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Date: 20001020

Dossier: 1999-619-IT-G

ENTRE :

RICHARD O’NEILL,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] Le présent appel est interjeté à l’encontre de nouvelles cotisations, dont les avis sont datés du 15 août 1995, par lesquelles le ministre a inclus les montants de 3 267 $ et de 4 860 $ dans le revenu de l’appelant pour les années d’imposition 1992 et 1993 respectivement — comme valeur d’avantages conférés à l’appelant par C & C Limited (“ C & C ”) — et par lesquelles le ministre a refusé la perte déductible au titre d’un placement d’entreprise (“ PDTPE ”) de 44 489 $ qui avait été déclarée par l’appelant pour l’année d’imposition 1993.

[2] À l’étape du procès, les parties ont produit un exposé conjoint partiel des faits, qui se lit comme suit :

[TRADUCTION]

L’appelant, Richard O’Neill, et l’intimée, Sa Majesté la Reine, par l’intermédiaire de leurs avocats, conviennent des faits suivants aux fins de l’espèce :

L’appelant, M. Richard O’Neill, habite 68, promenade Harrington, St. John’s (Terre-Neuve).

L’appel fait suite à deux avis de cotisation en date du 15 août 1995 et se rapporte aux années d’imposition 1992 et 1993 de l’appelant.

Tout au long des années pertinentes, l’appelant était actionnaire d’O’Neill Motors Limited et en était le directeur général.

Tout au long des années pertinentes, M. McNeill était actionnaire de McNeill’s Transport Limited et en était le président-directeur général.

En novembre 1990, l’appelant et Loyola McNeill ont, pour 30 000 $, acheté toutes les actions de C & C Limited (“ C & C ”), soit une société de Terre-Neuve. Chacun a acquis 50 p. 100 des actions. Sur le prix d’achat, un montant de 24 000 $ a été obtenu par voie de prêt personnel consenti à l’appelant et à M. McNeill. Ce prêt était garanti par une hypothèque mobilière accordée par C & C.

Le seul actif de C & C à l’époque était un petit avion (un Cessna 180) équipé de flotteurs. C-FEDK était l’indicatif d’appel de cet avion (communément appelé l’EDK).

À l’époque où elle a été achetée, C & C n’exerçait aucune activité, et l’avion EDK n’était pas utilisable, ayant besoin de réparations majeures.

C & C n’avait pas de compte bancaire de société. L’appelant et Loyola McNeill avaient un compte bancaire conjoint.

De novembre 1990 jusqu’au début de juillet 1992, l’appelant et M. McNeill ont, personnellement dans une certaine mesure et avec l’aide d’autres personnes, réparé l’EDK, qui est devenu réutilisable le 9 juillet 1992.

Tous les frais liés à la réparation et à l’entreposage de l’avion EDK ont été payés par l’appelant et / ou M. McNeill personnellement, mais ont par la suite été comptabilisés dans les états financiers de C & C comme prêts d’actionnaire sans intérêts.

Vers le début d’août 1993, C & C a, pour 210 000 $, acheté un avion Beaver à la société De Havilland; C-GUBS était l’indicatif d’appel de cet avion (communément appelé l’UBS). Pour la conclusion de cette opération, on a repris à C & C l’EDK et un autre avion, pour 198 000 $. Le montant total payé par C & C à cette époque a été de 26 700 $ (prix d’achat moins valeur de reprise, plus TPS).

L’avion repris avec l’EDK lors de l’achat de l’UBS était un Cessna TU 206-G, dont l’indicatif d’appel était C-FDJI, et qui avait été acheté à un tiers.

Une fois l’opération susmentionnée conclue, C & C était, au début d’août 1993, propriétaire d’un seul avion, l’UBS.

L’appelant détenait un permis pour occuper un terrain à Round Pond, dans une région éloignée située dans la partie centrale de Terre-Neuve, qui n’est accessible que par voie aérienne. L’appelant et M. McNeill ont, personnellement et avec l’aide d’amis, construit un pavillon sur ce terrain.

Lorsque, en 1993, l’avion s’est écrasé, aucune demande n’a été faite aux services compétents du gouvernement provincial aux fins de l’exploitation d’une pourvoirie, et aucun permis autorisant l’utilisation du pavillon dans le cadre de l’exploitation d’une pourvoirie n’a été obtenu.

L’appelant n’a déclaré aucun revenu au titre de l’utilisation du pavillon.

Aucun revenu n’a été gagné ni comptabilisé par C & C au titre de l’exploitation d’une pourvoirie. Les seuls revenus comptabilisés par C & C, alors qu’elle appartenait à l’appelant et à M. McNeill, étaient des sommes reçues d’O’Neill Motors Limited et de McNeill’s Transport Limited.

La police d’assurance détenue sur l’avion UBS ne couvrait pas l’utilisation commerciale de l’avion.

Au début d’octobre 1993, l’appelant a eu un accident avec l’avion UBS. Celui-ci a été endommagé au point d’être considéré comme perdu. À cette époque, la valeur de récupération de l’UBS était estimée à environ 5 000 $.

Le règlement de sinistre relatif à l’UBS a rapporté net 131 650 $. Ce produit d’assurance couvrait le montant correspondant à l’hypothèque mobilière accordée par C & C pour cet avion, mais, au bout du compte, C & C s’est retrouvée avec un déficit important.

Après l’accident d’avion survenu en 1993, le pavillon n’a fait l’objet d’aucun autre travail.

Après l’accident de 1993, aucune activité n’a été exercée par C & C, qui a fini par être radiée du registre des sociétés.

Pendant la période où elle a appartenu à l’appelant et à M. McNeill, C & C n’a pas produit de déclarations de revenu avant le 15 mars 1994. Les déclarations T2 de C & C pour 1992 et 1993 ont été signées par l’appelant à cette date-là, puis ont été présentées à Revenu Canada.

C & C n’avait pas d’états financiers compilés entre 1990 et la date de l’accident d’avion, survenu en 1993.

Pendant la période pertinente, C & C n’a pas tenu de livres de comptes financiers à quelque fin que ce soit, mais, en février 1994, Wayne Sooley a établi pour la société des états financiers pour les années d’imposition 1992 et 1993.

Au bout du compte, M. McNeill n’a pas, pour son année d’imposition 1993, déclaré de PDTPE relativement à C & C.

FAIT à St. John’s (Terre-Neuve) ce 15e jour d’août 2000.

[3] Des éléments de preuve ont en outre été présentés de vive voix au procès.

Témoignages

[4] M. Richard O’Neill a témoigné qu’il avait fréquenté la Memorial University pendant quatre ans et demi et qu’il y avait achevé ses études en 1977. En 1979, il a lancé une entreprise de concessionnaire d’automobiles Datsun, sous le nom d’O’Neill Motors Limited. Il était propriétaire de cette entreprise avec son frère et son père. Initialement, son père détenait une participation de 60 p. 100 dans l’entreprise, mais, maintenant, l’appelant détient une participation majoritaire et son frère, une participation minoritaire dans cette société de capitaux.

[5] L’appelant prend également une part active aux destinées d’une autre entreprise, appelée Toyota Central Limited Clarenville 10352 Newfoundland Incorporated, qui détient les franchises Land Rover et Jaguar. L’appelant était président de cette société. L’appelant a en outre une participation dans une société de construction, qui fait du déneigement, et il a eu une entreprise de camionnage pendant un an et demi, dans les années 1990. Actuellement, il s’occupe surtout d’entreprises d’automobiles.

[6] Il a eu, au milieu des années 1990, une entreprise consistant à louer un avion à des gens pendant l’été et l’automne, au mois, mais il a abandonné après environ un an.

[7] C & C appartenait à l’appelant et à M. Loyola McNeill. L’appelant connaît Loyola McNeill depuis le début des années 1980. Ils s’intéressaient tous les deux à l’aviation. M. O’Neill a commencé à suivre des cours de pilotage en 1980 ou 1981 et a par la suite obtenu sa licence de pilote. Au milieu des années 1980, l’appelant et lui pilotaient ensemble environ 30 heures par année à titre personnel et plus souvent dans un cadre commercial. Ils ont acheté les actions de C & C en novembre 1990. Ils croyaient qu’une “ entreprise de pourvoirie ” serait rentable. L’appelant a passé un certain temps dans des camps de chasse dans le Nord.

[8] Leur plan était d’acheter la société, d’obtenir un avion à bas prix, de le reconstruire et de le revendre, puis d’obtenir un autre avion et de mettre sur pied un camp. Ils n’avaient pas de plan écrit. Aucun accord de financement n’avait été conclu, exception faite d’un prêt bancaire à l’égard duquel l’avion avait été donné en garantie. L’appelant a d’abord dit que C & C avait emprunté l’argent. Toutefois, après avoir vu l’onglet 1 de la pièce A-1, il a admis qu’il s’agissait en fait d’un prêt personnel et que le billet était à son nom et à celui de Loyola McNeill. Un compte bancaire avait été ouvert; à l’onglet 19 de la même pièce, il est indiqué que ce compte était au nom de Rick O’Neill ou de Loyola McNeill. Le prêt, qui s’élevait à 24 000 $, avait été obtenu pour acheter les actions de C & C. À cette fin, les titulaires de ce compte avaient en outre déposé 6 000 $ dans le compte.

[9] La société C & C était propriétaire d’un avion, le C-FEDK, ci-après appelé l’“ EDK ”. Cet avion n’était pas en état de fonctionner et avait notamment un moteur inutilisable. Il a été reconstruit dès que les titulaires du compte en ont eu les moyens. En juillet 1992, il était de nouveau utilisable. Les travaux relatifs à cet avion ont été effectués à l’entrepôt de M. McNeill, ainsi qu’à O’Neill Motors et au hangar de Provincial Airlines Limited. Les frais ont été payés par les deux titulaires du compte à titre personnel, sur le compte conjoint mentionné précédemment.

[10] L’appelant a fait référence à l’onglet 18 de la pièce A-1, qui contenait l’information relative à cet avion et aux sommes payées pour le réparer. L’appelant a dit qu’il n’y avait eu aucune autre tenue de livres au sujet de cet avion.

[11] En juillet 1992, ils avaient un avion à l’égard duquel ils détenaient des fonds propres qu’ils entendaient utiliser comme acompte au titre d’un nouvel avion. Le camp situé à Round Pond était partiellement aménagé. Des murs et un toit avaient été construits, mais il fallait agrandir le pavillon. En 1989, un permis avait été obtenu de l’administration des terres de la Couronne pour cette propriété éloignée située en pleine nature. L’appelant avait obtenu un permis et avait construit un camp à cet endroit. C’était une cabane en rondins.

[12] En juillet 1992, du matériel (comme du bois et des fenêtres pour le camp) avait été apporté à Round Pond. Ils avaient en outre commencé la plomberie. Cette année-là, aucun autre travail n’a été effectué relativement au pavillon. L’entreprise d’automobiles tenait l’appelant occupé, et les affaires de M. McNeill tenaient également celui-ci occupé.

[13] On n’avait pas fait appel à un entrepreneur pour la construction du pavillon, l’appelant espérant ainsi réaliser des économies. L’appelant et M. McNeill n’avaient conclu aucun accord pour ce qui est de l’affectation de l’avion. [TRADUCTION] “ On le prenait et on s’en servait, tout simplement. ”

[14] Au 7 juin 1993, l’appelant n’avait guère travaillé à la construction du pavillon, et toute utilisation de l’avion était de nature personnelle. Parmi les passagers, il pouvait y avoir des personnes ayant demandé à profiter d’une occasion de voler, ainsi que du personnel de l’entreprise d’automobiles de l’appelant et des employés admissibles à des récompenses au titre d’activités de vente et de promotion. Les seuls revenus de C & C en 1992 et en 1993 provenaient d’O’Neill Motors et de McNeill Transport.

[15] L’appelant et M. McNeill avaient acheté un avion “ Beaver ” entre juin et août 1993. C’était un avion à huit places, d’une capacité de 5 900 livres. Il avait été obtenu par l’intermédiaire d’un courtier. Ce dernier avait fait en sorte que l’on reprenne l’EDK. L’appareil se trouvait à Toronto à l’époque. En outre, 26 700 $ avaient été décaissés. L’accord de financement, exposé à l’onglet 17 de la pièce A-1, comportait un prêt de la Banque Nationale. L’appelant a déclaré qu’ils détenaient 75 000 $ de fonds propres dans l’avion et qu’il y avait un prêt impayé de 140 000 $.

[16] En août 1993, l’appelant et M. McNeill n’étaient pas encore prêts à amener des clients au camp, malgré le fait qu’ils avaient déjà acheté l’avion Beaver. L’appelant faisait valoir qu’il était nécessaire d’obtenir l’avion lorsque celui-ci était disponible. Les coûts sont habituellement plus élevés en mars et en avril et plus faibles à la fin de l’automne. La plupart des pourvoyeurs utilisent un avion Beaver.

