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Date: 19971209

Dossier: 96-2046-UI

ENTRE :

CHANTALE GÉLINAS,

appelante,

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

Le juge Garon, C.C.I.

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision du ministre du Revenu national selon laquelle l’emploi de l’appelante du 11 mars au 7 juin 1991 et du 25 mai au 7 août 1992 auprès de Ferme G.N.F. Inc., le « payeur » , n’était pas assurable au motif qu’il n’était pas exercé en vertu d’un contrat de louage de services.

[2] Les allégations de fait sur lesquelles s’est appuyé le ministre du Revenu national en déterminant que l’emploi n’était pas assurable sont formulées dans le paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel, qui se lit ainsi :

5. En rendant sa décision, l’intimé, le ministre du Revenu national, s’est basé, notamment, sur les faits suivants :

a) le payeur exploitait une entreprise agricole spécialisée dans l’élevage ovin;

b) Guy Dupont administrait l’entreprise du payeur;

c) il prétend avoir engagé l’appelante à temps plein, pour classer les fiches sur les brebis, faire du ménage et nourrir les animaux;

d) durant les périodes en litige, l’appelante n’a pas travaillé à temps plein pour le payeur;

e) elle a travaillé à quelques reprises aux fiches de la bergerie, et a occasionnellement effectué le nettoyage du bureau du payeur;

f) les chèques de paie que le payeur versait à l’appelante, comprenait le salaire du mari de l’appelante, lequel travaillait pour le payeur;

g) le représentant de l’appelante, Me Carol Abud, n’a pas voulu que l’agent des appels questionne l’appelante;

h) le payeur et l’appelante ont conclu un arrangement dans le but de qualifier cette dernière à recevoir des prestations d’assurance-chômage;

i) durant les périodes en litige, il n’y avait pas de relation employeur-employé entre l’appelante et le payeur.

[3] L’appelante, par son avocat, a admis les alinéas a), b), c) et g) du paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel. Les autres alinéas de ce paragraphe ont été niés.

[4] L’appelante fut la seule à témoigner pour son compte. À la demande de l’intimé, témoignèrent un enquêteur du ministère du Développement des ressources humaines, un agent des appels de Revenu Canada, le mari de l’appelante, M. Jean-Pierre Pearson, et M. Guy Dupont, le représentant du payeur.

[5] L’appelante a déclaré que durant les périodes en litige, l’appelante et son mari, M. Jean-Pierre Pearson, demeuraient à la maison de la ferme du payeur. Selon l’appelante, M. Pearson s’occupait de la garde de leur seul enfant qui avait un peu moins d’un an, durant la première période de travail de l’appelante. Durant la deuxième période de travail de l’appelante, M. Pearson se serait occupé, lorsqu’elle travaillait pour le payeur, des deux enfants, le deuxième étant né en décembre 1991. Son mari n’a pas travaillé, selon elle, pour le payeur durant les deux périodes de travail en cause.

[6] À l’arrivée de l’appelante et de son mari dans la région concernée, en 1991, l’appelante n’avait pas d’expérience comme bergère mais elle avait déjà fait d’autres sortes de travaux sur une ferme.

[7] L’appelante a expliqué qu’elle arrivait à la ferme vers 7h00, nourrissait les brebis, séparait les brebis des agneaux, les mettait dans un parc. Elle devait s’assurer que chaque agneau se nourrisse du lait de sa mère, elle les étiquetait et les « piquait » . Dans l’après-midi d’une journée de travail, par exemple, l’appelante, avec l’aide de M. Dupont, séparait les mères des agneaux qui étaient assez vieux. On pesait les agneaux pour déterminer ceux qui devraient être envoyés à l’abattoir. Elle finissait son travail normalement vers 16h00. Elle travaillait de 35 à 45 heures par semaine, selon ses dires. Elle a précisé qu’il y avait deux bergeries sur la ferme, la petite et la grande. La ferme comptait à ce moment-là, 400 brebis; 300 à 350 brebis ont agnelé durant chacune des années en cause. Chaque brebis donne naissance normalement à deux agneaux.

