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Date: 20000517

Dossier: 98-2518-IT-G

ENTRE :

ERLING MARVIN OLSEN,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge O'Connor, C.C.I.

[1] Les appels en l'instance ont été entendus à Vancouver (Colombie-Britannique) le 12 avril 2000.

Questions en litige

[2] Il s'agit de déterminer le sens de “ rattaché ” pour l'application de l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”). Plus particulièrement, la Cour est appelée à déterminer si le renvoi, à l'article 84.1 de la Loi, au paragraphe 186(4) de la même Loi, qui énonce les cas où une société est contrôlée par une autre société et où, par conséquent, les deux sociétés sont rattachées, doit aussi est interprété comme un renvoi au paragraphe 186(2), qui expose une définition élargie de la notion de contrôle pour l'application de l'impôt de la partie IV.

[3] L'appel a été présenté sur le fondement d'un exposé conjoint des faits et d'un recueil conjoint de documents. Personne n'a témoigné.

Faits

[4] L'exposé conjoint des faits est libellé dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

EXPOSÉ CONJOINT DES FAITS

Les parties aux présentes conviennent que, aux fins seulement du présent appel, de tout appel en découlant ou de toute autre instance instituée relativement à la présente affaire, les faits énoncés ci-après sont véridiques. Les parties ne peuvent produire, à l'audition des appels en l'instance ou de tout appel en découlant, aucune preuve incompatible avec le présent exposé conjoint des faits, mais elles peuvent produire une preuve additionnelle non incompatible avec cet exposé.

L'appelant, un particulier résidant au Canada, vit au 10663, chemin River, Delta (Colombie-Britannique), Canada, V4C 2R1; pendant la période pertinente, il était président, administrateur et actionnaire majoritaire de Leader Fishing Ltd. (“ Leader ”), une société résidant au Canada qui exploite une entreprise de pêche et qui a été constituée sous le régime de la Company Act de la Colombie-Britannique.

Leader avait émis 120 actions de catégorie A avec droit de vote (les “ actions de catégorie A ”) et 120 actions ordinaires de catégorie B sans droit de vote (les “ actions de catégorie B ”).

Soit les enfants de l'appelant, soit les enfants de l'appelant et leurs conjoints, résidant tous au Canada, détenaient la totalité des actions émises des compagnies suivantes (les “ compagnies des enfants ”), qui, toutes, résidaient au Canada.

NOM ACTIONNAIRES

a) Pacific Fraser Fishing Launa Groulx (la fille de l'appelant)

(“ Pacific ”)

b) Cornerstone Fishing Ltd. Corrine Bjork (la fille de l'appelant)

(“ Cornerstone ”)

c) Viking Fishing Ltd. Trevor Olsen (le fils de l'appelant)

(“ Viking ”)

d) Viking West Industries Ltd. Jason Olsen (le fils de l'appelant et (“ Viking West ”) son épouse)

L'appelant a vendu aux compagnies des enfants des actions de Leader, qui étaient toutes des biens en immobilisation et des actions admissibles d'une société exploitant une petite entreprise, en retour d'une contrepartie ne comprenant aucune action :

DATE DE ACHETEUR NOMBRE PRIX

L'ENTENTE ET D'ACHAT

CATÉGORIE DÉCLARÉ

D'ACTIONS

14 janvier 1993 Cornerstone 5B 95 580 $

16 février 1993 Cornerstone 6A 154 420

31 janvier 1994 Cornerstone 1A 28 885

14 janvier 1993 Pacific 5B 95 580

16 février 1993 Pacific 6A 154 420

31 janvier 1994 Pacific 1A 28 885

31 janvier 1994 Viking 2A 57 770

31 janvier 1994 Viking West 2A 57 770

673 310 $

Chaque acheteur a convenu de payer le prix d'achat en dix versements annuels égaux, le premier versement devant être effectué à la date de l'entente, ainsi que, sur le solde impayé, des intérêts au taux de six pour cent (6 %) pour les ententes intervenues en 1993 et de cinq pour cent (5 %) pour celles intervenues en 1994, l'acheteur ayant cependant la possibilité de rembourser le solde impayé sans pénalité. Les ententes étaient assujetties à des modalités d'entiercement précisées dans les ententes produites sous les onglets 5, 6, 7, 8, 10, 11, 12 et 13 du recueil conjoint de documents.

