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Date: 20000927

Dossiers : 1999-654-IT-G; 1999-3346-IT-G

ENTRE :

DARLENE WALLACE, MARK GOULET,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

Intimée.

Motifs du jugement

Le juge Teskey, C.C.I.

[1] Les deux appelants interjettent appel de cotisations établies en application de l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”), de l’article 21.1 du Régime de pensions du Canada et du paragraphe 46.1(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (responsabilité des administrateurs) pour l’omission de Sarnia Communications Ltd. (“ Sarnia ”) de remettre des retenues à la source, les intérêts et les pénalités s’élevant à 49 445,57 $.

Questions

[2] Les deux appelants soutiennent qu’ils n’étaient pas responsables de l’omission puisqu’ils ont tous les deux exercé le degré de soin, de diligence et d’habileté afin d’empêcher l’omission qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables, pour reprendre le libellé du paragraphe 227.1(3) de la Loi.

Faits non contestés et faits communs aux deux appelants

[3] En septembre 1995, Windsor Cellular Ltd. (“ Windsor ”) et Darlene Wallace (“ Darlene ”) ont chacun acheté, au conjoint de Helen Otcanasek (“ Helen ”), la moitié des actions en circulation de Sarnia.

[4] Mark Goulet (“ Mark ”) est propriétaire et président de Windsor et l’un des administrateurs de cette société, et Darlene et lui étaient les deux administrateurs de Sarnia.

[5] Sarnia a continué d’employer Helen comme comptable et chef de bureau après l’achat des actions. Sarnia a embauché Charlene Langis (“ Charlene ”) en février 1996 comme comptable et chef de bureau afin de travailler avec Helen ou sous la supervision de celle-ci jusqu’à la fin de mars 1996.

[6] Darlene et Mark croyaient que Charlene était une comptable compétente. En novembre 1995, un nouveau système logiciel comptable a été acheté à Avolution Service, appelée Business Vision Accounting. On considérait ce système comme le meilleur progiciel comptable pour Windsor et Sarnia. Le service de paie avait des frais annuels de 169 $, et des disquettes mises à jour ont été envoyées à Sarnia le 30 décembre 1996 pour utilisation en 1997 et elles étaient accompagnées d’un avis urgent et d’une lettre d’explication.

[7] Au moment où Helen a quitté son emploi auprès de Sarnia à la fin de mars 1996, la Banque Nationale du Canada a été embauchée par Sarnia afin de préparer tous les chèques de paye et les chèques de retenue à la source et de s’occuper de leur traitement. On a procédé ainsi jusqu’au 31 août 1996, date à laquelle Sarnia a décidé d’effectuer de nouveau ce travail.

[8] Aucune déduction à la source n’a été remise pour les mois de septembre, d’octobre et de novembre 1996.

[9] Charlene a témoigné pour le compte des appelants. De nombreux détails lui ont échappé. Le logiciel Business Vision avait imprimé tous les chèques pour Sarnia après le 1er septembre 1996. Tous les chèques émis après cette date avaient été signés à la fois par Charlene et par Darlene.

[10] Charlene a affirmé que le logiciel Vision établissait la feuille de paie, calculait les retenues à la source et imprimait les chèques. Elle n’a pu expliquer pourquoi les retenues à la source de septembre, d’octobre et de novembre n’avaient pas été payées. Elle soutient que tout ce qui provenait du logiciel Vision était remis à Darlene.

[11] Elle a affirmé que toutes les créances de Sarnia avaient été examinées avec Darlene et qu’elle croyait que tous les débiteurs avaient exécuté leurs obligations.

[12] L’intimée a appelé Connie Battersby comme témoin. Celle-ci était agente de fiducie auprès de Revenu Canada et avait procédé à une vérification des registres de Sarnia une fois que l’avis de faillite de Sarnia avait été reçu. Elle s’était présentée aux bureaux de Coopers & Lybrand à Sarnia et avait comparé les déclarations T4 aux retenues à la source envoyées à Revenu Canada pour l’année 1996, et avait constaté un écart important entre les montants déduits à la source pour les employés et ceux remis.

[13] Elle a affirmé que les cotisations figurant à l’onglet 3 de la pièce A-2 sont toutes des cotisations reconstituées. Elle a expliqué que lorsque les registres sont modifiés, comme en cas de changement d’adresse, l’ancienne adresse est effacée, et c’est pour cela que les cinq premières cotisations, datées du 16 avril 1996, du 30 avril 1996, du 9 mai 1996, du 16 avril 1997 et du 27 avril 1997, mentionnent toutes Coopers & Lybrand sur l’adresse, même si Sarnia n’a fait faillite que le 7 mai 1997.