[17] L’appelant a fait référence à l’onglet 3 de la pièce A-1, soit le carnet de route pour les vols d’août et de septembre. Avant de pouvoir piloter seul l’avion Beaver, l’appelant avait dû être l’objet d’un contrôle en vols de vérification. L’appelant a regardé le carnet de route et a dit : [TRADUCTION] “ Il semble que je faisais des heures en vols de vérification et que je transportais en outre du matériel. ” Il n’en était cependant pas tout à fait certain. M. McNeill avait également dû effectuer 10 heures de vol à bord du Beaver. Il était pilote professionnel. Après ces 10 heures, il avait pu contrôler en vols de vérification la compétence de M. O’Neill comme pilote.

[18] L’appelant a affirmé qu’un avion Beaver doit être utilisé au moins tous les dix jours, sinon l’huile se dépose au fond du moteur. Un des déplacements indiqués dans le carnet de route était pour le directeur régional de Toyota. C & C n’en a tiré aucun revenu. L’appelant avait projeté d’emmener deux hommes pour qu’ils coupent du bois en vue de l’agrandissement du pavillon, mais ce projet avait avorté. Un déplacement avait été effectué pour le frère et le beau-frère de M. McNeill. Jusqu’au 8 octobre 1993, les travaux relatifs au camp avaient été accomplis par l’appelant et par des personnes fournissant leurs services gratuitement. En guise de récompense, l’appelant leur faisant faire un tour en avion et leur permettait d’employer une partie du temps à la pêche. Aucun de ces déplacements n’a été effectué contre rémunération.

[19] Le 8 octobre 1993, il y a eu une panne moteur à 300 pieds d’altitude, et l’avion a été démoli. Il a été récupéré par la compagnie d’assurance.

[20] Aux fins d’une pourvoirie, il leur fallait obtenir une assurance commerciale, mais ce n’était pas nécessaire à ce stade-là. La compagnie d’assurance a fixé à 131 650 $ le montant net du règlement du sinistre, ce qui couvrait le prêt bancaire, mais l’appelant et M. McNeill ont perdu les fonds propres qu’ils détenaient dans l’avion. L’appelant a déclaré ceci : [TRADUCTION] “ Cela représentait un recul de 80 000 $. Aucun autre travail n’a été accompli à l’égard du pavillon, et aucun effort n’a été fait pour obtenir un nouvel avion. ” La déclaration de sinistre a été réglée à la fin de l’automne, et M. McNeill n’avait pas les moyens de donner suite au projet. Sa propre entreprise connaissait un ralentissement correspondant au ralentissement enregistré dans l’industrie de la pêche.

[21] Depuis l’accident d’avion survenu en octobre 1993, l’appelant et M. McNeill sont allés au camp de temps en temps et, l’an dernier, ils ont cadenassé la porte.

[22] Le permis relatif au lot était établi au nom de l’appelant. Il n’a jamais été transféré à C & C. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il en était ainsi, l’appelant a déclaré : [TRADUCTION] “ J’avais écrit au ministre pour l’obtenir. Ce n’était pas seulement mon permis; c’était également le permis de M. McNeill. Nous entendions le transférer à C & C Limited. ” L’appelant a affirmé qu’aucun plan d’entreprise n’avait été établi, mais il ne voyait rien d’extraordinaire à cela, car il n’avait aucun plan semblable pour d’autres entreprises également. Il avait des plans pour O’Neill Motors et Toyota Central, mais pas pour les autres entreprises. En parlant à des pourvoyeurs, il s’était fait une idée de l’importance du revenu que générerait l’entreprise de pourvoirie. Il avait estimé que cette entreprise rapporterait un quart de million de dollars par année. Il n’y avait eu aucune estimation des dépenses. Ils visaient une clientèle de chasseurs américains, comptant obtenir de 40 à 50 clients par année. C’était le nombre minimum de clients pour permettre à l’entreprise de réaliser un profit.

[23] L’appelant a indiqué que la chasse était bonne dans la zone du camp et que la pêche pouvait l’être, mais il n’en était pas certain. Il a dit ceci : [TRADUCTION] “ Nous nous attendions à ce que l’entreprise soit rentable, car mes autres entreprises l’étaient. J’ai maintenant un autre projet d’entreprise, mais je n’ai pas de plan d’entreprise à cet égard, car ce projet ne marchera pas. ”

[24] Pour lancer l’entreprise de pourvoirie, il leur fallait le permis de l’administration des terres de la Couronne, et l’appelant ne pensait pas que ce permis serait difficile à obtenir, car M. McNeill avait des relations au gouvernement. Il leur fallait un pavillon, et ils avaient besoin de leur propre avion, car louer un avion de quelqu’un n’aurait pas été faisable, vu que trop de gens affrètent des avions à l’automne, saison durant laquelle l’entreprise en avait besoin. Il était plus sensé qu’ils aient leur propre avion.

[25] L’appelant n’a jamais retenu les services d’un pourvoyeur pour faire une partie de chasse, mais il s’est servi de camps de pourvoyeurs au cours de randonnées en motoneige. Il avait demandé à des pourvoyeurs combien ceux-ci payaient leurs employés. Cela se passait au cours de conversations à bâtons rompus tenues en soirée.

[26] La question de savoir s’ils obtiendraient un permis ne les inquiétait pas, car il suffisait qu’un camp soit le seul camp dans un rayon de 5 milles, et leur camp était le seul dans un rayon de 25 milles. Il n’était pas raisonnable d’avoir un avion Beaver pour usage personnel. S’ils n’allaient pas lancer une entreprise, ils auraient pu laisser l’avion Beaver à leur nom et ne pas l’inscrire au nom de la société. Ainsi, il n’y aurait eu aucune allégation d’usage personnel. L’appelant a admis qu’ils avaient utilisé l’avion à titre personnel.

[27] Les dépenses avaient été engagées principalement pour construire un camp, obtenir un avion et lancer l’entreprise de pourvoirie. L’autre avion aurait été suffisant s’ils avaient eu l’intention d’utiliser un avion à des fins personnelles seulement. Si l’entreprise avait démarré en 1994, Loyola McNeill et son fils, qui étaient pilotes professionnels, auraient pu emmener des clients. L’appelant ne pouvait transporter de passagers contre rémunération, mais il pouvait emporter du matériel. De son point de vue, il n’y avait aucune raison pour qu’il s’intéresse à l’avion Beaver, si ce n’est aux fins de l’entreprise de pourvoirie. Un hydravion est utilisé de mai à octobre, mais ils pouvaient munir leur appareil de roues si c’était nécessaire; ils n’avaient toutefois pas besoin de l’appareil en hiver.

[28] L’avion récupéré a été vendu à Hill Investments, de Halifax, et une des sociétés O’Neill l’a racheté, puis l’appareil a été reconstruit et vendu. Ils ne l’ont pas utilisé.

[29] M. Sooley était le comptable qui avait établi en 1994 les états financiers de C & C pour 1992 et 1993 et qui avait traité avec Revenu Canada. L’appelant ne savait pas dans quelle mesure M. McNeill avait utilisé l’avion. Chacun avait son propre carnet de vol.

[30] L’appelant a reconnu l’onglet 3A de la pièce A-1 comme étant son carnet de vol. Il y avait en outre des notes qui ne figuraient pas dans l’original de son carnet de vol. Elles avaient été ajoutées lorsqu’il répondait à des questions de Revenu Canada.

[31] Au cours du contre-interrogatoire, il a déclaré qu’il était copropriétaire d’O’Neill Leasing, qui louait des véhicules au début des années 1980. Son entreprise avait loué un avion et en possédait un, deux ou trois. Il pilotait certains de ces avions pour le plaisir, et certains vols étaient reliés au travail. Il utilisait ces avions pour prendre et déposer des personnes; il se peut qu’il ait emmené le président japonais à la pêche. Il a ensuite dit que la société O’Neill avait possédé jusqu’à quatre avions. Le seul qu’il n’avait pas piloté était celui qui avait été loué pour un an.

[32] Pour ce qui est de l’entreprise de pourvoirie, l’idée était de construire un camp, d’avoir un avion et de servir des clients contre rémunération. Cette entreprise devait d’abord s’adresser à des chasseurs, puis peut-être à des pêcheurs ou à des personnes s’intéressant au canotage. La principale clientèle envisagée était une clientèle de chasseurs; les mois de septembre et octobre et éventuellement une partie du mois de novembre constituaient la période de l’année appropriée pour cette entreprise. L’appelant a dit que, pour ce qui était de l’été, les mois d’activités devaient être juin, juillet et août.

[33] En ce qui concerne l’EDK, soit le premier avion, l’appelant utilisait sa carte Visa pour les dépenses, et aucune des dépenses n’était comptabilisée, si ce n’est sur un bout de papier. Ces frais étaient partagés moitié-moitié par l’appelant et M. McNeill. Il peut y avoir eu des dépenses engagées par M. McNeill dont l’appelant n’a pas été informé. L’appelant avait la plupart des reçus. Il n’avait pas le carnet de vol de M. McNeill, et ne l’avait jamais vu.

[34] Sa principale entreprise était l’entreprise d’automobiles. Cette entreprise l’oblige à se déplacer pendant l’automne. Il n’arrivait pas à se rappeler si tel avait été le cas en 1992 et en 1993. Dans son entreprise, c’est au printemps que les ventes sont le plus élevées, et il est en déplacement surtout en octobre et en novembre. Cette entreprise pouvait lui prendre tout son temps. Il peut prendre des vacances pendant un mois et demi à deux mois par année. Il combine les voyages d’affaires et les voyages d’agrément. Il a déjà été président de la Canadian Association of Japanese Operators, ce qui l’obligeait à participer à quatre réunions par année. Il est ainsi allé à Ottawa et à Washington, et il passait une semaine au Japon tous les deux ans. Ces réunions s’étalaient sur deux ou trois jours. Il avait siégé au conseil d’administration en 1992 et en 1993, mais il ne pouvait se rappeler s’il était président à cette époque. Il croit que les années 1990 étaient alors bien entamées.

[35] M. McNeill avait deux entreprises, dont une entreprise de transport de fret. Ce témoin avait utilisé l’avion pour apporter du matériel au camp, c’est-à-dire le bois pour le toit, la literie et les toilettes. Ces articles avaient été apportés une fois pour toutes. De la nourriture était apportée au besoin.

[36] L’avion Beaver comportait huit places. L’appelant a emmené quatre personnes avec lui à bord de cet appareil. On lui a demandé s’il était raisonnable d’acheter un avion Beaver à une époque où ils n’étaient pas prêts à se lancer en affaires, compte tenu du fait qu’ils savaient que cet appareil devait être utilisé au moins tous les dix jours, ce qui représentait un coût supplémentaire. Chaque fois qu’ils utilisaient l’avion, ils emportaient du gaz ou du matériel et effectuaient certains travaux. L’appelant s’était servi de l’appareil pour amener Terry Gibson au camp, mais il n’avait pas fait payer ce dernier. Il avait embauché deux personnes pour couper du bois, ainsi qu’une autre personne. Il devait les rémunérer suivant un taux horaire, mais il ne parvenait pas à se souvenir du taux convenu. Cela s’était passé le 28 septembre 1993, mais ces personnes ne s’étaient pas présentées et n’avaient pas été payées. Le pavillon n’a jamais été agrandi, l’avion s’étant écrasé avant la réalisation de ce projet.

[37] On lui a demandé quand il entendait demander le permis de nolisement; l’appelant a dit ceci : [TRADUCTION] “ Cet automne-là, je croyais sincèrement que nous serions prêts à emmener des gens l’automne suivant. ” L’appelant a également déclaré que M. McNeill avait dû déménager à Toronto en raison d’un ralentissement des affaires. L’appelant envisageait d’avoir trois chambres à coucher et une salle de bains, le bâtiment pouvant ainsi accueillir six personnes. Il n’y avait pas de plan d’architecte. Ils devaient simplement se rendre là-bas et procéder à la construction. M. McNeill et l’appelant se seraient entendus sur la question de savoir quoi construire. L’appelant a déclaré ceci : [TRADUCTION] “ Je pensais que nous pourrions obtenir un permis de pourvoyeurs grâce aux relations que M. McNeill avait au gouvernement. L’obtention du permis ne devait pas poser de problème. ”

[38] En ce qui a trait à l’achat de la société C & C, ils faisaient aussi bien de l’acheter avec l’avion, et il y aurait des économies d’impôt. Ils entendaient reconstruire l’avion. Les actions étaient détenues moitié-moitié par l’appelant et M. McNeill. L’appelant a dit : [TRADUCTION] “ Je crois que les certificats nous ont été transférés, mais je ne sais pas ce qu’il en est advenu. ” En 1993, C & C a tiré un revenu provenant du garage de l’appelant. M. McNeill avait commencé à emmener des clients le 15 juillet 1993. L’appelant ne savait pas quel prix avait été demandé. C & C n’a jamais remis de facture à O’Neill Motors. Cela avait dû être inscrit sur un bout de papier. L’appelant a répété qu’il était propriétaire du pavillon situé à Round Pond. Le pavillon a été clôturé au début des années 1990. L’appelant ne savait pas combien de fois il était allé à Round Pond, mais, lorsqu’il y allait, il y passait la nuit. Il y avait, de l’autre côté du lac, une tente qu’ils avaient utilisée en attendant que le pavillon soit prêt. L’appelant avait commencé à aller à Round Pond en juin 1987. Certains de ces déplacements étaient de nature personnelle, d’autres se rapportaient à l’entreprise. On ne faisait payer personne pour ces déplacements.

