $ (soit environ 105 000 $ de moins que dans le cas du contrat précédent). Plus précisément, la convention du 21 août 1990 disait expressément que l'acceptation de cette convention d'achat-vente équivalait à une libération de la convention antérieure, en date du 1er mars 1989. La convention du 21 août 1990 stipulait en outre expressément que, s'il y avait de la TPS à payer, le vendeur acceptait d'indemniser l'acheteur à cet égard.

B. Acheteurs : les Dolan

La thèse de l'appelante est que le lot initialement acheté par contrat était le même que celui qu'elle a fini par céder aux Dolan. Le témoignage de M. Peticca à l'appui de cette thèse était vague et, de façon générale, peu convaincant. En définitive, les descriptions de lot ainsi que la convention de mars 1989 m'amènent à conclure que la convention initiale visait la construction d'une habitation sur le lot 123 (du plan provisoire, ensuite devenu le lot 63 de Jolana Court). La convention subséquente, conclue en septembre 1990, visait la construction d'une habitation sur le lot 64 de Jolana Court, pour un prix bien inférieur, et cette convention stipulait des caractéristiques différentes et prévoyait que l'appelante se chargerait de payer la TPS si la vente se concluait le 1er janvier 1991 ou après.

C. Acheteur : M. Sgro

La convention de mars 1989 entre l'appelante et M. Sgro visait la construction d'une habitation sur le lot 68 du plan provisoire (ensuite devenu le lot 123 de Longview Crescent), à un prix de 738 000 $. Subséquemment, lorsque le marché immobilier a changé, d'autres négociations ont eu lieu, apparemment sur l'ordre de M. Sgro. Ces négociations ont abouti à une impasse, et l'appelante menaçait d'intenter une poursuite. D'après M. Peticca, on est parvenu à un règlement, par suite duquel les parties ont, en avril 1991, signé une convention prévoyant la construction d'une habitation aux caractéristiques très différentes, sur un lot plus petit situé dans une rue autre que ce qui avait antérieurement été convenu. Cette convention prévoyait en outre un prix d'achat réduit, soit un prix de 440 00 $.

D. Acheteur : M. Venneri

En février 1989, M. Venneri a accepté d'acheter une habitation de 4 200 pieds carrés devant être construite sur le lot 62 de Jolana Court à un prix de 740 000 $. En juillet 1990, l'appelante et M. Venneri ont conclu une autre convention, qui prévoyait, entre autres, que le nombre de pieds carrés de l'habitation serait porté à 5 100 et que le prix serait porté à 750 000 $. La date de clôture était fixée au 30 novembre 1990. En septembre de cette année-là, M. Venneri a informé l'appelante qu'il n'avait pas l'intention de clore cette opération. L'avocat de l'appelante a communiqué avec l'avocat de M. Venneri pour faire savoir que l'appelante estimait que M. Venneri avait rompu le contrat et que, ainsi, il perdait son acompte. L'appelante avait en outre fait savoir qu'elle n'était plus tenue de procéder à la construction d'une habitation. En octobre 1990, M. Venneri a intenté une poursuite contre l'appelante pour obtenir, entre autres, que l'acompte lui soit rendu. L'appelante a présenté une défense et a en outre déposé une demande reconventionnelle. En mai 1991, un règlement est intervenu, et il semble que dans le cadre de ce règlement l'appelante et M. Venneri aient conclu une convention prévoyant que M. Venneri achèterait une habitation, devant être construite sur le lot 60 de Jolana Court, à un prix de 614 000 $ (subséquemment ramené à 580 000 $). M. Peticca a reconnu que, en vertu de ce règlement, les parties au litige se libéraient mutuellement de toutes les obligations qu'elles avaient en vertu des conventions antérieures et que, plus précisément, chacune des deux parties renonçait à chercher à faire valoir les droits qu'elle avait en vertu des conventions datées d'avant mai 1991. Comme cela a déjà été mentionné, il n'y avait aucun contenu de TVF à l'égard de la vente de ce bien.

E. Acheteurs : les Marton

La convention d'achat-vente initiale avait été conclue le 16 mars 1989. Une “ modification ” de cette convention, en date du 31 août 1989, fixait le prix d'achat à 825 000 $, soit le prix d'achat d'une habitation décrite comme étant le modèle Manchester et devant être construite sur le lot 147. Le 27 août 1990, les parties ont conclu une autre convention, qui libérait expressément les parties de leurs obligations respectives selon la convention du 16 mars 1989 et qui prévoyait la construction d'une habitation plus petite (modèle Windsor) dans une autre rue et à un prix considérablement réduit, soit un prix de 649 000 $. Cette convention disait aussi que l'appelante se chargerait du paiement de la TPS si un tel paiement devenait nécessaire.

F. Acheteuse : Mme Valente

La “ modification de convention d'achat-vente ” du 5 juin 1991 révèle qu'un lot différent était acheté, que la conception ainsi que les caractéristiques de la maison devant être construite étaient différentes et que le prix d'achat devait être ramené de 695 000 $ à 390 000 $ (soit un prix d'achat subséquemment ramené à 370 000 $). Le vérificateur, M. Young, a en outre témoigné que l'appelante avait demandé un crédit de taxe sur les intrants (CTI), dans sa déclaration de TPS pour la période de déclaration se terminant le 30 août 1993, relativement à la cession, entre elle et Mme Valente, d'un remboursement de TPS pour habitations neuves.

[14] J'ai conclu que dans chacune des opérations les éléments fondamentaux — le prix, le lot et les caractéristiques de l'habitation — étaient au coeur des contrats initiaux et que, en concluant de nouvelles conventions après le 14 octobre 1989, les parties entendaient résilier le contrat précédent et le remplacer par un nouveau. La conclusion à tirer de la preuve concernant chacun des contrats postérieurs au 14 octobre 1989 est que c'est seulement à ce stade que des obligations et des droits ont été créés entre les parties à l'égard des biens particuliers que l'appelante a fini par vendre à chacun des acheteurs. Dans le cas des Yannuzzi, des Marton et de M. Venneri, la conclusion selon laquelle la convention subséquente était destinée à remplacer la précédente est étayée par le fait que les parties se libéraient clairement l'une l'autre des conventions initiales et que les contrats subséquents auraient été selon toute probabilité un bon moyen de défense dans une poursuite fondée sur le contrat initial. Je ne puis accepter l'explication de M. Peticca selon laquelle l'appelante, dans ces cas-là, ne libérait ces personnes que concernant le lot précédent et le modèle précédent. Le témoignage de M. Peticca à cet égard était douteux et était en fait contredit jusqu'à un certain point par des déclarations que M. Peticca avait faites au cours de l'interrogatoire préalable.

