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Date: 19980216

Dossier: 97-495-UI

ENTRE :

RÉAL POLICAR,

appelant,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé,

et

F-MATIC OF AMERICA,

intervenante.

Motifs du jugement

Le juge suppléant Somers, C.C.I.

[1] L'appelant interjette appel de la décision du ministre du Revenu national (le “Ministre”) selon laquelle l'emploi exercé au cours de la période en cause, soit du 22 septembre 1995 au 1er mars 1996, auprès de F-Matic of America Division of Elko-Sha Co. Ltd., le payeur, est exclu des emplois assurables car le payeur ne possedait aucune base d'opération au Canada.

[2] L'intimé soutient que l'appelant occupait un emploi exclu des emplois assurables pendant la période en cause car le payeur ne possédait aucune base d'opération au Canada au sens de l'alinéa 14(f)(i) du Règlement sur l'assurance-chômage et qu'il rendait des services à la fois au Canada et aux États-Unis.

[3] Le fardeau de la preuve incombe à l'appelant. Ce dernier se doit d'établir, selon la prépondérance de la preuve, que la décision du Ministre est mal fondée en fait et en droit. Chaque cas est un cas d'espèce.

[4] Le Ministre s'est fondé, pour rendre sa décision, sur les faits suivants que l'appelant a admis ou niés :

“a) Le payeur est une entreprise américaine dont le siège social et les bureaux sont situés à Lehi, Utah. (nié tel que rédigé)

b) L'entreprise du payeur se spécialise dans la fabrication et la distribution de déshodorants (sic) commerciaux et industriels. (admis)

c) Le payeur n'a aucun entrepôt ou bureau au Canada et la majorité de ses clients résident aux États-Unis. (nié)

d) M. Allard est un employé du payeur; il réside au Québec et son bureau, d'où sont exécutés les pouvoirs que lui confèrent le payeur, est situé à Salt Lake City. (nié)

e) M. Allard est celui qui a embauché l'appelant, finissant des Hautes Études Commerciales, en vertu d'une entente spécifiant les modalités de son emploi pour une période probatoire de 6 mois. (nié)

f) Durant la période en litige, l'appelant était à l'emploi du payeur en vertu d'un contrat de louage de services. (admis)

g) Durant la période en litige, l'appelant rendait des services au payeur à la fois au Canada et aux États-Unis. (nié)

h) Le payeur ne possède aucune base d'opération au Canada et l'emploi de l'appelant est donc un emploi exclu des emplois assurables en vertu du Règlement sur l'assurance-chômage. (nié)”

[5] Le payeur est une entreprise américaine dont le siège social et les bureaux sont situés dans l'État du Utah aux États Unis. L'entreprise du payeur se spécialise dans la fabrication et la distribution de désodorisants commerciaux et industriels. Le payeur n'a aucun dépôt au Canada. Le représentant du payeur était Martin Allard, domicilé à Otterburn Park près de Mont St-Hilaire à Québec.

[6] Monsieur Allard a embauché l'appelant, finissant des hautes études commerciales, en vertu d'une entente spécifiant les modalités d'emploi. Donc l'appelant, selon l'admission de celui-ci et de l'intimé, était à l'emploi du payeur en vertu d'un contrat de louage de services. L'appelant rendait des services en Ontario, au Québec, dans les provinces maritimes, ainsi qu'au “Upper North East des États-Unis”.

[7] L'appelant a reçu de l'entraînement pendant deux jours au domicile de monsieur Allard. L'appelant envoyait des fax au domicile de monsieur Allard. Les communications entre l'appelant et monsieur Allard se faisaient plutôt par fax ou par boîte vocale car ces deux personnes étaient toujours sur la route, pour les territoires à couvrir.

[8] Ces deux personnes avaient seulement des échantillons des produits qu'ils transportaient avec eux afin de les montrées aux clients. Les commandes étaient envoyées au bureau d'affaires du payeur au Utah. Tous les produits vendus par l'appelant étaient entreposés au Utah. L'appelant envoyait les commandes à la secrétaire au Utah; d'ailleurs, la secrétaire de la compagnie de monsieur Allard travaillait au bureau d'affaires au Utah.

[9] L'appelant était payé à toutes les deux semaines en devise américaine et les chèques de paie étaient tirés sur le compte américain du payeur.

[10] La preuve a démontré que l'appelant était à l'emploi du payeur en vertu d'un contrat de louage de services. D'ailleurs, l'intimé a admis l'existence de ce contrat de louage de services.