[14] Elle a également affirmé que la cotisation datée du 16 avril 1996 était en fait datée du 16 avril 1997. À la pièce A-1 (onglet D5, page 2), se trouvent des photocopies de trois chèques de Sarnia. Les détails sont les suivants :

Chèque 991, daté du 18 février 1997, payable au receveur général du Canada, pour un montant de 5 821,72 $;

Chèque 1088, daté du 10 mars 1997, payable au receveur général du Canada, pour un montant de 6 580,46 $;

Chèque 1111, daté du 10 avril 1997, payable au receveur général du Canada, pour un montant de 5 221,20 $.

[15] L’endos de ces chèques démontre qu’ils ont tous été déposés à la banque par Revenu Canada le 15 avril 1997. Par conséquent, je conclus que tous ces chèques ont été envoyés à Revenu Canada en même temps et que les deux premiers chèques, ceux datés du 18 février 1997 et du 10 mars 1997, ont été retenus jusqu’à ce que le chèque du 10 avril 1997 soit signé et livré à Revenu Canada.

[16] Environ 96 autres chèques ont été émis entre le 18 février 1997 et le 10 mars 1997, et seulement 32 autres entre le 10 mars 1997 et le 10 avril 1997.

[17] En comparant ces chèques avec les cotisations et le témoignage de l’agente de fiducie, je conclus que la première cotisation établie à l’égard de Sarnia est celle datée du 30 avril 1996, laquelle fait état d’un solde antérieur nul et d’un impôt fédéral, d’un impôt provincial ainsi que d’une pénalité et d’intérêts en raison de l’omission de remettre les sommes dues, le tout s’élevant à 937,55 $.

[18] La cotisation suivante est datée du 9 mai 1996 et indique qu’un paiement de 5 176,72 $ a été reçu en retard et qu’une pénalité a été imposée. Le résumé indique que la cotisation du 30 avril 1996 de 939,86 $ était impayée et qu’une pénalité de 489,28 $ avait été imposée, pour un nouveau solde de 1 429,14 $.

[19] Les deux autres cotisations sont celles datées du 16 avril 1996, dont la date après reconstitution s’est avérée erronée; elles devraient être datées du 16 avril 1997. Il y est indiqué qu’un paiement de 5 821,72 $ était en retard et qu’une pénalité a été imposée, le paiement étant celui de décembre 1996. Le résumé indique un solde antérieur de 1 551,64 $, qui serait le solde indiqué à la cotisation du 9 mai 1996, plus les intérêts courus. Si l’on ajoute la nouvelle pénalité de 532,17 $, le nouveau solde est de 2 083,81 $.

[20] L’autre cotisation, datée du 16 avril 1997, suit immédiatement, et indique qu’un paiement de 6 580,46 $ était en retard et impose une pénalité, le paiement étant celui de janvier 1997. Sous le résumé, il est fait état d’un solde de 2 083,81 $, plus la nouvelle pénalité de 608,04 $, pour un nouveau solde de 2 691,85 $.

[21] La cotisation suivante est datée du 29 avril 1997. Elle indique qu’un paiement de 5 221,10 $ était en retard et qu’une pénalité est imposée, le paiement en retard visant le mois de mars 1997. Sous le résumé, il est fait état d’un solde antérieur de 2 698,57 $, plus la nouvelle pénalité de 472,12 $, pour un nouveau solde de 3 170,69 $.

[22] Aucun retour ni paiement n’a jamais été effectué pour les mois de février ou d’avril 1997.

[23] La cotisation suivante suit la faillite et est le résultat de l’examen des dossiers de Sarnia par l’agente de fiducie. Le résumé indique un solde antérieur de 3 273,26 $, qui représente les montants des cotisations précédentes plus les intérêts courus, auquel ont été ajoutés l’impôt fédéral, l’impôt provincial et les intérêts, pour un nouveau solde de 46 990,19 $ pour l’année d’imposition 1996.

[24] Elle est ensuite suivie d’une autre cotisation, dont la date est de toute évidence incorrecte, puisque la date indiquée est le 4 octobre 1997, mais que le résumé fait état d’un solde antérieur de 46 990,19 $ et d’autres montants imposés pour l’année 1997.

[25] À partir de cela, je conclus que les seuls paiements de retenues à la source qui ont été effectués depuis que la Banque Nationale du Canada a cessé de traiter la feuille de paye et de faire les paiements sont les trois chèques décrits ci-dessus, ayant tous été traités à la même date, à savoir le 15 avril 1997.

[26] Mark a indiqué dans son témoignage que Windsor utilise le même système de paie dans ses cinq magasins et qu’il n’y a jamais eu de problème et que le système fonctionne correctement, et j’accepte cela comme un fait.

