Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date : 19971215

Dossiers : 95-1363-IT-G; 95-1394-IT-I

ENTRE :

RICHARD W. BURKART, LISE M. J. GIRARD-BURKART,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

Le juge Brulé, C.C.I.

[1] Cet appel a été entendu sur preuve commune, même si deux appels distincts avaient été interjetés, l'un par le mari sous le régime de la procédure générale et l'autre par la femme sous le régime de la procédure informelle, avec une requête dans laquelle l'appelant Richard W. Burkart demandait la modification de l'avis d'appel modifié. Les cotisations ici en cause se rapportent aux déclarations modifiées pour les années d'imposition 1986, 1987 et 1988. Les appels découlaient de gains en capital non déclarés et de pénalités imposées conformément au paragraphe 163(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la « Loi » ) ainsi que du rejet de la déduction d'une perte déductible au titre d'un placement d'entreprise subie dans l'année d'imposition 1988.

La requête

[2] Il a été décidé d'entendre d'abord la requête, puis d'entendre l'appel. M. Burkart a présenté la requête parce que, lorsque les « interrogatoires préalables » ont été entendus, il s'est posé une nouvelle question qu'il voulait inclure dans son avis d'appel modifié. L'avocat du ministre du Revenu national (le « ministre » ) s'y est opposé pour le motif que lors d'une audience antérieure, le juge avait décidé que toutes les questions que l'appelant devait faire régler par la Cour devaient être incluses et avait dit que si ces questions n'étaient pas énoncées dans l'avis d'appel, elles ne pouvaient pas être ajoutées.

[3] Bien sûr, cela se passait avant les « interrogatoires préalables » et avant que l'appelant prenne connaissance du manque.

[4] Conformément à l'article 54 des Règles de la Cour canadienne de l'impôt (procédure générale) (les « Règles » ), la Cour a le pouvoir d'accorder l'autorisation de modifier un acte de procédure. En accordant pareille autorisation, la Cour a le pouvoir discrétionnaire d'imposer les conditions qui lui paraissent appropriées.

[5] L'article 54 des Règles se lit comme suit :

Une partie peut modifier son acte de procédure, en tout temps avant la clôture des actes de procédure, et subséquemment en déposant le consentement de toutes les autres parties, ou avec l'autorisation de la Cour, et la Cour en accordant l'autorisation peut imposer les conditions qui lui paraissent appropriées.

[6] Lorsqu'il s'agit de déterminer si ce pouvoir doit être exercé, la règle générale est qu'une modification devrait être autorisée à tout stade de l'instance à condition que cela n'entraîne pas pour l'autre partie une injustice qui ne peut pas être corrigée au moyen de l'adjudication de dépens et à condition que l'intérêt de la justice l'exige. Dans l'arrêt The Queen v. Canderel Limited, 93 DTC 5357, à la page 5360, le juge Décary, de la Cour d'appel fédérale, a appliqué cette règle. En résumé, voici ce qu'il a dit :

- Il appartient au juge de première instance de décider s'il y a lieu d'autoriser une modification, et il doit se laisser guider dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, par sa perception de la justice (à la page 5361, passage cité du jugement rendu par lord Griffiths dans Ketteman v. Hansel Properties Ltd., [1988] 1 All E.R. 38).

- Il n'existe aucun facteur qui soit prédominant, ou dont la présence ou l'absence soit nécessairement déterminante. On doit accorder à chacun des facteurs le poids qui lui revient dans le contexte de l'espèce. Il s'agit, en fin de compte, de tenir compte de la simple équité, du sens commun et de l'intérêt qu'ont les tribunaux à ce que justice soit faite (passage cité du jugement rendu par le juge Bowman dans Continental Bank Leasing Corporation et al. v. The Queen, 93 DTC 298, à la page 302).

