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Date: 20000405

Dossiers 1999-814-IT-I; 1999-816-IT-I

ENTRE :

NORMAND CHARTRAND, MICHEL LAROCQUE,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Archambault, C.C.I.

[1] Il s'agit d'appels de messieurs Normand Chartrand et Michel Larocque qui contestent des avis de cotisation établis par le ministre du Revenu national (ministre) à l'égard de l'année d'imposition 1994. Le ministre a refusé la déduction d'une perte par chacun des deux appelants à l'égard d'un prétendu placement dans un complexe de villégiature situé à Magog et connu sous la raison sociale de O'Berge du Village Magog (complexe).

Faits

[2] Les faits sur lesquels le ministre s'est fondé pour établir ses cotisations sont énoncés au paragraphe 9 de ses deux réponses à l'avis d'appel. Les faits sont essentiellement similaires dans ces deux réponses. Pour les fins des présents motifs, je ne reproduirai ici que ceux énoncés dans la réponse produite dans le dossier de monsieur Larocque:

9. Pour établir cette nouvelle cotisation, le ministre a tenu notamment pour acquis les faits suivants :

a) selon une convention de vente de droits d'usufruit, daté du 9 février 1991, l'appelant et sa conjointe, madame Diane Roy, ont acquis de la société “ 2314-8463 Québec Inc. ” exploitant une entreprise sous la raison sociale de “ O'Berge du Village Magog ”, un droit d'usufruit à l'égard de l'appartement B-305 de l'immeuble situé au 261, rue Merry Sud, en la ville de Magog;

b) le droit d'usufruit est limité à une semaine par année et s'éteindra le 30 juin 2026;

c) l'appelant et sa conjointe ont déboursé la somme de 8 115 $ pour acquérir ce droit d'usufruit en temps partagé;

d) l'appelant n'a déclaré aucun revenu d'entreprise ou de bien provenant de l'achat du droit d'usufruit pendant les années de 1991 à 1993;

e) la société “ 2314-8463 Québec Inc. ” a fait faillite en 1994;

f) l'appelant n'est pas un actionnaire de la société “ 2314-8463 Québec Inc. ”;

g) le ministre a considéré que l'achat du droit d'usufruit constituait un investissement dans un bien à usage personnel;

h) l'appelant n'a jamais démontré avoir effectué un investissement dans une société de personnes à titre d'associé passif;

i) conséquemment, la perte réclamée par l'appelant provenant d'une société de personnes n'a pas été accordée.

Au début de l'audience, la représentante des deux appelants a admis les faits énoncés aux paragraphes 9a), b), c), d), e) et g) de chacune des réponses.

[3] Seul monsieur Chartrand a témoigné lors de l'audience. Son témoignage a révélé qu'il a acquis en 1987 pour une somme de 4 500 $ son droit d'usufruit dans une des unités (unité) du complexe, ce qui lui donnait le droit de l'occuper pendant une semaine chaque année, soit la troisième semaine du mois d'août. Il s'agissait donc d'un complexe de villégiature qu'on appelle communément un “ temps partagé ”. La société promotrice-vendeuse, 2314-8463 Québec Inc, lui aurait décrit cette propriété comme un investissement.

[4] Monsieur Chartrand a reconnu toutefois qu'il avait toujours occupé son unité lui-même ou qu'il avait échangé à l'occasion son occupation de l'unité contre l'occupation d'une autre unité d'un complexe de villégiature similaire situé dans une autre région. Monsieur Chartrand a aussi reconnu qu'il n'avait jamais loué son unité et qu'il n'avait donc jamais gagné de revenus de location entre le moment de l'acquisition de l'unité et le moment où il l'a perdue lors de la faillite de la société promotrice-vendeuse en 1994.

Analyse

[5] Comme je l'ai mentionné au début de l'audience, les appelants avaient le fardeau de démolir les faits sur lesquels le ministre s'est fondé pour établir ses cotisations. Dans le cas de monsieur Larocque, tout comme dans celui de monsieur Chartrand, le ministre a tenu pour acquis que l'unité acquise avait été détenue comme un bien à usage personnel[1]. Comme le témoignage de monsieur Chartrand le révèle, son unité était effectivement un bien à usage personnel. Il l'a occupée à des fins personnelles et il ne l'a jamais louée. Comme monsieur Larocque n'a pas présenté de preuve contraire et qu'il n'a pas démoli les faits tenus pour acquis par le ministre, son unité constituait aussi un bien à usage personnel.

[6] En vertu de l'article 40[2] de la Loi, un contribuable qui détient un immeuble à des fins personnelles ne peut déduire une perte en capital à l'égard de ce bien. La perte en pareil cas est réputée nulle.

[7] La représentante des appelants a soutenu que la perte de monsieur Chartrand devrait être une perte en capital déductible au motif que ce dernier aurait été un associé dans le complexe. Elle s'est fondée en particulier sur la possibilité qu'avait monsieur Chartrand de devenir actionnaire de la société promotrice-vendeuse.

[8] La preuve n'a révélé aucune participation de monsieur Chartrand dans cette société. Même la représentante des appelants a reconnu dans son argumentation que monsieur Chartrand ne détenait pas d'actions dans cette société.

[9] Le fait que le contrat d'usufruit produit à l'audience indique, comme fait valoir la représentante, qu'une partie des sommes versées par les appelants pour acquérir leur unité pouvait servir en partie au paiement de l'hypothèque grevant le complexe ne modifie en rien le fait que les unités ont été acquises pour utilisation personnelle.

[10] Il en est de même quant au fait que le contrat d'usufruit prévoyait la possibilité que tous les usufruitiers puissent choisir le gestionnaire du complexe lorsque 60 % des droits d'usufruit auraient été vendus. Même si ce fait n'est pas pertinent, on peut ajouter que monsieur Chartrand n'a participé à aucune assemblée des usufruitiers. La seule réunion dont se souvenait monsieur Chartrand et à laquelle il aurait participé était une réunion estivale tenue uniquement pour des fins sociales.

[11] La position défendue par la représentante des appelants est manifestement erronée. Les appels des appelants sont rejetés.

Signé à Montréal (Québec), ce 5e jour d'avril 2000.

"Archambault", J.C.C.I.



[1] L'article 54 de la Loi de l'impôt sur le revenu (Loi) définit ce que sont des biens à usage personnel :

“ biens à usage personnel ” Sont compris parmi les biens à usage personnel :

a) les biens qui appartiennent au contribuable et qui sont affectés principalement à l'usage ou à l'agrément personnels du contribuable ou à l'usage ou à l'agrément personnels d'une ou plusieurs personnes qui sont :

(i) le contribuable,

(ii) une personne liée au contribuable,

               (iii) lorsque le contribuable est une fiducie, un bénéficiaire de cette fiducie ou toute personne liée au bénéficiaire.

[2] 40(2) g) [pertes diverses réputées nulles] est nulle la perte subie par un contribuable et résultant de la disposition d'un bien, dans la mesure où elle est :

[...]

(iii) une perte résultant de la disposition d'un bien à usage personnel du contribuable, à l'exclusion d'un bien meuble déterminé et d'une créance visée au paragraphe 50(2).

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