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Date: 19991027

Dossier: 98-1420-IT-I

ENTRE :

LYLE PHILLIPS,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Brulé, C.C.I.

[1] L'appelant interjette appel contre des cotisations établies par le ministre du Revenu national (ci-après le “ ministre ”) pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995. L'appel a été entendu le 9 août 1999 à Vancouver (Colombie-Britannique).

Les faits

[2] L'appelant a déclaré des pertes d'entreprise de 7 500,00 $, 8 175,35 $ et 8 814,80 $ dans ses déclarations de revenus des années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement. Il a déduit les pertes se rapportant à la location de deux véhicules récréatifs. En établissant les nouvelles cotisations de l'appelant pour ces années, le ministre a refusé d'admettre une partie des honoraires comptables et professionnels, des frais d'assurance, d'intérêt et de banque, des frais d'entretien et de réparation et des frais d'entreposage. Le ministre a également refusé d'admettre la dépréciation pour amortissement (“ DPA ”) déduite par l'appelant, soit les sommes de 6 397,89 $, 6 858,94 $ et 8 666,22 $.

Points en litige

[3]a) Les véhicules récréatifs sont-ils des “ biens donnés en location à bail ” au sens du Règlement de l'impôt sur le revenu (ci-après le “ Règlement ”)?

b) Le ministre a-t-il eu raison de refuser d'admettre une partie de la DPA déduite par l'appelant pour l'entreprise de location des véhicules récréatifs durant les années 1993, 1994 et 1995?

c) Le ministre a-t-il eu raison de refuser d'admettre une partie de certains frais déduits par l'appelant?

Position de l'appelant

[4] L'appelant a invoqué l'article 1100 du Règlement, affirmant que cet article ne s'applique qu'aux édifices, non aux automobiles ni aux véhicules à moteur. À l'appui de sa position, il s'est référé au paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Selon l'appelant, cette disposition, lue en même temps que le paragraphe 1100(17), soustrait ses biens à la définition de “ biens donnés en location à bail ” apparaissant dans le Règlement, et ses véhicules récréatifs se qualifient donc comme véhicules de location.

Position de l'intimée

[5] L'intimée affirme que les véhicules récréatifs étaient des “ biens donnés en location à bail ” au sens des paragraphes 1100(17) et 1100(17.2) du Règlement. D'ailleurs, le paragraphe 1100(17.3) ne soustrait pas les véhicules récréatifs à cette définition puisque les véhicules récréatifs n'étaient pas utilisés dans une entreprise que l'appelant exploitait et dont il s'est occupé personnellement de façon continue tout au long des années en question. Selon l'intimée, le ministre avait restreint à bon droit la DPA pouvant être accordée à l'appelant en conformité avec le paragraphe 1100(15). L'intimée a aussi affirmé que le ministre avait eu raison de refuser d'admettre une partie des frais déduits par l'appelant.

[6] Le ministre s'est appuyé sur les hypothèses de fait suivantes pour confirmer les nouvelles cotisations :

[TRADUCTION]

durant l'année d'imposition 1991, l'appelant a acquis un véhicule récréatif 1991 Travelhome 24' (le “ premier VR ”);

le 11 août 1994, l'appelant s'est départi du premier VR en faveur de Travelhome Vacations International Inc. (“ Travelhome ”) pour la somme de 26 000,00 $;

en novembre 1993, l'appelant a acheté à Travelhome, pour la somme de 59 492,36 $, un véhicule récréatif 1994 Yellowstone Capri 26' (le “ deuxième VR ”);

à tout moment pertinent durant les années d'imposition 1993, 1994 et 1995, l'appelant a, sous la raison sociale DL Rentals, offert le premier VR et le deuxième VR (collectivement appelés les “ VR ”) en location à des tiers par l'entremise de Travelhome (l'“ entreprise de location des VR ”);

à tout moment pertinent, Travelhome a tenu lieu de société de gestion ou de mandataire pour l'entreprise de location des VR;

en échange des services fournis par Travelhome dans l'administration de l'entreprise de location des VR, notamment la publicité, la négociation des contrats de location, l'assurance, l'entretien et l'entreposage des VR, Travelhome demandait à l'appelant, à titre de frais de gestion (ci-après les “ frais de gestion ”), un pourcentage des recettes brutes tirées de la location des VR;

les loyers se rapportant aux VR étaient versés à Travelhome, qui déduisait les frais de gestion et versait le solde à l'appelant;

les VR étaient utilisés principalement pour gagner ou produire des recettes de location;

l'appelant avait un rôle très minime dans l'entreprise de location des VR;

l'utilisation personnelle des VR par l'appelant a été de 13%, de 14% et de 3% pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 respectivement, comme on l'indique ci-après :