[27] Je retiens la déclaration de l’agente de fiducie selon laquelle aucune remise n’a été produite pour les mois de septembre, octobre et novembre 1996 et de février 1997 et que les trois remises effectuées visaient les mois de décembre 1996 et de janvier et mars 1997, puisque c’est ce qu’a indiqué Sarnia sur ses formulaires de versement.

[28] Je conclus que Sarnia a cessé de faire traiter la feuille de paye et de faire payer les retenues à la source par la Banque Nationale du Canada pour deux raisons, à savoir que Windsor possédait le même logiciel, Business Vision, qui pouvait produire les chiffres et les chèques, alors pourquoi occasionner des dépenses en obtenant de l’aide de l’extérieur? Et plus important encore, à cause des pertes et des problèmes d’encaisse continuels, Sarnia devait remettre chaque mois à la Banque Nationale suffisamment d’argent pour couvrir les retenues à la source.

[29] Le 20 septembre 1996, Revenu Canada a fait parvenir à Sarnia, à l’attention de Charlene, le Numéro d’entreprise à être utilisé aux fins de l’impôt des sociétés, des retenues à la source sur la paye et de la TPS. Il était indiqué dans la lettre que le jour de départ était le 17 septembre 1996 (pièce A-1, onglet D1). Cette lettre devait résulter des enquêtes menées par Charlene, puisque la Banque Nationale n’avait aucune raison d’informer Revenu Canada qu’elle n’était plus responsable des retenues à la source.

Faits se rapportant uniquement à Mark

[30] Mark possède une formation universitaire et est un homme d’affaires averti. Il participe activement à la gestion quotidienne de Windsor, laquelle possède cinq points de vente, soit deux à Windsor et trois à London.

[31] Mark a mis sur pied un système par lequel la banque de Windsor et cette dernière prêteraient de l’argent à Sarnia, au besoin. Sarnia perdait de l’argent avant le moment de l’achat et on s’attendait à ce qu’elle en perde encore jusqu’à ce que Darlene puisse, du moins l’espérait-on, redresser la situation grâce à des ventes accrues. Mark n’avait aucune responsabilité à l’égard de la gestion quotidienne de Sarnia.

[32] Mark a rencontré Darlene presque tous les mois, de manière informelle. Leur entretien durait environ une heure. Ces rencontres portaient sur les ventes.

[33] Bien que Mark fût au courant que Sarnia perdait de l’argent, il ne s’en inquiétait pas, étant donné qu’il disposait de suffisamment d’argent pour couvrir les pertes et qu’il pouvait compter sur un système permettant de transférer des fonds à Sarnia de façon à couvrir tout ce qui devait l’être, jusqu’au point où l’emprunt de Sarnia porte atteinte à Windsor.

[34] À la question 7 du questionnaire portant sur la responsabilité de Mark, questionnaire envoyé par son avocat à l’agent des appels du Bureau des services fiscaux de Windsor (pièce R-2, onglet 8), Mark indiquait qu’il s’en était remis à Darlene.

[35] La question 8 du même questionnaire et ses sous-questions, ainsi que les réponses, sont les suivantes :

[TRADUCTION]

8. Savez-vous si la compagnie disposait d’un système de contrôle interne adéquat afin d’assurer le paiement des retenues et / ou de la TPS à Revenu Canada?

AUCUNE CONNAISSANCE

S’il y avait un système de contrôle interne adéquat –

A. Qui a mis en oeuvre le système?

AUCUNE CONNAISSANCE

B. Quelles mesures de contrôle essentielles étaient en vigueur afin de donner priorité au paiement des retenues et / ou de la TPS?

AUCUNE CONNAISSANCE

C. La compagnie a-t-elle maintenu un compte bancaire distinct aux fins du dépôt des retenues et / ou de la TPS?

AUCUNE CONNAISSANCE

D. Si la compagnie éprouvait des difficultés financières –

a) Avez-vous obtenu de l’établissement financier ayant accordé la ligne de crédit une promesse exécutoire de payer tous les montants à la Couronne au moment de leur exigibilité?

NON

b) Si la compagnie était sous séquestre ou en faillite, avez-vous informé le séquestre et le gestionnaire ou le fiduciaire par écrit des arrangements bancaires existants pour le paiement des retenues et / ou de la TPS?

NON

[36] J’accepte que Mark n’ait pas examiné avec Darlene les retenues à la source ou les dettes de Sarnia. Il s’est fié à la comptable de Sarnia et à sa directrice générale, Darlene.

