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Dossier : 2016-705(GST)I

ENTRE :

PERSEPOLIs CONTRACTING INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

Appel entendu le 20 février 2017, à Vancouver (Colombie-Britannique).

Devant : L’honorable juge Sylvain Ouimet


Comparutions :

Avocat de l’appelante :

MMichael Gemmiti

Avocate de l’intimée :

MJamie Hansen

 

JUGEMENT

L’appel relatif à la nouvelle cotisation établie au titre de la Loi sur la taxe d’accise pour la période du 1er janvier au 31 mars 2011 est rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2017.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet


Référence : 2017 CCI 89

Date : 20170523

Dossier : 2016-705(GST)I

ENTRE :

PERSEPOLIs CONTRACTING INC.,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Ouimet

I. Introduction

[1]  Il s’agit d’un appel de Persepolis Contracting Inc. (« Persepolis Inc. ») concernant la période de déclaration du 1er janvier au 31 mars 2011 (la « période de déclaration »). Pour la période de déclaration, le ministre du Revenu national (le « ministre ») a établi à l’endroit de Persepolis Inc. une nouvelle cotisation de 47 314,05 $ au titre de la taxe de vente harmonisée nette (la « TVH »), conformément à la Loi sur la taxe d’accise, LRC 1985, c E-15, dans sa forme modifiée (la « LTA »).

[2]  Le 6 novembre 2012, le ministre a établi une cotisation à l’endroit de Persepolis Inc. pour la réalisation de fournitures taxables. Le ministre a fixé le montant de TVH percevable à 69 492,00 $, a autorisé des crédits de taxe sur les intrants (les « CTI ») de 25 992,07 $ et a imposé des intérêts de 3 168,17 $ ainsi qu’une pénalité pour défaut de production de 1 739,98 $.

[3]  Le 28 mars 2014, dans une nouvelle cotisation établie à l’endroit de Persepolis Inc., le ministre a refusé les CTI qu’il avait autorisés antérieurement. Le 18 novembre 2015, le ministre a établi une autre nouvelle cotisation à l’endroit de Persepolis Inc., dans laquelle il a autorisé des CTI de 22 177,95 $, ce qui a donné lieu à un montant de taxe nette exigible de 47 314,05 $.

II. La question en litige

[4]  La seule question en litige dans le présent appel est la suivante :

Le ministre a-t-il établi correctement que la taxe nette exigible de Persepolis Inc. pour la période de déclaration s’élève à 47 314,05 $?

[5]  Pour répondre à cette question, je procéderai à une analyse en vue de déterminer si Persepolis Inc. agissait comme mandataire de 0781178 BC Ltd en exécutant les travaux de rénovation du Lion Hotel (les « travaux de rénovation »). Ce faisant, je déterminerai si 0781178 BC Ltd a consenti, explicitement ou implicitement, à ce que Persepolis Inc. agisse comme sa mandataire en lien avec les travaux de rénovation.

III. Les dispositions législatives applicables

[6]  Les principales dispositions applicables de la LTA sont les suivantes :

Sous-section B — Crédits de taxe sur les intrants

169 (1) Règle générale — Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, un crédit de taxe sur les intrants d’une personne, pour sa période de déclaration au cours de laquelle elle est un inscrit, relativement à un bien ou à un service qu’elle acquiert, importe ou transfère dans une province participante, correspond au résultat du calcul suivant si, au cours de cette période, la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable :

A × B

où :

A  représente la taxe relative à la fourniture, à l’importation ou au transfert, selon le cas, qui, au cours de la période de déclaration, devient payable par la personne ou est payée par elle sans qu’elle soit devenue payable;

B  :

a) dans le cas où la taxe est réputée, par le paragraphe 202(4), avoir été payée relativement au bien le dernier jour d’une année d’imposition de la personne, le pourcentage que représente l’utilisation que la personne faisait du bien dans le cadre de ses activités commerciales au cours de cette année par rapport à l’utilisation totale qu’elle en faisait alors dans le cadre de ses activités commerciales et de ses entreprises;

 

b) dans le cas où le bien ou le service est acquis, importé ou transféré dans la province, selon le cas, par la personne pour utilisation dans le cadre d’améliorations apportées à une de ses immobilisations, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne utilisait l’immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales immédiatement après sa dernière acquisition ou importation de tout ou partie de l’immobilisation;

c) dans les autres cas, le pourcentage qui représente la mesure dans laquelle la personne a acquis ou importé le bien ou le service, ou l’a transféré dans la province, selon le cas, pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales.