[39] Entre 1985 et 1987, il y avait eu une combinaison de déplacements personnels et de déplacements professionnels, mais l’appelant ne disposait d’aucun document indiquant la répartition de ces déplacements. L’appelant n’avait pas de licence lui permettant d’effectuer des vols commerciaux. Sa licence lui permettait uniquement d’effectuer des vols d’agrément. Ses vols avaient habituellement lieu dans la presqu’île Avalon. L’appelant a effectué des vols de 1985 à 1993. De 1994 à 1996, il n’en a pas effectué. Il était possible de maintenir une licence de pilote même en ne pilotant pas pendant cinq ans. On ne lui a jamais retiré sa licence. En 1997, il a effectué des vols au même rythme que de 1985 à 1993. Il a toujours pu utiliser l’avion de la société. Il a effectué de nombreux vols avec M. McNeill. Ce dernier était un pilote d’expérience, et il était souvent libre.

[40] M. McNeill avait fait ses 10 heures de vol à bord de l’avion Beaver. L’avion récupéré avait été acheté 5 000 $ par Hill Investments, et une des sociétés de l’appelant l’avait racheté 6 000 $. Un an plus tard, l’avion a été reconstruit par une des sociétés de l’appelant, puis il a été vendu. L’appelant ignorait le prix de vente, mais il a dit que ses sociétés avaient décaissé environ 150 000 $. L’appareil valait 210 000 $, et l’appelant se souvenait que ses sociétés l’avaient vendu à profit. L’appelant et M. McNeill ont utilisé le prêt pour verser 125 000 $ et ont retiré les 26 700 $ pour payer le solde du prix d’achat de l’avion Beaver.

[41] On a renvoyé l’appelant à l’onglet 21 de la pièce A-1 concernant le prêt relatif au Beaver. L’appelant a admis que les premiers états financiers de C & C visaient l’année 1993 et avaient été produits en février 1994. L’appelant et M. McNeill n’ont jamais lancé l’entreprise de pourvoirie, puisque l’avion s’est écrasé avant qu’ils commencent leurs activités. On a demandé à l’appelant pourquoi il avait établi les états de 1992, et il a répondu qu’il l’ignorait. Puis il a dit que c’était pour reporter la perte prospectivement, comme le lui avait recommandé son comptable.

[42] On n’a exercé aucune activité en 1993. Ils ont perdu 88 059 $ par suite de l’accident d’avion. Avant cet accident, ils n’avaient pas l’intention de produire une déclaration de revenu pour C & C, car il n’y avait eu aucune activité. On n’a jamais passé d’intérêts en charges dans les livres de C & C à l’égard des prêts impayés en 1990, en 1991 ou en 1992. Le gaz utilisé en 1992 n’a jamais été facturé à C & C. [TRADUCTION] “ Cela doit avoir été payé par nous. ”

[43] En ce qui a trait au revenu de 9 809 $ indiqué pour 1993, l’appelant a dit que 4 600 $ provenaient d’O’Neill Motors et que le reste pouvait provenir des sociétés de M. McNeill. Il ne savait rien au sujet des factures. Il ne savait pas s’il y avait eu un profit net ou un profit brut. Il présumait que les frais juridiques avaient été payés par M. McNeill et lui. Il ne savait pas comment cela aurait été passé en charges aux fins comptables.

[44] Pour ce qui est de l’entreprise de pourvoirie, elle n’a jamais démarré. En 1990, ils en étaient à l’étape de la conception. L’appelant ne pouvait dire comment le plan était formulé, puisqu’il n’y avait rien de couché par écrit. En 1993, ils savaient ce qu’ils voulaient faire, ils avaient l’avion, et ils pouvaient aller de l’avant. Ils savaient qu’il leur fallait agrandir le camp, obtenir le permis et commencer à chercher des clients.

[45] On n’a jamais pensé à utiliser L’EDK pour l’entreprise de pourvoirie. L’avion a été vendu à perte. S’ils avaient attendu pour acheter l’avion Beaver, cela aurait pu leur coûter plus cher. En 1993, le pavillon n’était pas prêt aux fins de la pourvoirie. Le projet d’agrandissement a été la première étape importante des travaux devant être effectués pour que le camp soit prêt aux fins de la pourvoirie.

[46] La société n’a jamais été enregistrée comme entreprise de pourvoirie. L’appelant ignorait ce qu’impliquait l’enregistrement, car M. McNeill était chargé de cette question. Il ne savait pas quels permis étaient requis.

[47] Interrogé de nouveau sur le plan d’exploitation, il a dit qu’on avait prévu d’accueillir des chasseurs l’automne et peut-être des pêcheurs l’été. Le plus gros de la clientèle devait être des chasseurs américains de gros gibier. M. McNeill avait un certain nombre d’amis qui étaient des pourvoyeurs, et l’appelant lui laissait cet aspect de l’entreprise. L’appelant ne s’y connaissait pas en la matière. Il savait par contre qu’aucun pourvoyeur de la côte ouest n’avait de place disponible. Cela se savait par le bouche à oreille. L’appelant s’attendait à gagner environ un quart de million de dollars par année grâce à environ 50 chasseurs qui paieraient 4 000 $ chacun pour l’expérience.

[48] L’appelant a admis qu’ils n’avaient pris aucune mesure pour recruter du personnel. Ils n’étaient pas prêts pour cet aspect de l’entreprise. Ils devaient s’en occuper en juillet 1994. L’appelant estimait que les cuisiniers coûteraient environ 500 $ par semaine, les guides, de 300 $ à 400 $ par semaine, et les aides de camp, environ 300 $ par semaine. Il n’était pas faisable de chercher du personnel de ce genre une année à l’avance. Puis l’appelant a dit : [TRADUCTION] “ Quelque part, nous avons mis cela sur papier. ”

[49] On a renvoyé l’appelant à l’onglet 13 de la pièce A-1, et il a dit qu’il n’avait jamais fait une telle demande avant 1995. M. McNeill avait été en contact avec l’administration gouvernementale avant cela. L’appelant ne savait pas quelles restrictions s’appliquaient en 1993. Lorsqu’on lui a demandé s’il tenait compte du facteur météorologique, il a répondu qu’il en tenait compte [TRADUCTION] “ autant que quiconque ”.

[50] Au cours du réinterrogatoire principal, l’appelant a dit qu’il avait assez de temps à consacrer à cette entreprise. Celle-ci ne lui aurait demandé que très peu de temps. Le Beaver était l’avion le plus approprié pour cette entreprise. L’appelant a moins piloté après l’achat du Beaver. Cet appareil était autant à la disposition de l’appelant que de M. McNeill.

[51] On a renvoyé l’appelant à la pièce A-1, onglet 19, page 3, et il a dit que les intérêts étaient imputés sur le compte conjoint mensuellement. Les sommes déposées provenaient de leurs sources privées. Après avoir fait référence à l’onglet 18, page 2, il a dit que l’avion était assuré.

[52] Ignatius Loyola McNeill est maintenant à la retraite. Il travaille comme consultant à temps partiel dans le domaine du camionnage et parfois comme chauffeur. Il conduit un camion depuis 1954 et a en outre été technicien radio. Il a également fait des réparations et agi comme opérateur pendant environ dix ans. Il a suivi des cours dans ce domaine. Il est revenu au camionnage en 1974, mais il avait aussi une licence de pilote. En 1976, il a commencé à faire fonction de chauffeur dans une entreprise de transport extraprovincial. En 1978, il a acheté un permis de transport et exploitait une entreprise au Canada et aux États-Unis. Il a eu jusqu’à 35 camions. Le nom de l’entreprise était McNeill’s Transport Limited. Il était président-directeur général. Cette société a cessé ses activités en 1998, mais M. McNeill avait alors déjà pris sa retraite.

[53] Il s’est en outre occupé d’un supermarché et d’un magasin général, et a oeuvré dans le domaine des matériaux de construction, dans le domaine des travaux à contrat, à la fin des années 1960, et dans le domaine des autobus scolaires. Il a obtenu une licence de pilote dans les années 1960. Il avait d’abord eu une licence de pilote privé puis avait obtenu une licence de pilote professionnel, dans les années 1970. Il avait en outre un permis de transport aérien. Il avait utilisé plusieurs avions depuis 1979. Ces appareils, qui servaient à l’entreprise de transport, n’incluaient pas l’avion de C & C. M. McNeill connaissait M. O’Neill depuis un certain nombre d’années. Ils étaient devenus amis à l’époque où M. O’Neill apprenait à piloter. Le seul objet de C & C était d’acheter un Cessna 180, de le réparer et de se le faire reprendre pour obtenir un Beaver. Le Beaver était plus coûteux. Ils se lançaient dans l’entreprise de pourvoirie. Ils construisaient un pavillon à Round Pond; environ cinq ans après le début des travaux, le pavillon était prêt à 99 p. 100. Ils avaient réparé l’EDK et l’avaient piloté pour la première fois le 2 juin 1992. Cet appareil sur roues a été muni de flotteurs le 8 juin 1992.

[54] Ils avaient parlé de l’entreprise de pourvoirie un certain nombre de fois. Ils devaient un jour chercher à obtenir un permis de pourvoirie pour la chasse et la pêche. M. McNeill était allé à Round Pond pour la première fois en 1985, et avait établi le camp en 1986. C’était simplement un bel endroit où aller. En 1989, ils avaient commencé à construire le pavillon. Celui-ci était de l’autre côté du lac par rapport au camp qu’ils occupaient précédemment; il était à environ un demi-mille, peut-être un peu plus, du camp. Ils n’avaient pas personnellement travaillé bien fort au camp, faisant plutôt appel à un certain nombre de personnes qui aimaient aller dans cette région. M. O’Neill et lui avaient simplement aidé à recueillir le bois pour le pavillon. À la fin d’août 1989, le pavillon était couvert, mais ce n’est qu’à l’automne que le toit a été achevé et que les fenêtres ont été installées. Deux ans plus tard, le pavillon était achevé. La période de travail allait du 1er juin au 1er novembre, selon le temps qu’il faisait.

[55] Interrogé au sujet du plan d’entreprise, M. McNeill a dit qu’il y avait eu de nombreuses discussions qui les avaient amenés à déterminer ce qu’ils allaient faire. Il fallait que le camp soit achevé. Il leur fallait un avion pour exécuter le travail. Ils voulaient un avion Beaver. En juin 1993, ils étaient allés à Hawksbury (Ontario) pour examiner un avion Beaver. Celui-ci était en bon état. Ils l’avaient acheté, et l’appareil leur avait été livré à Terre-Neuve le 6 août 1993. Deux jours plus tard, M. McNeill l’avait piloté pour la première fois. Cet avion pouvait accueillir cinq personnes et avait une capacité de 5 900 livres, mais la charge utile était de 2 200 livres. M. McNeill a déclaré ceci : [TRADUCTION] “ À cette époque, nous étions en affaires. Nous allions demander un permis de nolisement. J’étais pilote professionnel. ”

[56] Obtenir le permis de nolisement n’était pas une mince affaire. Il fallait que l’avion soit convenablement équipé. Il leur fallait conclure un contrat avec une entreprise d’ingénierie pour les réparations, et ils avaient besoin d’un pilote en chef comptant suffisamment d’heures de vol. M. McNeill devait effectuer 10 heures de vol à bord du Beaver pour devenir pilote en chef. L’obtention de sa licence devait lui prendre six mois. Puis il leur fallait un permis de pourvoyeurs, ce qui devait prendre environ six mois. Pour obtenir le permis de pourvoyeurs, ils étaient tenus de présenter une demande détaillée. Ce n’était pas une mince affaire. Il leur fallait trouver d’autres personnes pour remplir la demande pour eux. M. McNeill connaissait des gens qui pouvaient le faire. Il connaissait des personnes travaillant au ministère qui pouvaient le guider jusqu’au bout du processus. Puis il lui fallait obtenir les heures de vol nécessaires, mais c’était faisable.