[37] La date de fin d’exercice de Sarnia était le 31 août. L’état final du 31 août 1996 n’a pas été produit et aurait dû indiquer les engagements en cours comme il en est fait état dans les cotisations datées du 30 avril 1996 et du 9 mai 1996, et je conclus qu’ils y figuraient.

Faits se rapportant uniquement à Darlene

[38] Darlene, qui n’avait elle non plus, en 1995, aucune expérience en gestion d’entreprise, était âgée de 36 ans. Elle avait terminé ses études secondaires et comptait une année collégiale. Elle a commencé à travailler pour Windsor au début de 1991; elle traitait les commandes de téléphones cellulaires, programmait les téléphones et les préparait pour la livraison. Elle administrait également les comptes commerciaux, puis elle est passée aux ventes à l’extérieur, avant de devenir responsable du personnel de vente.

[39] En septembre 1995, elle a obtenu une participation de 50 p. 100 dans Sarnia, laquelle perdait de l’argent, l’autre 50 p. 100 ayant été acquis par son ancien employeur, Windsor.

[40] Darlene s’en remettait à Helen, la comptable et chef de bureau à l’époque (elle était également la conjointe de l’ancien propriétaire), pour l’informer de ses obligations en tant qu’administratrice et pour lui expliquer quelles déclarations devaient être produites mensuellement auprès du gouvernement, notamment au titre de la T.V.P., de la TPS, des retenues à la source et de l’impôt des sociétés.

[41] Darlene a embauché Charlene afin de remplacer Helen et s’en est remise à cette dernière pour la former.

[42] Selon l’ensemble du témoignage de Darlene, je conclus qu’elle savait que la compagnie avait perdu de l’argent mensuellement et continuait d’en perdre, et que tout son intérêt et toute son attention étaient consacrés à l’augmentation des ventes, dans le but de remédier à la situation.

[43] Tous les chèques étaient signés par Darlene et Charlene. Elles se réunissaient au bureau pendant environ une heure, chaque semaine. Charlene fournissait un lot de chèques pour que Darlene les cosigne. Chaque chèque payable à un fournisseur était accompagné de la facture.

[44] On a soutenu que les chèques destinés aux employés et aux gouvernements provincial et fédéral avaient des relevés informatiques.

[45] Lorsqu’on a demandé à Darlene la raison pour laquelle les retenues à la source n’étaient pas payées, elle a répondu qu’elle n’en avait [TRADUCTION] “ aucune idée ”.

[46] Elle a décrit comment Sarnia obtenait des écarts dans les sommes provenant de Windsor par l’intermédiaire de son employée Luba.

[47] Le fait que seul un relevé informatique accompagnait les chèques payables aux gouvernements provincial et fédéral n’a aucun sens. Le montant du chèque doit être calculé par le comptable. Les paiements de ces montants sont tous accompagnés d’un formulaire de déclaration. C’est ce formulaire relatif à la T.V.P., à la TPS et aux retenues à la source qui devrait accompagner les chèques lorsqu’ils sont présentés aux fins de signature.

[48] Les déclarations d’inventaire de l’emprunteur, datées du 20 septembre 1996, du 30 septembre 1996 et du 30 décembre 1996, indiquent respectivement des comptes créditeurs de 95 627,03 $, de 141 835,53 $ et de 155 247,67 $ et des écarts de fonds de roulement de 50 891,42 $, de 77 450,59 $ et de 79 717,06 $ (pièce R-1).

[49] Darlene soutient qu’elle n’avait pas de préoccupations d’ordre monétaire au sujet de Sarnia. J’impute cela au fait qu’elle n’avait pas d’intérêt dans les obligations de Sarnia ou d’elle-même en tant qu’administratrice. Elle savait que certains paiements de retenues à la source étaient en retard, et elle a affirmé que Helen ou Charlene lui laissait savoir lorsque c’était le cas et lui disait : [TRADUCTION] “ Il faut régler cela ”. On a posé la question suivante à Darlene : [TRADUCTION] “ Que faisiez-vous pour vous assurer que les retenues à la source étaient effectuées à temps? ” Elle a répondu qu’elle demandait à quelle date les retenues devaient être versées.

Le droit

[50] L’article 227.1 de la Loi précise que, lorsqu’une société a omis de déduire et de remettre les retenues à la source, les administrateurs sont responsables. Le paragraphe 227.1(1) est ainsi rédigé :

227.1 (1) Lorsqu’une société a omis de déduire ou de retenir une somme, tel que prévu au paragraphe 135(3) ou à l’article 153 ou 215, ou a omis de remettre cette somme ou a omis de payer un montant d’impôt en vertu de la partie VII ou VIII pour une année d’imposition, les administrateurs de la société, au moment où celle-ci était tenue de déduire, de retenir, de verser ou de payer la somme, sont solidairement responsables, avec la société, du paiement de cette somme, y compris les intérêts et les pénalités s’y rapportant.