[…]

Section V — Perception et versement de la taxe prévue à la section II

Sous-section A — Perception

221 (1) Perception – La personne qui effectue une fourniture taxable doit, à titre de mandataire de Sa Majesté du chef du Canada, percevoir la taxe payable par l’acquéreur en vertu de la section II.

[…]

222 (1) Montants perçus détenus en fiducie La personne qui perçoit un montant au titre de la taxe prévue à la section II est réputée, à toutes fins utiles et malgré tout droit en garantie le concernant, le détenir en fiducie pour Sa Majesté du chef du Canada, séparé de ses propres biens et des biens détenus par ses créanciers garantis qui, en l’absence du droit en garantie, seraient ceux de la personne, jusqu’à ce qu’il soit versé au receveur général ou retiré en application du paragraphe (2).

 

[…]

Sous-section B — Versement de la taxe

225 (1) Taxe netteSous réserve des autres dispositions de la présente sous-section, la taxe nette pour une période de déclaration donnée d’une personne correspond au montant, positif ou négatif, obtenu par la formule suivante :

 

A - B

où :

A  représente le total des montants suivants :

ales montants devenus percevables et les autres montants perçus par la personne au cours de la période donnée au titre de la taxe prévue à la section II;

bles montants à ajouter aux termes de la présente partie dans le calcul de la taxe nette de la personne pour la période donnée;

B  le total des montants suivants :

al’ensemble des montants dont chacun représente un crédit de taxe sur les intrants pour la période donnée ou une période de déclaration antérieure de la personne, que celle-ci a demandé dans la déclaration produite en application de la présente section pour la période donnée;

bl’ensemble des montants dont chacun représente un montant que la personne peut déduire en application de la présente partie dans le calcul de sa taxe nette pour la période donnée et qu’elle a indiqué dans la déclaration produite en application de la présente section pour cette période.

IV. Les faits pertinents

[7]  Yahya Nickpour (« M. Nickpour »), l’unique actionnaire de Persepolis Inc., a témoigné pour Persepolis Inc., qui a également appelé à témoigner Jillian Skeet (« Mme Skeet »), consultante en affaires à l’échelon national et international. L’intimée n’a appelé aucun témoin.

A. Le témoignage de Yahya Nickpour

[8]  Avant le 20 février 2009, M. Nickpour possédait à Vancouver une maison de chambres, bâtiment dans lequel il avait exécuté ses propres travaux de rénovation et de réfection. Une fois les travaux terminés, le bâtiment avait été vérifié par une inspectrice de la Ville de Vancouver, dont le nom, selon M. Nickpour, était Lynn. Au moment de cette inspection, Lynn lui avait dit que la Ville de Vancouver envisageait de fermer une maison de chambres appelée le Lion Hotel, parce qu’elle était en très mauvais état. Elle lui avait dit aussi que ce bâtiment appartenait à M. Abdollahi.