Les actions mentionnées au paragraphe 4 du présent document ont été transférées aux noms des acheteurs conformément aux ententes à la date de conclusion de chacune d'entre elles.

La contrepartie ne comprenant aucune action que l'appelant a reçue pour les actions qu'il a vendues conformément aux ententes conclues avec les compagnies des enfants était supérieure au prix de base rajusté des actions, calculé conformément à l'article 84.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu.

L'appelant était lié à chacune des compagnies des enfants et à chacun des actionnaires dont le nom figure au paragraphe 3 du présent document.

La juste valeur marchande des actions de Leader vendues aux compagnies des enfants équivalait au prix d'achat déclaré indiqué au paragraphe 4.

La juste valeur marchande des billets payables à l'appelant par Pacific, Cornerstone, Viking et Viking West à la date d'émission de ceux-ci, en cas de vente à un acheteur sans lien de dépendance, s'élevait au total à 423 226 $, montant qui est inférieur de 250 084 $ à la valeur nominale des billets et à la juste valeur marchande des actions vendues :

JVM JVM

1993 des actions des billets

Cornerstone 95 580 $ 60 840 $

Cornerstone 154 420 98 294

Pacific 95 580 60 840

Pacific 154 420 98 294 318 268 $

1994

Cornerstone 28 885 $ 17 500 $

Pacific 28 885 17 500

Viking 57 770 34 999

Viking West 57 770 34 999    104 998

TOTAL 423 266 $

Ni l'appelant ni Leader ne détenait d'actions émises, de quelque catégorie que ce soit, de Pacific, de Cornerstone, de Viking ou de Viking West.

Aucune des compagnies Pacific, Cornerstone, Viking et Viking West n'a à quelque moment que ce soit possédé plus de dix pour cent (10 %) des actions émises de Leader comportant plein droit de vote en toutes circonstances, ni possédé des actions de Leader dont la juste valeur marchande était de plus de dix pour cent (10 %) de la juste valeur marchande de toutes les actions émises de Leader.

Dans une cotisation datée du 30 mai 1997, le ministre a inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année 1993 le montant de 524 863 $ à titre de dividendes majorés que l'appelant était réputé avoir reçus lors de la vente des actions ordinaires de catégorie A et de catégorie B à Cornerstone et à Pacific en 1993. Le calcul a été effectué de la façon suivante :

Produit de disposition 500 000 $

Coût aux fins de l'art. 84.1    80 110

Montant réel des dividendes réputés 419 890 $

125 % de ce montant 524 863 $

Dans une cotisation datée du 30 mai 1997, le ministre a inclus dans le calcul du revenu de l'appelant pour l'année 1994 le montant de 216 630 $ à titre de dividendes que l'appelant a reçus lors de la vente des 6 actions ordinaires de catégorie A en 1994. Le calcul a été effectué de la façon suivante :

Produit de disposition 173 310 $

Coût aux fins de l'art. 84.1     6

Montant réel des dividendes réputés 173 304 $

125 % de ce montant 216 630 $

L'appelant a déposé des avis d'opposition aux nouvelles cotisations de 1993 et 1994.

