Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000912

Dossier: 1999-461-IT-I

ENTRE :

SUSAN DAVIES,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman

[1] En novembre 1996, l'appelante s'est séparée de son conjoint et a quitté le foyer conjugal. Le plus jeune enfant né du mariage est demeuré dans le foyer conjugal avec le conjoint de l'appelante, même si cette dernière avait la garde conjointe de l'enfant avec son conjoint.

[2] En décembre 1996, elle a avisé Revenu Canada du changement de la situation matrimoniale. Elle a néanmoins reçu des chèques de prestations pour enfants pour la période allant de décembre 1996 à juin 1997 totalisant 234,50 $.

[3] Elle a téléphoné à son conjoint qui a refusé qu'elle lui remette les chèques. De toute évidence, le conjoint est une personne abusive et potentiellement dangereuse et l'appelante avait peur de l'approcher. En juin 1997, le conjoint a demandé des prestations fiscales pour enfants et les a reçues pour la même période pour laquelle l'appelante les avait reçues. Le fisc a apparemment pris conscience du fait qu'il avait envoyé le même montant à deux personnes et a demandé à l'appelante le remboursement du montant de 234,50 $. L'appelante a demandé l'argent à son conjoint puisqu'elle avait déjà dépensé son montant pour les besoins de leur fils. Le conjoint a répondu : “ Je t'enterrai d'abord ”.

[4] L'appelante a reçu un chèque supplémentaire de 170 $ pour le mois de juillet 1997. Elle l'a retourné à Revenu Canada sans l'encaisser.

[5] Pour être considérée comme un particulier admissible en ce qui a trait aux dispositions en matière de prestations fiscales de la Loi de l'impôt sur le revenu, une personne doit entre autres choses résider avec la personne à charge admissible et être la personne, père ou mère de la personne à charge, qui assume principalement la responsabilité pour le soin et l'éducation de cette dernière.

[6] En vertu du paragraphe 122.62(4), une personne qui cesse d'être un particulier admissible est tenue d'aviser le ministère du Revenu national de ce fait avant la fin du premier mois suivant le mois donné au cours duquel elle cesse d'être un particulier admissible. Selon la preuve, c'est ce que l'appelante a fait. Le ministre n'exige pas d'avis officiel supplémentaire. Selon le cadre de la disposition en matière de prestations pour enfants, les prestations sont payées au particulier admissible au moyen de la création d'une fiction ayant la forme de présomption de paiement en trop d'impôts. Je suppose que l'objet de la procédure légale quelque peu compliquée est d'accorder au ministre le pouvoir d'effectuer un paiement en vertu de l'article 164 de la Loi de l'impôt sur le revenu à une personne à qui autrement il n'aurait pas effectué de paiement.

[7] Le paragraphe 160.1(1) prévoit que, lorsqu'un remboursement a été payé en trop, l'excédent est réputé représenter un montant qui “ est payable par le contribuable à compter de la date du remboursement; ”. Lorsque l'excédent découle de l'application de l'article 122.61, aucun intérêt n'est imposé.

[8] Le paragraphe 160.1(3) est ainsi rédigé :

Le ministre peut, à tout moment, établir à l'égard d'un contribuable une cotisation pour tout montant que celui-ci doit payer en application des paragraphes (1) ou (1.1) ou dont il est débiteur solidaire en application des paragraphes (2.1) ou (2.2); la présente section s'applique, avec les adaptations nécessaires, aux cotisations établies en vertu du présent article comme si elles étaient établies en vertu de l'article 152.

[9] Le seul document déposé en preuve est un avis de prestation fiscale pour enfant, daté du 20 octobre 1997 et indiquant qu'un montant de 234,50 $ est dû par l'appelante. La réponse explique qu'une cotisation a été établie à l'égard d'un paiement en trop de 234,50 $. Le document n'est pas décrit comme un avis de cotisation, mais le ministre du Revenu national semble avoir pensé que c'est ce que c'était parce qu'il est allé de l'avant sans hésitation et a déduit le montant de 234,50 $ des remboursements d'impôt de l'appelante pour les années ultérieures.