[9]  Après avoir obtenu cette information de Lynn, M. Nickpour a rencontré M. Abdollahi et lui a parlé de l’éventuelle fermeture du Lion Hotel par la Ville de Vancouver. M. Nickpour et M. Abdollahi étaient amis. Ce dernier avait aidé financièrement M. Nickpour à rénover sa propre maison de chambres. M. Abdollahi possédait le Lion Hotel par l’entremise de sa société, 0781178 BC Ltd. Le Lion Hotel était le même genre de bâtiment que celui que M. Nickpour avait rénové, mais il était d’une taille nettement supérieure. Lors de leur rencontre, M. Abdollahi a dit à M. Nickpour qu’il ne voulait pas exécuter lui-même les travaux de rénovation nécessaires ou être obligé de faire affaire avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement (la « SCHL »). M. Nickpour a décidé de prêter main-forte à son ami, parce que celui-ci l’avait aidé à rénover sa propre maison de chambres. Il lui a offert d’exécuter le projet de rénovation, et les deux ont conclu une entente. M. Nickpour a convenu d’exécuter ses fonctions moyennant des frais de gestion équivalant à 15 % du coût des travaux de rénovation, car le budget de rénovation était peu élevé. Ses fonctions consisteraient à effectuer des travaux en vue de réaliser les travaux de rénovation requis, à embaucher les sous-traitants et à faire faire les inspections nécessaires.

[10]  Le premier document qui figure dans l’entente susmentionnée est une lettre de M. Abdollahi, pour le compte de 0781178 BC Ltd et du Lion Hotel, adressée à M. Nickpour et à Persepolis Inc. [1] Cette lettre, datée du 30 décembre 2008, indique ce qui suit :

[traduction


Comme nous avons convenu de participer au projet pilote de la Ville de Vancouver qui permettra de bénéficier d’un traitement accéléré en vue de l’obtention d’une subvention de la SCHL pour entreprendre d’importants travaux de rénovation au Lion Hotel, je vous autorise par la présente à agir en mon nom dans toutes les affaires qui se rapportent au projet.

À cette fin, je vous fournirai une procuration restreinte pour mon entreprise 0781178 BC Ltd 178 BC Ltd, qui possède le Lion Hotel, afin de pouvoir régler spécifiquement les questions financières concernant la subvention de la SCHL.

De plus, j’autorise votre entreprise, Persepolis Contracting, Inc., à agir comme entrepreneur pour le projet.

[11]  M. Nickpour a constitué Persepolis Inc. en société le 20 février 2009, en vue d’exécuter les travaux de rénovation, et il en était l’unique actionnaire.

[12]  Une procuration datée du 4 février 2011 a été déposée en preuve [2] . M. Nickpour a expliqué que ce document avait été signé après la lettre du 30 décembre 2008, parce qu’il avait fallu longtemps pour tout mettre en ordre avant le début du projet. La procuration a été accordée par 0781178 BC Ltd à Persepolis Inc. et elle conférait à Persepolis Inc. le pouvoir d’agir au nom de 0781178 BC Ltd dans toutes les affaires concernant le Lion Hotel.

[13]  Une directive de paiement a été déposée en preuve [3] . Ce document porte lui aussi la date du 4 février 2011 et il est signé par M. Abdollahi. Il est adressé à la SCHL ainsi qu’à M. Adrian Wong (« M. Wong »), le notaire public qui a pris part à ce projet de rénovation. La directive de paiement autorisait M. Wong à débourser des fonds de la SCHL en faveur de Persepolis Inc. (après avoir acquitté certains frais et retenu 10 %). Elle précisait également que [traduction] « Persepolis Contracting Inc. a été désignée comme ma fondée de pouvoir pour agir en mon nom dans toutes les affaires liées à cette hypothèque ainsi que pour gérer et exécuter les travaux de rénovation au Lions Hotel [sic] […] ».

[14]  Une entente de prêt dans le cadre du Programme d’aide à la remise en état des logements (« PAREL ») ainsi qu’une entente d’exploitation du PAREL - Maisons de chambres (l’« entente d’exploitation ») ont aussi été déposées en preuve. L’entente d’exploitation avait été conclue entre la SCHL et 0781178 BC Ltd [4] . Persepolis Inc. n’était partie ni à l’une ni à l’autre de ces deux ententes. L’entente d’exploitation avait pour objet d’exiger que le Lion Hotel se conforme à certaines conditions en échange du prêt à remboursement conditionnel. Si le Lion Hotel ne se conformait pas à l’entente, il était possible que l’on demande le remboursement du prêt.