Dans un avis daté du 19 juin 1998, le ministre a ratifié les cotisations de 1993 et 1994 pour les motifs que :

[TRADUCTION]

[E]n 1993, vous avez disposé d'actions de Leader Fishing Ltd. en faveur de chacune des sociétés Pacific Fraser Fishing Ltd. et Cornerstone Fishing Ltd., avec lesquelles vous aviez un lien de dépendance, et, immédiatement après la disposition, vous et Pacific Fraser Fishing Ltd. de même que vous et Cornerstone Fishing Ltd. étiez rattachés au sens du paragraphe 186(4). Par conséquent, aux termes de l'alinéa 84.1(1)b), Pacific Fraser Fishing Ltd. et Cornerstone Fishing Ltd. sont chacune réputées vous avoir versé un dividende. Suivant la formule énoncée à l'alinéa 84.1(1)b), vous avez reçu des dividendes de 419 890 $ au total; il s'agit de “ dividendes imposables ” au sens du paragraphe 89(1). En conséquence, le montant de 524 863 $, déterminé en application du paragraphe 82(1), est un revenu tiré d'un bien au sens de l'alinéa 12(1)j). Il a été inclus dans le calcul de votre revenu conformément à l'article 3 et au paragraphe 82(1).

En 1994, vous avez disposé d'actions de Leader Fishing Ltd. en faveur de chacune des sociétés Pacific Fraser Fishing Ltd., Cornerstone Fishing Ltd., Viking Fishing Ltd. et Viking West Industries Ltd., avec lesquelles vous aviez un lien de dépendance, et, immédiatement après la disposition, vous et chacune des sociétés Pacific Fraser Fishing Ltd., Cornerstone Fishing Ltd., Viking Fishing Ltd. et Viking West Industries Ltd. étiez rattaché au sens du paragraphe 186(4). Par conséquent, aux termes de l'alinéa 84.1(1)b), Pacific Fraser Fishing Ltd., Cornerstone Fishing Ltd., Viking Fishing Ltd. et Viking West Industries Ltd. sont chacune réputées vous avoir versé un dividende. Suivant la formule énoncée à l'alinéa 84.1(1)b), vous avez reçu des dividendes de 173 304 $ au total; il s'agit de “ dividendes imposables ” au sens du paragraphe 89(1). En conséquence, le montant de 216 630 $, déterminé en application du paragraphe 82(1), est un revenu tiré d'un bien au sens de l'alinéa 12(1)j). Il a été inclus dans le calcul de votre revenu conformément à l'article 3 et au paragraphe 82(1).

Fait à Vancouver (Colombie-Britannique), ce 11e jour d'avril 2000.

“ signature ”

________________________

E. MICHAEL McMAHON

Avocat de l'appelant

“ signature ”

_______________________

PATRICIA A. BABCOCK

Avocate de l'intimée

Observations présentées par l'avocat de l'appelant

[5] L'avocat de l'appelant soutient que l'article 84.1 de la Loi est une disposition anti-évitement de nature pénale. Il a cité plusieurs auteurs dont les ouvrages portent sur l'interprétation des lois fiscales et il conclut que le renvoi au paragraphe 186(4) ne doit pas être interprété comme impliquant un renvoi au paragraphe 186(2).

[6] Si l'avocat a raison, l'appelant échappera à l'obligation de payer de l'impôt sur le revenu dans les années en question car les transactions seront considérées comme ayant donné lieu à des gains en capital complètement exonérés d'impôt en raison de l'exonération qui vise les actions admissibles d'une société exploitant une petite entreprise.

Observations présentées par l'avocate de l'intimée

[7] L'avocate de l'intimée soutient pour l'essentiel que le renvoi, à l'article 84.1, au seul paragraphe 186(4) doit, par nécessité, impliquer un renvoi au paragraphe 186(2), qui contient une définition. Si tel est bien le cas, il y aura dividendes réputés et l'appelant devra payer de l'impôt sur la partie imposable de ceux-ci.