[51] Le paragraphe 227.1(2) et ses alinéas indiquent les étapes procédurales, ce qui n’est pas pertinent en l’espèce.

[52] Le paragraphe 227.1(3) est la disposition traitant de la diligence raisonnable; elle est ainsi rédigée :

227.1 (3) Un administrateur n’est pas responsable de l’omission visée au paragraphe (1) lorsqu’il a agi avec le degré de soin, de diligence et d’habileté pour prévenir le manquement qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[53] La décision de principe de la Cour d’appel fédérale portant sur ces dispositions est l’affaire Soper c. Canada, [1998] 1 C.F. 124. Le juge d’appel Marceau a déclaré ceci :

[1] J'ai eu l'avantage de lire une ébauche des motifs de jugement de mon collège le juge Robertson. Je souscris entièrement à la conclusion à laquelle il arrive et à la décision de l'appel. Dans l'ensemble, je ne me désolidarise pas des motifs qu'il expose. Son analyse de l'obligation de soin, de diligence et de compétence imposée par le paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63 (édicté par S.C. 1980-81-82-83, ch. 140, art. 124] est, compte tenu de l'absence évidente d'uniformité dans la jurisprudence, tout à fait pertinente et opportune. Je tiens toutefois à dire que j'ai fondé ma conclusion sur un raisonnement beaucoup plus simple.

[2] Le paragraphe 227.1(1) [édicté, idem; S.C. 1984, ch. 1, art. 100] tient l'administrateur d'une société responsable de l'omission de sa société de verser les retenues d'impôt et d'autres retenues à la source à l'égard de la rémunération des employés, et le paragraphe 227.1(3) permet à l'administrateur d'échapper à la responsabilité s'il peut démontrer qu'il a exercé un certain degré de soin, de diligence et de compétence pour prévenir ce manquement. Par ces dispositions, le législateur impose, selon moi, à l'administrateur d'une société une obligation entièrement nouvelle, distincte et expresse. Il s'agit d'une obligation envers la Couronne et non envers la société, qui consiste à faire ce qu'il est raisonnablement possible de faire pour prévenir pareil manquement. Je ne peux tout simplement pas imaginer qu'on puisse jamais considérer qu'un administrateur comme l'appelant en l'espèce s'est acquitté d'une telle obligation s'il ne s'est jamais soucié de cette exigence et est demeuré complètement indifférent et passif à cet égard.

[3] Je suis également d'avis de rejeter l'appel comme l'a proposé le juge Robertson.

[54] Le juge d’appel Robertson, dans de très longs motifs auxquels souscrivait le juge d’appel Linden, a affirmé ce qui suit dans de nombreux paragraphes numérotés :

[40] Le moment convient bien pour résumer mes conclusions au sujet du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple. Au lieu de traiter les administrateurs comme un groupe homogène de professionnels dont la conduite est régie par une seule norme immuable, cette disposition comporte un élément subjectif qui tient compte des connaissances personnelles et de l'expérience de l'administrateur, ainsi que du contexte de la société visée, notamment son organisation, ses ressources, ses usages et sa conduite. Ainsi, on attend plus des personnes qui possèdent des compétences supérieures à la moyenne (p. ex. les gens d'affaires chevronnés).

[41] La norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi n'est donc pas purement objective. Elle n'est pas purement subjective non plus. Il ne suffit pas qu'un administrateur affirme qu'il a fait de son mieux, car il invoque ainsi la norme purement subjective. Il est également évident que l'intégrité ne suffit pas. Toutefois, la norme n'est pas une norme professionnelle. Ces situations ne sont pas régies non plus par la norme du droit de la négligence. La Loi contient plutôt des éléments objectifs, qui sont représentés par la notion de la personne raisonnable, et des éléments subjectifs, qui sont inhérents à des considérations individuelles comme la “ compétence ” et l'idée de “ circonstances comparables ”. Par conséquent, la norme peut à bon droit être qualifiée de norme “ objective subjective ”.

[...]

[44] Je tiens tout d'abord à souligner qu'en adoptant cette démarche analytique, je ne donne pas à entendre que la responsabilité est simplement fonction du fait qu'une personne est considérée comme un administrateur interne par opposition à un administrateur externe. Cette qualification constitue plutôt simplement le point de départ de mon analyse. Mais cependant, il est difficile de nier que les administrateurs internes, c'est-à-dire ceux qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société et qui peuvent influencer la conduite de ses affaires, sont ceux qui auront le plus de mal à invoquer la défense de diligence raisonnable. Pour ces personnes, ce sera une opération ardue de soutenir avec conviction que, malgré leur participation quotidienne à la gestion de l'entreprise, elles n'avaient aucun sens des affaires, au point que ce facteur devrait l'emporter sur la présomption qu'elles étaient au courant des exigences de versement et d'un problème à cet égard, ou auraient dû l'être. Bref, les administrateurs internes auront un obstacle important à vaincre quand ils soutiendront que l'élément subjectif de la norme de prudence devrait primer l'aspect objectif de la norme.