- Il convient de mettre l'accent sur certains facteurs, y compris (1) le moment auquel est présentée la requête visant la modification ou la rétractation, (2) la mesure dans laquelle les modifications proposées retarderaient l'instruction expéditive de l'affaire, (3) la mesure dans laquelle la thèse adoptée à l'origine par une partie a amené une autre partie à suivre dans le litige une ligne de conduite qu'il serait difficile, voire impossible, de modifier, et (4) la mesure dans laquelle les modifications demandées faciliteront l'examen par la Cour du véritable fond du différend (à la page 5361, passage cité du jugement rendu par le juge Bowman dans Continental Bank Leasing Corporation et al. v. The Queen, ci-dessus).

- Il n'y a pas d'injustice si la partie adverse peut être indemnisée au moyen d'une adjudication de dépens (à la page 5360, passage cité du jugement rendu par lord Esher dans Stewart v. North Metropolitan Tramways Co. (1886), 16 Q.B.D. 556, à la page 558).

- Une modification doit être autorisée lorsqu'il est possible de mettre les parties dans la même situation, aux fins de la justice, que celle dans laquelle elles étaient lorsque l'erreur a été commise (à la page 5360, passage cité du jugement rendu par lord Esher dans Steward v. North Metropolitan Tramways Co., ci-dessus).

[7] Dans l'affaire Canderel, la Couronne avait demandé, le cinquième jour de l'audience, l'autorisation de modifier sa réponse modifiée à l'avis d'appel (pour la quatrième fois). Avant la présentation de la requête, les parties avaient convenu que la question en litige portait uniquement sur une question de temps. En rejetant l'appel interjeté par la Couronne, la Cour d'appel a statué que, compte tenu des faits dont elle disposait, l'acte de procédure embarrassant déposé par la Couronne entraînait certainement pour le contribuable une « injustice » au sens de la jurisprudence et n'aidait aucunement à déterminer la véritable question en litige.

[8] Une fois la requête présentée, il est difficile d'empêcher les appelants de demander la modification de l'avis d'appel par suite des « interrogatoires préalables » . Comment est-il possible de mieux utiliser les interrogatoires préalables que pour se rendre compte qu'une nouvelle question doit être plaidée?

[9] Par conséquent, la requête est accueillie; l'appelant Richard W. Burkart peut modifier son acte de procédure, puis l'appel lui-même doit être examiné.

L'appel

[10] Le présent appel est plutôt étrange en ce sens que le mari a interjeté appel sous le régime de la procédure générale alors que sa femme en a interjeté un sous le régime de la procédure informelle. On ne sait pas ce qui a amené les parties à reconnaître que la même preuve doit s'appliquer aux deux appels, mais les deux appelants et l'intimée ont convenu que les appels devaient être entendus ensemble sur preuve commune.

[11] Au début, l'avocat de l'intimée a informé la Cour que la Couronne était prête à annuler la cotisation relative à l'année 1986 à l'égard de la propriété située au 327, rue Somerset. Cela s'applique aux deux appelants, même si les montants visés par les cotisations sont différents.

[12] Le mari a témoigné que depuis 1976 il avait conclu des opérations à l'égard de diverses propriétés. Pour une personne qui est titulaire d'un baccalauréat spécialisé en économie et qui travaille maintenant comme conseiller en informatique, il est surprenant que l'appelant ait si peu utilisé ses connaissances en matière d'impôt sur le revenu, notamment en ce qui concerne la nécessité de produire une déclaration au plus tard le 30 avril de l'année suivante. L'appelant a admis avoir commis une faute lourde en produisant ses déclarations pour les années 1986, 1987 et 1988. Il a reconnu que des pénalités étaient prévues en cas de production tardive et que ces déclarations n'avaient été produites qu'en 1989, puis de nouveau, sous une forme modifiée, en 1995.

[13] L'avocat du ministre a informé la Cour que les déclarations de revenu des appelants avaient été produites en retard, que des gains en capital imposables et un revenu en intérêts n'avaient pas été déclarés et que tout cela permet d'imposer des pénalités. De plus, les appelants n'avaient pas subi de pertes au titre d'un placement d'entreprise dans l'une quelconque des années d'imposition 1986, 1987 ou 1988.