[57] Après novembre de cette année-là, il fallait compter environ de six à huit mois pour que le processus relatif aux demandes soit mené à terme. M. McNeill était alors un pilote qualifié. Un hangar était nécessaire pour l’entretien, mais c’était réalisable. L’installation devait répondre à de nombreuses exigences; il fallait un certain nombre de pieds par personne. Il y avait des restrictions quant au type de structure. Le ministère chargé de la santé devait surveiller l’installation. M. McNeill n’était pas inquiet pour ce qui est du nombre de pourvoiries exploitées dans la région, et il estimait que répondre à cette exigence ne poserait aucun problème. Il n’avait aucune inquiétude pour ce qui est de l’obtention d’un permis. Ils avaient des relations au gouvernement, et un des fonctionnaires avait visité l’endroit.

[58] Le gouvernement provincial voulait favoriser ce type d’installation. M. McNeill connaissait plusieurs personnes exploitant des pourvoiries qui demandaient environ 3 500 $ US pour une expédition de chasse à l’orignal ou au caribou. Leur pavillon aurait pu abriter quatre chasseurs pendant huit semaines. Toutefois, l’installation n’était pas à cette époque suffisamment aménagée pour accueillir ce nombre de personnes. Il leur fallait ajouter des éléments à l’installation, et ils s’attendaient à transporter environ sept personnes par déplacement, soit environ 70 personnes par saison, ce qui devait leur rapporter à peu près 200 000 $ par année. Ils pourraient alors tirer assez d’argent des activités de pêche pour couvrir les dépenses.

[59] En ce qui concerne le personnel, il leur fallait un cuisinier et un aide-cuisinier, plus deux ou trois guides. Certaines personnes leur avaient offert leurs services. De tels employés n’étaient pas difficiles à trouver. On ne pouvait cependant les embaucher à ce stade, car tout n’était pas prêt. Il fallait compter 30 jours pour obtenir le personnel dont ils avaient besoin.

[60] M. McNeill avait estimé que, après cinq ans, ils pourraient obtenir suffisamment de clients pour réaliser un profit.

[61] M. McNeill pensait qu’ils auraient 20 clients la première année, et 70 après cinq ans. Il savait dans quelles revues faire de la publicité et quelles foires ou expositions fréquenter. Ils avaient parlé de l’agrandissement du pavillon. Richard O’Neill devait se rendre là-bas pour examiner le bois. L’avion s’est écrasé le 8 octobre 1993 et a été détruit. Tous leurs plans étaient alors conclus.

[62] En avril 1994, ce témoin s’est vu retirer sa licence de pilote. Il faisait des affaires en Ontario à cette époque, mais cela ne devait avoir aucune incidence sur leur entreprise de pourvoirie, car il était impatient de lancer celle-ci. Il a vécu en Ontario pendant deux ans. Lorsque l’avion s’est écrasé, ils ont perdu la totalité des fonds propres qu’ils détenaient dans ce bien. L’argent des assurances a été suffisant pour rembourser la banque.

[63] Il n’y avait pas de plan d’entreprise écrit, mais un tel plan était nécessaire pour demander un permis de pourvoyeurs. Ils avaient besoin d’un cabinet comptable aux fins de la demande. Les deux associés recouraient aux services du cabinet Spurrell Sooley Accounting Limited, et ils auraient fait appel à ce cabinet pour la présentation de la demande. M. McNeill a dit : [TRADUCTION] “ Jusque-là, on s’était contenté de griffonner des notes. Même à cela, nous nous attendions à réaliser un profit. ”

[64] En ce qui a trait à la relation entre M. O’Neill et lui, M. McNeill a affirmé qu’ils n’avaient pas conclu d’entente portant sur la question de savoir quand ils pourraient utiliser l’avion. Lorsqu’ils voulaient s’en servir, ils l’utilisaient. Pour avoir les heures requises pour piloter le Beaver, M. McNeill devait être là durant cinq mois. Cela ne lui posait pas de problème, même s’il avait déménagé en Ontario. L’EDK a été utilisé surtout pour apporter du matériel au camp, et le Beaver, surtout pour permettre à M. McNeill d’effectuer ses heures de vol.

[65] M. McNeill n’avait établi un plan d’entreprise pour son entreprise de camionnage que lorsqu’il avait dû s’adresser à la banque pour avoir de l’argent. Cela ne lui posait pas de problème, et son entreprise était prospère. Il avait piloté l’EDK jusqu’à Round Pond surtout pour y apporter du matériel, mais c’était principalement Richard O’Neill qui se servait de cet avion.

[66] Au sujet des heures de vol qu’il devait faire à bord du Beaver, M. McNeill a déclaré qu’il lui fallait 100 heures pour être sûr de bien connaître l’appareil. Il lui en fallait seulement 10 aux fins des assurances pour le piloter seul. Il avait un ami pour les vols de qualification. Il lui fallait 50 heures de vol pour obtenir la franchise la moins élevée, qui était de 5 000 $. Il a fait 40 heures de vol à bord de cet avion, et M. O’Neill avait lui aussi besoin de faire des heures de formation.

[67] Concernant les registres financiers, il a dit que M. O’Neill les détenait dans un classeur. Bon nombre des opérations ont été réglées comptant, c’est-à-dire qu’ils payaient de leur poche. Ils savaient ce qui était dû à chacun d’un mois à l’autre lorsqu’ils déboursaient de l’argent pour les réparations. M. McNeill a effectué des vols commerciaux en 1993 pour Provincial Airlines Limited, mais cela n’a pas pris beaucoup de son temps.

[68] Au cours du contre-interrogatoire, il a dit qu’il avait d’abord voulu achever le camp pour qu’ils puissent aller pêcher et chasser. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi, il a dit ceci : [TRADUCTION] “ Nous allions là pour nous détendre, nous voulions un abri fixe. ”

[69] Interrogé au sujet des discussions sur le revenu pouvant être tiré de l’entreprise, il a dit : [TRADUCTION] “ Nous parlions seulement du revenu quand nous étions ensemble, en avion ou au camp. Chacun savait ce qu’il en était à l’époque. Nous n’avions pas fait de recherches et n’avions pas besoin d’en faire. Nous en aurions fait le moment venu de présenter notre demande de permis de pourvoyeurs. ”

[70] Le pavillon était doté d’un système d’aqueduc et d’égout en 1992. M. McNeill avait obtenu l’information sur le permis de nolisement et sur les exigences imposées aux pourvoyeurs environ six mois avant l’achat du Beaver. Il n’a rien fait de plus à cet égard. Le pavillon avait deux chambres à coucher comportant chacune un lit à deux places et deux lits à une place. Ils pouvaient accueillir quatre chasseurs et deux travailleurs. Les chasseurs allaient devoir partager une chambre avec les travailleurs. Il y avait du poisson en abondance à Round Pond. La chasse y était bonne aussi. M. McNeill y chassait lui-même. Des caribous passaient par là dans leur migration, en septembre, octobre et novembre. Il y avait également beaucoup d’orignaux. On voyait des milliers d’orignaux et de caribous dans cette région.

[71] M. McNeill a admis qu’ils étaient allés à Round Pond d’abord pour le plaisir et a dit qu’ils avaient décidé de lancer une entreprise commerciale après avoir commencé la construction du pavillon, parlé à des gens et constaté qu’il y avait d’autres pourvoiries dans la région. Il n’arrivait pas à se rappeler quelles dépenses, le cas échéant, étaient imputées à C & C; la plupart des frais étaient payés par eux-mêmes.

[72] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi ils n’avaient pas établi d’états financiers avant l’accident d’avion, il a répondu ceci : [TRADUCTION] “ La situation remontait à une période antérieure à l’achat du Beaver. C’était notre argent que nous déboursions et, jusque-là, il ne s’agissait pas d’une entreprise commerciale. ” En 1992 et en 1993, il travaillait à temps plein dans la société de transport, mais il [TRADUCTION] “ essayait de trouver du temps pour piloter ”. Il avait noué une relation d’affaires avec M. O’Neill lorsqu’ils avaient acheté le Beaver. Pour 1993, C & C a indiqué qu’elle avait gagné un revenu provenant de McNeill Transport, qui accordait des récompenses à ses travailleurs. Ils avaient fait la même chose au cours d’années précédentes, mais M. McNeill n’arrivait pas à se rappeler quand ils avaient commencé à mettre de l’argent dans C & C.

[73] En 1992, M. McNeill s’était rendu à plusieurs reprises au camp avec d’autres personnes, et son propre avion avait été utilisé. Il avait également utilisé l’avion de C & C en 1992 pour emmener des gens et emporter du matériel, mais aucune somme n’avait été reçue. Il se servait aussi du C-FJAI, mais C & C n’a pas reçu d’argent à l’égard de l’utilisation de cet appareil. Une facture peut avoir été établie pour C & C, ou il peut avoir été convenu de demander une certaine somme pour amener les clients au camp.

[74] En 1993, M. McNeill n’avait aucune difficulté financière. Il croit qu’il se peut qu’il ait déduit la perte pour C & C et que cette déduction ait été refusée. On lui a montré la pièce R-2, admise par consentement, soit un imprimé d’ordinateur relatif à sa déclaration d’impôt pour 1993 indiquant que la déduction d’une perte a été refusée. Il ne s’en souvenait pas. Aucune perte n’a été déduite pour C & C avant ou après cela.

[75] En ce qui a trait à l’entreprise de pourvoirie, ils avaient bien l’intention de présenter la demande de permis, jusqu’à ce que l’accident d’avion survienne. L’avion n’était pas pleinement assuré, en raison du coût des assurances. Ils envisageaient d’essayer à l’avenir d’obtenir du financement du secteur public pour le projet. On a interrogé M. McNeill sur les exigences auxquelles il fallait satisfaire avant d’obtenir un permis de pourvoyeurs, et il a dit qu’elles étaient assez nombreuses.

[76] Il a admis que le bâtiment n’était pas prêt à cette époque et qu’il ne devait être achevé qu’au moment de la présentation de la demande. Il avait obtenu le formulaire de demande au cours de l’hiver 1992, et le formulaire, non rempli, était resté sur son bureau pendant six mois. L’exploitation devait commencer de un à trois ans plus tard.

[77] On a renvoyé M. McNeill à l’onglet 13 de la pièce A-1, et il a dit qu’ils avaient discuté des exigences énoncées dans cette lettre. Il était au courant des restrictions, mais aucune demande n’avait été présentée avant le début de la construction. Lorsque l’EDK a été acheté, M. McNeill savait qu’il leur faudrait le reconstruire et le vendre à profit pour pouvoir acheter le Beaver. On leur a repris son avion et l’EDK pour l’achat du Beaver. S’il y avait une assurance sur l’EDK, les frais étaient payés par eux. M. McNeill ne savait pas qui avait payé l’assurance sur le Beaver. Il leur avait fallu emprunter de l’argent à la Banque Nationale pour payer le solde du prix d’achat. M. McNeill ne pouvait expliquer d’où venait le solde indiqué dans la pièce A-1, onglet 21, page 5. Sa société avait reçu 113 000 $ pour la vente du FDJI.

[78] Au cours du réinterrogatoire principal, M. McNeill a dit qu’il avait lors de l’interrogatoire préalable donné des chiffres indiquant que l’entreprise de pourvoirie aurait de 60 à 70 clients environ, ce qui rapporterait un revenu total de 215 000 $. Leur plan ne dépendait pas d’un financement du secteur public. M. McNeill ne détenait pas de fonds dans le pavillon proprement dit. Il a reconnu la lettre figurant à l’onglet 13, soit la lettre du ministère chargé du tourisme, de la culture et des loisirs concernant les exigences relatives au permis de pourvoyeurs. Il n’avait aucune information indiquant que les exigences avaient changé entre 1992 et la date à laquelle cette lettre a été envoyée.

[79] L’intimée a appelé Jeff Haines, vérificateur d’entreprise à l’Agence des douanes et du revenu du Canada, à la barre des témoins. M. Haines était auparavant agent des appels et vérificateur. Il a été l’agent des appels dans le cas qui nous occupe. Pour lui, il s’agissait de savoir si l’appelant avait droit à une PDTPE relativement à C & C et si l’appelant avait obtenu de C & C un avantage consistant en un usage personnel.

[80] M. Haines a fait référence à l’onglet 15 de la pièce R-1 et a dit que John Clarke avait effectué une vérification. Les résultats figurent à l’onglet 11, que M. Haines avait examinée. M. Haines avait également examiné l’avis d’opposition, ainsi que la méthode de vérification qui avait été utilisée. La PDTPE avait été refusée parce qu’elle ne correspondait pas à une dépense engagée en vue de gagner un revenu. L’entreprise de pourvoirie envisagée n’avait pas démarré, et les dépenses n’étaient donc pas reliées au revenu. L’élément de la cotisation relatif à l’usage personnel n’avait pas été commenté par l’appelant, sauf qu’il le contestait. L’avantage déterminé dans la cotisation n’a pas été modifié.