[...]

[50] Pour satisfaire à l'exigence de diligence raisonnable prévue au paragraphe 227.1(3), un administrateur peut, comme le ministère du Revenu national l'a souligné, prendre des “ mesures ” en établissant des contrôles pour vérifier les versements, en demandant aux agents financiers de la société de présenter régulièrement des rapports sur la mise en oeuvre de ces contrôles et en obtenant régulièrement la confirmation que les retenues et les versements ont été faits comme l'exige la Loi : voir le paragraphe 7 de la Circulaire d'information 89-2, précitée.

[51] De même, certains commentateurs ont avisé les administrateurs que, s'ils veulent être en mesure d'invoquer la défense de diligence raisonnable, il serait sage d'envisager de prendre certaines “ mesures ”, y compris, dans certaines circonstances, l'ouverture et la surveillance d'un compte en fiducie qui servirait à payer la rémunération des employés et les sommes dues à Sa Majesté : voir, p. ex., Moskowitz, précité, aux pages 566 à 568.

[52] Bien que de telles précautions puissent être considérées comme une preuve convaincante de la diligence raisonnable manifestée par un administrateur, il ne s'agit pas, selon moi, de conditions préalables nécessaires pour donner ouverture à ce moyen de défense. C'est particulièrement vrai dans le cas de l'ouverture d'un compte en fiducie séparé pour les retenues à la source qui doivent être versées au receveur général. Il est difficile de statuer autrement puisque le législateur a supprimé cette exigence expresse dans le but d'atteindre d'autres objectifs législatifs. Par-dessus tout, il faut maintenir une ligne de démarcation claire entre la norme de prudence exigée d'un administrateur et celle à laquelle doit satisfaire un fiduciaire. On ne peut donc pas obliger un administrateur externe à aller jusqu'à prendre les mesures susmentionnées. À titre d'exemple, je ne m'attendrais pas à ce qu'un administrateur externe, au moment de sa nomination au sein du conseil d'administration de l'une des sociétés canadiennes qui dominent le marché, se rende directement au bureau du contrôleur pour se renseigner sur les retenues et les versements. De toute évidence, si je ne m'attendais pas à ce que les gens d'affaires les plus avertis prennent de telles mesures, alors je ne m'attendrais certainement pas à ce que les personnes qui ont une moins grande expérience des affaires en fassent autant. Je ne veux pas donner à entendre qu'un administrateur peut adopter une attitude entièrement passive, mais seulement que, à moins qu'il n'existe des motifs d'avoir des soupçons, il est permis de compter sur les personnes qui s'occupent de la gestion quotidienne de la société pour payer des dettes comme les créances de Sa Majesté. Cela correspond à la quatrième affirmation faite dans l'arrêt City Equitable : voir l'analyse ci-dessus, aux pages 146 et 147. La question qui subsiste, toutefois, est de savoir à quel moment l'obligation expresse d'agir prend naissance.

[53] À mon avis, l'obligation expresse d'agir prend naissance lorsqu'un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l'amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. En d'autres termes, il incombe vraiment à l'administrateur externe de prendre des mesures s'il sait, ou aurait dû savoir, que la société pourrait avoir un problème avec les versements. La situation typique dans laquelle un administrateur est, ou aurait dû être, au courant de cette éventualité est celle de la société qui a des difficultés financières. À titre d'exemple, dans l'affaire Byrt (H.) c. M.R.N., [1991] 2 C.T.C. 2174 (C.C.I.), un administrateur externe a signé des états financiers qui révélaient un résultat déficitaire et, par conséquent, savait, ou aurait dû savoir, que la société avait des difficultés financières. Le même administrateur savait également que l'intégrité en affaires d'un autre administrateur, qui était également le président de la société, était douteuse. Dans ces circonstances, comme l'administrateur externe n'a fait aucun effort pour s'assurer que les versements étaient faits, il a été tenu personnellement responsable des sommes que la société devait à Revenu Canada. Selon le juge de la Cour de l'impôt, l'administrateur externe n'a pas satisfait à la norme de prudence d'origine législative puisqu'il n'a pas “ ten[u] compte de ce qui se pass[ait] dans l'entreprise et de ce qu'il sa[vait] des personnes chargées des activités quotidiennes de la société ” (précité, à la page 930, le juge Rip, C.C.I.).

