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Date : 20000224

Dossiers : 98-806-IT-G; 96-2737-IT-G

ENTRE :

GORDON REZEK et al., PHILIP HAYES et al.,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

(requête de l'intimée)

intimée,

Motifs de l'ordonnance

Le juge Bowman, C.C.I.

[1] Les causes des deux appelants mentionnés dans l'intitulé font partie d'un groupe de causes types qui, de l'accord des avocats, seront entendues. De nombreuses autres causes sont en fait en suspens jusqu'à ce que les causes types soient tranchées. Même si elles diffèrent à certains égards, ces affaires ont un point en commun, à savoir des opérations qui ont pris le nom d'“ opérations de couverture sur des valeurs mobilières convertibles ”.

[2] Les appelants dans les causes types sont les suivants :

Appelant No de dossier de la C.C.I.

Gordon Rezek 98-806(IT)G

Stephen Stephens 97-749(IT)G

Stephen Stephens 97-653(IT)G

Muriel Scott 98-2507(IT)G

Roman Orenchuk 98-9211(IT)G

Roman Orenchuk 98-1299(IT)G

Sylvia Orenchuk 98-1298(IT)G

Philip Hayes 96-2737(IT)G

Pat Hayes 96-2573(IT)G

[3] Il est convenu que les ordonnances rendues relativement à ces requêtes s'appliqueront à toutes les causes types.

[4] Dans leur requête, les appelants demandent qu'il soit ordonné à l'intimée de fournir des réponses à certaines questions auxquelles le représentant de l'intimée a refusé de répondre lors de l'interrogatoire préalable et de remplir certains engagements que celui-ci a alors pris. De son côté, l'intimée demande dans sa requête que soit ordonnée la production de certains documents.

[5] Pour statuer sur les présentes requêtes, il me suffit d'expliquer en termes généraux en quoi consiste une opération de couverture sur des valeurs mobilières convertibles.

[6] Deux personnes participent généralement à l'opération mais les avocats m'indiquent que ce n'est pas toujours le cas. L'opération exige toutefois de prendre dans le marché deux positions, à savoir une position vendeur et une position acheteur. La liquidation des positions occasionne dans un cas une perte, dans l'autre un profit. La perte, m'indiquent les avocats, est déclarée au titre du revenu et le profit, au titre du capital.

[7] La Couronne est d'avis que les deux opérations sont reliées et que si une seule personne y participait, elles seraient considérées de la même manière. Deux personnes y ayant pris part, celles-ci ont été considérées comme si elles étaient associées ou entretenaient une relation de mandant et mandataire.

[8] La pertinence devant être établie d'après les actes de procédure, les questions en litige telles que soumises par l'intimée sont les suivantes :

a) les opérations en cause, effectuées dans le cadre de la stratégie de couverture sur des valeurs mobilières convertibles, doivent-elles être considérées comme indépendantes les unes des autres?

b) dans le cas où les opérations n'étaient pas indépendantes les unes des autres, la stratégie de couverture sur des valeurs mobilières convertibles a-t-elle été l'oeuvre de l'appelant et de l'autre partie?

c) des pertes ont-elles été subies lorsque des positions ont été transférées d'un compte à un autre?

d) les opérations, à savoir des achats à couvert et des ventes à découvert, doivent-elles être considérées de la même manière, soit au titre du revenu, soit au titre du capital?

e) à titre subsidiaire, les pertes ou les dépenses déduites étaient-elle des débours faits ou des dépenses faites ou engagées relativement à une affaire ou opération qui, si elles étaient permises, réduiraient indûment ou de façon factice le revenu au sens du paragraphe 245(1) de la Loi?

f) subsidiairement encore, les activités de l'appelant ayant occasionné la dépense et les pertes déduites constituaient-elles une entreprise au sens de la Loi.

[9] La requête de l'intimée est relativement simple.

[10] Les documents dont on a demandé qu'ils soient transmis sont énumérés à l'annexe B de la déclaration sous serment de Verena Zbyrovski déposée à l'appui de la requête de l'intimée. Il s'agit, dans tous les cas, de relevés de divers courtiers ainsi que de relevés d'ouverture de comptes relatifs aux appelants dans les causes types.

[11] Certains des documents ont été transmis, mais il en manque beaucoup d'autres. Ils sont de toute évidence pertinents en l'espèce et l'avocat des appelants ne le conteste pas. Il souligne cependant la difficulté de rassembler ces documents, certains remontant à 1985, et d'autres se trouvant chez des firmes de courtage qui ont fusionné avec d'autres firmes.