[8] L’appelante utilisait les outils du payeur. La bergerie du payeur était exploitée sous la direction de M. Guy Dupont, un actionnaire du payeur. C’est lui qui donnait des directives à l’appelante. Cette dernière n’était évidemment pas responsable des dettes du payeur.

[9] L’appelante a aussi expliqué qu’elle devait monter un système de fiches. Il fallait établir une fiche par chaque brebis, le nombre d’agneaux que chacune d’elles a eus, des femelles ou des mâles, si l’agnelage s’est bien passé, si les agneaux d’une brebis donnée sont morts, si ce sont des beaux agneaux, si une brebis particulière avait du lait. On ne garde pas « les brebis à problème » . Lorsque l’appelante et son mari se sont installés dans le logis de la ferme en 1991, il y avait un appartement où des fiches sur les moutons avaient été accumulées. On ne retrouvait plus les fiches concernant certaines brebis. Elle a donc fait un travail dans les fiches concernant les agneaux nés en 1991 aussi bien que sur ceux nés antérieurement. Les étiquettes sont posées aux oreilles des agneaux. Elle a expliqué la nécessité de tenir des dossiers pour les brebis. C’est le berger qui doit remplir les fiches.

[10] Son salaire brut était de 338 $, ce qui représentait un salaire net de 200 $ par semaine. Elle était payée sur une base hebdomadaire, par chèque. L’appelante a affirmé qu’en certaines occasions, il y a des chèques qui n’ont pas été honorés parce que le payeur n’avait pas de fonds disponibles. Elle n’a pas été payée en argent par le payeur. Vers la fin de la période en 1991, le payeur avait les fonds requis.

[11] Monsieur Dupont était régulièrement sur les lieux du travail. Durant le temps de l’agnelage, M. Dupont était sur les lieux durant la soirée mais non durant la nuit.

[12] Le logement était fourni par le payeur. Son mari devait travailler un certain nombre d’heures par semaine à titre de dédommagement pour la fourniture du logement. À cet égard, elle a déposé que M. Pearson devait faire à peu près dix heures de travail par semaine « pour payer le logis » , selon ses propres mots.

[13] L’appelante a aussi affirmé qu’elle a travaillé pour le payeur en 1992. Son travail était d’avantage à l’extérieur de la maison. On commençait à faire les clôtures, ramassait les roches et on préparait les pacages. Chaque jour, le matin, il fallait faire le tour des pacages pour voir si des brebis n’avaient pas agnelé dans les champs. Il faut alors prendre la brebis avec un tracteur et une remorque et ramener les brebis avec les agneaux à la bergerie. Les brebis et les agneaux qui sont séparés des mères sont à l’extérieur. Les brebis malades et les brebis qui doivent être avec leurs agneaux sont à l’intérieur.

[14] Les heures de travail en 1992 sont les mêmes que pour 1991 de 7h00 à 16h00. Elle était seule à faire ce travail. D’autres personnes faisaient la récolte du foin, elle n’y participait pas; elle était enceinte. Elle s’occupait des agneaux seulement. Elle a refusé de mettre les fiches concernant les agneaux sur support informatique et elle a donné les raisons de son refus. Le cheptel a remonté en 1992.

[15] En contre-interrogatoire, l’appelante a nié catégoriquement qu’elle n’avait pas fait des semaines consécutives de travail. Elle a rencontré M. Serge Picard du ministère du Développement des ressources humaines mais il n’a pas tenu compte, selon elle, de ce qu’elle lui a déclaré. Elle avait refusé de signer une déclaration rédigée par M. Picard. Elle a finalement dit qu’elle a consacré à peu près une heure par jour à la préparation des fiches. Les gens qui travaillaient dans les champs ne venaient pas nécessairement à la ferme. Le payeur, selon elle, pouvait avoir une vingtaine de champs. Les clôtures de la ferme étaient en mauvais état.