[15]  M. Nickpour a expliqué le mouvement des fonds concernant l’exécution des travaux de rénovation. Il était tenu de payer lui-même les dépenses au départ. Il se servait de ses fonds personnels pour exécuter les travaux de rénovation sur un des étages. Une fois que cet étage était terminé, des inspections avaient lieu et, si celles-ci se déroulaient avec succès, la SCHL avançait alors les fonds à M. Wong, qui versait l’argent à Persepolis Inc., conformément à la directive de paiement.

[16]  Il n’y avait aucune entente de gestion entre M. Nickpour et M. Abdollahi, parce que les deux se faisaient confiance. Dans son témoignage, M. Nickpour a déclaré que Persepolis Inc. n’avait pas établi de factures à l’endroit de M. Abdollahi ou de 0781178 BC Ltd pour les travaux qu’il avait accomplis dans le cadre des travaux de rénovation.

[17]  Selon M. Nickpour, la rénovation du Lion Hotel a duré environ un an. Au cours de cette période, M. Abdollahi n’a pas demandé de mises à jour sur les travaux de rénovation et il ne s’est pas rendu sur place pendant que les travaux de rénovation se déroulaient.

B. Le témoignage de Jillian Skeet

[18]  Mme Skeet s’est décrite comme une consultante en affaires à l’échelon national et international qui possède une certaine expérience sur le plan des relations internationales. Elle avait rencontré M. Nickpour plusieurs années plus tôt, à l’époque où il venait d’arriver au Canada et commençait à apprendre l’anglais. À ce moment, il voulait posséder sa propre entreprise, comme c’était le cas en Iran, mais il avait besoin d’aide pour traiter les documents écrits en anglais. Depuis ce temps, Mme Skeet a travaillé au besoin pour M. Nickpour.

[19]  En décembre 2008, Mme Skeet s’est présentée à la première réunion entre M. Nickpour, M. Abdollahi et les représentants des trois paliers de gouvernement participant au projet de rénovation, soit la Ville de Vancouver, BC Housing et la SCHL. Il a été clairement indiqué à M. Abdollahi qu’il allait falloir rénover le Lion Hotel, sans quoi la Ville le fermerait. M. Nickpour, qui avait récemment rénové son propre bâtiment, se sentait capable d’exécuter ce projet pour son ami, M. Abdollahi.

[20]  Mme Skeet s’est chargée de toute la documentation de la SCHL concernant le projet de rénovation. De plus, toutes les communications de la SCHL ont transité par elle, y compris toutes les demandes de renseignements. Mme Skeet expliquait les documents à M. Nickpour.

[21]  Mme Skeet était la personne que la SCHL avisait quand elle payait des fonds à Persepolis Inc. pour le projet de rénovation. Mme Skeet a déclaré dans son témoignage que la SCHL remettait un chèque à M. Wong qui, à son tour, remettait un chèque à Persepolis Inc. Mme Skeet était également la personne qui avisait la SCHL quand M. Nickpour était prêt pour les inspections, afin que M. Wong puisse libérer les fonds.

[22]  Mme Skeet a qualifié la subvention de la SCHL de prêt à remboursement conditionnel. La SCHL finançait le projet sous la forme d’un prêt. Mais celui-ci était à remboursement conditionnel dans la mesure où l’on respectait l’entente d’exploitation [5] . Cette dernière était assortie d’un certain nombre de conditions, comme le fait de maintenir les loyers à un niveau fixe et de garder un certain nombre de lits ouverts. Si le Lion Hotel ne respectait pas cette entente, il se pouvait que l’on demande le remboursement du prêt.