[15] L'appelante soutenait mordicus que son intention n'avait pas été que les conventions subséquentes portent résiliation des contrats antérieurs. Ce qui est pertinent, c'est non pas l'intention de l'appelante, mais plutôt l'intention des parties. L'appelante aurait pu présenter des éléments de preuve provenant de certains ou de l'ensemble des acheteurs pour étayer sa position. Le fait qu'elle s'en soit abstenue ne peut que conduire à une conclusion négative, vu les faits. Sur la foi de la preuve dont j'ai été saisi, j'ai conclu que c'était seulement à la conclusion de la convention finale dans chaque cas que des obligations et des droits avaient été créés entre les parties concernant les biens particuliers que l'appelante a fini par vendre à chacun des acheteurs et concernant la contrepartie y afférente.

[16] L'argument de l'appelante selon lequel le paragraphe 336(2) de la Loi est ambigu ou manque de clarté n'est pas bien fondé. En outre, quoiqu'il n'y ait guère de différend quant au fait qu'il serait contraire à l'intention sous-jacente au paragraphe 336(2) qu'un acheteur d'une maison paie de la TPS si le prix d'achat tient déjà compte de la TVF, ce n'est pas ce qui s'est produit dans les six opérations en cause. En ce qui a trait aux opérations relatives à M. Venneri et à M. Sgro, l'appelante a concédé qu'il n'y avait aucun contenu de TVF. Pour ce qui est des opérations relatives aux Yannuzzi, aux Dolan, aux Marton et à Mme Valente, il est raisonnable de conclure que le contrat initial conclu avant le 14 avril 1989 prévoyait un élément de TVF dans le prix. La preuve établit en outre que les prix négociés dans les contrats postérieurs au 14 avril 1989 tenaient expressément compte de l'élément de TPS. L'appelante savait qu'il pourrait y avoir de la TPS à payer à l'égard de ces ventes et avait accepté que, dans une telle éventualité, ce soit elle qui paie la TPS[2]. Ainsi, il ne serait pas contraire à l'intention sous-jacente au paragraphe 336(2) que l'appelante paie de la TPS, même si le prix initial incluait de la TVF.

[17] En ce qui concerne l'argument de l'appelante selon lequel cette dernière est l'objet d'une double imposition, je dois faire remarquer que cela ne résulte pas seulement du fait que le ministre n'a pas établi une cotisation avant 1995. Lorsque l'appelante a négocié de nouveaux contrats avec les Yannuzzi, les Dolan, les Marton et M. Venneri, elle était au courant de l'incidence de la TPS proposée et en a en fait prévu l'application possible relativement à ces contrats. Il est également raisonnable de présumer que l'appelante était au courant des dispositions en matière de remboursement figurant au paragraphe 121(4) de la Loi. Néanmoins, elle est partie du principe douteux qu'aucune TPS n'était payable à l'égard de ces quatre biens, et au bout du compte il lui a été impossible, à cause de la prescription, d'obtenir le remboursement du paiement de TVF. Quoique l'on puisse aisément comprendre le dilemme de l'appelante, notre cour n'a pas le pouvoir d'accueillir l'appel contre l'imposition de TPS sur la base de l'équité pour compenser le “ double paiement de taxe ”.

[18] L'appelante n'a pas établi selon la prépondérance des probabilités que la fourniture de chacun des immeubles d'habitation à logement unique en cause a été effectuée aux termes de conventions conclues avant le 14 octobre 1989, de sorte que l'appelante ne peut avoir gain de cause dans son appel relatif à ces six opérations.

Question 2 : Certaines maisons étaient-elles achevées à plus de 90 p. 100 au 1er janvier 1991, donc assujetties à 0 p. 100 de TPS conformément à l'alinéa 336(2)d) de la Loi?

[19] Au cours de la période pertinente, l'appelante a vendu les maisons suivantes dans les circonstances suivantes :

[TRADUCTION]

A) Lot 55 – Acheteur : M. Pellegrino

41. Le 7 mars 1989, l'appelante et Vincenzo Pellegrino (“ M. Pellegrino ”) ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant une maison de type 3310, élévation [...], le lot 131 du plan provisoire et un prix d'achat de 670 000 $. Une copie de cette convention d'achat-vente figure à la section 41 du recueil conjoint de documents.

42. Le 22 août 1989, l'appelante et M. Pellegrino ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” remplaçant la mention du lot 131 et du type de maison 3310 par une mention du lot 55 de Jolana Court (plan final) et du modèle “ Appleby ”, élévation “ A ”. Une copie de ce document figure à la section 42 du recueil conjoint de documents.

43. Dans une lettre à M. Pellegrino en date du 2 octobre 1990, Vince Peticca disait, entre autres, que l'on avait obtenu les permis nécessaires pour construire une maison sur le lot 55 et que l'achèvement de l'habitation et la clôture de l'opération relative à l'achat de M. Pellegrino étaient fixés par l'appelante au 18 janvier 1991. Une copie de cette lettre figure à la section 43 du recueil conjoint de documents.

44. Le 17 octobre 1990 ou vers cette date, l'appelante et M. Pellegrino ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” remplaçant la mention du lot 131 et du type de maison 3310 par une mention du lot 55 de Jolana Court et du modèle “ Wellington ”, élévation “ A ”. Une copie de ce document figure à la section 44 du recueil conjoint de documents.

45. Une inspection du sol de fondation du lot 55 de Jolana Court a été effectuée le 19 octobre 1990. Une copie du rapport de cette inspection, en date du 23 octobre 1990, figure à la section 45 du recueil conjoint de documents.