[81] La méthode utilisée par M. Clarke dans la détermination de l’avantage consistant en un usage personnel était une méthode que le ministère employait. M. Haines avait examiné le document figurant à l’onglet 12 et a dit que l’appelant était en désaccord sur tout ce qu’ils avaient fait. On avait dit à M. O’Neill, au ministère chargé du tourisme, qu’il leur fallait un plan d’entreprise pour pouvoir obtenir un permis de pourvoyeurs.

[82] Au cours du contre-interrogatoire, on a de nouveau renvoyé l’appelant à l’onglet 11 de la pièce R-1, soit le rapport de M. Clarke, et M. Haines était d’accord sur ce rapport. Il n’y avait aucune différence entre les conclusions de M. Haines et celles de M. Clarke. Ils n’avaient jamais entrepris d’évaluer le montant, puisque les dépenses n’avaient pas été engagées en vue de gagner un revenu. L’entreprise n’avait pas été lancée et n’était pas sur le point de l’être. Il n’y avait pas de plan d’entreprise en bonne et due forme, et c’était là un facteur dont M. Haines avait également tenu compte. Aucune demande n’avait été faite à l’administration gouvernementale pour l’obtention du permis de pourvoyeurs. Il y avait un risque qu’une demande de permis ne soit pas approuvée. Le pavillon était géré par M. O’Neill. De plus, le vérificateur se demandait pourquoi, si le plan était bon à ce point, on n’avait pas donné suite au projet après l’accident d’avion. Du point de vue du vérificateur, l’avion qui a été réparé et qui s’est écrasé avait été acheté pour un usage personnel. Les sommes investies dans cet appareil n’ont pas été engagées en vue de gagner un revenu. Le premier avion acheté ne convenait pas pour l’entreprise, mais il avait peut-être été acheté aux fins de l’usage personnel de deux personnes. On n’a pas déduit de dépenses relativement à l’avion, si ce n’est des frais d’intérêts et d’assurance. Ce témoin savait qu’un avion Beaver était normalement utilisé dans l’industrie de la pourvoirie, mais il n’avait aucune information selon laquelle un avion Beaver n’était généralement pas utilisé à des fins personnelles, et il n’avait pas essayé de découvrir ce qu’il en était.

[83] À ce qu’il avait compris, les restes de l’appareil n’ont jamais quitté la province, et les factures n’étaient que de petites factures sans aucun détail. Il avait demandé à l’appelant ce qui était advenu de l’avion, et il n’avait reçu aucune réponse.

[84] Pour ce qui est de l’entreprise de pourvoirie, aucun permis n’avait été obtenu. M. Haines avait pris ce facteur en considération. Aucune démarche n’avait été entreprise pour obtenir les permis, si ce n’est que M. McNeill avait obtenu les formulaires de demande. Aucun homme d’affaires prudent n’aurait investi plus de 210 000 $ dans un avion aux fins de l’entreprise de pourvoirie sans avoir obtenu de permis. Du point de vue de ce témoin, les permis étaient ce qui importait le plus. Il fallait d’abord obtenir un permis, ensuite construire le bâtiment, puis acheter l’avion. La véritable question était de savoir si l’appelant était en affaires et s’il s’orientait vers l’exploitation d’une entreprise. Le pavillon était un bien personnel; il n’appartenait pas à C & C.

[85] En ce qui a trait à la question des avantages, M. Haines a renvoyé la Cour à l’onglet 7 de la pièce A-1 et a reconnu que, après l’accident du 16 novembre 1993, l’avion ne pouvait plus donner lieu à un usage personnel. En outre, l’EDK n’a été disponible qu’en juin, de sorte que ces éléments auraient eu une incidence sur l’avantage personnel déterminé dans la cotisation. On a procédé à une réduction quelconque. On n’avait rien présenté à M. Haines qui lui permette de modifier l’avantage de l’appelant tel qu’il avait été évalué dans la cotisation.

Argumentation présentée pour le compte de l’appelant

[86] L’avocat de l’appelant soutenait que la première question était de savoir si l’appelant était en droit de déclarer une PDTPE. Son deuxième argument concernait l’avantage consistant en un usage personnel. Invoquant l’arrêt Hickman Motors Limited c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, l’avocat de l’appelant concluait que, conformément aux conclusions tirées dans cet arrêt et sur la foi de la preuve présentée en l’espèce, le fardeau de la preuve était en l’espèce passé à l’intimée. Il soutenait que le contribuable avait démoli les hypothèses formulées dans la réponse à l’avis d’appel et que l’intimée devrait avoir la charge de réfuter la preuve prima facie produite par l’appelant et de prouver les hypothèses. Il soutenait que différents critères doivent être utilisés dans l’examen de la question de l’attente raisonnable de profit et de la question de savoir s’il existe une entreprise, de telles distinctions étant énoncées aux paragraphes 67 à 72 de l’arrêt Hickman, précité.

[87] La perte considérée en l’espèce était clairement une perte en capital qui se rapportait entièrement à la perte des fonds propres détenus dans l’avion. La question est de savoir si une entreprise existait et, dans l’affirmative, quand elle avait démarré. L’avocat de l’appelant soutenait que l’entreprise avait démarré lorsque l’appelant avait acheté l’avion. Cette entreprise n’était guère différente d’une autre. On démarre lentement et simplement (comme l’appelant et son associé l’avaient fait dans le cas de leurs autres entreprises). L’appelant et son associé avaient décidé de progresser à un rythme correspondant à leurs moyens, sans emprunter d’importantes sommes d’argent. Ils auraient pu recruter une grosse équipe pour construire le pavillon, mais ils ne l’ont pas fait. Rien ne pressait. Lorsqu’un avion convenable a été offert sur le marché, ils l’ont acheté. L’avion est la clé de cette situation commerciale. L’avion était ce qu’il leur fallait pour rendre l’entreprise viable. Il a été acheté pour l’exploitation de l’entreprise. De par sa nature, l’appareil était commercialement satisfaisant à cette fin. C’est ce genre d’appareils qui était utilisé dans l’industrie. L’achat et l’utilisation de cet avion Beaver ne cadraient pas avec un “ usage personnel ”.

[88] Par rapport à d’autres avions, le Beaver était plus gros et il était plus coûteux à exploiter, mais c’était un élément essentiel du processus consistant à lancer l’entreprise. L’achat de cet avion devait leur permettre de demander le permis de nolisement et d’aller de l’avant. On ne pouvait vraiment pas utiliser d’autres moyens de transport, et les autres entreprises d’affrètement devaient s’occuper de leur propre camp. Il aurait été stupide de lancer l’entreprise de pourvoirie sans cet avion. Le problème de l’appelant en l’espèce était le vieux “ problème dit de l’oeuf et de la poule ”. Il leur fallait l’avion pour pouvoir demander le permis.

[89] On peut poser la question de savoir pourquoi l’appelant devait acheter l’avion au moment où il l’a fait, et la réponse est qu’une occasion s’était présentée à eux, l’avion étant en vente.

[90] La perte s’est produite d’une manière catastrophique. L’absence d’un plan d’entreprise ne revêt pas beaucoup d’importance en l’espèce. On ne peut dire que l’avion a été acheté ou détenu sans que l’entreprise soit lancée, car il n’était en leur possession que depuis deux mois environ lorsqu’ils l’ont perdu.

[91] L’avocat a fait référence au jugement Nichol c. La Reine, [1993] A.C.I. no 541 (Q.L.), C.C.I., no 91-2094 (IT)G, 7 juillet 1993 ([1993] 2 C.T.C. 2906), notamment aux paragraphes 5 et 12, à l’appui de sa position selon laquelle le ministre ne doit pas évaluer rétrospectivement le jugement raisonnable de gens d’affaires ni substituer son propre jugement au leur.

[92] En l’espèce, les contribuables ont agi de bonne foi, et non seulement ils espéraient que l’entreprise serait rentable, mais ils s’y attendaient. La question n’est pas de savoir si l’entreprise s’est révélée rentable. L’avocat a également fait référence à l’arrêt Tonn c. La Reine, [1996] 2 C.F. 73 ([1996] 1 C.T.C. 205), et il a affirmé que l’appelant n’aurait pas agi comme il l’a fait si ses intentions avaient été purement personnelles. Cela aurait été insensé. Les dépenses considérées en l’espèce devraient être assimilées aux frais de démarrage dont il est question au paragraphe 44 de l’arrêt Tonn, précité.

[93] Conformément à l’affaire Geropoulos c. Sa Majesté la Reine, [1998] A.C.I. no 339 (Q.L.), il n’était pas nécessaire que l’appelant obtienne d’abord le permis pour qu’il y ait une entreprise. Cette affaire concernait la mise en valeur d’un bien, et le permis nécessaire n’avait pas été obtenu avant que les dépenses fussent engagées.

[94] Dans la présente affaire, l’avocat soutenait que l’achat de l’avion avait lancé l’appelant et son associé en affaires, de sorte que leur entreprise pouvait devenir opérationnelle. Ce n’était pas manquer de sagesse que d’acheter l’avion à ce stade-là. L’avion aurait pu être vendu si les plans ne s’étaient pas réalisés. L’aspect personnel doit être distingué de l’aspect commercial. Il ne s’agissait pas d’un avion destiné à un usage personnel. Il y avait un plan d’entreprise, ce qui était suffisant.

[95] L’appel concernant la PDTPE qui avait été refusée devrait être admis avec frais.

[96] En ce qui concerne l’avantage consistant en un usage personnel visé par la cotisation établie à l’égard de l’appelant, le pavillon était destiné à un usage commercial, bien que n’étant pas au nom de C & C. L’avion pouvait être utilisé aussi bien par l’appelant que par M. McNeill. L’avion n’aurait été à la disposition de l’appelant que moins de 50 p. 100 du temps. La cotisation était basée sur le fait que l’appelant pouvait utiliser l’avion en tout temps, ce qui était inexact. Elle aurait dû être basée sur le fait que l’appelant et M. McNeill disposaient de l’avion 50 p. 100 du temps chacun. Sur la foi de la preuve, il est clair que l’avion était à la disposition de l’appelant et de M. McNeill dans une proportion de 50 p. 100 pour chacun. Cette hypothèse n’a pas été réfutée.

[97] L’avocat invoquait l’arrêt Youngman c. La Reine, C.A.F., no A-698-86, 23 avril 1990 (90 DTC 6322), notamment le paragraphe 18, à l’appui de sa position selon laquelle on devait calculer le montant correspondant à l’avantage déterminé dans la cotisation en tenant compte du fait que l’appelant avait prêté de l’argent à C & C sans intérêt pour aider à financer l’entreprise et, dans la mesure où cette somme était demeurée impayée, on devait réduire la valeur de l’avantage en conséquence. Cela n’a pas été fait dans le cas présent. On ne doit pas faire cela arbitrairement, mais en tenant compte de tous les facteurs. Encore une fois, on doit procéder à une réduction basée sur le pourcentage du temps pendant lequel l’avion était à la disposition de l’appelant. La cotisation doit tenir compte non seulement du fait que l’avion n’était à la disposition de l’appelant que 50 p. 100 du temps, mais aussi du fait qu’il y avait des périodes pendant lesquelles ni l’un ni l’autre ne pouvait se servir de l’avion.

[98] Pour ce qui est de l’avantage consistant en un usage personnel, si la Cour devait conclure qu’un tel avantage existait, le montant correspondant à cet avantage devrait être réduit en conséquence.

[99] L’appelant demande à la Cour de lui adjuger des dépens relativement aux deux questions en litige.

Argumentation présentée pour le compte de l’intimée

[100] L’avocate de l’intimée a présenté des arguments par écrit et verbalement. Elle avançait qu’il s’agissait de savoir : a) si le ministre avait à bon droit refusé la PDTPE que l’appelant avait déclarée en 1993 concernant son investissement dans C & C; b) si le ministre avait à bon droit établi à l’égard de l’appelant une cotisation incluant dans le revenu des années d’imposition 1992 et 1993 des avantages imposables provenant de C & C relativement à l’usage personnel de l’avion appartenant à C & C.

[101] En ce qui a trait à la PDTPE, l’avocate faisait valoir qu’il incombe à l’appelant d’établir que, en fait, C & C exploitait une entreprise légitime à des fins commerciales et non une entité quelconque pour des raisons personnelles. Il faut déterminer s’il y avait une entreprise. L’avocate soulevait la question de l’attente raisonnable de profit devant exister pour qu’il soit conclu qu’il y avait une entreprise et elle faisait référence aux jugements habituellement cités en la matière, par exemple Moldowan c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 480 ([1977] C.T.C. 310), et Tonn, précité, et elle concluait que C & C n’avait jamais exploité une entreprise et que l’appelant n’avait pas d’attente raisonnable de profit dans l’année relativement à C & C. De plus, les fonds investis par l’appelant et C & C n’étaient pas des dépenses engagées en vue de gagner un revenu. Ainsi, la perte subie ne peut être déclarée comme PDTPE.