[16] Monsieur Guy Savard, « agent senior d’investigation » du ministère du Développement des ressources humaines, a fait part dans son témoignage qu’il avait la direction de l’enquête qui était menée avec la Gendarmerie Royale du Canada concernant l’application de la Loi sur l’assurance-chômage. Cette enquête impliquait le payeur et ses employés. Une perquisition fut pratiquée le 8 décembre 1995 à la résidence de M. Guy Dupont. Un « blitz » fut organisé pour les interrogatoires notamment des employés du payeur. Cinq enquêteurs et un membre de la GRC se sont repartis les interrogatoires en question. La plupart des employés ont été rencontrés par deux enquêteurs du ministère concerné. Quant à M. Savard, il n’était pas accompagné d’un enquêteur mais d’un membre de la GRC, Mme Gina Thériault. Dans le cadre de cette enquête, M. Savard a notamment interrogé M. Jean-Pierre Pearson, le mari de l’appelante conjointement avec le membre de la GRC dont il vient d’être question. De fait, ils ont eu deux rencontres avec M. Pearson. M. Pearson s’est présenté une première fois à la suite d’un appel téléphonique de M. Savard ou de Mme Gina Thériault. Après une mise en garde, il a décidé de consulter un avocat. Il a été rencontré dans l’après-midi du même jour après qu’une mise en garde lui fut faite. Il a signé la mise en garde mais il a refusé de signer la déclaration qui fut prise. Cette déclaration fut produite en preuve malgré une objection à sa production de la part de l’avocat de l’appelante. La déclaration se lit ainsi :

Je me suis présenté au Motel Val Moni à Amqui le 31-01-96 suite à une convocation téléphonique que j’ai reçue le 31-01-96, mon rendez-vous était cédulé à 13h00 au local 310. Je me suis identifié avec mon # d’assurance sociale 231-579-061 et permis de conduire P6255-190552-07. J’ai débuté pour la ferme G.N.F. inc. le ou vers le 15-12-91 et j’ai fini en 1994, durant toute cette période je recevais un relevé d’emploi à chaque année avec le minimum de semaines ou avec quelques semaines de plus. Je reconnais que le relevé d’emploi # N82288787 que j’ai reçu pour la période du 16-12-91 au 20-03-92 ne reflète pas la réalité car j’ai continué à travailler après le 2-04-92 car M. Dupont me disait, je vais te donner un relevé d’emploi pour que tu puisses avoir droit aux prestations d’assurance-chômage et tu continueras à t’occuper de la Ferme (Bergerie) comme auparavant, cela lui permettait de sauver un salaire et quelques fois si il y a des chèques faits à d’autres personnes et contre-signé par moi, c’était de l’argent qu’il me donnait en plus de mon chômage. Il en est de même pour les autres années, c’est le même scénario pour l’année 1993 avec le relevé d’emploi # N85141558 pour la période du 4-01-93 au 2-04-93, ainsi que pour l’année 1994 avec le relevé d’emploi #N87540000 pour la période du 10-01-94 au 18-03-94. Je reconnais que lorsque je déposais mes demandes de prestation pour les dates du 26-03-92, du 8-04-93 et du 24-03-94 que la signature sur les demandes est la mienne et que les premiers jours de travail et dernier jour de travail correspondent comme les relevés d’emploi. Si j’ai agi de cette façon c’est que je n’avais pas beaucoup de choix il fallait que ma famille puisse vivre et qu’elle ait un toit pour y demeurer et avec ce que M. Guy Dupont me proposait je n’avais presque pas choix. Pour ce qui est de Mme Marie Paule Pelletier, elle n’a pas travaillé entre la période de mars 1992 et juin 1992 c’était moi qui s’occupait de la ferme il en est de même pour mon épouse Chantale Gélinas elle n’a presque pas travaillé en tout cas elle n’a pas travaillé pendant 10 semaines entre mai 1992 et août 1992 car c’était encore moi qui effectuait le travail. Pour ce qui est de Guy Dupont je ne peux dire si il travaillait mais il était souvent car il demeurait en bas de chez-moi en face de la Bergerie.