[23]  Mme Skeet préparait toutes les factures de Persepolis Inc., les signait et les envoyait à la SCHL [6] . La première facture, portant le no 101, est établie à l’intention de la SCHL. Les factures suivantes, portant les nos 102 et 103, sont établies à l’intention de 0781178 BC Ltd. De plus, il y a une autre version de la facture no 101, qui est établie à l’intention de 0781178 BC Ltd [7] . Mme Skeet a expliqué que, au départ, la facture no 101 avait été établie à l’intention de la SCHL, mais que cette dernière avait exigé que les factures soient établies à l’intention de 0781178 BC Ltd. De plus, les formulaires de la SCHL qui accompagnaient les factures indiquent que la « demandeure » est 0781178 BC Ltd et ils portent la signature de Mme Skeet. Cette dernière a signé tous les documents pour le compte de la demandeure, qui était 0781178 BC Ltd, et non Persepolis Inc.

[24]  Les factures précisent des montants de TVH. Mme Skeet a expliqué que les factures ne comprennent la TVH que parce que la SCHL lui avait dit qu’il le fallait. La TVH de la Colombie-Britannique a été introduite pendant la période où le projet se déroulait. Mme Skeet a indiqué que les parties n’avaient pas anticipé ce fait, car, à l’époque, le premier ministre de la Colombie-Britannique avait promis qu’il n’y aurait pas d’harmonisation de la taxe de vente. La TVH a représenté un coût supplémentaire élevé pour les travaux de rénovation. La SCHL avait clairement indiqué que le budget devait déjà inclure ce coût supplémentaire, et que, de ce fait, les factures devaient spécifier la TVH en conséquence.

[25]  Mme Skeet a aussi établi les factures relatives aux frais de gestion de 15 % que Persepolis Inc. a imputés à 0781178 BC Ltd [8] . Ces frais ont été déduits de la subvention de la SCHL. Persepolis Inc. a facturé la TVH sur les montants des frais de gestion.

[26]  Mme Skeet a expliqué le mouvement des fonds de la même manière que M. Nickpour. Elle a dit que la SCHL transmettait les fonds à M. Wong. Celui‑ci encaissait aussitôt le chèque, payait les frais requis, retenait 10 % et remettait ensuite le solde à Persepolis Inc.

V. La position des parties

A. La position de Persepolis Inc.

[27]  L’avocat de Persepolis Inc. a fait valoir que sa cliente agissait comme mandataire de 0781178 BC Ltd à l’égard des travaux de rénovation et qu’elle n’avait pas fourni de services de construction à 0781178 BC Ltd. Persepolis Inc. n’était donc pas tenue de percevoir ou de verser la TVH à l’égard des produits et des services acquis au nom de 0781178 BC Ltd pour les travaux de rénovation. Persepolis Inc. ne percevait donc pas la TVH quand elle envoyait des factures à la SCHL. Persepolis Inc. n’a présenté aucune facture à 0781178 BC Ltd, sauf pour ce qui était de la TVH à percevoir sur ses propres frais de gestion de 15 %.

[28]  Selon l’avocat de Persepolis Inc., des factures ont été présentées à la SCHL uniquement parce que Persepolis Inc. était tenue de le faire pour obtenir les fonds de subvention de la SCHL. Selon lui, il ne faudrait pas considérer ces documents comme des factures concernant l’exécution de travaux d’entreprise générale.

B. La position de l’intimée

[29]  L’intimée a fait valoir que Persepolis Inc. n’agissait pas comme mandataire de 0781178 BC Ltd à l’égard des travaux de rénovation. Elle a ajouté que Persepolis Inc. avait effectué des fournitures taxables, au sens de l’article 123 de la LTA. Dans la présente affaire, les fournitures taxables étaient des travaux d’entreprise générale, lesquels comprenaient les produits et les services acquis pour les travaux de rénovation ainsi que des frais d’entrepreneur général, c’est-à-dire les frais de gestion de 15 %. L’intimée est d’avis qu’aux termes de l’article 221 de la LTA, Persepolis Inc. était tenue de percevoir la TVH à l’égard de ces travaux d’entreprise générale. Selon elle, Persepolis Inc. agissait comme entrepreneur général et se devait de percevoir et de verser la TVH, parce qu’elle avait effectué des fournitures taxables.