[12] Je ne peux manifestement pas ordonner aux appelants de faire l'impossible. Toutefois, je présume qu'ils ont les documents en leur possession ou qu'ils peuvent les obtenir des firmes de courtage. On ne laisse pas entendre que ces documents ont été détruits. En conséquence, j'estime que l'ordonnance suivante est indiquée :

a) dans les trois mois suivant la date de la présente ordonnance, les appelants doivent transmettre à l'intimée les documents mentionnés à l'annexe B de la déclaration sous serment de Verena Zbyrovski qui sont en leur possession ou sous leur responsabilité, s'ils ne lui ont pas encore été transmis;

b) dans les trois mois suivant la date de la présente ordonnance, les appelants doivent faire tout en leur pouvoir pour transmettre à l'intimée soit les originaux, soit des copies des documents mentionnés à l'annexe B de la déclaration sous serment de Verena Zbyrovski qui sont en la possession des firmes de courtage énumérées dans cette déclaration sous serment, ou de leurs successeurs;

c) dans le mois suivant la date de la présente ordonnance, les appelants doivent signer et transmettre à l'intimée des directives à l'intention de ces firmes de courtage ou de leurs successeurs les autorisant et leur ordonnant de remettre à l'intimée ou à ses procureurs les originaux ou des copies des documents mentionnés à l'annexe B de la déclaration sous serment de Verena Zbyrovski.

[13] Je suis conscient que l'élément mentionné à l'alinéa c) de l'ordonnance a été demandé à titre subsidiaire. Néanmoins, je suis d'avis que ces directives peuvent servir à accélérer les affaires.

[14] Je passe maintenant à la requête des appelants. Dans la mesure où le refus est fondé sur la pertinence, on peut considérer comme établi que le seuil de la pertinence est plus bas lors de l'interrogatoire préalable que lors d'un procès : 569437 Ontario Inc. v. The Queen, 94 DTC 1923; Route Canada Real Estate Inc. v. The Queen, 95 DTC 502.

[15] Les questions auxquelles on demande d'obtenir réponse sont celles-ci :

Questions demandant considération

99 2 Veuillez indiquer quelle est la compréhension de M. Holt à cet égard en ce qui concerne les autres contribuables (autres que les appelants dans les causes types) ayant participé à des opérations analogues.

543 14 Veuillez fournir la liste des documents du dossier sur “ les opérations de couverture sur des valeurs mobilières convertibles ” et la raison pour laquelle chacun des documents énumérés n'a pas été transmis.

622 15 Veuillez indiquer si la position de l'intimée est que les opérations en cause effectuées par Roman Orenchuk étaient une tromperie.

623 16 Veuillez indiquer si la position de l'intimée est que les opérations en cause effectuées par chacun des appelants dans les causes types étaient une tromperie.

1319 26 Veuillez indiquer si vous êtes en mesure de répondre à cette question et, dans le cas contraire, quels sont les renseignements supplémentaires que vous demandez.

Questions auxquelles on a refusé de répondre :

86 Produire une analyse montrant les pertes d'entreprise totales déduites, les frais de couverture totaux déduites et le revenu total déclaré globalement.

101 Fournir tout renseignement que Revenu Canada peut avoir sur les profits nets découlant de ces investissements que les clients de J. K. Maguire & Associates ont réalisés et qu'ils ont déclaré comme tels.

103 S'informer et indiquer si une analyse a été faite sur cette question et, le cas échéant, produire cette analyse.

139 S'informer et produire les versions antérieures ou les ébauches antérieures de l'exposé de position définitif.

738 Indiquer s'il est contesté que Philip Hayes a payé des honoraires pour opérations de couverture en 1984 et 1985.

741 Indiquer s'il est contesté que Philip Hayes a engagé des frais de comptabilité et de gestion en 1984 et 1985.

754 Indiquer quels éléments de revenu n'ont pas été inclus dans la cotisation fiscale de Philip Hayes pour l'année d'imposition 1986.

772 Indiquer si d'autres observations ont été faites à la suite de la préparation de la déclaration T401 de Philip Hayes pour l'année d'imposition 1986.

[16] Les questions entrent dans cinq grandes catégories :

A Questions reliées au fait de savoir si les opérations de couverture sur des valeurs mobilières convertibles ont occasionné, globalement, des profits ou des pertes.

Questions 86, 99, 101 et 103

La Couronne soutient que les opérations de couverture ne constituaient pas une entreprise. Par conséquent, il est peut-être d'une pertinence secondaire de déterminer si l'intimée dispose d'une preuve appuyant ou réfutant l'opinion selon laquelle les clients de M. Maguire, dans l'ensemble, ont réalisé des profits ou subi des pertes à la suite de ces opérations. Dans une lettre du 10 février 2000, l'avocat de la Couronne a déclaré : [TRADUCTION] “ si ces opérations sont examinées séparément (ni dans le cas d'une société de personnes ni dans le cas d'une relation de mandant et mandataire), aucune attente raisonnable de profit n'en découle ”. Il ajoute, dans la même lettre : [TRADUCTION] “ L'intimée reconnaît qu'il est possible de réaliser des profits avec les opérations de couverture ”.