[8] L'avocate de l'intimée a présenté ses arguments verbalement. Les notes écrites résumant sa présentation verbale sont reproduites ci-après :

[TRADUCTION]

Art. 84.1(1) Lorsqu'un contribuable qui réside au Canada, M. Olsen, dispose d'actions qui sont ses biens en immobilisation, d'une catégorie quelconque du capital-actions de Leader, une société qui réside au Canada [la société en cause] en faveur des sociétés des enfants de M. Olsen avec lesquelles M. Olsen a un lien de dépendance au sens de l'article 251 [les “ acheteurs ”] et que, immédiatement après la disposition, la société en cause, Leader, serait rattachée [au sens du paragraphe 186(4) si les mentions “ société payante ” et “ société donnée ” y étaient respectivement remplacées par “ la société en cause ” et “ acheteur ”] aux sociétés des enfants de M. Olsen,

pour l'application de la présente loi, un dividende, calculé selon la formule suivante, est réputé avoir été versé par les sociétés des enfants de M. Olsen à M. Olsen et reçu par celui-ci au moment de la disposition :

[...]

Si les sociétés sont rattachées ainsi qu'il est prévu au paragraphe 186(4), l'article 84.1 s'applique.

Art. 186(4) Pour l'application de la présente Partie, une société payante [Leader, la société en cause] est rattachée à une société donnée [les acheteurs, c'est-à-dire les sociétés des enfants de M. Olsen] à un moment donné d'une année d'imposition de cette dernière [les acheteurs, c'est-à-dire les sociétés des enfants de M. Olsen] dans l'un ou l'autre des cas suivants :

a) la société payante [Leader, la société en cause] est contrôlée (autrement qu'au moyen du droit visé à l'alinéa 251(5)b)) par la société donnée [Leader, la société en cause] à ce moment;

Donc, pour déterminer, dans le contexte du paragraphe 186(4), si Leader est rattachée aux sociétés des enfants de M. Olsen, il faut recourir au paragraphe 186(2), qui précise dans quel cas une société est contrôlée. Aucune autre disposition de la Loi ne peut être utilisée pour déterminer si Leader est rattachée aux acheteurs, c'est-à-dire aux sociétés des enfants de M. Olsen, pour l'application du paragraphe 186(4).

Art. 186(2) Pour l'application de la présente Partie, sauf pour ce qui est de déterminer si Leader est une société assujettie, une société [Leader] est contrôlée par une autre société [les sociétés des enfants de M. Olsen] si plus de 50 pour 100 des actions émises de son capital-actions (comportant plein droit de vote en toutes circonstances) appartiennent à l'autre société, à des personnes avec lesquelles cette autre société a un lien de dépendance [M. Olsen et ses enfants] ou à la fois à l'autre société [les sociétés des enfants de M. Olsen] et à des personnes avec lesquelles l'autre société a un lien de dépendance [M. Olsen].

Dans la présente affaire, plus de 50 pour 100 des actions de Leader sont contrôlées par M. Olsen et les sociétés de ses enfants, tous ayant entre eux un lien de dépendance; en conséquence, Leader est contrôlée au sens du paragraphe 186(4) et de l'article 84.1. Le ministre a donc eu raison de déterminer qu'un dividende réputé équivalant à la valeur des actions avait été versé à M. Olsen pour les années d'imposition 1993 et 1994.

Analyse et décision

[9] J'ai été informé qu'il n'existe aucune jurisprudence sur les points en litige. Cependant, on m'a prié de me reporter au communiqué no 5-6946 de Revenu Canada, dont le passage pertinent est libellé dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

COMMENTAIRES

Vous [un participant à la conférence] êtes d'avis que l'article 84.1 de la Loi ne s'appliquerait pas dans le cas décrit précédemment et qu'aucun dividende ne serait réputé avoir été versé au particulier par la société Portefeuille Ltée à la date de la disposition par le particulier des actions privilégiées en faveur de Portefeuille Ltée. En outre, vous estimez que l'article 245 de la Loi ne s'appliquerait pas pour déterminer de nouveau quelles sont pour le contribuable les conséquences fiscales mentionnées précédemment.