VI. Analyse

[30]  Selon la LTA, la majorité des fournisseurs de produits et de services sont tenus de produire des déclarations de TPS ou de TVH pour chacune de leurs périodes de déclaration. Pour chacune de ces périodes de déclaration, le fournisseur doit calculer le montant de « taxe nette » à verser au ministre. Si Persepolis Inc. a effectué des fournitures taxables en faveur de 0781178 BC Ltd à l’égard des travaux de rénovation, ces fournitures taxables devraient être prises en compte dans le calcul de la « taxe nette » à verser au ministre pour la période de déclaration.

[31]  En l’espèce, Persepolis Inc. soutient qu’elle n’a fourni aucun produit ou service à 0781178 BC Ltd à l’égard des travaux de rénovation, sauf en lien avec les frais de gestion de 15 % qu’elle facturait parce qu’elle agissait comme mandataire de Persepolis Inc. Ainsi que l’a déclaré la Cour dans la décision Club Intrawest [9]  :

[…] Lorsque le mandataire intervient pour le mandant principal lors de l’acquisition d’un bien ou d’un service d’un fournisseur tiers, le mandataire n’effectue pas une fourniture du bien ou du service à son mandant, il intervient simplement comme relais [10] .

[32]  C’est donc dire que si je décide que Persepolis Inc. agissait comme mandataire de 0781178 BC Ltd en faisant l’acquisition de produits ou de services liés aux travaux de rénovation, elle n’avait pas à percevoir et à verser la TVH sur ces produits et ces services.

[33]  Le fait de savoir s’il existait ou non une relation mandant-mandataire entre Persepolis Inc. et 0781178 BC Ltd est une question de fait [11] . Une des conditions essentielles d’une relation mandant-mandataire est le pouvoir du mandataire d’influer sur la situation juridique du mandant vis-à-vis de l’opération en question [12] . Étant donné qu’il est possible de créer explicitement ou implicitement une telle relation [13] , il me faut déterminer si 0781178 BC Ltd a consenti, explicitement ou implicitement, à ce que Persepolis Inc. conclue en son nom des contrats concernant les produits et les services acquis en vue d’exécuter les travaux de rénovation.

A. 0781178 BC Ltd a-t-elle donné un consentement explicite?

[34]  Dans la présente affaire, Persepolis Inc. a déposé en preuve plusieurs documents qui, selon elle, établissent le consentement explicite de 0781178 BC Ltd.

[35]  Le premier document est la lettre datée du 30 décembre 2008, adressée par M. Abdollahi et 0781178 BC Ltd à M. Nickpour et Persepolis Inc. [14] Cette lettre autorise M. Nickpour à agir au nom de M. Abdollahi [traduction] « dans toutes les affaires qui se rapportent au projet », ce qui veut dire les travaux de rénovation.

[36]  La lettre indique aussi :

[traduction]


À cette fin, je vous fournirai une procuration restreinte pour mon entreprise 0781178 BC Ltd, qui possède le Lion Hotel, afin de pouvoir régler spécifiquement les questions financières concernant la subvention de la SCHL [15] .

[Non souligné dans l’original.]

[37]  Dans un paragraphe distinct, qui suit l’énoncé précité, la lettre indique finalement :

[traduction]


De plus, j’autorise votre entreprise, Persepolis Contracting, Inc., à agir comme entrepreneur pour le projet [16] .

[38]  Selon cette lettre, Persepolis Inc. avait à mon avis deux rôles distincts à jouer en lien avec les travaux de rénovation : 0781178 BC Ltd accordait à Persepolis Inc. une procuration restreinte en vue de [traduction] « régler spécifiquement les questions financières concernant la subvention de la SCHL », et elle autorisait Persepolis Inc. à agir en tant qu’entrepreneur.

[39]  Le deuxième document est la procuration proprement dite, laquelle est datée du 4 février 2011. Ce document autorisait Persepolis Inc. [traduction] « à agir en mon nom dans toutes les affaires liées [au Lion Hotel] [17]  ». En raison du libellé de ce document, il est possible qu’il déléguait à Persepolis Inc. les pouvoirs nécessaires pour agir comme mandataire de 0781178 BC Ltd en vue de la rénovation du Lion Hotel.