[102] L’avocate a dit que, au regard des questions à trancher en l’espèce, il importe d’analyser les activités de C & C ainsi que les antécédents et les actes des actionnaires de C & C relativement à cette présumée entreprise. Tout comme dans l’affaire Prime c. La Reine, C.C.I., no 97-2350(IT)G, 3 février 1999 ([1999] 3 C.T.C. 2342), il convient d’appliquer l’arrêt Tonn, précité, pour déterminer s’il y avait une entreprise. L’appelant en l’espèce avait déjà piloté des avions. Il le faisait principalement pour des raisons personnelles; cela avait commencé au début des années 1980, et il vole encore aujourd’hui. Exception faite de ce qu’il soutient au sujet de C & C, l’appelant n’a jamais offert ses services de pilote contre rémunération ou à d’autres fins commerciales. Il se peut qu’il ait piloté un avion pour se rendre à divers endroits afin de participer à des réunions d’affaires ou de s’occuper de questions d’affaires, mais là s’arrêtent les vols qu’il a effectués relativement à une entreprise quelconque.

[103] La création et l’exploitation d’une entreprise de pourvoirie nécessite une planification minutieuse et beaucoup de travail. Une telle entreprise doit en outre se conformer à des règles et règlements stricts établis par la province de Terre-Neuve. En l’espèce, aucune des mesures mentionnées n’a été prise par l’appelant ou C & C. En fait, aucune preuve concrète n’indique que ce projet était autre chose qu’une idée de l’appelant et de M. McNeill, une idée qui ne s’est jamais concrétisée. En mettant les choses au mieux, on pourrait considérer ce projet comme ayant été aux stades initiaux de la planification. Ils avaient peut-être même une vision présentant de réelles possibilités, mais, même en faisant un effort d’imagination, on ne peut certainement pas dire que l’exploitation avait déjà commencé.

[104] Aucune preuve n’indique que C & C avait établi des prévisions ou plans concrets. Aucune commercialisation n’avait été entreprise et aucune recherche n’avait été faite pour déterminer la viabilité d’une telle entreprise. Les détails relatifs à ce que l’entreprise comporterait n’ont même jamais été déterminés ni précisés. Le jugement Wallace c. M.R.N., C.C.I., no 83-835(IT), 21 février 1986 ([1986] 1 C.T.C. 2308), fournit un bon exemple des caractéristiques commerciales et des comportements pouvant indiquer l’existence d’une entreprise. Aucun de ces éléments n’était présent en l’espèce.

[105] Il n’y avait simplement aucune preuve pour étayer l’assertion de l’appelant selon laquelle son investissement dans C & C visait une fin commerciale et non personnelle. Il n’y a aucune preuve pour étayer son affirmation selon laquelle il avait des intérêts commerciaux légitimes et s’en occupait activement.

[106] C’est à l’appelant qu’incombe la charge de présenter des preuves suffisantes pour démontrer qu’il exploitait une entreprise. L’avocate de l’intimée soutient qu’il n’y a pas assez de preuves en l’espèce pour que l’on considère que l’appelant s’est acquitté de cette charge.

[107] À l’époque de l’achat du premier avion, il n’existait assurément aucune entreprise au nom de laquelle on eût pu déduire une perte. Contrairement à ce qu’il en était dans l’affaire Hickman, précitée, les hypothèses du ministre n’ont en l’espèce pas été démolies, et c’est encore à l’appelant qu’incombe la charge de la preuve.

[108] L’avocate soutenait qu’il était difficile de déterminer si une entreprise existait selon les critères présentés en l’espèce, car ce n’était encore rien de plus qu’une vision. Il n’y avait aucune entreprise réelle. La question est de savoir si on avait ne serait-ce que démarré l’entreprise.

[109] Il faut tenir compte des profits et pertes et des revenus des années antérieures. En l’espèce, le seul revenu gagné ne provenait pas d’une entreprise de pourvoirie. Il s’agissait d’un paiement aux fins de l’usage d’un bien personnel.

[110] De plus, aucun revenu n’avait été indiqué jusqu’à l’établissement de l’état financier, après l’accident d’avion. Aucun autre revenu n’a été gagné pour compenser les coûts.

[111] En ce qui a trait à l’expérience, les contribuables n’en avaient pas pour ce qui est d’une entreprise de pourvoirie. Tout ce qu’ils savaient, c’était ce que d’autres leur avaient dit. Quant à la voie sur laquelle ils entendaient s’engager, il y avait à cet égard très peu d’éléments positifs dans la preuve qui a été présentée. Très peu de démarches avaient été entreprises pour lancer l’entreprise. Les contribuables avaient dès 1990 eu l’intention de lancer leur entreprise, mais ils n’ont rien fait pour la promouvoir. Il y a eu de nombreux trajets aller et retour entre le camp et leur domicile, mais rien n’a été accompli. Le pavillon n’était pas dans un état satisfaisant par rapport aux besoins d’une entreprise.

[112] Il n’est pas suffisant d’établir que l’avion pouvait être utilisé dans l’entreprise. Les visions et attentes mentionnées par l’appelant n’étaient pas réalistes. Il s’agissait d’une entreprise assujettie à des mesures de contrôle, et l’appelant n’avait aucune garantie qu’il obtiendrait le permis requis. Il n’était pas raisonnable de leur part de s’attendre à tirer un profit de cette entreprise. Tout ce que la Cour a, c’est la parole de l’appelant et de son associé. Ces derniers ne pouvaient connaître la suite des événements tant qu’ils n’auraient pas obtenu le permis.

[113] Lorsque la Cour examine la question de savoir si l’entreprise pouvait réaliser un profit compte tenu de la déduction pour amortissement, la question devient très difficile à trancher, car l’appelant et son associé n’étaient pas en mesure de se prévaloir d’une déduction pour amortissement. Ils n’en étaient pas au stade où ils auraient pu gagner un revenu.

[114] En ce qui a trait au temps nécessaire pour réaliser un profit, cette question n’est pas importante en l’espèce, car l’appelant n’en était pas au stade où cela aurait pu être calculé. Il n’y avait aucun registre faisant état des profits et pertes.

[115] L’avocate a répété que rien n’avait été mené à terme. L’appelant et son associé n’ont fait que montrer qu’ils allaient ajouter des chambres au pavillon. Ils n’ont produit aucun plan. Ils ignoraient quelles étaient alors les exigences à satisfaire pour l’obtention d’un permis, comme l’indique la preuve. Ils n’avaient rien fait au plan de la publicité et de la commercialisation et ils n’avaient pas établi de prévisions en ce qui concerne les dépenses. Ils espéraient être parvenus à l’étape de l’exploitation en 1994, mais ils n’avaient aucun échéancier indiquant quand l’entreprise obtiendrait son permis et combien de clients ils auraient la première année ou par la suite.

[116] Le principal objet de l’achat de l’avion et de l’utilisation du pavillon était personnel. S’il y avait un objet commercial, celui-ci était secondaire. Leurs attentes étaient irréalistes. En 1992 et en 1993, il n’y avait aucune entreprise à l’égard de laquelle ils pouvaient indiquer une PDTPE. L’appelant et son associé avaient chacun mis 44 000 $ dans le projet en 1990, mais il n’y avait aucune entreprise. Ce n’était qu’une vision. L’appelant était concessionnaire d’automobiles à temps plein. Il utilisait l’avion à des fins personnelles. En 1990, il y avait des prêts personnels au nom de l’appelant et de son associé. Il n’y avait aucun prêt au nom de la société. Ils progressaient à leur propre rythme. En ce qui concerne le camp, il leur a fallu cinq ans pour en arriver là où ils étaient rendus, et pourtant le camp n’était pas encore suffisamment aménagé pour l’exploitation de l’entreprise qu’ils envisageaient. Ils n’ont pas consacré assez de temps aux fins de l’exploitation du camp.

[117] En 1992 et en 1993, toutes les dépenses ont été payées personnellement par l’appelant et son associé et non par C & C. Cela est clairement un facteur indiquant qu’il y a eu usage personnel. Le camp avait été bâti grâce au travail d’amis. Rien n’indique que le travail avait été fait à la satisfaction de l’appelant et de son associé.

[118] L’appelant a affirmé que l’entreprise devait cibler le marché américain, mais les règlements de 1995 indiquaient qu’il y avait un moratoire sur ce type d’exploitation et qu’un contrôle strict était exercé sur les nouveaux venus. Aucun nouveau permis n’était accordé pour la chasse au gros gibier. Ils auraient été en droit de cibler une clientèle canadienne, mais ils ont dit que c’était au marché américain qu’ils s’intéressaient. L’appelant a essentiellement admis qu’il utilisait personnellement l’avion et que C & C n’était qu’une façon commode pour eux de faire un usage personnel de l’avion. L’entreprise n’a jamais été lancée. Ce n’est qu’après l’accident d’avion que des états ont été établis et que des déclarations d’impôt ont été produites. Aucune conclusion favorable ne peut être tirée de l’existence d’un revenu censément gagné par C & C. L’appelant va à Round Pond depuis les années 1970. Il s’agissait d’une activité personnelle. Tout le temps passé là avait un caractère personnel.

[119] M. McNeill a déclaré que Round Pond était un bel endroit où se retirer. L’avion récupéré a été vendu à une société liée et, au bout du compte, un profit a été réalisé par une des sociétés de M. O’Neill. La question est de savoir quelle était la véritable valeur de récupération.

[120] On n’a présenté aucune preuve de l’existence d’une entreprise. C & C n’a jamais exploité une entreprise, pas même en 1992, et il n’y avait aucune attente de profit. On n’a pas investi en vue de gagner un revenu. L’appelant et son associé s’intéressaient tous les deux au pilotage, et un avion plus gros devait leur permettre d’emmener plus de gens. Même si l’avion a été acheté à des fins commerciales, l’appelant n’était pas en affaires dans ce domaine. L’achat de l’avion ne faisait pas du projet une entreprise à cette époque. L’affaire Nichol, précitée, à laquelle l’avocat de l’appelant a fait référence, se distingue nettement de l’affaire qui occupe la Cour. Dans cette cause-là, toute la planification avait été faite et toutes les caractéristiques commerciales indiquant l’existence d’une entreprise étaient présentes. En l’espèce, toutefois, rien ne prouve que M. McNeill et l’appelant avaient investi assez de temps pour démarrer l’entreprise. Ils n’ont pas consacré de temps à la promotion de cette entreprise.

[121] L’avocate faisait valoir que l’argumentation sur l’inadmissibilité d’une PDTPE et sur la cotisation relative à l’avantage consistant en un usage personnel était une argumentation présentée subsidiairement et que, s’il n’y avait pas de PDTPE, il n’y avait pas d’avantage. Par ailleurs, s’il y avait une PDTPE et qu’il y avait un avantage, le montant correspondant à cet avantage devrait être réduit. Il faudrait tenir compte de l’investissement de M. O’Neill et de M. McNeill dans l’entreprise. À cet égard, les parties ont convenu que le montant devrait être ramené de 3 267 $ à 1 633,50 $ pour 1992 et de 4 860 $ à 1 701 $ pour 1993.

[122] En contre-preuve, l’avocat de l’appelant a fait valoir que, s’il y avait bel et bien une entreprise, celle-ci est née lorsque l’avion Beaver a été acheté. L’avocate de l’intimée n’était pas en désaccord là-dessus. L’avocat a par ailleurs admis que la preuve indiquait que l’appelant et son associé n’avaient pas découvert ce qui était nécessaire, ajoutant qu’ils avaient toutefois précédemment obtenu des formulaires de demande. Mettre leur plan sur papier n’était pas important. La Cour ne devrait pas tirer de conclusion négative quant au montant reçu à l’égard de la récupération de l’avion ou quant au fait qu’une société de M. O’Neill peut avoir racheté l’appareil récupéré.

[123] Les parties étaient d’accord pour que les dépens suivent l’issue de la question de la PDTPE.

Analyse et décision

[124] La Cour est d’accord avec les deux avocats qu’il y a deux questions litigieuses en l’espèce. La première est de savoir si le ministre a à bon droit refusé la PDTPE déclarée par l’appelant en 1993. La deuxième est de savoir si le ministre a à bon droit établi à l’égard de l’appelant une cotisation incluant, dans le revenu, des avantages imposables provenant de C & C au titre de l’usage personnel de l’avion; à cet égard, le montant correspondant à l’avantage est également en litige.