46. Un permis de construction relatif au lot 55 a été délivré par la ville de Vaughan le 27 novembre 1990. Une copie du permis de construction figure à la section 46 du recueil conjoint de documents.

47. Les 8 et 24 janvier 1991, l'avocat de M. Pellegrino et M. Peticca ont échangé de la correspondance pour que, entre autres choses, la date de clôture passe du 18 janvier au 28 mars 1991 et que le prix d'achat soit ramené de 670 000 $ à 535 000 $. Une copie de cette correspondance figure à la section 47 du recueil conjoint de documents.

48. Le 9 avril 1991, l'avocat de l'appelante a envoyé à l'avocat de M. Pellegrino une lettre dans laquelle il disait, entre autres choses, que l'habitation située sur le lot 55 était “ achevée en grande partie ”. Une copie de cette lettre figure à la section 48 du recueil conjoint de documents.

49. Un certificat d'occupation provisoire a été délivré concernant le lot 55 le 22 avril 1991. Une copie de ce certificat figure à la section 49 du recueil conjoint de documents.

50. Le 22 avril 1991, l'avocat de l'appelante a envoyé à l'avocat de M. Pellegrino une lettre confirmant, entre autres choses, que le prix d'achat avait été ramené à 510 000 $ et que la nouvelle date de clôture était le 14 juin 1991. Une copie de cette lettre figure à la section 50 du recueil conjoint de documents.

B) Lot 89 – Acheteur : M. Colarieti

51. Le 11 août 1989, l'appelante et Sandro Colarieti (“ M. Colarieti ”) ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le modèle de maison “ St. Andrews, élévation A ”, le lot 89 de Longview Crescent et un prix d'achat de 655 000 $. Une copie de la convention d'achat-vente figure à la section 51 du recueil conjoint de documents.

52. Le 13 juillet 1990, l'appelante et M. Colarieti ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” qui, entre autres choses, remplaçait la mention du prix d'achat de 655 000 $ par une mention d'un prix d'achat de 615 000 $, ajoutait une mention du 31 octobre 1990 comme date de clôture et ajoutait une disposition stipulant que, si l'opération se concluait le 1er janvier 1991 ou après, l'appelante acceptait de payer la nouvelle taxe proposée sur les produits et services une fois pris en compte tous les crédits de taxe reçus par M. Colarieti. Une copie de ce document figure à la section 52 du recueil conjoint de documents.

53. Un permis de construction relatif au lot 89 a été délivré par la ville de Vaughan le 19 octobre 1990. Une copie du permis de construction figure à la section 53 du recueil conjoint de documents.

54. Le 19 octobre et le 22 octobre 1990, des inspections relatives au sol de fondation du lot 89 ont été effectuées. Des copies des rapports, datés respectivement du 23 octobre et du 6 novembre 1990, figurent aux sections 54 et 55 du recueil conjoint de documents.

55. Le 30 octobre 1990, l'appelante et M. Colarieti ont signé une “ modification de convention d'achat-vente ” remplaçant la mention du 31 octobre 1990 comme date de clôture par une mention du 28 février 1991 comme date de clôture. Une copie de ce document figure à la section 56 du recueil conjoint de documents.

56. Le 30 octobre 1990, l'appelante et M. Colarieti ont en outre conclu une convention dans laquelle l'appelante reconnaissait que la maison devant être construite pour M. Colarieti sur le lot 89 ne serait pas prête pour occupation à la date de clôture initialement convenue, soit le 31 octobre 1990, et que, en contrepartie du fait que M. Colarieti acceptait que la date de clôture soit reportée au 28 février 1991, l'appelante acceptait que la maison-témoin qu'elle avait achevée sur le lot 73 du boulevard Thompson Creek puisse être occupée par M. Colarieti du 1er novembre 1990 jusqu'à ce que la nouvelle maison soit prête pour fins d'occupation. Une copie de cette convention figure à la section 57 du recueil conjoint de documents.

Analyse

[20] Durant la période de transition entre la TPS et la TVF, le taux de TPS dépendait du degré d'achèvement de l'immeuble d'habitation au 1er janvier 1991. Le paragraphe 336(2) de la Loi dispose ce qui suit :

336(2) Les règles suivantes s'appliquent à la fourniture taxable par vente d'un immeuble d'habitation à logement unique au Canada, effectuée au profit d'un particulier aux termes d'une convention écrite conclue avant le 14 octobre 1989 entre le fournisseur et le particulier, si aux termes de la convention la propriété et la possession de l'immeuble ne sont pas transférées au particulier avant 1991 et la possession lui en est transférée après 1990 :

a) aucune taxe n'est payable par le particulier relativement à la fourniture;

[...]

d) le fournisseur est réputé avoir perçu, au moment du transfert de la possession, une taxe égale aux pourcentages suivants de la contrepartie de la fourniture :

(i) si l'immeuble n'est pas achevé à plus de 20 % au 1er janvier 1991, 4 %,

(ii) si l'immeuble est achevé à plus de 20 % mais non à plus de 60 % au 1er janvier 1991, 2,5 %,

(iii) si l'immeuble est achevé à plus de 60 % mais non à plus de 90 % au 1er janvier 1991, 1 %,

(iv) si l'immeuble est achevé à plus de 90 % au 1er janvier 1991, 0 %;

e) [...]

Dans ce cas, la cotisation du ministre se fondait sur le fait que, au 1er janvier 1991, l'immeuble destiné à M. Pellegrino était achevé à plus de 60 p. 100 mais non à plus de 90 p. 100 et que l'immeuble destiné à M. Colarieti était achevé à plus de 20 p. 100 mais non à plus de 60 p. 100.

[21] Le seul élement de preuve qui ait été présenté pour le compte de l'appelante a été le témoignage de M. Peticca. M. Peticca a dit qu'il était sûr que les deux immeubles en question étaient achevés à 90 p. 100 au 1er janvier 1991, car l'appelante était contractuellement tenue de les avoir achevés à cette date, faute de quoi il y aurait eu rupture de contrat de sa part et les acheteurs auraient pu annuler l'opération. Il a également dit que, à cette date-là, tout ce qu'il restait à faire, c'était le “ travail de finition ”, par exemple les retouches, le nettoyage final et le raccordement d'appareils de plomberie, soit moins de 1 p. 100 de l'ensemble des travaux.