[40]  Le troisième document est la directive de paiement, elle aussi datée du 4 février 2011, qui indique que Persepolis Inc. [traduction] « a été désignée comme ma fondée de pouvoir pour agir en mon nom dans toutes les affaires liées à cette hypothèque ainsi que pour gérer et exécuter les travaux de rénovation au Lions Hotel [sic] […] [18]  ». Je signale que ce sont les mots « ainsi que » qui sont employés ici, pas « y compris ». À mon avis, compte tenu du libellé, on pourrait faire valoir que le document conférait à Persepolis Inc. les pouvoirs nécessaires pour agir comme mandataire de 0781178 BC Ltd dans toutes les affaires, y compris la rénovation du Lion Hotel, ou qu’il conférait les pouvoirs nécessaires dans toutes les affaires liées à l’hypothèque seulement.

[41]  En définitive, compte tenu des documents produits en preuve et décrits plus tôt, on ne sait avec certitude si les parties ont convenu d’une relation mandant-mandataire uniquement dans le but de faire affaire avec la SCHL ou si c’était également dans le but d’exécuter les travaux de rénovation. Les documents eux-mêmes semblent faire une distinction entre ces deux fonctions et, en même temps, les combiner.

[42]  Selon moi, aucun de ces documents n’établit selon la prépondérance des probabilités que M. Abdollahi a expressément consenti à établir une relation mandant-mandataire avec Persepolis Inc. pour les travaux de rénovation. La relation mandant-mandataire à laquelle consentent les parties dans la lettre semble d’une portée plus étroite que celle de la procuration. À l’instar de la directive de paiement, comme il a été indiqué plus tôt, le libellé de la lettre ne me permet pas de décider, sur la foi de ce seul document, si l’on a donné à Persepolis Inc. une procuration pour agir comme entrepreneur.

[43]  De plus, les trois documents susmentionnés ont tous été signés unilatéralement par M. Abdollahi. Ce dernier n’a pas été appelé à témoigner par Persepolis Inc., même si c’est lui qui aurait été en mesure de clarifier les ambiguïtés que comportent ces documents.

B. 0781178 BC Ltd a-t-elle donné un consentement implicite?

[44]  Comme l’a récemment déclaré la Cour dans la décision GEM Health Care Group Limited v. The Queen [19] , en l’absence d’une convention de mandat écrite, la Cour se doit d’examiner de près la conduite des parties pour déterminer s’il y avait une intention implicite de créer une relation mandant-mandataire [20] .

[45]  Pour qu’il soit prouvé que le mandant avait l’intention implicite de créer une relation mandant-mandataire, il doit clairement ressortir des circonstances que le mandant a conféré au mandataire le pouvoir d’agir en son nom et qu’il a accepté la relation mandant-mandataire. Fait important, un silence ne suffit pas pour prouver l’acceptation d’une telle relation [21] .

[46]  Au vu des faits de l’espèce, je suis arrivé à la conclusion que 0781178 BC Ltd n’a pas consenti implicitement à ce que Persepolis Inc. agisse comme sa mandataire en lien avec les travaux de rénovation. Pour dire les choses simplement, on ne m’a présenté aucune preuve dénotant que 0781178 BC Ltd, par ses actes, avait accepté implicitement une relation mandant-mandataire en lien avec les travaux de rénovation. Les circonstances de l’espèce n’indiquent pas clairement que 0781178 BC Ltd a conféré à Persepolis Inc. le pouvoir d’agir en son nom. On ne m’a présenté non plus aucune preuve qui m’amènerait à conclure que 0781178 BC Ltd a conféré implicitement à Persepolis Inc. le pouvoir d’agir en son nom en lien avec les travaux de rénovation.