[125] Dans la réponse à l’avis d’appel, l’intimée n’avait présenté aucune argumentation subsidiaire. Toutefois, au procès, l’avocate de l’intimée a concédé qu’elle ne pouvait gagner sur les deux tableaux. La Cour est convaincue que, si l’appelant n’est pas en droit de déclarer une PDTPE pour l’année en question, il ne peut être considéré comme ayant reçu un avantage imposable provenant de C & C au titre de l’usage personnel de l’avion.

[126] Cependant, si la Cour devait conclure qu’il y avait une PDTPE pour l’année en question, donc qu’il y avait cette année-là une entreprise en exploitation pouvant justifier la déclaration de la PDTPE, elle doit décider si une cotisation a à bon droit été établie à l’égard de l’appelant concernant l’avantage imposable provenant de C & C au titre de l’usage personnel de l’avion. À cet égard, la Cour doit décider si le ministre a correctement imposé l’appelant pour ce qui est du montant correspondant à l’avantage dans l’année en question.

[127] L’avocate de l’intimée a reconnu à la fin du procès que le montant déterminé à cet égard par le ministre dans la cotisation était inexact et devrait être ramené à 1 633,50 $ pour 1992 et à 1 701 $ pour 1993, conformément à l’argumentation de l’appelant.

[128] La Cour en convient.

[129] La Cour est convaincue qu’il n’y a guère de différend quant aux faits proprement dits en l’espèce, sur la foi de l’exposé conjoint partiel des faits et sur la foi de la preuve présentée de vive voix au procès. Aucun des faits n’était de nature litigieuse, et la véritable question est de savoir si la Cour est convaincue que l’appelant a établi selon la prépondérance des probabilités qu’il jouait un rôle dans une entreprise au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”) en 1993, année pour laquelle il a cherché à obtenir la déduction.

[130] Les parties reconnaissent que la période qu’il importe de prendre en considération est la période au cours de laquelle l’avion est devenu une perte totale, soit lorsque, en octobre 1993, il s’est écrasé. Les parties reconnaissent en outre que, s’il y avait une entreprise, elle aurait au plus tôt démarré à la date d’achat de l’avion Beaver. Il s’agit donc de savoir si, en octobre 1993, l’appelant a subi une perte en capital (PDTPE) par suite de la disposition d’actions d’une “ société exploitant une petite entreprise ” ou de la disposition d’une créance sur une telle société, de sorte que la partie appropriée de la perte pourrait être déduite conformément à l’alinéa 38c).

[131] L’avocate de l’intimée a résumé l’exigence en soutenant que l’appelant doit d’abord établir que C & C exploitait de fait une entreprise légitime ayant un objet commercial et qu’il ne s’agissait pas d’un projet réalisé pour des raisons personnelles. Elle affirme qu’il faut déterminer s’il y avait une entreprise.

[132] Au sujet du fardeau de la preuve, l’avocat de l’appelant fait valoir que, conformément à l’arrêt Hickman, précité, l’appelant a, comme l’indique la preuve, démoli les hypothèses du ministre et qu’il incombe alors au ministre de prouver, de manière à convaincre la Cour, qu’aucune entreprise n’était exploitée à l’époque pertinente.

[133] L’avocat de l’appelant invoquait également cet arrêt pour faire valoir qu’il y avait une distinction entre le critère de l’attente raisonnable de profit et le critère consistant à déterminer si une dépense a été engagée en vue de tirer un revenu. Dans l’arrêt Hickman, précité, la Cour déclarait ceci, à la page 20 :

Le test de l’“ expectative raisonnable de profit ” cherche à savoir s’il existe une entreprise, tandis que le test dit “ aux fins de produire un revenu ” présuppose l’existence d’une entreprise et s’interroge sur l’utilisation d’un bien appartenant à l’entreprise. Le test de l’“ expectative raisonnable de profit ” tient compte des résultats antérieurs et prévus de plusieurs années d’exploitation et pose la question suivante : “ les revenus d’exploitation seront-ils à un moment donné supérieurs aux dépenses de sorte qu’un profit sera réalisé? ” Le test dit “ aux fins de produire un revenu ” examine la situation d’un bien et pose la question suivante : “ le bien produit-il un revenu ou est-il tout au moins utilisé à cette fin? ” Ces deux tests portent sur des questions fort différentes et ils pourraient être appliqués séparément au même contribuable en même temps.

[134] Dans la présente affaire, la Cour est convaincue qu’aucun profit n’a été tiré du projet de l’appelant dans l’année en question, et il faut donc qu’elle décide, en appliquant les principes énoncés dans l’arrêt Moldowan, s’il y avait une attente raisonnable de profit en 1993. La Cour est convaincue, comme elle l’a dit précédemment, que le véritable critère est celui de savoir s’il y avait une entreprise en 1993.

[135] Au sujet du fardeau de la preuve, l’arrêt Hickman, précité, établit clairement que la partie appelante s’acquitte de la charge initiale de “ démolir ” les hypothèses particulières du ministre lorsqu’elle présente au moins une preuve prima facie. Dans cette cause-là, la Cour était convaincue que la partie appelante avait présenté une preuve claire qui n’avait pas été réfutée, tandis que l’intimée n’avait rien prouvé. Dans cet arrêt, la Cour décidait que :

Lorsque l’appelant a “ démoli ” les présomptions du ministre, le “ fardeau de la preuve [...] passe [...] au ministre qui doit réfuter la preuve prima facie ” faite par l’appelant et prouver les présomptions [...] Ainsi, dans la présente affaire, la charge est passée au ministre, qui doit prouver ses présomptions suivant lesquelles il existe “ deux entreprises ” et il n’y a “ aucun revenu ”.

[136] En l’espèce, l’avocate de l’intimée prétend que tel n’était pas le cas sur la foi de la preuve, c’est-à-dire que les hypothèses du ministre n’ont pas été démolies et que la charge de la preuve continue d’incomber à l’appelant.

[137] À ce sujet, la Cour est convaincue que le fardeau de la preuve n’est pas inversé en l’espèce. Elle est convaincue que l’appelant ne s’est pas acquitté de la charge qui lui incombait de “ démolir ” les hypothèses particulières du ministre, et qu’une preuve prima facie n’a pas été faite au nom de l’appelant.

[138] Donc, la véritable question est encore celle de savoir si l’appelant a établi selon la prépondérance des probabilités qu’il y avait une entreprise à l’époque de l’accident d’avion. Pour répondre à cette question, la Cour doit examiner les hypothèses formulées dans la réponse à l’avis d’appel et les éléments de preuve présentés au procès, compte tenu des arguments des avocats.

[139] L’avocat de l’appelant faisait valoir qu’une entreprise était bel et bien exploitée à l’époque de l’accident d’avion. Toutefois, le témoignage de l’appelant et celui d’Ignatius Loyola McNeill ne concordaient pas à cet égard. Par exemple, l’appelant lui-même a dit que le permis relatif au lot était à son nom et qu’il n’était pas au nom de C & C. Il s’agissait là d’un des plus importants éléments de l’entreprise. Puis il a dit : [TRADUCTION] “ J’avais écrit au ministre pour l’obtenir. Ce n’était pas seulement mon permis; c’était également le permis de M. McNeill. Nous entendions le transférer à C & C Limited. ” L’appelant a également déclaré qu’aucun plan d’entreprise n’avait été établi et que, toutefois, il ne voyait rien d’extraordinaire à cela, car il n’avait aucun plan semblable pour d’autres entreprises également. En parlant à des pourvoyeurs, il s’était fait une idée de l’importance du revenu que générerait l’entreprise de pourvoirie. Les deux contribuables visaient une clientèle de chasseurs américains, comptant obtenir de 40 à 50 clients par année, mais il était bien évident que cela ne serait pas possible la première année et qu’il leur faudrait plusieurs années avant de pouvoir raisonnablement s’attendre à réaliser un profit.

[140] L’appelant a en outre admis qu’ils ne pouvaient démarrer l’entreprise de pourvoirie sans avoir obtenu le permis de l’administration des terres de la Couronne. Certes, il croyait que cela ne poserait pas de problème, vu les relations qu’ils avaient au gouvernement. Toutefois, le fait est que le permis n’avait pas encore été obtenu, ce qui était un préalable pour l’exploitation de l’entreprise de pourvoirie. En ce qui a trait au camp proprement dit, il n’était manifestement pas achevé à l’époque de l’accident d’avion, et il restait énormément de travail à accomplir à cet égard avant que les deux contribuables puissent même espérer faire approuver le camp par les autorités gouvernementales compétentes.

[141] L’appelant a témoigné qu’il entendait demander le permis de nolisement l’automne suivant et qu’il croyait sincèrement qu’ils seraient alors prêts pour amener des gens au camp. Toutefois, cet aspect de l’entreprise était laissé à M. McNeill. Par ailleurs, l’appelant a dit qu’ils envisageaient d’avoir trois chambres à coucher et une salle de bains, le pavillon pouvant ainsi accueillir six personnes. Pourtant, il n’y avait pas de plan d’architecte. Ils devaient simplement se rendre là-bas et procéder à la construction. L’appelant et M. McNeill se seraient entendus sur la question de savoir quoi construire. L’appelant a dit ceci : [TRANSACTION] “ Je pensais que nous pourrions obtenir un permis de pourvoyeurs grâce aux relations que M. McNeill avait au gouvernement. L’obtention du permis ne devait pas poser de problème. ” Plus tard au cours de son témoignage, il a dit qu’ils n’avaient jamais lancé l’entreprise de pourvoirie, puisque l’avion s’était écrasé avant qu’ils commencent leurs activités. C’était un lapsus ou une assertion inexacte, ou encore une manière de dire qu’il croyait réellement à la situation relative à cette entreprise; quoi qu’il en soit, il a dit cela. En outre, on lui a demandé pourquoi il avait établi les états de 1992, et il a répondu qu’il l’ignorait, puis il a dit que c’était pour reporter la perte, censément sur la recommandation de son comptable.

[142] Il a bel et bien admis que l’on n’avait pas l’intention de produire une déclaration de revenu pour C & C avant l’accident d’avion, car il n’y avait eu aucune activité. C’est assurément là une indication quelconque de la présence ou de l’absence d’une entreprise. De plus, on n’a jamais passé d’intérêts en charges dans les livres de C & C au titre des prêts impayés en 1990, en 1991 et en 1992.

[143] L’appelant savait très peu de choses sur le montant du revenu indiqué pour 1993, sauf qu’il a dit que 4 600 $ provenaient d’O’Neill Motors et que le reste pouvait provenir des sociétés de M. McNeill. Il ne savait rien au sujet des factures. Il ne savait pas s’il y avait eu un profit net ou un profit brut. Il présumait que les frais juridiques avaient été payés par M. McNeill et lui, mais il ignorait comment cela pouvait avoir été passé en charges aux fins comptables.

[144] L’ensemble de ces éléments de preuve semble indiquer qu’ils avaient considéré après coup qu’une entreprise existait, mais cela était arrivé après que l’avion se fut écrasé et après que l’importance de la perte leur fut devenue évidente.

[145] Concernant la nature de la clientèle qu’ils espéraient attirer pour leur entreprise, l’appelant a dit de nouveau qu’ils visaient une clientèle de chasseurs américains de gros gibier. Toutefois, ils avaient obtenu le plus gros de leurs renseignements simplement par le bouche à oreille, en parlant à d’autres personnes, et l’appelant avait ainsi conclu qu’ils pourraient gagner environ un quart de million de dollars par année grâce à environ 50 chasseurs qui paieraient 4 000 $ chacun pour l’expérience.

[146] Il est toutefois bien clair que cela n’aurait pu être réalisé la première année de l’entreprise, et qu’il leur aurait fallu plusieurs années pour pouvoir en arriver là.

[147] Ignatius Loyola McNeill a été interrogé assez longuement sur la question de savoir s’il existait une entreprise, et son témoignage aussi n’était pas totalement cohérent ni ne concordait entièrement avec celui de l’appelant. Au cours de son témoignage, il a à un moment donné dit qu’ils avaient simplement parlé de l’entreprise de pourvoirie un certain nombre de fois et convenu qu’ils demanderaient un jour un permis de pourvoirie pour la chasse et la pêche. Ils étaient allés à Round Pond pour la première fois en 1985 et avaient établi le camp en 1986. C’était simplement un bel endroit où aller. En 1989, ils avaient commencé à construire le pavillon. Celui-ci était situé de l’autre côté du lac par rapport au camp qu’ils occupaient précédemment; il était à environ un demi-mille, peut-être un peu plus, du camp. Ils n’avaient pas personnellement travaillé bien fort au camp, faisant plutôt appel à un certain nombre de personnes qui aimaient aller dans cette région. M. O’Neill avait simplement aidé à recueillir le bois pour le pavillon. À la fin d’août 1989, le pavillon était couvert, mais ce n’est qu’à l’automne que le toit a été achevé et que les fenêtres ont été installées. Deux ans plus tard, le pavillon était achevé, selon ses dires. Toutefois, la preuve indiquait clairement que le pavillon n’avait jamais été aménagé de manière que l’appelant pût raisonnablement s’attendre à obtenir le permis gouvernemental requis, car, lorsque l’avion s’était écrasé, ils n’avaient pas encore agrandi le pavillon.