Je reconnais que lorsque j’ai déposé mes demandes de prestation le 26-03-92, le 8-04-93 et le 24-03-94 que je savais que je continuerais à travailler pour la Ferme G.N.F. inc. donc qu’il n’y avait pas de manque de travail ou d’arrêt de travail, c’était une proposition faite par Guy Dupont qui me faisait car il savait que je n’avais pas grand choix car il savait que je ne pouvait me trouver du travail ailleurs vu mon état familial il se servait de cela pour m’offrir cette entente, je reconnais que ce n’était correct d’avoir ces faux relevés d’emploi pour les années 1992-1993 et 1994 mais quant on est dans l’engrenage cela n’est pas si facile que ça de pouvoir s’en sortir. Je reconnais également que lorsque je remplissais mes cartes de prestations d’assurance-chômage entre 1992 et 1994 que je faisais de fausse déclaration à chaque fois que je remplissais mes cartes de prestations car je savais que j’avais travaillé.

Je reconnais que tout ce qui a été écrit sur cette déclaration par M. Guy Savard est conforme à ce qu’il a été discuté et que cela représente la vérité et qu’en aucun temps je n’ai subi de pression ou menace pour signer cette déclaration.

Je refuse de signer cette déclaration même si je sais qu’elle représente la vérité suite à des informations que j’ai eues d’un avocat que l’aide juridique m’avait suggéré.

Déclaration faite devant moi __________________

à Amqui Signature du déclarant

ce 31 jour de janvier 1995 Titre____ Tél:_______

(signature) Adresse_____________

______________

[17] Monsieur Savard a notamment souligné dans son témoignage que le relevé d’emploi qui indique que M. Pearson aurait travaillé du 16 décembre 1991 au 20 mars 1992 ne reflétait pas la réalité car il avait continué à travailler par suite d’une entente conclue avec M. Dupont selon laquelle il devait continuer à s’occuper de la ferme. Selon M. Savard, M. Pearson a confirmé que l’appelante n’a pas travaillé pendant dix semaines consécutives et que c’est lui qui continuait à travailler pour pouvoir recevoir des prestations d’assurance-chômage. Selon M. Savard, M. Pearson a déclaré qu’il faisait le travail pour l’appelante.

[18] Monsieur Dupont, le représentant du payeur, a reçu des prestations d’assurance-chômage pendant la période d’emploi de l’appelante en 1991. Pendant la deuxième période d’emploi de l’appelante, en 1992, M. Dupont travaillait pour la Société d’exploitation des ressources de la vallée pendant au moins huit semaines soit du 14 juin au 22 août environ.

[19] Le témoignage de M. Savard fut suivi de celui de M. Mario Paquet de Revenu Canada qui a traité du dossier de l’appelante en sa qualité d’agent des appels. Il a expliqué qu’il a analysé toute la preuve qui avait été recueillie au cours de l’enquête du ministère du Développement des Ressources humaines dans le cas de l’appelante et de dix cas connexes. Pour en arriver à sa décision, M. Paquet s’est notamment appuyé sur la déclaration de M. Pearson dont le texte a déjà été reproduit, qui affirmait en substance que l’appelante n’a pas travaillé dix semaines de mai 1992 à août 1992. Il a aussi retenu la déclaration qu’a faite l’appelante selon laquelle il était faux qu’elle ait travaillé en 1991. Il a aussi mentionné la déclaration de M. Dupont du 1er octobre 1995 qui déclarait qu’elle faisait du ménage, classait les fiches des brebis, préparait les documents. M. Paquet concluait en disant qu’il n’était pas en possession des faits « qui venaient contredire tous les éléments que j’avais au dossier » . M. Paquet a aussi indiqué qu’il avait eu lui-même une discussion avec M. Dupont.

[20] La version de M. Dupont doit aussi faire l’objet d’un examen. Durant les périodes en litige, il travaillait surtout pour la Société d’exploitation des ressources de la vallée. Il s’occupait aussi de l’administration de la ferme G.N.F. Inc. Durant les périodes qui nous concernent, M. Dupont a indiqué qu’il allait à la ferme, une fois à tous les deux jours. Il s’est décrit lui-même comme un contremaître à temps partiel.

[21] Il a donné une description du travail de l’appelante en disant qu’il lui avait demandé de mettre à jour les fiches concernant les moutons pour que les données voulues puissent être consignées dans l’ordinateur. Elle s’occupait aussi de la bergerie, de l’alimentation des animaux. Selon lui, elle faisait 40 à 50 heures d’ouvrage par semaine. Elle lavait aussi les vitres dans la bergerie, faisait du ménage. Il a expliqué que la grosse période d’agnelage se situait chaque année en décembre, janvier ou février. En mars et avril, le gros du travail consistait dans l’alimentation des animaux. Il a précisé que l’élevage des moutons se faisait sur cette ferme depuis 1976.