1993 1994 1995

Kilomètres parcourus par

l'appelant 3 084 4 296 553

Total des kilomètres parcourus 23 260 30 065 20 355

Kilomètres parcourus par

l'appelant/total des kilomètres

parcourus 14% 14% 3%

les frais d'intérêt et frais bancaires de 306,88 $ déduits par l'appelant pour l'année d'imposition 1993, et les honoraires comptables et professionnels de 433,47 $ déduits par l'appelant pour l'année d'imposition 1994, relativement à l'entreprise de location des VR, n'ont pas été payés ou engagés dans le dessein de gagner ou de produire un revenu d'entreprise ou un revenu tiré de biens;

une partie des frais d'assurance, d'intérêt et de banque, ainsi que des frais d'entretien et des frais de réparation et d'entreposage déduits par l'appelant pour les années d'imposition 1993, 1994 et 1995 relativement à l'entreprise de location des VR étaient des frais personnels ou de subsistance de l'appelant...

Preuve produite à l'instance

[7] Deux accords de “ gestion de véhicules récréatifs avec service complet ” ont été produits comme preuve à l'instance. Selon ces accords, l'appelant prenait à sa charge, entre autres choses, les frais d'assurance et les frais d'entretien et de réparation. Pour ce qui est des frais d'entretien et de réparation, le gérant était autorisé à procéder aux réparations sans permission ou autorisation particulière de l'appelant, mais il devait s'efforcer de maintenir les frais aussi bas que possible. Il est intéressant de noter que, dans les accords, le gérant ne fait aucune déclaration, promesse ou garantie sur l'ampleur des recettes. Les dispositions de l'article 1 présentent sans doute le plus d'intérêt :

[TRADUCTION]

Le gérant fournit des services professionnels de mise en marché et de gestion de véhicules récréatifs aux propriétaires indépendants de véhicules récréatifs, notamment l'application d'un programme d'entretien et de réparation, les excursions récréatives, les affrètements de véhicules et les forfaits vacances au grand public.

[...]

Le propriétaire souhaite participer activement aux activités quotidiennes se rapportant aux locations et aux excursions et souhaite retenir les services du gérant, selon une relation mandant–mandataire, pour l'entretien, la réparation, la mise en marché et la gestion desdits véhicules.

[8] Globalement, les accords donnent au gérant le pouvoir d'agir en tant que mandataire de l'appelant. En d'autres termes, les accords confèrent au gérant des responsabilités étendues concernant l'entretien et la location des VR.

Analyse

[9] Cette affaire se résume à une interprétation du Règlement et à des questions de fait. Abstraction faite de l'existence d'accords conclus avec l'agent de location, cette affaire se distingue peu d'autres affaires portant sur des VR. Cependant, vu la manière dont la Cour interprète fondamentalement les faits et le Règlement, les VR sont des “ biens donnés en location à bail ”, au sens des paragraphes 1100(17) et (17.2) du Règlement. La question de fait est de savoir si l'appelant a droit à la protection du paragraphe 1100(17.3). L'appelant devait établir, selon la prépondérance des probabilités, que son rôle dans l'entreprise était suffisant pour entraîner l'application du paragraphe 1100(17.3).

[10] Le fait que l'appelant avait deux VR ne change rien aux données du problème. Les conditions de base doivent quand même être établies par l'appelant (il doit prouver qu'il y avait une entreprise, que l'entreprise avait des chances raisonnables de réaliser des bénéfices et, aspect sans doute le plus important pour l'appelant, qu'il s'occupait de l'entreprise personnellement et de façon continue).

[11] Le ministre semble avoir admis la majorité des dépenses déduites, ainsi que d'autres, avant le début du procès, sauf les sommes représentant le pourcentage d'utilisation personnelle au cours des années considérées. La principale question à résoudre donc est de savoir si l'appelant est ou non restreint par le paragraphe 1100(15) du Règlement en ce qui concerne la déduction de la DPA.

[12] La Cour est d'avis que l'appelant n'a pas bien interprété le Règlement. Le paragraphe 1100(17) du Règlement ne fait peut-être pas expressément mention des véhicules récréatifs, mais, étant donné le texte de l'article et la jurisprudence, il ne fait aucun doute que ce paragraphe englobe les véhicules récréatifs. Le paragraphe 1100(17) définit ce qui constitue, pour l'application du paragraphe 1100(15), un bien donné en location à bail. L'expression “ bien donné en location à bail ”, qui apparaît au paragraphe 1100(17), exclut expressément les biens locatifs, définis au paragraphe 1100(14). Le paragraphe 1100(14) se rapporte à des immeubles, et donc le paragraphe 1100(17) doit se rapporter à des biens meubles amortissables et non à des biens immeubles. En d'autres termes, les VR seraient compris dans le paragraphe 1100(17), mais non dans le paragraphe 1100(14). On considère que les paragraphes 1100(15) à (20) étendent le principe des paragraphes 1100(11) à (14) aux “ biens donnés en location à bail ”.