[10] Les paragraphes 152(3.2) et (3.3) sont ainsi rédigés :

(3.2) Un contribuable peut, au cours d'un mois, demander au ministre, par écrit, de déterminer le montant réputé par le paragraphe 122.61(1) être un paiement en trop, qui se produit au cours de ce mois ou de l'un ou plusieurs des onze mois précédents, au titre des sommes dont il est redevable en vertu de la présente partie pour une année d'imposition.

(3.3) Sur réception de la demande visée au paragraphe (3.2), le ministre, avec diligence, détermine les montants réputés par le paragraphe 122.61(1) être des paiements en trop, qui se produisent au cours des mois indiqués dans la demande, au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie, ou détermine qu'aucun semblable montant n'existe. Il avise alors le contribuable, par écrit, de sa détermination.

[11] L'avis de prestation fiscale pour enfants semble être plutôt de la nature d'un avis de détermination.

[12] Il est possible de soutenir que l'avis de prestation fiscale pour enfants n'est pas un avis de cotisation, mais je crois qu'il s'agit d'une position trop technique. Je suppose qu'il s'agit d'un avis de cotisation donnant lieu à un droit d'opposition et d'appel.

[13] L'appelante a fait preuve d'une décence exemplaire. Elle a avisé le ministère du Revenu national en décembre 1996 de ses ententes familiales modifiées. Elle a tenté de donner l'argent à son conjoint, mais il a refusé de la laisser s'approcher de lui. Elle a alors dépensé l'argent pour les besoins de son fils.

[14] La présente affaire n'a pas à tourner autour de l'évaluation d'une responsabilité ou d'une faute. Si cela était pertinent, je conclurais que le ministère du Revenu national a erré en omettant d'agir au moment où l'appelante l'a avisé en décembre du fait qu'elle avait déménagé et que son fils vivait avec son conjoint dont elle était séparée. Le comportement du conjoint est bien entendu répréhensible.

[15] Le paragraphe 3 de la réponse à l'avis d'appel est ainsi rédigé :

[TRADUCTION]

Il n'avait pas connaissance des allégations de fait déclarées dans l'avis d'appel selon lesquelles l'appelante a avisé Revenu Canada de la rupture du mariage et du fait que le plus jeune enfant, Gordon, demeurerait dans le foyer conjugal avec son conjoint et, par conséquent, il ne les admet pas.

[16] Peu importe ce que l'intimée peut choisir d'admettre ou non, je reconnais comme avéré que l'appelante en a avisé Revenu Canada en décembre 1996.

[17] Le ministère du Revenu national savait en décembre 1996 qu'elle avait déménagé et que son fils vivait avec le conjoint. Le ministère a néanmoins choisi de faire parvenir les chèques à l'appelante.

[18] J'ai tenté de trouver un fondement en vertu duquel je pourrais accorder une mesure de redressement à l'appelante, mais je ne peux surmonter l'obstacle du fait qu'après avoir déménagé en novembre 1996, elle a cessé d'être un particulier admissible parce qu'elle ne résidait plus avec son fils. Le principe de la préclusion ne s'applique pas en l'espèce (Goldstein c. La Reine, C.C.I., no 94-840(IT)I, 1er mars 1995 (96 DTC 1029)).

[19] Je suis conscient que cette cour a décidé que le ministre n'a pas le droit d'exiger le remboursement des prestations fiscales pour enfants payées en trop (Ford c. R., C.C.I., no 98-588(IT)I, 12 novembre 1998 ([1999] 1 C.T.C. 2540). Je préfère ne pas formuler de commentaires parce que cette affaire, si je comprends bien, a été portée devant la Cour d'appel fédérale.

[20] Le montant d'argent en litige en l'espèce n'est pas, somme toute, important. Il existe malgré tout une question de principe. Une injustice évidente a été commise. L'appelante a agi de façon irréprochable, mais elle a été pénalisée pour une erreur dont elle n'est pas l'auteur. Elle a été désavantagée et son conjoint a été avantagé, lui qui ne le méritait pas. Peu importe les pouvoirs discrétionnaires que peut avoir le gouverneur en conseil en vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, je n'ai pas le pouvoir de corriger cette injustice. Je dois par conséquent rejeter l'appel à contrecoeur.

Signé à Ottawa, Canada, ce 12e jour de septembre 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 2e jour de mars 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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