[22] L'avocat de l'appelante soutenait que la cotisation du ministre était basée sur une méthodologie boiteuse en ce que l'analyse du vérificateur n'avait pas été faite sur place et se fondait uniquement sur un “ examen de factures ”, qui indiquait non pas quand le travail avait été achevé, mais simplement la date à laquelle les factures avaient été remises. De plus, l'avocat arguait que cette information n'avait “ pas été partagée avec M. Peticca à l'époque de l'enquête, le privant ainsi de la possibilité d'expliquer alors les erreurs contenues dans l'analyse ”.

[23] L'appelante soutient également que la façon dont le ministre a calculé le pourcentage d'achèvement des deux biens n'était pas cohérente en ce que, dans un cas, le ministre a inclus des factures reçues jusqu'en avril 1991, tandis que, dans l'autre cas, il a tenu compte de factures reçues avant mars 1991. L'appelante soutient également que les vérificateurs ont utilisé seulement une des trois méthodes possibles pour déterminer le pourcentage d'achèvement et que, plus précisément, celle qu'ils ont utilisée ne prenait pas en compte les “ coûts en capital ” engagés dans la construction.

[24] La thèse de l'intimée est que le pourcentage d'achèvement relatif à chaque immeuble a été déterminé par les vérificateurs et l'agent des appels selon un examen des dates et des montants de factures provenant du grand livre des comptes de coûts de revient de l'appelante. L'avocate de l'intimée soutient également que, bien que des demandes d'informations supplémentaires aient été faites par les vérificateurs, l'appelante n'a fourni aucune documentation corroborant un degré d'achèvement.

[25] Cette question est purement une question de fait. C'est à l'appelante qu'il incombe d'établir selon la prépondérance des probabilités le pourcentage d'achèvement. Cela n'a pas été fait. L'appelante se fondait presque exclusivement sur l'assertion de M. Peticca, non étayée par de la documentation, selon laquelle les maisons étaient achevées à 90 p. 100 au 1er janvier 1991. L'avocat de l'appelante arguait que le passage suivant du témoignage de M. Peticca n'avait pas été contredit et devait être accepté, ce dont je ne saurais convenir :

[TRADUCTION]

Les maisons étaient achevées à ces dates-là, car il fallait que le constructeur veille à ne pas donner à l'acheteur une justification, un moyen permettant de ne pas conclure l'opération. Il était donc tout à fait sûr que les maisons étaient achevées au pourcentage qu'il disait [...].

[26] La vérification initiale relative à ces deux biens avait été effectuée par M. Ing. On lui avait donné libre accès aux registres de l'appelante, et notamment à ce qu'il appelait le grand livre de l'appelante concernant l'ensemble des frais de construction. M. Ing a expliqué que, relativement au lot 55 (M. Pellegrino), il avait établi à 38 p. 100 le pourcentage d'achèvement en se fondant sur les dates et montants des factures relatives aux achats effectifs qui avaient été reportés dans le grand livre de l'appelante pour la période allant jusqu'à la fin de 1990. Après une révision effectuée par l'agent des appels, M. Young, toutes les factures de janvier et février 1991 avaient été prises en compte dans le calcul, à partir de l'hypothèse que des travaux achevés avaient été facturés à l'appelante au cours de mois subséquents. Ainsi, le pourcentage d'achèvement au 1er janvier 1991 avait au bout du compte été fixé à 57 p. 100 dans la cotisation. Au cours du contre-interrogatoire, M. Ing a concédé que, dans son calcul, si les factures reçues par l'appelante en mars 1991 avaient été incluses (comme elles l'ont été pour le lot 89), le pourcentage d'achèvement aurait bien pu dépasser 60 p. 100, mais il aurait été inférieur à 90 p. 100. Concernant l'habitation située sur le lot 89 (M. Colarieti), M. Ing avait déterminé, en se fondant sur les grands livres de l'appelante, que le pourcentage d'achèvement était de 68 p. 100. Ce faisant, il avait pris en compte toutes les factures enregistrées dans le grand livre de l'appelante avant le 1er janvier 1991 ainsi que les factures enregistrées en janvier, février et mars 1991. Je dois faire remarquer à ce stade que l'exactitude de ces calculs de M. Ing n'a pas été contestée.

[27] J'ai conclu que l'appelante n'avait pas établi que le pourcentage d'achèvement de ces deux immeubles d'habitation était supérieur à 90 p. 100 au 1er janvier 1991. Au cours de la vérification, on avait demandé à l'appelante de produire des certificats d'achèvement et toute autre information pour corroborer sa thèse. Aucun document semblable n'a été présenté, alors qu'il semble que l'appelante puisse avoir eu à sa disposition de nombreux renseignements, par exemple des rapports de l'inspecteur de la construction, des dates et rapports d'inspection de l'Association canadienne de l'habitation et du développement urbain, etc. En outre, bien que M. Peticca ait maintenu que l'appelante était pratiquement en mesure de clore les opérations au 1er janvier 1991, il est avéré que, concernant le lot 55, le certificat d'occupation provisoire n'a pas été délivré avant le 22 avril 1991 et que, concernant le lot 89, il n'a pas été délivré avant août 1991. Dans ce dernier cas, en fait, l'appelante avait demandé à l'acheteur et obtenu de lui une prolongation de délai pour l'achèvement de la construction. Dans l'ensemble, le témoignage de M. Peticca n'était pas convaincant et, en l'absence de pièces justificatives importantes, il est difficile d'accepter l'assertion de M. Peticca selon laquelle tout ce qu'il restait à terminer, c'était le “ travail de finition ”.