Les questions en litige

[14] Voici les questions en litige, à savoir :

a) si les appelants ont droit à des déductions pour gains en capital conformément à l'article 110.6 de la Loi pour les années d'imposition 1986, 1987 et 1988;

b) si le ministre a eu raison d'imposer des pénalités conformément au paragraphe 163(2) de la Loi pour ces années-là;

c) si les appelants ont le droit de déduire des pertes déductibles au titre d'un placement d'entreprise dans l'une quelconque des années d'imposition 1986, 1987 ou 1988.

Analyse

[15] Le mari a présenté les plaidoiries; il croyait qu'aucun revenu n'avait été réalisé et, par conséquent, qu'aucune pénalité ne devrait être imposée, et ce, même si les déclarations de revenu pour les années 1986, 1987 et 1988 avaient été produites en retard. Il a soutenu qu'une erreur innocente avait été commise, mais aucun arrêt n'a été cité à l'appui.

[16] Le mari croyait que la propriété Somerset avait été vendue en 1985, mais il ne se rappelait rien d'autre. En fait, la propriété a été vendue en 1988. Le mari n'a pas pu dire exactement à quel moment d'autres propriétés avaient fait l'objet d'une disposition. Pareil trou de mémoire était fort surprenant pour un particulier ayant une formation de comptable et dans un cas où les sommes d'argent en cause étaient aussi importantes. En présentant sa preuve, le mari ne s'est pas rendu compte qu'il fallait présenter des reçus à l'égard de certains travaux de rénovation qui avaient été exécutés et il n'en a pas produit devant la Cour.

[17] L'avocat de l'intimée n'a pas cité de décisions judiciaires, mais il s'est contenté de citer diverses dispositions de la Loi que les appelants avaient violées.

[18] L'avocat de l'intimée s'est entre autres fondé sur les articles 38, 39 et 110.6 ainsi que sur le paragraphe 163(2) de la Loi, dans sa forme modifiée, pour les années d'imposition 1986, 1987 et 1988.

[19] L'avocat a soutenu que les appelants étaient préclus, en vertu du paragraphe 110.6(6) de la Loi, de déduire un montant quelconque au titre de leurs gains en capital en vertu de l'article 110.6 de la Loi étant donné :

a) qu'ils n'avaient pas produit de déclarations de revenu pour les années d'imposition 1986 et 1987 au plus tard le 30 avril 1988, et pour l'année 1988, le 30 avril 1989;

b) qu'ils n'avaient pas déclaré de gains en capital dans leurs déclarations de revenu pour les années d'imposition 1986, 1987 et 1988.

[20] L'avocat a en outre soutenu que les pénalités imposées aux appelants pour les années d'imposition 1986, 1987 et 1988 avaient été à juste titre imposées conformément au paragraphe 163(2) de la Loi parce que le mari du moins, sciemment ou dans des circonstances équivalant à faute lourde dans l'exercice d'une obligation prévue à la Loi, avait fait un faux énoncé ou une omission dans les déclarations de revenu qui avaient été produites pour les années d'imposition 1986, 1987 et 1988, ou y avait participé, y avait consenti ou y avait acquiescé, de sorte que l'impôt qui aurait été payable et qui aurait fait l'objet d'une cotisation selon les renseignements fournis dans les déclarations de revenu qui ont été produites pour ces années-là était inférieur à l'impôt payable pour ces années-là au sens du paragraphe 163(2) de la Loi.

[21] Enfin, l'avocat de l'intimée a soutenu que, conformément aux articles 38 et 39 de la Loi, les appelants n'ont pas le droit de déduire quelque montant que ce soit à titre de perte déductible au titre d'un placement d'entreprise dans les années d'imposition 1986, 1987 et 1988.

[22] L'appel est par les présentes admis pour le motif que les appelants ont le droit de déduire les montants suivants pour l'année d'imposition 1986 à l'égard de la propriété située au 327, rue Somerset : Richard W. Burkart, 36 391 $, et Lise M. J. Girard-Burkart, 36 390 $.

[23] L'intimée a également droit aux dépens, le montant y afférent devant être fixé sur présentation d'une demande.

« J. A. Brulé »

J.C.C.I.

Ottawa, Canada, le 15 décembre 1997.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour de janvier 1998.

Monique Pelletier, réviseure

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