[148] Interrogé au sujet du plan d’entreprise, ce témoin a dit qu’il y avait eu de nombreuses discussions qui les avaient amenés à déterminer ce qu’ils allaient faire. Il fallait que le camp soit achevé. Ce témoin a également dit que, lorsqu’ils avaient acheté l’avion Beaver, ils étaient en affaires. Puis il a dit : [TRADUCTION] “ Nous allions demander un permis de nolisement. ” L’obtention d’un tel permis n’est pas une mince affaire. Il fallait que l’avion soit convenablement équipé. Il leur fallait conclure un contrat avec une entreprise d’ingénierie aux fins des réparations, et ils avaient besoin d’un pilote en chef comptant suffisamment d’heures de vol et sachant comment exploiter l’entreprise. Ce témoin ne croyait pas qu’il serait difficile de régler ces questions en suspens, mais il demeure qu’elles n’ont pas été réglées. Il leur fallait un permis de pourvoyeurs, ce qui devait prendre environ six mois et exigeait la présentation d’une demande détaillée. Il était évident que ce témoin ne pourrait remplir le formulaire lui-même et qu’il leur faudrait pour ce faire recourir à des comptables agréés. Certes, il était convaincu qu’il ne serait pas difficile d’obtenir le permis, mais, encore là, on ne pouvait avoir de certitude à cet égard, étant donné notamment que la preuve indiquait que le processus était détaillé et exigeant et que le plan devait être établi avant que le permis puisse être délivré. Ce témoin était également convaincu qu’il obtiendrait les heures de vol nécessaires pour avoir une licence de pilote en chef, mais, encore là, ce n’est pas arrivé.

[149] Sa position était qu’il faudrait environ de six à huit mois après le mois de novembre de l’année de l’accident d’avion pour que toutes les conditions préalables relatives à la réception de clients soient remplies. Il a dit lui-même que l’installation devait répondre à de nombreuses exigences. Il y avait des restrictions quant au type de structure. Le ministère chargé de la santé devait surveiller l’installation; encore là, il n’était pas inquiet pour ce qui est de l’obtention d’un permis, étant donné qu’il estimait qu’ils avaient de bonnes relations au gouvernement, et que l’un des fonctionnaires avait visité le camp; mais le fait qu’il croyait cela est insuffisant pour convaincre la Cour que l’obtention du permis de pourvoyeurs était une certitude. Ce témoin a dit que, lorsqu’ils attireraient 70 clients par saison, ils gagneraient environ 200 000 $ par année et qu’ils tireraient assez d’argent des activités de pêche pour couvrir les dépenses. Ils auraient 20 clients la première année et 70 après cinq ans. Encore là, il croyait cela en se fondant sur ce que des gens lui avaient dit, de même que sur sa propre connaissance de ce type d’entreprise et sur le fait qu’il savait dans quelles revues faire de la publicité et quelles foires ou expositions fréquenter. Ils avaient parlé d’agrandir le pavillon, mais, encore là, cela ne s’est pas fait. Lorsque, le 8 octobre, l’avion s’est écrasé, tous leurs plans étaient conclus. Jusqu’à ce qu’ils sollicitent l’avis de comptables du cabinet Spurrell Sooley en vue de remplir la demande de permis de pourvoyeurs, ils s’étaient contentés de griffonner des notes. Même à cela, ils s’attendaient à réaliser un profit. On n’a rien présenté de plus concret qui permette à la Cour de conclure que leur certitude était justifiée.

[150] Interrogé au sujet des discussions sur le montant du revenu pouvant être tiré de l’entreprise, ce témoin a dit : [TRADUCTION] “ Nous parlions seulement du revenu quand nous étions ensemble, en avion ou au camp. Chacun savait ce qu’il en était à l’époque. Nous n’avions pas fait de recherches et n’avions pas besoin d’en faire. Nous en aurions fait le moment venu de présenter notre demande de permis de pourvoyeurs. ” Il a témoigné que, environ six mois avant l’achat de l’avion Beaver, il s’était renseigné sur le permis de nolisement et sur les exigences imposées aux pourvoyeurs. Il n’avait rien fait de plus, quoiqu’il eût obtenu les formulaires de demande avant l’accident d’avion. À la fin de son témoignage, il a admis que le bâtiment n’était pas prêt à cette époque et qu’il ne devait être achevé que lorsque la demande serait présentée. Il avait obtenu le formulaire de demande au cours de l’hiver 1992. Le formulaire, non rempli, était resté sur son bureau pendant six mois. L’exploitation devait commencer de un à trois ans plus tard.

[151] La position de l’avocate de l’intimée était que, à l’époque de l’accident d’avion, aucune entreprise n’avait été lancée. Aucune preuve concrète n’indiquait que le projet était autre chose qu’une idée de l’appelant et de M. McNeill. Ce projet n’a jamais abouti en raison de l’accident d’avion. En mettant les choses au mieux, il en était aux étapes initiales de la planification. Peut-être même était-ce une vision présentant de réelles possibilités, mais, même en faisant un effort d’imagination, on ne peut certainement pas dire que l’exploitation avait déjà commencé.

[152] L’avocate a dit qu’aucun élément de preuve n’indiquait que C & C avait établi des prévisions ou plans concrets. On n’avait fait aucune commercialisation ni aucune recherche pour déterminer la viabilité d’une telle entreprise, et aucun détail sur l’entreprise ou sur ce qu’elle comportait n’avait jamais été déterminé ni précisé. L’avocate a fait référence au jugement Wallace, précité, lequel était mentionné dans son argumentation écrite. Elle se fondait sur ce jugement pour souligner l’absence des caractéristiques commerciales se rapportant à une exploitation de ce type.

[153] Le jugement Nichol, précité, a une importance considérable. Dans cette affaire, le juge Bowman, de la C.C.I., devait se prononcer sur la déductibilité de pertes subies par le contribuable dans le cadre d’une entreprise infructueuse concernant une équipe de baseball semi-professionnelle de London (Ontario). Ayant pris en considération les faits de l’affaire, le juge en était arrivé à la conviction suivante :

[...] La planification et les prévisions financières faites avant la création des London Royals présentaient trop de caractéristiques commerciales et, si je peux m’exprimer ainsi, d’indices de commercialité pour qu’on puisse déclarer qu’il s’agissait d’un simple passe-temps ou d’un travail fait avec plaisir, dans un esprit idéaliste.

De plus, il avait fait référence au jugement ELB Productions Ltd. c. M.R.N., C.C.I., no 90-1934(IT), 6 novembre 1991 (91 DTC 1466), dans lequel la Cour faisait observer ceci :

J’admets que M. English a dépensé son argent de bonne foi, dans l’espoir et l’attente que cette dépense déboucherait sur une entreprise rentable. Le fait que M. English ait commis une erreur de jugement et que son attente ne se soit pas matérialisée n’est pas, en soi, une raison suffisante pour considérer les dépenses comme non déductibles. Ainsi que l’a fait remarquer le juge Cattanach dans un contexte quelque peu différent dans l’affaire Gabco Limited v. M.N.R. [1968] C.T.C. 313, il ne sied pas à cette Cour ni au ministre du Revenu national de juger rétrospectivement la clairvoyance en affaires d’un contribuable. À la page 323, le juge Cattanach a déclaré :

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

“ Il ne s’agit pas pour le ministre ou pour notre Cour de substituer son opinion sur ce qui constitue un montant raisonnable à payer, mais plutôt pour le ministre ou la Cour d’en arriver à la conclusion qu’aucun homme d’affaires raisonnable ne se serait engagé par contrat à payer un tel montant, en tenant uniquement compte de la contrepartie reçue par l’appelante dans le cadre de son entreprise [...] ”

Dans cette cause-là, le savant juge du procès avait rejeté l’assertion de la partie intimée selon laquelle il n’y avait aucune attente raisonnable de profit; à cet égard, il se fondait sur les conclusions auxquelles il était parvenu quant aux faits. Notre cour est toutefois convaincue que les faits de la présente espèce, selon la preuve, sont bien différents des faits de cette cause-là et que l’issue de cette cause-là ne peut guère aider l’appelant en l’espèce.

[154] La Cour n’accepte pas l’argument de l’avocat de l’appelant selon lequel, lorsque l’avion Beaver est devenu une perte, le projet de l’appelant en était au stade où il pouvait être considéré comme une “ entreprise ” – selon toute définition raisonnable de ce terme – au sens de la Loi. On ne peut se contenter de répondre à cela que cette entreprise était comme n’importe quelle autre et qu’elle démarrait lentement et simplement, à un rythme que l’on pouvait se permettre sans emprunter d’importantes sommes d’argent. Comme toujours, il s’agit de savoir s’il y avait une entreprise à l’époque pertinente. En l’espèce, y avait-il un plan? Ces contribuables avaient-ils l’équipement nécessaire? Avaient-ils le permis requis? Étaient-ils disposés et aptes à exploiter l’entreprise de pourvoirie au moment où l’avion s’est écrasé? La Cour doit conclure que la réponse est non.

[155] L’appelant avait besoin de bien plus qu’un avion pour rendre ce projet viable. La Cour n’est pas convaincue que l’achat de cet avion avait rendu le projet commercialement viable à ce stade. L’avion était assurément un élément essentiel de l’exploitation, mais il n’en était pas le seul ni le principal élément et, seulement avec l’avion, les installations et les autres actifs dont on pouvait disposer à l’époque de l’accident d’avion, le projet n’aurait pu aller de l’avant.

[156] L’avocat de l’appelant soutenait que l’achat de l’avion aurait permis à l’appelant de demander le permis de nolisement et d’aller de l’avant et qu’il n’aurait pas été pratique de commencer par obtenir le permis de nolisement ou dépenser l’argent pour obtenir le permis sans avoir d’abord obtenu l’avion qui était disponible à cette époque. Certes, un avion était nécessaire pour obtenir un permis, mais ce n’est pas parce que les contribuables avaient l’avion qu’ils auraient obtenu le permis.

[157] La Cour est convaincue que la perte de l’avion a été un événement catastrophique. La seule absence d’un plan d’entreprise ne suffit pas pour permettre à la Cour de conclure qu’aucune entreprise n’existait, mais la Cour n’accepte pas l’argument de l’avocat de l’appelant selon lequel l’entreprise avait démarré et a échoué à cause de l’événement catastrophique qui est survenu.

[158] La Cour est convaincue que l’argent a été dépensé de bonne foi et que l’appelant et son associé espéraient ainsi être en mesure de commencer l’exploitation et d’en tirer un bénéfice, et qu’ils s’y s’attendaient même, mais cela n’est selon la Cour pas arrivé.

[159] Encore là, la Cour n’accepte pas l’argument de l’avocat de l’appelant selon lequel l’achat de l’avion faisait démarrer l’entreprise, qui devenait ainsi opérationnelle. Le fait que l’avion pouvait être vendu si on ne donnait pas suite au projet n’est pas un facteur qui prouve l’existence d’une entreprise à cette époque.

[160] La Cour accepte par contre l’argument de l’avocat de l’appelant selon lequel la question de l’usage personnel ne devrait pas être prise en considération, et, assurément, une entreprise pourrait avoir existé même si l’appelant et son associé avaient pu utiliser les biens de la société, y compris le pavillon et l’avion. Ce n’est pas simplement parce qu’il y avait un élément personnel relativement à l’utilisation de ces biens que la Cour conclut qu’aucune entreprise n’existait.

[161] L’avocate de l’intimée soutenait que le principal objet de l’investissement était de nature personnelle et qu’il pouvait y avoir eu un objet commercial secondaire. Encore là, cependant, ces deux éléments pourraient avoir existé et une entreprise pourrait quand même avoir existé. La Cour a toutefois déjà conclu que le projet n’était pas devenu une entreprise à l’époque de la perte de l’avion Beaver.

[162] Donc, pour ce qui est de la question de la PDTPE pour l’année d’imposition 1993, l’appel est rejeté, avec frais, et la cotisation du ministre à cet égard est confirmée.

[163] Pour ce qui est des avantages personnels considérés dans les cotisations comme ayant été accordés à l’appelant au cours des années 1992 et 1993, les appels sont admis, et la question est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que les cotisations à cet égard sont annulées.

[164] En ce qui a trait aux dépens relatifs à la question des avantages personnels, l’appelant n’y aura pas droit puisqu’il n’a pas pour l’essentiel eu gain de cause dans le présent appel.

Signé à Ottawa, Canada, ce 20e jour d’octobre 2000.

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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