[28] Au cours du témoignage, il semble avoir été concédé par l'intimée que, concernant le lot 55 (M. Pellegrino), si les factures reçues par l'appelante en mars 1991 avaient été incluses (comme dans le cas du lot 89), la cotisation pourrait facilement avoir été établie sur la base d'un pourcentage d'achèvement supérieur à 60 p. 100. Je ne vois aucune raison justifiant que l'on n'ait pas procédé de la même manière pour les deux biens et, en conséquence, concernant le lot 55, l'appel sera accueilli compte tenu du fait que l'immeuble était au 1er janvier 1991 achevé à plus de 60 p. 100 mais non à plus de 90 p. 100.

Question 3 : Location d'une maison avant 1991 — La maison en question était-elle louée ou occupée avant le 1er janvier 1991, donc non assujettie à de la TPS à l'égard de la vente subséquente de cette maison?

[29] En ce qui a trait à cette opération, les faits suivants ont été acceptés par les deux parties.

[TRADUCTION]

57. Le 2 octobre 1990, l'appelante a envoyé à Mme Jean Tolfo, qui avait précédemment conclu une convention pour acheter une maison devant être construite sur le lot 70, une lettre l'avisant que l'appelante avait obtenu les permis nécessaires pour la construction de l'habitation et qu'elle avait fixé au 7 décembre 1990 l'achèvement des travaux et la clôture de l'opération. Une copie de cette lettre figure à la section 58 du recueil conjoint de documents.

58. Le 4 octobre 1990, l'appelante a envoyé à Mme Jean Tolfo et à M. Vince Guido une lettre confirmant la réunion qu'ils avaient eue le 3 octobre 1990 et au cours de laquelle Mme Tolfo et M. Guido avaient autorisé l'appelante à choisir toutes les couleurs de l'intérieur de la maison située sur le lot 70. Une copie de cette lettre figure à la section 59 du recueil conjoint de documents.

59. Le 16 novembre 1990, l'avocat de l'appelante a envoyé à l'avocat de Mme Tolfo une lettre dans laquelle il disait, entre autres choses, que l'immeuble (lot 70) avait été utilisé à des fins de tournage et de publicité avant d'être achevé. Une copie de cette lettre figure à la section 60 du recueil conjoint de documents.

60. Le 16 novembre 1990, l'avocat de l'appelante a également envoyé à M. Wisebrod, de Bratty and Partners, une lettre dans laquelle il avisait M. Wisebrod que la date de clôture de la vente du lot 70 à Mme Tolfo et M. Guido avait été fixée au 7 décembre 1990. Une copie de cette lettre figure à la section 61 du recueil conjoint de documents.

61. Un certificat d'occupation provisoire a été délivré par la ville de Vaughan concernant le lot 70 le 30 novembre 1990. Une copie de ce certificat figure à la section 62 du recueil conjoint de documents.

62. Le 3 décembre 1990, l'appelante a, par courrier recommandé, envoyé une lettre à Mme Jean Tolfo et une lettre à M. Vince Guido confirmant que la date du 6 décembre 1990 avait été fixée pour l'inspection de l'Association canadienne de l'habitation et du développement urbain, de sorte que l'on puisse remplir et signer un certificat d'achèvement et un formulaire de possession. Des copies des lettres en date du 3 décembre 1990 et des reçus de Postes Canada indiquant que les lettres avaient été mises à la poste le 4 décembre 1990 figurent aux sections 63 et 64, respectivement, du recueil conjoint de documents.

63. Le 9 février 1991, l'appelante et Enzo Tirone, un nouvel acheteur, ont conclu une convention d'achat-vente mentionnant le lot 70, le modèle de maison “ Appleby ”, un prix d'achat de 480 000 $ et le 30 avril 1991 comme date de clôture.

[30] Pour la période pertinente, l'article 191 de la Loi sur la taxe d'accise se lisait comme suit :

191. (1) Pour l'application de la présente partie, lorsque la construction ou les rénovations majeures d'un immeuble d'habitation — immeuble d'habitation à logement unique ou logement en copropriété — sont achevées en grande partie et que le constructeur de l'immeuble en transfère la possession à une personne, qui n'est pas l'acheteur en vertu du contrat de vente visant l'immeuble, aux termes d'un bail, d'une licence ou d'un accord semblable conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel ou, étant un particulier, occupe lui-même l'immeuble à ce titre, le constructeur est réputé, si lui-même, la personne ou le particulier locataire de celle-ci ou titulaire d'un permis de celle-ci est le premier à occuper l'immeuble à ce titre après que les travaux sont achevés en grande partie :

a) avoir effectué et reçu, par vente, la fourniture taxable de l'immeuble;

b) avoir payé à titre d'acquéreur et perçu à titre de fournisseur, relativement à la fourniture, au dernier en date du jour où les travaux sont achevés en grande partie et du jour où la possession de l'immeuble est ainsi transférée ou l'immeuble ainsi occupé par le constructeur, la taxe prévue à la présente section, calculée sur la juste valeur marchande de l'immeuble ce jour-là.

[Le soulignement est de moi.]

L'article 191 vise à ce que de la TPS s'applique à des immeubles nouvellement construits ou en grande partie rénovés dans les cas où ils sont loués ou autrement occupés à titre résidentiel avant d'être vendus, car la vente subséquente d'une telle habitation sera généralement exonérée de taxe en tant que vente d'un logement ayant déjà servi. L'article 191 dispose que, dans de tels cas, le constructeur d'un immeuble d'habitation est considéré comme ayant vendu et racheté l'immeuble et qu'il doit donc rendre compte de la TPS sur la juste valeur marchande de l'immeuble[3]. L'article 4 de l'annexe V de la Loi exonère la vente d'un immeuble d'habitation à logement unique lorsque la vente est effectuée par le constructeur et que ce dernier a antérieurement effectué une fourniture à soi-même en vertu de l'article 191 relativement à l'immeuble, pourvu que le constructeur n'ait pas demandé un CTI après la fourniture à soi-même[4]. En vertu de l'article 14 de l'annexe V, les règles de l'article 191 en matière de fourniture à soi-même sont réputées avoir été en vigueur en tout temps avant 1991 pour déterminer si une vente d'un immeuble d'habitation est une vente exonérée d'un immeuble ayant déjà servi en vertu de l'article 4 de l'annexe V. Ainsi, un immeuble d'habitation construit et occupé avant 1991 est généralement exonéré lorsqu'il est vendu après 1990.

