Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19980402

Dossiers: 97-1898-IT-I; 97-1903-IT-I; 97-1886-IT-I; 97-1887-IT-I; 97-1888-IT-I; 97-1889-IT-I; 97-1890-IT-I; 97-1891-IT-I; 97-1892-IT-I; 97-1899-IT-I; 97-1901-IT-I

ENTRE :

THOMAS CUDDIE, CHARLES J. McDONALD, RANDALL WONG, JEFFREY WEST, YAN G. THERRIEN, ELIZABETH SHAW, DONALD MERKEL, SHELLEY BRITTON, MAUREEN MARCOUX, M. PAUL CUFFLEY, STEPHANE LAPOINTE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un de onze appels interjetés par des agents de la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC » ) à l'égard de déductions de dépenses d’emploi. Étant donné que la même question se pose dans chaque cas, la seule différence étant le genre de dépenses qui ont été déduites, les présents motifs de jugement s'appliqueront aux onze appels.

LA QUESTION EN LITIGE :

[2] Il s'agit de savoir si les dépenses que l'appelant a déduites sont déductibles conformément à l'alinéa 8(1)i) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ).

LES FAITS :

[3] L'appelant Thomas Cuddie a mené l'appel pour le compte des onze appelants. Il a témoigné avoir déduit les dépenses qu'il avait engagées à l'égard de coupes de cheveux, d'un récepteur de poche et d'un service téléphonique de base. Il a témoigné que les agents de la GRC sont tenus d'avoir les cheveux courts et que chaque agent doit avoir un service téléphonique de base, qu'il a décrit comme étant un téléphone terrestre. De toute évidence, il entendait par là une ligne téléphonique fixe par opposition à un téléphone cellulaire. L'appelant a également déduit les dépenses de location d'un récepteur. Il a témoigné que la GRC fournissait un nombre minimum de récepteurs et que, dans certaines circonstances, le fait de ne pas avoir de récepteur en sa possession non seulement était peu pratique, mais aussi entravait l’accomplissement du travail. L'appelant a expliqué que s'il attendait un appel, par exemple d'un indicateur, il se pouvait que ce dernier veuille communiquer avec lui et qu'un autre agent soit en possession du récepteur à ce moment-là. Il a témoigné que la seule façon d'avoir continuellement la possibilité d'utiliser un récepteur, c'était de prendre des dispositions pour en acquérir un lui-même. Il a également témoigné qu'il en allait de même pour les autres appelants.

[4] Certains appelants ont également engagé des dépenses à l'égard de gants, de lampes de poche et de clés de menottes. M. Cuddie a témoigné que dans certains cas, les agents devaient acheter des gants spéciaux et que les lampes de poche fournies par la GRC étaient d'une qualité inférieure et pouvaient facilement se briser. L'appelant a affirmé qu'il était essentiel d'avoir des lampes de poche fiables et qu'il fallait donc en acheter. Il a également témoigné que certains agents achetaient une trousse additionnelle de clés de menottes pour plus de commodité. Dans deux des cas en cause, des montants à l'égard desquels aucune explication n'a été donnée ni aucune pièce justificative fournie ont été déduits.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[5] L'article 8 de la Loi prévoit que le contribuable peut déduire certaines dépenses du revenu qu'il tire d'une charge ou d'un emploi. Les éléments déductibles sont énumérés aux alinéas 8(1)a) à q). Le paragraphe 8(2) prévoit que seuls les montants prévus à l'article 8 sont déductibles dans le calcul du revenu tiré d'une charge ou d'un emploi. Les autres dispositions ne sont pas pertinentes aux fins qui nous occupent.

[6] Il est clair que la seule disposition sur laquelle les appelants pourraient se fonder pour effectuer une déduction est l'alinéa 8(1)i), dont la partie pertinente se lit comme suit :

(1) Sont déductibles dans le calcul du revenu d'un contribuable tiré, pour une année d'imposition, d'une charge ou d'un emploi ceux des éléments suivants qui se rapportent entièrement à cette source de revenus, ou la partie des éléments suivants qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[...]

i) dans la mesure où il n'a pas été remboursé et n'a pas le droit d'être remboursé à cet égard, les sommes payées par le contribuable au cours de l'année au titre :

[...]

(iii) du coût des fournitures qui ont été consommées directement dans l'accomplissement des fonctions de la charge ou de l'emploi et que le contrat d'emploi du cadre ou de l'employé l'obligeait à fournir et à payer.