[22] Pour sa part, M. Pearson, qui n’était pas actionnaire du payeur, a fait part de l’entrevue qu’il avait eue avec un agent du ministère du Développement des Ressources humaines, M. Savard. Il a expliqué qu’il avait refusé de signer la déclaration rédigée par M. Savard à la fin de l’entrevue parce que sa femme, l’appelante, lui avait communiqué qu’elle avait été informée par un avocat qu’il n’était pas obligé de signer. Il a relaté que l’entrevue avec M. Savard et un agent de la GRC s’était déroulée « bien calmement » . Il a indiqué qu’il était d’accord avec cette déclaration dans les termes suivants[1] :

Q. Est-ce que vous étiez d’accord, est-ce que vous étiez d’accord avec ... lorsqu’il est indiqué :

« Je reconnais que tout ce qui a été écrit sur cette déclaration de monsieur Guy Savard est conforme. »

Vous l’avez initialée, est-ce que vous êtes d’accord avec ça?

R. Oui, on ... bien, j’étais d’accord, mais il y a quand même plusieurs choses, c’est comme on dit, c’est comme je dis à un moment donné, je veux dire sur des questions de temps, sur des questions de ... comment je dirais, c’était pas, j’ai pas répondu exactement sur des questions qu’il posait qui pouvaient remonter, qui remontaient quand même assez loin. Puis je disais souvent aussi, je pense que c’est marqué, c’est pas en supposition mais c’était pas un affirmatif à un oui vraiment dit, là, mais c’était comme ça. Je veux dire que ça s’est enchaîné comme ça, puis à propos des dates ou à propos d’une telle affaire, ça se pouvait très bien, mais même moi, je pouvais pas répondre un oui ou par un non, là direct. Tu sais, je veux dire qu’il y avait bien des choses qui étaient quand même assez loin puis c’est ça, c’est pas plus que ça.

Il a aussi fourni des explications sur l’affirmation dans la déclaration selon laquelle l’appelante n’avait pas travaillé dix semaines entre mai 1992 et août 1992 ainsi qu’il suit[2] :

Ça par exemple, « elle n’a pas travaillé » , non, ça, ce n’est pas ... c’est qu’elle travaillait mais je faisais quand même, là, du travail. Aussi bien comme ça qu’est-ce qui a été écrit, c’est comme je disais tantôt, c’est sans être ... exactement c’est comme s’il a marqué : « Elle ne travaillait pas » , ça pouvait bien dire elle n’a pas travaillé pendant trois mois de temps, ou elle a travaillé dans la semaine mais j’ai fait quand même de l’ouvrage, mais ça je voulais pas dire que Chantale n’avait pas travaillé « pantoute » , que c’est moi, là, qui faisais l’ouvrage.

Il a ajouté ceci à la réponse à la question suivante[3] :

Me CATHERINE LETELLIER :

« ... elle n’a pas travaillé entre la période de mars 92 à juin 92, c’était moi qui s’occupais de la ferme. Il en est de même pour mon épouse Chantale Gélinas, elle n’a presque pas travaillé, en tout cas, elle n’a pas travaillé pendant dix semaines entre mai 1992 et août 92 car c’était encore moi qui effectuais le travail. »

R. Non, ça, c’est comme je viens de dire avant, par répondre par un oui ou par un non, ça serait de démentir qu’est-ce que j’ai dit, parce qu’au fond, là, ça veut dire que j’ai dit qu’elle n’a pas travaillé. Mais j’ai jamais dit qu’elle n’avait pas travaillé.

Q. O.K. Mais est-ce qu’elle a travaillé dix semaines consécutives?

R. Oui, sûrement.

[23] En contre-interrogatoire, il a répondu dans l’affirmative à la question posée par l’avocate de l’appelante « C’est que vous nous dites que de mai 92 à août 92, Mme Gélinas travaillait effectivement » .