[13] Par conséquent, pour résumer, le paragraphe 1100(17) définit l'expression “ bien donné en location à bail ” comme un bien amortissable, autre qu'un bien immeuble, utilisé par le contribuable principalement afin de gagner ou de produire un revenu brut constitué d'un loyer ou d'un revenu de location. Le paragraphe 1100(17.2) englobe dans le mot “ loyer ” le revenu brut dérivé du droit d'une personne (à l'exclusion du propriétaire du bien) d'utiliser le bien, ainsi que le revenu brut dérivé de services offerts à une personne qui sont accessoires à l'utilisation du bien par la personne. Les changements qui ont été apportés au paragraphe 1100(17) en 1986 sont expliqués ainsi par H. Stikeman dans TaxPartner :

[TRADUCTION]

Pour les années d'imposition 1986 et suivantes, la définition de “ bien donné en location à bail ”, relativement à un bien acquis par un contribuable ou une société de personnes, se trouve élargie par l'ajout du paragraphe 1100(17.2). Avec le paragraphe 1100(14.1), il est donné effet aux propositions annoncées dans le budget de mai 1985, propositions dont l'objet était d'empêcher les particuliers de mettre à l'abri leurs autres revenus au moyen de pertes créées par la dépréciation pour amortissement à l'égard de biens, tels que yachts, véhicules récréatifs, hôtels et maisons de repos, utilisés dans des entreprises qui offrent des services au moyen de tels biens. Le revenu brut dérivé du droit d'une personne ou société de personnes (à l'exclusion du propriétaire du bien) d'utiliser ou d'occuper le bien, et le revenu brut dérivé de services offerts qui sont accessoires à une telle utilisation ou occupation, sont considérés comme des loyers.

[14] Une exception au paragraphe 1100(17.2) figure au paragraphe 1100(17.3). En d'autres termes, le paragraphe 1100(17.2) ne s'applique pas à un bien qui appartient à un particulier, lorsque le bien est utilisé par une entreprise que le particulier exploite dans l'année et dont il s'occupe personnellement de façon continue. Dans le cas de l'appelant, celui-ci devait s'occuper de l'entreprise personnellement et de façon continue.

[15] Le paragraphe 7 du Bulletin d'interprétation IT-195R4 offre peu d'indications sur la question de savoir si l'appelant s'occupait de l'entreprise personnellement et d'une façon continue. Voici le texte de la dernière partie du paragraphe :

Quant à savoir si un particulier “ s'occupe personnellement de façon continue (de l'entreprise) tout au long de la partie de l'année où l'entreprise est habituellement exploitée ”, il s'agit là d'une question de fait. Pour le déterminer, on considérera la nature de l'entreprise et la participation du particulier dans les affaires courantes de cette entreprise. Par exemple, si l'entreprise consiste à exploiter une maison de repos, le simple fait que le particulier passe périodiquement en revue les résultats des actions posées dans le cadre de la marche courante de l'entreprise ou qu'il recommande, à l'occasion, la maison à des clients éventuels ne permet pas de déterminer qu'il “ s'occupe personnellement de façon continue (de l'entreprise) ”. Par contre, la restriction relative à la DPA ne s'appliquerait normalement pas si le particulier participait à temps plein aux décisions de gestion, à la prestation des services aux occupants, à l'embauche du personnel et à la recherche de clients. ”

[Même si ce bulletin traite surtout de biens locatifs, son effet est pratiquement le même pour les biens donnés en location à bail.]

[16] Il importe de garder à l'esprit l'objet des réformes de 1986. Les modifications avaient pour objet d'empêcher les particuliers de mettre à l'abri un revenu à la faveur de pertes créées par la DPA applicable à des biens, tels les yachts et les VR, utilisés dans des entreprises qui offrent des services au moyen de tels biens. Vu l'objet et le texte du paragraphe 1100(17) du Règlement, la DPA de l'appelant a été à juste titre restreinte conformément au paragraphe 1100(15).

[17] Pour ce qui est des dépenses dont la déduction n'a pas été admise, la Cour a du mal à comprendre pourquoi l'appelant les a contestées. Le ministre n'a pas au départ refusé d'admettre toutes les dépenses déduites par l'appelant, seulement une partie, puis quelques autres avant le procès. L'appelant a expliqué son utilisation des VR, et les explications ont été prises en considération par le ministre. En conformité avec l'alinéa 18(1)h) de la Loi, les dépenses engagées pendant que l'appelant utilisait les VR pour son usage personnel ne peuvent être déduites.

[18] Par conséquent, l'appel est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'octobre 1999.

“ J. A. Brulé ”“ J. A. Brulé ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 24e jour de juillet 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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