[47]  Les travaux de rénovation ont été financés par la SCHL, et la convention hypothécaire a été conclue entre 0781178 BC Ltd et la SCHL. Il ressort clairement des faits que Persepolis Inc. a reçu une procuration de 0781178 BC Ltd à l’égard des questions financières concernant la SCHL. C’est donc dire que Persepolis Inc. aurait pu obtenir les fonds nécessaires pour payer les frais de rénovation auprès de la SCHL pour le compte de 0781178 BC Ltd, plutôt que de les obtenir de 0781178 BC Ltd, après que cette entité les avait reçus de la SCHL. Cela ne prouve d’aucune manière que 0781178 BC Ltd avait implicitement consenti à ce que Persepolis Inc. agisse comme sa mandataire en lien avec l’exécution des travaux de rénovation eux-mêmes.

[48]  Persepolis Inc. a facturé à 0781178 BC Ltd des frais de gestion de 15 % pour ses services. Selon la preuve, les frais de gestion ont été facturés séparément. Le fait que Persepolis Inc. n’ait pas ajouté des frais supplémentaires de 15 % sur les factures qu’elle envoyait à la SCHL ne prouve pas que 0781178 BC Ltd a consenti implicitement à ce que Persepolis Inc. agisse comme sa mandataire pour les travaux de rénovation. La preuve n’indique pas clairement comment et quand les frais de gestion devaient être facturés à 0781178 BC Ltd, car aucun contrat entre 0781178 BC Ltd et Persepolis Inc. n’a été déposé en preuve.

VII. Conclusion

[49]  En l’espèce, je suis arrivé à la conclusion que Persepolis Inc. n’agissait pas comme mandataire de 0781178 BC Ltd en lien avec les travaux de rénovation, car 0781178 BC Ltd n’a pas consenti, explicitement ou implicitement, à ce que Persepolis Inc. agisse en cette capacité.

[50]  Pour ce qui est des travaux de rénovation, la seule preuve soumise est que Persepolis Inc. a exécuté les fonctions qu’un entrepreneur général accomplirait normalement. Il incombait à Persepolis Inc. de prouver qu’elle agissait comme mandataire de 0781178 BC Ltd dans le cadre de l’exécution de ces fonctions, mais elle n’est pas parvenue à le faire.

[51]  L’appel est donc rejeté, sans frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de mai 2017.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet

 


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 89

No DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-705(GST)I

INTITULÉ :

PERSEPOLIS CONTRACTING INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 20 février 2017

MOTIFS DU JUGEMENT :

L’honorable juge Sylvain Ouimet

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 mai 2017

COMPARUTIONS :

Avocat de l’appelante :

Me Michael Gemmiti

Avocate de l’intimée :

Me Jamie Hansen

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l’appelante :

Nom :

Michael Gemmiti

 

Cabinet :

Manthorpe Law Offices

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]   Pièce A-1, onglet 1.

[2]   Pièce A-1, onglet 2.

[3]   Ibid.

[4]   Pièce A-1, onglet 8.

[5]   Pièce A-1, onglet 8.

[6]   Pièce A-1, onglet 9.

[7]   Pièce R-1, onglet 10.

[8]   Pièce A-1, onglet 12.

[9]   Club Intrawest c La Reine, 2016 CCI 149 [Club Intrawest].

[10]   Ibid., au par. 71.

[11]   G.H.L. Fridman, Canadian Agency Law, 2e éd. (Markham, Ont. : LexisNexis, 2012), au par. 1.3 [Fridman].

[12]   Canada c Merchant Law Group, 2010 CAF 206, aux par. 17, 22 et 28. Voir aussi Fridman, précité à la note 11, au par. 1.1, cité dans, p. ex., la décision Club Intrawest, précitée à la note 9, au par. 77.

[13]   Kinguk Trawl Inc. c Canada, 2003 CAF 85, au par. 35.

[14]   Pièce A-1, onglet 1.

[15]   Ibid.

[16]   Ibid.

[17]   Pièce A-1, onglet 2.

[18]   Ibid.

[19]   GEM Health Care Group Limited v The Queen, 2017 TCC 13.

[20]   Ibid., au par. 29.

[21]   Fridman, précité à la note 11, au par. 2.8.

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