[31] L'appelante soutient que la maison située sur le lot 70 était louée et occupée avant le 1er janvier 1991, soit la date d'entrée en vigueur de la TPS, de sorte qu'aucune taxe n'était payable sur la vente subséquente à M. Tirone, en février 1991. La position du ministre est que le lot 70 n'a pas été ainsi loué ou occupé et que l'appelante ne pouvait se prévaloir des exonérations prévues aux articles 4 et 14.

[32] M. Peticca a témoigné que la conclusion de la vente d'une habitation construite sur le lot 70 pour Jean Tolfo et Vince Guido avait initialement été prévue pour le 7 décembre 1990. Toutefois, dit-il, à un moment donné avant cette date, l'appelante a été avisée que les acheteurs ne seraient pas en mesure de clore l'opération, de sorte que, “ au milieu de l'année 1990 ”, la maison a été louée à une société cinématographique pour une période d'environ quatre à six semaines durant laquelle la maison a été utilisée et occupée par une équipe de tournage. D'après M. Peticca, ces personnes “ avaient apporté leur propre mobilier, mis des tapis et fait en sorte que la maison ait l'air achevée à 100 p. 100, alors que, en fait, il n'y avait que des planchers de contreplaqué, les murs n'étaient pas peints, et il n'y avait pas de meubles. Il était stupéfiant de voir ce qui avait été fait de la maison pour qu'elle ait l'air d'une résidence dans un film en cours de production ”. M. Peticca a également dit que l'équipe de tournage “ passait la nuit au sous-sol, y mangeait le midi et le soir, et ainsi de suite ”. Lorsque le tournage a été terminé, la construction a repris et, d'après M. Peticca, la construction était achevée au début de décembre 1990, sauf pour ce qui était de certains travaux extérieurs de nivellement et de gazonnage. M. Peticca a dit en outre que, le 9 septembre 1990, vu l'incapacité de l'acheteur à clore l'opération, l'appelante avait conclu un arrangement avec un certain John Clubine de sorte que le bien soit loué pendant six mois à partir du 1er novembre 1990, à un prix de 1 500 $ par mois[5].

[33] La position de l'appelante se fonde presque exclusivement sur le témoignage de M. Peticca. Plusieurs facteurs m'amènent à rejeter la position de l'appelante. Tout d'abord, la conclusion du bail avec M. Clubine en septembre ne cadrait pas avec la conduite de l'appelante à cette époque concernant la vente à Mme Tolfo et à M. Guido. Le 2 octobre 1990, l'appelante avait avisé les acheteurs que l'achèvement de l'habitation et la clôture de l'opération avaient été fixés au 7 décembre 1990. Le 3 octobre 1990, Mme Tolfo et M. Guido se sont réunis avec l'appelante et lui ont donné l'autorisation de choisir les couleurs de l'intérieur[6]. Le 16 novembre, les avocats de l'appelante accusaient réception d'une lettre en date du 1er novembre 1990 des avocats de l'acheteur et confirmaient qu'avant d'être achevé le bien avait été utilisé à des fins de tournage et de publicité. Cette lettre, qui disait ensuite que l'habitation serait achevée à la date de clôture prévue, se terminait comme suit : “ Veuillez nous faire savoir comment vos clients procéderont pour prendre le titre. Nous vous fournirons un projet d'acte de transfert et un relevé d'ajustements avant la date de clôture ”. Le certificat d'occupation provisoire avait été obtenu par l'appelante le 30 novembre 1990 et, le 3 décembre de cette année-là, M. Peticca avait envoyé des lettres à Mme Tolfo et à M. Guido disant : “ Conformément à notre conversation d'aujourd'hui, la présente vise à confirmer que l'inspection de l'Association canadienne de l'habitation et du développement urbain est prévue pour le 6 décembre 1990, à 10 heures, de manière que l'on puisse remplir et signer les certificats d'achèvement et le formulaire de possession ”. Bien qu'il puisse y avoir eu des motifs d'inquiétude concernant la capacité de l'acheteur à clore l'opération, je trouve inconcevable que l'appelante ait mis en péril la vente (ainsi que sa prétention à l'acompte) en permettant à M. Clubine de prendre possession de l'habitation le 1er novembre 1990.

[34] L'argument de l'avocat de l'appelante donnait à entendre, bien qu'indirectement, qu'une conclusion négative devrait être tirée du fait que le vérificateur, M. Ing, n'avait nullement cherché à vérifier la véracité du témoignage de M. Peticca en retrouvant M. Clubine, dont il avait pourtant l'adresse et le numéro de téléphone. À la lumière de la preuve dont la Cour a été saisie, cet argument est étonnant, c'est le moins que l'on puisse dire. M. Peticca a déclaré qu'il n'avait pas d'informations de première main sur les circonstances dans lesquelles le “ bail ” avait été établi, car il n'avait jamais traité avec M. Clubine. En fait, il a dit que M. Clubine était un parfait étranger pour tout le monde à la compagnie Sir Wynne. De plus, il ne se souvenait pas d'avoir signé le bail et ne se rappelait pas avoir eu des discussions avec M. Favia à ce sujet, mais il présumait que “ tel devait avoir été le cas aux fins de la signature de ce document ”. Bien que M. Peticca ait soutenu que l'appelante avait reçu les paiements locatifs exigés, l'appelante n'a pu respecter l'engagement de produire des copies d'inscriptions de chèques de loyer ou autres figurant dans les livres de l'appelante et indiquant à quelles dates ces chèques peuvent avoir été reçus ou déposés. J'ai deux observations supplémentaires à formuler. Premièrement, il n'y a aucune preuve indépendante que le bien en cause était prêt à être occupé le 1er novembre 1990 ou avant et, deuxièmement, en ce qui a trait au bail lui-même, il n'y a aucune précision quant au bien qui était prétendument l'objet du bail. Cela est pertinent jusqu'à un certain point, car, comme l'avocate de l'intimée l'a fait remarquer, l'appelante avait plusieurs maisons-témoins de disponibles et les louait à l'occasion. En fait, on n'a présenté aucun témoignage permettant de présumer que M. Clubine avait effectivement occupé cet immeuble particulier à titre résidentiel comme le soutenait l'appelante.