[7] Il s'agit donc de savoir si les récepteurs, les téléphones, les coupes de cheveux, les gants, les lampes de poche et les clés de menottes sont des « fournitures » qui ont été consommées. Il n'est pas nécessaire de déterminer si le contrat d'emploi obligeait les appelants à fournir et payer ces articles dans le cas où il ne s'agirait pas de fournitures qui étaient consommées.

[8] Dans la décision Thibault v. M.N.R., 86 DTC 1542, cette cour a conclu que les vêtements pouvaient être considérés comme des « fournitures » mais qu'ils ne pouvaient pas être « consommés » . Dans la décision Komarniski v. M.N.R., 80 DTC 1134, cette cour a déterminé que les outils n'étaient pas des « fournitures » , mais du matériel dont le coût n'était pas déductible. Le juge Tremblay a cité la décision Herman Luks (No. 2) v. M.N.R., 58 DTC 1194, dans laquelle le juge Thurlow, qui était alors juge à l'ancienne Cour de l'Échiquier du Canada, a dit, au sujet de la distinction à faire entre les « fournitures » et le « matériel » :

[TRADUCTION]

« Fournitures » est un terme dont le sens peut varier largement, selon le contexte dans lequel il est utilisé. À l'alinéa 11(10)c), on l'utilise dans un contexte qui vise des choses qui sont consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. De nombreuses choses peuvent être consommées, en ce sens qu'elles peuvent être complètement usées ou utilisées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. L'usine ou les appareils mécaniques de l'employeur peuvent être complètement usés. Les vêtements de l'employé peuvent être complètement usés. Ses outils peuvent être complètement usés. Et les matériaux qui servent au travail, peu importe qui les fournit, peuvent être complètement utilisés. « Fournitures » a un sens plus restreint que « choses » et, dans le contexte qui nous intéresse, il ne comprend pas toutes les choses qui peuvent être consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi, que ce soit dans le sens d'être complètement usées ou complètement utilisées. La ligne de démarcation qui sépare ce qui est inclus dans ce terme de ce qui n'y est pas inclus peut être difficile à définir exactement. Toutefois, d'une manière générale, j'estime que son sens normal, dans le contexte, se limite aux matières qui sont entièrement consommées dans l'accomplissement des fonctions de l'emploi. Il vise manifestement des articles comme l'essence destinée à un chalumeau mais, à mon avis, pas le chalumeau lui-même. Ce dernier, ainsi que les outils en général, relève de la catégorie du matériel.

[9] Dans la décision Brownlee v. M.N.R., 78 DTC 1571, cette cour a conclu que le mot « fournitures » ne visait pas des vêtements individuels comme les uniformes d'un policier. Elle a conclu que les uniformes n'étaient pas « consommés » au sens habituel du terme. Elle a ajouté que même si les uniformes étaient des « fournitures qui ont été consommées » , ces fournitures n'étaient pas « consommées » directement dans l'accomplissement des fonctions d'une charge ou d'un emploi. Les positions susmentionnées sont confirmées dans les jugements McLeavy v. M.N.R., 54 DTC 136, et Drobot v. M.N.R., 87 DTC 371.

[10] Les arguments que l'appelant Cuddie a présentés étaient logiques et, compte tenu des circonstances qu'il a décrites, ils étaient fondés. J'ai apprécié son témoignage et je ne doute pas de sa sincérité et de sa crédibilité. Toutefois, le critère légal auquel il faut satisfaire est strict. En utilisant l’expression « fournitures qui ont été consommées » , le législateur établissait une exigence ferme à l'égard des déductions. Le New Shorter Oxford English Dictionary définit le mot « consume » (consommer) comme suit :

[TRADUCTION]

Qui a été consommé.

Le mot « consumed » (consommé, consumé) est entre autres défini comme suit :

[TRADUCTION]

Être détruit, en particulier par le feu ou (autrefois) être épuisé par la maladie; disparu comme par évaporation. [...] Utiliser de façon à détruire; prendre et épuiser; employer. [...] Manger, boire; dévorer.

[11] Les dépenses engagées par les appelants n'étaient tout simplement pas des dépenses à l'égard desquelles des fournitures avaient été consommées. Par conséquent, les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 3e jour d'avril 1998.

R. D. Bell

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 12e jour de novembre 1998.

Philippe Ducharme, réviseur

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