À l'appui de votre thèse, vous faites valoir que l'article 84.1 de la Loi ne s'appliquerait pas puisque Portefeuille Ltée n'est pas “ rattachée ” à la société Exploitante Ltée au sens de l'article 84.1 de la Loi interprété strictement (c.-à-d. que le paragraphe 84.1(1) limite le sens de “ rattaché ” au sens qui lui est attribué au paragraphe 186(4); Portefeuille Ltée et Exploitante Ltée ne seraient “ rattachées ” que du fait du sens élargi que l'on donne à ce terme au paragraphe 186(2), auquel le paragraphe 84.1(1) ne renvoie pas). [...]

Nous [les représentants de Revenu Canada] ne partageons pas votre point de vue.

Nous sommes d'avis que, pour l'application de l'article 84.1 de la Loi, il convient d'avoir recours au paragraphe 186(2) de la Loi pour donner son sens au terme “ contrôlé ” [...]

L'alinéa 186(4)a) précise qu'une société payante (Exploitante Ltée dans la présente affaire) est rattachée à une société donnée (Portefeuille Ltée dans la présente affaire) si la société payante est contrôlée par la société donnée.

Puisque, immédiatement après la disposition des actions privilégiées par le particulier en faveur de Portefeuille Ltée, plus de 50 pour 100 des actions avec droit de vote d'Exploitante Ltée doivent être détenues par le fils (avec lequel Portefeuille Ltée a un lien de dépendance), Exploitante Ltée serait contrôlée par Portefeuille Ltée au sens du paragraphe 186(2) de la Loi. Par conséquent, Exploitante Ltée serait rattachée à Portefeuille Ltée immédiatement après la disposition des actions privilégiées par le particulier en faveur de Portefeuille Ltée et, en conséquence, l'article 84.1 de la Loi s'appliquerait.

[...]

Les commentaires qui précèdent ne constituent que des énoncés d'opinions; à ce titre, ils ne doivent pas être interprétés comme des décisions anticipées en matière d'impôt sur le revenu et ne lient pas le ministère.

À mon avis, l'analyse de Revenu Canada dans le communiqué qui précède est erronée : on ne devrait pas avoir recours au paragraphe 186(2) pour déterminer le sens de contrôle au paragraphe 186(4), principalement pour les motifs suivants :

Le paragraphe 186(2) dit bien “ [p]our l'application de la présente Partie ”. La partie IV porte sur les dividendes réputés dans certaines circonstances. Le législateur aurait pu simplement dire “ [p]our l'application de la présente Partie et de l'article 84.1 ”. Or, il ne l'a pas fait. La définition élargie figurant au paragraphe 186(2) n'est pas une définition énoncée “ pour l'application de la Loi ” comme le sont les définitions énoncées au paragraphe 248(1). Elle se limite à la partie IV, qui se rapporte à l'impôt remboursable sur les dividendes non imposables pour l'application de la partie I.

Une version antérieure de l'article 84.1 qui s'appliquait avant le 10 avril 1978 renvoyait expressément au contrôle au sens du paragraphe 186(2). Peut-être le législateur n'a-t-il pas estimé nécessaire de conserver ce renvoi, mais je dirais que le fait qu'il n'a pas été conservé a son importance. Il aurait été simple de le conserver; le législateur aurait ainsi dissipé tout doute sur la question.

L'article 84.1 est une disposition anti-évitement de nature pénale. Il doit être interprété strictement. Il renvoie uniquement au paragraphe 186(4) et ne fait aucune mention du paragraphe 186(2).

Il existe un vide dans la loi, c'est-à-dire que celle-ci ne précise pas si le paragraphe 186(2) devrait être pris en considération. Les tribunaux répugnent à combler les vides législatifs, auxquels le législateur peut remédier n'importe quand.

Dans CCH Canadian Tax Reporter, vol. 5A, on peut lire à la page 26 257 l'exposé du droit suivant, auquel je souscris :

[TRADUCTION]

Le paragraphe 186(2) énonce une définition du contrôle pour l'application de la partie IV (article 186), mais cette définition n'estpas une définition d'application générale; en d'autres termes, elle n'a de pertinence que pour l'application de la partie IV et de toute disposition y renvoyant expressément.