[35] Pour ce qui est du fait qu'elle a omis d'appeler à témoigner M. Clubine ou M. Favia[7], l'appelante faisait valoir qu'elle s'était acquittée de son obligation de présenter des éléments de preuve sous serment en appelant M. Peticca à témoigner et elle disait que rien d'autre n'était nécessaire. Dans les circonstances, cette thèse est simplement inacceptable. M. Favia était l'agent de l'appelante, et c'est lui qui, prétendument, avait traité avec M. Clubine au sujet du bail. Le fait que l'appelante n'ait pas appelé à témoigner M. Favia (et / ou M. Clubine) ne peut qu'amener à conclure que le témoignage qu'ils auraient présenté n'aurait pas été utile à l'appelante.

[36] La preuve dans son ensemble n'étaye pas la position de l'appelante et, en conséquence, l'appelante ne peut avoir gain de cause sur cette question.

[37] Je suis en outre convaincu que l'utilisation de ce bien aux fins de la production d'un film ne satisfait pas aux dispositions de l'article 191, qui exige expressément que le bail, la licence ou l'accord semblable soit conclu en vue de l'occupation de l'immeuble à titre résidentiel. Mis à part le fait que la preuve indique que le film a été tourné au moins quatre à cinq mois avant que ne soit accordé le certificat provisoire d'occupation, je suis d'avis que, même si certains membres de l'équipe de production participant au tournage avaient passé quelques nuits dans cette maison, cela n'équivaut pas à une occupation à titre résidentiel au sens de l'article 191 de la Loi.

Question 4 : Paiement pour report de date de clôture. Lot 55 — Acheteur : M. Pellegrino

[38] Les parties conviennent des faits suivants :

[TRADUCTION]

64. Le 13 juin 1991, l'avocat de M. Pellegrino a écrit à l'avocat de l'appelante une lettre demandant que la date de clôture soit reportée de 30 jours, c'est-à-dire au 15 juillet 1991. Une copie de la lettre figure à la section 65 du recueil conjoint de documents.

65. Le 14 juin 1991, l'avocat de M. Pellegrino a écrit à l'avocat de l'appelante une lettre qui confirmait l'entente visant le report de la date de clôture au 15 août 1991 et à laquelle était jointe une traite bancaire de 8 000 $ à l'ordre de l'appelante, soit ce qui était appelé dans la lettre des droits de prorogation non remboursables. Une copie de la lettre figure à la section 66 du recueil conjoint de documents.

[39] L'appelante soutient que les 8 000 $ ont été demandés à l'acheteur pour couvrir les frais d'intérêts bancaires de l'appelante engagés en raison de l'octroi d'une prorogation de la date de clôture. L'appelante dit que cette conclusion est conforme au fait que la somme payée était susceptible d'être réduite selon un taux spécifié tenant compte des frais d'intérêts quotidiens si l'acheteur avançait la date de clôture. Ainsi, l'appelante soutient que le paiement pour prorogation constitue un “ service financier ” conformément à l'article 123 de la Loi puisque, en fait, il s'agit d'un paiement au titre d'intérêts sur un prêt. Donc, le paiement représente une fourniture exonérée conformément à l'article 1 de la partie VI de l'annexe V.

Le droit

[40] Conformément à la Loi, tous les “ services financiers ” fournis par une personne autre qu'une institution financière sont exonérés[8]. Les dispositions pertinentes du paragraphe 123(1) de la Loi définissent comme suit “ effet financier ” et “ service financier ” :

“effet financier”

a) Titre de créance;

b) titre de participation;

c) police d'assurance;

d) participation dans une société de personnes ou une fiducie, ou droit y afférent;

e) métal précieux;

f) option ou contrat, négocié dans une bourse de commerce reconnue, pour la fourniture à terme de marchandises;

g) effet visé par règlement;

h) garantie, acceptation ou indemnité visant un effet visé à l'alinéa a), b), d), e) ou g);

i) option ou contrat pour la fourniture à terme d'argent ou d'un effet visé à l'un des alinéas a) à h).

“service financier”

[...]

c) le prêt ou l'emprunt d'un effet financier;

[...]

f)                     le paiement ou la réception d'argent à titre de dividendes, sauf les ristournes, d'intérêts, de principal ou d'avantages, ou tout paiement ou réception d'argent semblable, relativement à un effet financier;

[Le caractère gras est de moi.]

[41] La thèse de l'appelante selon laquelle l'“ imposition ” du paiement de 8 000 $ était un service financier et non une composante de la fourniture aux fins de la TPS n'est pas étayée par les faits ni par les dispositions pertinentes de la Loi.

[42] L'essentiel de la convention entre l'appelante et M. Pellegrino est énoncé dans la lettre de l'avocat de M. Pellegrino en date du 14 juin 1991[9]. Les passages pertinents se lisent comme suit :

[TRADUCTION]

La présente confirme notre conversation téléphonique d'aujourd'hui, au cours de laquelle nous avons convenu que la date de clôture de cette opération serait reportée au 15 août 1991, que toutes les conditions de la convention d'achat-vente telle qu'elle a été modifiée par votre lettre du 22 avril 1991 resteraient les mêmes et que le facteur temps resterait primordial.

Veuillez trouver ci-joint la traite bancaire de notre client à l'ordre de la Sir Wynn Homes Ltd., soit une traite de 8 000 $ représentant des droits de prorogation non remboursables. Nous confirmons que, si notre client conclut l'opération avant le 15 août 1991, vous réduirez le prix prévu aux présentes d'un montant de 129 $ par jour pour chaque jour allant de la date de clôture au 15 août 1991.