[...]

[56] Il est important de noter que la question de savoir si une société a de graves difficultés financières, de nature à révéler un problème avec les versements, ne peut pas être tranchée simplement en fonction du fait que le résultat indiqué sur le bilan mensuel est négatif. À titre d'exemple, de nombreuses entreprises ont une ligne de crédit pour faire face aux fluctuations fiscales. C'est au juge de la Cour de l'impôt qu'il appartiendra dans chaque cas de déterminer si, d'après les renseignements ou les documents financiers que possédait l'administrateur, celui-ci aurait dû savoir qu'il y avait un problème réel ou éventuel avec les versements. La question de savoir si l'administrateur visé a satisfait à la norme de prudence, telle qu'elle est maintenant définie, est donc avant tout une question de fait qu'il faut trancher à la lumière des connaissances personnelles et de l'expérience de ce dernier.

[55] Dans l’affaire Ann Drover c. Canada, [1998] A.C.F. no 647 (98 DTC 6378), le juge d’appel Robertson, après avoir examiné certains de ses commentaires dans l’affaire Soper, précitée, a déclaré ce qui suit au paragraphe [7] :

[7] On ne devait pas attendre de l'arrêt Soper qu'il réponde à toutes les questions portant sur la responsabilité des administrateurs. Cela dit, cet arrêt a tout de même tenté de dégager certains principes généraux et de combler les lacunes de l'analyse en ce domaine. La norme de prudence “ objective subjective ” définie plus haut est centrée sur la question de savoir si les circonstances permettent d'affirmer que, compte tenu de sa compétence et de son expérience dans le domaine des affaires, l'administrateur en question était expressément tenu de s'assurer que la compagnie effectuait bien le versement des retenues d'impôt, comme elle avait l'obligation de le faire. Il est clair qu'une telle obligation existe si l'administrateur sait ou devrait savoir qu'il existe un problème au niveau de ce versement et il manque à cette obligation s'il ne prend aucune mesure pour se conformer aux dispositions de la loi. Étant donné que dans l'affaire Soper, la Cour a estimé que le contribuable avait l'obligation expresse d'agir et puisqu'il n'avait rien fait pour satisfaire à cette obligation, il ne pouvait pas se prévaloir de la défense que constitue la diligence raisonnable. En pareilles circonstances, la Cour n'a pas eu à se demander quelles étaient les mesures que l'administrateur aurait dû prendre à partir du moment où il avait l'obligation expresse d'agir.

[56] Le juge d’appel Noël de la Cour d’appel fédérale a fait remarquer, dans Canada c. Corsano, [1999] 3 C.F. 173 ([1999] 2 C.T.C. 395), que le juge d’appel Robertson avait expressément déclaré dans l’affaire Soper, précitée, que la Cour n’avait pas établi une norme de prudence différente selon qu’il s’agisse d’administrateurs internes ou d’administrateurs externes. Le juge d’appel Noël a ensuite déclaré aux paragraphes [23], [24] et [28] (C.T.C. : [45], [46] et [50]) :

[23] Il est vrai que notre Cour a déclaré dans Soper que “ [l]a norme de prudence énoncée au paragraphe 227.1(3) de la Loi est fondamentalement souple ”. Il ressort toutefois clairement de la lecture de ce jugement que c'est l'application de la norme qui est souple, à cause des connaissances, des facteurs et des circonstances variés et différents qu'il faut apprécier pour déterminer si, dans une situation donnée, un administrateur s'est conformé à la norme de prudence prévue dans la Loi. Le paragraphe 227.1(3) n'établit qu'une seule norme applicable à tous les administrateurs, celle de savoir s'ils ont agi avec le degré de prudence, de diligence et d'habileté requis pour prévenir le manquement qu'une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables.

[24] Je suis d'accord avec les avocats de l'appelante que la raison d'être du paragraphe 227.1(1) est de rendre les administrateurs responsables de la déduction et de la remise des impôts des employés, et que cette responsabilité n'est pas différente selon que la corporation a ou non un but lucratif, et j'ajouterais selon que les administrateurs sont rémunérés ou non, ou selon qu'ils sont actifs ou inactifs. Tous les administrateurs de toutes les corporations sont responsables de tout manquement à l'unique norme de prudence prévue au paragraphe 227.1(3) de la Loi. La souplesse se situe au niveau de l'application de la norme, puisque les qualifications, compétences et attributs des administrateurs varient d'une situation à l'autre. Il en va de même des circonstances entourant l'omission de conserver et de remettre les sommes dues.

[...]