Les règles d'interprétation, plus particulièrement celles qui ont été formulées par la Cour suprême dans l'arrêt Corporation Notre Dame de Bon-Secours, 95 DTC 5017, aux pages 5021 à 5023, jouent en faveur de l'appelant. J'ai pris note des passages suivants :

Il ne fait plus de doute, à la lumière de ce passage, que l'interprétation des lois fiscales devrait être soumise aux règles ordinaires d'interprétation. Driedger, à la p. 87 de son volume Construction of Statutes (2e éd. 1983), en résume adéquatement les principes fondamentaux: [TRADUCTION] “ ... il faut interpréter les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur”. Primauté devrait donc être accordée à la recherche de la finalité de la loi, que ce soit dans son ensemble ou à l'égard d'une disposition précise de celle-ci. Ce passage de Mme Vivien Morgan, dans son article intitulé “Stubart: What the Courts Did Next” (1987), 35 Can. Tax J. 155, aux pp. 169 et 170, résume adéquatement mon propos:

[TRADUCTION]

Toutefois, il y a eu un net changement [après Stubart] dans la résolution d'ambiguïtés. Dans le passé, on recourait souvent aux maximes selon lesquelles toute ambiguïté dans une disposition fiscale doit être résolue en faveur du contribuable et toute ambiguïté dans une disposition prévoyant une exemption doit être résolue en faveur de Sa Majesté. De nos jours, une ambiguïté est habituellement résolue ouvertement en tenant compte de l'intention du législateur.

[...]

Les principes dégagés dans les pages précédentes [...] peuvent se résumer ainsi :

L'interprétation des lois fiscales devrait obéir aux règles ordinaires d'interprétation;

Qu'une disposition législative reçoive une interprétation stricte ou libérale sera déterminé par le but qui la sous-tend, qu'on aura identifié à la lumière du contexte de la loi, de l'objet de celle-ci et de l'intention du législateur; c'est l'approche téléologique;

Que l'approche téléologique favorise le contribuable ou le fisc dépendra uniquement de la disposition législative en cause et non de l'existence de présomptions préétablies;

Primauté devrait être accordée au fond sur la forme dans la mesure où cela est compatible avec le texte et l'objet de la loi;

Seul un doute raisonnable et non dissipé par les règles ordinaires d'interprétation sera résolu par le recours à la présomption résiduelle en faveur du contribuable.

Il n'est pas nécessaire de recourir au paragraphe 186(2) pour déterminer le sens du contrôle. Les tribunaux ont défini le terme. La question est de savoir de quel contrôle il s'agit au paragraphe 186(4); à mon avis, on doit donner au terme en question son sens ordinaire et non pas le sens élargi qui lui est donné au paragraphe 186(2).

À tout le moins, il existe un doute raisonnable qui n'est pas complètement dissipé par les règles ordinaires d'interprétation. Par conséquent, l'appelant doit bénéficier de la présomption résiduelle qui existe en faveur du contribuable.

[10] En conclusion, l'appel est admis, avec frais, et l'affaire est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations, en tenant compte du fait que les gains réalisés par l'appelant dans les années 1993 et 1994 lors de la disposition d'actions de Leader étaient des gains en capital et non des dividendes réputés.

[11] Les avocats ont soulevé également la question de la valeur des actions. Cette question n'aurait eu d'importance que si le ministre avait obtenu gain de cause. L'avocate de l'intimée a fait valoir que la valeur des actions devait être calculée sur le fondement du prix stipulé seulement et non de la valeur des billets, alors que l'avocat de l'appelant a prétendu le contraire. Il est à mon avis inutile de trancher la question, mais, si j'avais eu à le faire, je me serais prononcé en faveur de l'appelant, c'est-à-dire que la contrepartie que ce dernier a reçue devrait être calculée sur le fondement de la valeur des billets et non de celle du prix stipulé des actions.

Signé à Ottawa, Canada, ce 17e jour de mai 2000.

“ T. P. O'Connor ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour d'août 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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