Je suis convaincu que les “ droits de prorogation non remboursables ” mentionnés dans cette convention ne sont pas des intérêts, car l'appelante n'a nullement prêté ou avancé de l'argent à l'acheteur. Le montant de 8 000 $ a été déterminé par les parties comme étant la contrepartie appropriée à verser à l'appelante du fait qu'elle acceptait de reporter la conclusion de l'opération de vente. Que ce montant puisse avoir été calculé sur la base d'intérêts bancaires ne modifie pas la nature de l'opération. Je ne peux conclure que, en concluant cette convention, l'appelante fournissait un service financier au sens du paragraphe 123(1) de la Loi.

Question 5 : Extras

[43] Les parties conviennent de ce qui suit :

[TRADUCTION]

66. Les 15 novembre, 20 novembre et 30 décembre 1990, Giulio Bianchi, qui avait conclu une convention pour acheter une maison devant être construite sur le lot 91 de Longview Crescent, a commandé divers extras. Des copies des formulaires de commande figurent aux sections 67, 68 et 69, respectivement, du recueil conjoint de documents.

[44] L'appelante soutient que ces extras ont été achetés avant le 1er janvier 1991 et ne sont donc pas assujettis à de la TPS. L'avocat arguait que l'achat d'éléments de construction supplémentaires après la signature du contrat initial n'était nettement pas inclus dans la contrepartie versée et correspondait plutôt à une vente distincte. Il soutenait en outre que la convention énumère tous les éléments que l'acheteur a reçus en contrepartie du prix d'achat et que la clause 11 de la convention prévoit expressément qu'il y aura des extras. Tous les éléments en cause ont été payés le 22 novembre 1990.

[45] La thèse de l'intimée est que la prétendue fourniture distincte d'extras faisait partie intégrante de la fourniture globale, à l'acheteur, de l'immeuble d'habitation à logement unique. Le paiement de ces extras, quoique ceux-ci aient été facturés séparément, fait partie de la contrepartie totale de la fourniture de la maison neuve et doit être pris en compte dans le calcul de la TPS à payer à l'égard de cette fourniture[10].

Conclusion

[46] La position de l'appelante selon laquelle l'achat d'éléments de construction supplémentaires après la signature du contrat initial correspond à une vente distincte aux fins de la TPS n'est pas bien fondée. M. Peticca a témoigné que, lorsqu'une convention d'achat-vente était conclue, il arrivait souvent que les acheteurs désirent que des éléments supplémentaires soient intégrés à leur maison. Dans de tels cas, l'appelante proposait à l'égard de ces extras un prix représentant à la fois le coût des matériaux et les frais de main-d'oeuvre relatifs à l'installation de ces éléments. Dans cette opération particulière, les trois commandes visaient des améliorations et ajouts concernant les salles de bain et la cuisine ainsi que la construction d'un toit en bardeaux de cèdre plutôt qu'en bardeaux standard[11]. Le coût total de ces extras était d'environ 44 000 $.

[47] À mon avis, il s'agissait d'une fourniture mixte et, comme le faisait remarquer le juge Rip dans l'affaire O.A. Brown Ltd. :

Le fait que des frais sont exigés séparément à l'égard d'un élément d'une fourniture mixte ne modifie pas les attributs fiscaux de celui-ci.. La question de savoir si la taxe est exigée est régie par la nature de la fourniture. Dans chaque cas, il est utile de se demander s'il serait possible d'acheter chacun des divers éléments séparément et d'obtenir néanmoins un article ou service utile. Car si cela n'est pas possible, il faut alors nécessairement conclure qu'une fourniture mixte qui ne peut pas être divisée aux fins de la taxe est en cause.

Chacun des extras requis faisait partie intégrante d'un ensemble composite constituant une fourniture unique. J'adopte les propos suivants du juge Rip :

[...] Elles ne forment un service utile que si elles sont considérées ensemble. [...] Il n'est pas possible, en réalité, d'enlever de la fourniture globale les présumées fournitures séparées car celles-ci constituent en fait l'essence de cette fourniture. [...]

Une saine appréciation du service fourni par l'appelante est que ce service consistait à construire une habitation pour les acheteurs conformément à leurs exigences, ce qui incluait des éléments supplémentaires ainsi que des améliorations. Ce service spécialisé représente un ensemble composite qui, aux fins de la Loi, a à juste titre été considéré par le ministre comme étant une fourniture unique.

Signé à Ottawa, Canada, ce 28e jour de janvier 2000.

“ A. A. Sarchuk ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour d'août 2000.

Benoît Charron, réviseur



[1]               Semelhago v. Paramadevan, [1996] 136 D.L.R. (4th) 1 C.S.C.

[2]               Voir l'annexe (H) de la section 12 de la pièce A-1 concernant les Yannuzzi, la page 1 de la section 17 de la pièce A-1 concernant les Dolan et l'annexe 6 de la section 34 de la pièce A-1 concernant les Marton. Pour ce qui est de Mme Valente, l'appelante avait demandé un crédit de taxe sur les intrants dans sa déclaration de TPS pour la période de déclaration se terminant le 30 août 1993.

[3]               Notes techniques de 1991 sur l'article 191.

[4]               Notes techniques de 1991 sur l'article 4.

[5]               Pièces A-3, A-4, A-5 et R-7.

[6]               Pièce A-1, section 59.

[7]               Matteo Favia était, durant toute la période pertinente, représentant de commerce à Market Lane Realty Inc., soit l'agent de l'appelante concernant la vente de biens en cause dans un grand nombre de ces opérations.

[8]            La principale exonération relative à des fournitures de services financiers est prévue indirectement à l'article 1, puisqu'une telle fourniture est définie comme désignant toute fourniture de service financier qui n'est pas détaxée du fait qu'elle est incluse dans la partie IX de l'annexe VI. Autrement dit, tous les services financiers sont exonérés à moins qu'ils ne soient détaxés et, dans l'examen ci-après des fournitures détaxées, on remarquera que seules des insitutions financières peuvent effectuer de telles fournitures. Donc, tous les services financiers fournis par des personnes autres que des institutions financières sont exonérés.

[9]               Pièce A-1, section 66.

[10]             O.A. Brown Ltd. v. The Queen, [1995] G.S.T.C. 40 (C.C.I.).

[11]             Pièce A-1, sections 67, 68 et 69.

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