En ce qui concerne ces questions, j'ordonne donc ce qui suit :

a) Des réponses doivent être fournies aux questions 86, 99, 101 et 103, toutefois :

(i) seuls les renseignements en la possession de la Couronne doivent être fournis,

(ii) si une analyse a été faite, elle doit être produite, mais il n'est pas nécessaire d'en faire une,

(iii) les noms des autres contribuables qui ont effectué des opérations de couverture sur des valeurs mobilières convertibles n'ont pas à être communiqués.

B Versions ou ébauches antérieures de l'exposé de position définitif

Question 139

L'exposé de position définitif a été fourni. Peu importe sa pertinence, le cas échéant, des versions ou des ébauches antérieures qui ont été modifiées ou rejetées ne peuvent, à mon avis, être d'aucune aide pour déterminer l'exactitude ou l'inexactitude des cotisations. Après tout, il ne s'agit pas de travaux préparatoires pouvant permettre d'interpréter des traités internationaux. La question essentielle est de savoir si la cotisation était correcte ou erronée et non pas de déterminer à quoi pouvait bien penser l'employé du ministère du Revenu national pendant qu'il rédigeait l'exposé de position. (Voir The Cadillac Fairview Corporation Limited v. The Queen, 97 DTC 406, à la p. 407, note de bas de page 2).

La question 139 n'a pas à faire l'objet d'une réponse.

C Le dossier sur les opérations de couverture sur des valeurs mobilières convertibles

Question 543

Le dossier contient, semble-t-il, beaucoup de renseignements sur les opérations de couverture sur des valeurs mobilières convertibles en général. Aucun de ces renseignements, cependant, n'est spécifiquement relié aux appelants dans les causes types. Le dossier tient en trois relieurs de trois pouces d'épaisseur.

Les raisons pour lesquelles il a été décidé de ne pas transmettre le dossier ne sont pas claires. Au départ, il a été déclaré qu'il n'était pas pertinent. Il est possible, en outre, que l'on ait estimé que le contenu du dossier était confidentiel aux termes de l'article 241, ou qu'il était protégé.

Quelque que puisse être la raison, il incombe à la personne qui refuse de transmettre un document de fournir à la personne qui le demande suffisamment de renseignements pour lui permettre de déterminer si le motif du refus est justifié ou s'il faut le contester. Chose certaine, aucune partie ne peut refuser de transmettre un document parce qu'elle le considère, de façon unilatérale, comme non pertinent.

Il est ordonné à l'intimée de fournir aux appelants les raisons précises et détaillées de son refus de produire des documents déterminés du dossier des opérations de couverture sur des valeurs mobilières convertibles d'une manière qui permette d'identifier ces documents. À défaut, l'intimée doit produire le dossier, en s'assurant que les renseignements confidentiels relatifs à des contribuables ne soient pas communiqués.

D Appels de Philip Hayes pour les années d'imposition 1984 et 1985

Questions 738, 741, 754 et 772

On a refusé de répondre à ces questions parce que les années d'imposition 1984 et 1985 ne faisaient pas partie des causes types devant la Cour à cette époque. Ces années ont maintenant été ajoutées à la liste des causes types et il n'y a aucune raison de refuser de répondre aux questions.

Des réponses doivent être fournies aux questions 738, 741, 754 et 772.

E Tromperie

Questions 622, 623 et 1319

On ne m'a pas remis la transcription de la question 1319. Cependant, je présume qu'elle porte sur le même sujet que les questions 622 et 623.

Les questions portent essentiellement sur le fait de savoir si la position de l'intimée est que les opérations de couverture étaient une tromperie. L'intimée n'a jamais soutenu qu'elles l'étaient, ce qui aurait dû mettre fin au débat. La question a néanmoins été posée et voici la réponse qui a été donnée :

[TRADUCTION]

Aux fins des questions soulevées dans les actes de procédure, il n'est pas nécessaire que la Cour conclue à une tromperie.

La réponse était aussi ambiguë que l'oracle de Delphes. L'appelant avait droit à une réponse sans équivoque, soit un “ oui ”, soit un “ non ”. L'avocat a expliqué que la réponse avait été formulée de cette façon pour bien faire comprendre que l'intimée n'avancerait pas, au procès, la position selon laquelle les opérations étaient des tromperies. Si l'intimée cherchait à être claire, elle n'a pas atteint son but avec cette réponse.

L'intimée doit fournir des réponses claires, sans équivoque ni ambiguïté, aux questions 622 et 623.

[17] Il est possible de me consulter si les parties souhaitent d'autres éclaircissements relativement à ces ordonnances ou si les délais mentionnés au paragraphe 12 des présents motifs sont inopportuns.

[18] Les frais des requêtes font partie des frais de la cause.

Signé à Ottawa, Canada, le 24e jour de février 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 29e jour de septembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

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