[24] Il me faut déterminer dans ce dossier si l’appelante était liée au payeur durant les deux périodes en cause par un contrat de louage de services.

[25] Aux alinéas d) et e) du paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel il est allégué ce qui suit :

d) durant les périodes en litige, l’appelante n’a pas travaillé à temps plein pour le payeur;

e) elle a travaillé à quelques reprises aux fiches de la bergerie, et a occasionnellement effectué le nettoyage du bureau du payeur;

[26] Si j’accepte le témoignage de l’appelante, à l’audience, je devrais conclure que les allégations à ces deux alinéas sont mal fondées. Cependant, la version de l’appelante est contredite dans une certaine mesure par celle de M. Jean-Pierre Pearson qui lui est attribuée dans la déclaration qu’il n’a pas signée mais qu’il a initialée. Il a notamment apposé ses initiales à la mention qui est faite à la fin de la déclaration, que je reproduis de nouveau, pour fins de commodité :

Je refuse de signer cette déclaration même si je sais qu’elle représente la vérité suite à des informations que j’ai eues d’un avocat que l’aide juridique m’avait suggéré.

[27] Si l’on analyse minutieusement le témoignage à l’audience, M. Pearson n’a jamais déclaré que ce qu’on lui imputait dans la déclaration n’était pas la vérité. Il est vrai qu’il a apporté certaines réserves concernant cette déclaration dans son témoignage, à l’audience; je dirais même qu’il semble y avoir une certaine contradiction sous certains aspects entre son témoignage devant le tribunal et la déclaration relatée par M. Savard. D’autre part, il a déclaré que l’entrevue avec M. Savard et Mme Gina Thériault s’était déroulée « bien calmement » ; il ne s’est pas plaint des modalités de l’entrevue.

[28] J’ai également noté que l’appelante a reconnu que M. Serge Picard, enquêteur au ministère du Développement des ressources humaines, lui aurait attribué une version sur sa prestation de travail pour le payeur différente de celle donnée à l’audience.

[29] Tout compte fait, je préfère la version de M. Pearson relatée à M. Savard et à un membre de la GRC à celle de l’appelante. Je suis porté à croire que cette déclaration de M. Pearson est en substance juste sur la prestation de travail de l’appelante. Il me parait probable que durant les deux périodes en cause, l’appelante a fait des travaux pour le payeur. Je conclus qu’elle n’a pas travaillé ni à plein temps ni continuellement. Ainsi, de la preuve je tire la conclusion que les allégations de fait mentionnées aux alinéas d) et e) du paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel n’ont pas été réfutées.

[30] Je note ici que le témoignage de M. Guy Dupont ne corrobore pas entièrement celui de l’appelante relativement à la première période de travail. Il n’était pas, par exemple, présent sur les lieux du travail dans la mesure qui a été indiquée par l’appelante dans sa déposition devant le tribunal.

[31] Somme toute, je n’accepte pas la version de l’appelante concernant notamment les dimensions de sa prestation de travail pour le payeur durant les deux périodes en cause.

[32] Selon moi, il n’a pas été démontré que l’appelante était liée par un contrat de louage de services à fournir une prestation de travail déterminée de la nature de celle mentionnée par l’appelante durant les périodes en question. Il s’agit plutôt d’un emploi de convenance qui ne répond pas aux exigences d’un contrat de louage de services notamment quant à la prestation de travail. D’autre part, il est probable qu’une certaine prestation de travail a été fournie par l’appelante durant les deux périodes en cause. À cet égard, l’allégation à l’alinéa f) du paragraphe 5 de la Réponse à l’avis d’appel me paraît vraisemblable. À tout événement, c’est à l’appelante qu’incombait le fardeau de la preuve.

[33] Je conclus donc qu’il n’y avait pas de véritable contrat entre le payeur et l’appelante durant les périodes en cause.

[34] Pour ces motifs, l’appel de l’appelante est rejeté.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de décembre 1997.

« Alban Garon »

J.C.C.I.



[1]           Notes sténographiques, page 122, ligne 5 jusqu’à la page 123, ligne 2.

[2]           Notes sténographiques, page 123, lignes 14 à 24.

[3]           Notes sténographiques, page 125, lignes 4 à 25.

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