[11] Cependant, en vertu de l'alinéa 14(f)(i) du Règlement sur l'assurance-chômage se lisant comme suit, c'est emploi est exclu:

14. Sont exclus des emplois assurables les emplois suivants :

...

f) l'emploi pour lequel une personne est assujettie au paiement de cotisations en vertu

(i) de la loi sur l'assurance-chômage d'un État des États-Unis, du District de Columbia, de Porto Rico ou des Iles Vierges, du fait de l'Accord entre le Canada et les États-Unis concernant l'assurance-chômage, dans sa version modifiée du 21 juin 1985,...”

[12] L'accord du Canada et des États-Unis concernant l'assurance-chômage a été conclu le 12 mars 1942 et mis en vigueur le 12 avril 1942.

[13] L'article IV de cet accord est pertinent dans cette cause et il se lit comme suit :

(a) L'ensemble des services que rend à un patron toute personne physique occupant un emploi assurable aux termes de la loi d'assurance d'une juridiction sera assuré suivant la loi d'assurance-chômage de cette juridiction, que lesdits services soient rendus en déçà ou au delà de ladite juridiction, si

(1) lesdits services sont localisés dans ladite juridiction, ou si

(2) lesdits services ne sont pas localisés dans aucune juridiction et que quelques-uns d'entre eux sont rendus dans ladite juridiction, et si

(i) le centre d'activité de la personne rendant les services ou, si celle-ci n'a pas de centre d'activité, le lieu d'où lesdits services sont dirigés ou contrôlés se trouve dans ladite juridiction, ou encore si

(ii) le centre d'activité de la personne rendant les services ou le lieu d'où lesdits services sont dirigés ou contrôlés ne se trouvent localisé dans aucune juridiction où l'un quelconque des services sont rendus et que la résidence de ladite personne se trouve dans ladite juridiction.”

[14] Cet accord a été modifié en 1985, tel qu'il est mentionné à l'alinéa 14(f)(i) du Règlement sur l'assurance-chômage. Cet amendement ne change pas le sens de l'accord de 1942.

[15] L'article IV de cet amendement, en 1985, se lit comme suit :

a) Tous les services d'un individu à un employeur, dans un emploi assurable, au sens de la loi sur l'assurance-chômage d'une juridiction, sont assurés en vertu de la Loi sur l'assurance-chômage de cette juridiction à l'égard des services qu'il rend dans cette juridiction, ou à la fois dans cette juridiction et en dehors de celle-ci.

(1) ses services sont rendus dans cette juridiction, ou

(2) si ses services ne sont rendus dans aucune juridiction en particulier, mais si certains de ses services sont rendus dans cette juridiction, et

(i) si sa base d'opération ou, à défaut d'une telle base, l'endroit d'où ses services sont dirigés ou régis se trouve dans cette juridiction, ou

(ii) si sa base d'opération ou l'endroit d'où ses services sont dirigés ou régis ne se trouve dans aucune juridiction où son rendus certains de ses services, mais si son lieu de résidence se trouve dans cette juridiction.”

[16] La preuve a démontré que l'appelant n'a pas de base d'opération d'où ses services sont rendus. Ses services ne sont pas rendus dans une juridiction particulière. En vertu de son contrat d'emploi, l'appelant devait couvrir, aux bénéfices du payeur, un territoire localisé au Canada et aux États-Unis; donc, il n'était pas limité à une juridiction.

[17] Dans les circonstances, la juridiction se trouve où ses services sont dirigés. Il est bien évident, suivant la preuve, que les services rendus par l'appelant étaient dirigés au centre d'opération du payeur situé dans l'État du Utah aux États-Unis. Le siège social de la compagnie est situé dans l'État du Utah; les décisions sont prises dans cet État; les chèques de paie émanaient du même endroit; la marchandise vendue par l'appelant est livrée de l'État du Utah.

[18] Donc, la juridiction serait celle de l'État du Utah, des États-Unis. Par ce fait même, l'alinéa 14(f)(i) du Règlement sur l'assurance-chômage s'applique dans cette cause et en vertu de cet article, l'emploi de l'appelant est exclu.

[19] L'appel est donc rejeté et la décision rendue par le Ministre est confirmée.

Signé à Ottawa (Canada), ce 16e jour de février 1998.

“ J.F. SOMERS ”

J.S.C.C.I.

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