[28] La preuve démontre qu'aucune mesure précise n'a été prise pour éviter que la Corporation ne manque à son obligation de remettre les déductions à la source dues et à venir lorsqu'elle a commencé à avoir des difficultés financières. Les administrateurs n'ont décidé d'aucune mesure à cet effet à leurs réunions des 13 janvier et 3 février 1993.

Analyse portant sur Mark Goulet

[57] Cet appelant était un homme d’affaires averti et cultivé, qui était au courant de ses obligations en tant qu’administrateur.

[58] Sa compagnie, Windsor, a obtenu la moitié d’une participation dans Sarnia, Darlene obtenant l’autre moitié. Il savait que Darlene n’avait pratiquement aucune expérience en matière d’exploitation d’une entreprise. Il la connaissait depuis cinq ans et il savait que les ventes constituaient son point fort.

[59] Darlene devait être la directrice générale de Sarnia. Mark était lui aussi administrateur, puisqu’il était essentiellement copropriétaire de la société.

[60] Bien que Mark ait eu le pouvoir de signer les chèques, il ne l’a jamais fait. Il a pris des dispositions avec Windsor et par l’intermédiaire de cette dernière pour fournir de l’argent à Sarnia. Il savait que Sarnia, avant son achat, perdait de l’argent et qu’il faudrait continuellement y injecter de l’argent afin de maintenir la société à flot.

[61] Windsor et Darlene avaient injecté chacune 25 000 $ et, en date du 15 janvier 1996, Sarnia avait emprunté 50 000 $ à Windsor et 55 000 $ à la banque de Windsor, avec un compte créditeur de 53 530,75 $ et des chèques en circulation pour un total de 164 427,75 $, soit environ 53 073,87 $ de plus que les actifs.

[62] Selon Mark, il a mis en place un bon logiciel informatique, et l’autre administratrice était la directrice générale. Il a pris des dispositions pour que Sarnia emprunte de l’argent à Windsor, et il s’agissait là de sa seule obligation. Comme il s’en était remis à Darlene et à la comptable et gestionnaire de Sarnia, il avait satisfait au critère de diligence raisonnable.

[63] Je ne souscris pas à cette position. Mark savait que Sarnia avait perdu de l’argent avant qu’il ne la reprenne, et il savait que Sarnia empruntait d’importantes sommes d’argent à Windsor et par l’intermédiaire de celle-ci.

[64] Au 31 juillet 1996, date de fin d’exercice de Sarnia, il savait que cette dernière avait emprunté 140 000 $ et avait des comptes créditeurs de 93 287,03 $. Je suis convaincu qu’il s’agit là de l’une des raisons pour lesquelles la Banque Nationale a cessé de traiter la feuille de paye et les retenues en août 1996.

[65] Mark ne s’est d’aucune manière renseigné auprès de Darlene ou de Charlene en ce qui concerne les comptes créditeurs, les retenues à la source ou tout ce qui se rapportait à la situation financière de Sarnia. Les réunions mensuelles étaient informelles, et tenues seulement avec Darlene, qui n’avait aucune expérience en matière de gestion, et les réunions ne portaient que sur les ventes.

[66] Il aurait dû à tout le moins se renseigner pour savoir si les retenues à la source étaient remises mensuellement et à temps après le 30 août 1996. Il n’avait aucune idée de la manière dont Sarnia était exploitée, n’a posé aucune question à cet égard et n’a rien fait pour tenter de découvrir quel système avait été mis en place par Darlene afin d’empêcher l’omission d’effectuer les paiements nécessaires au titre des retenues à la source. Il savait seulement qu’on avait embauché une comptable et qu’on utilisait un logiciel de pointe. Ces deux mesures ne garantissent pas que les créanciers seront payés correctement ni par ordre de priorité.

[67] Essentiellement, il a mis en place un système logiciel qui indiquerait à Sarnia le montant de la retenue à la source et la manière de retirer de l’argent, mais aucun système pour l’empêcher d’omettre délibérément ou accidentellement de remettre les retenues à la source.

[68] Mark ne s’est jamais renseigné au sujet des systèmes existants et n’a jamais demandé si les retenues étaient versées, son unique intérêt étant les ventes. Il a laissé la direction de Sarnia à une directrice générale inexpérimentée, qui n’était aussi en fait intéressée que par les ventes.

[69] Selon les circonstances de l’espèce, Mark n’a pas exercé le degré de soin, de diligence et d’habileté, afin d’empêcher les omissions qui ont eu lieu, qu’une personne prudente aurait exercé dans des circonstances comparables, avec ses connaissances, sa compétence et son bagage.

[70] Son appel est rejeté avec dépens.

Analyse portant sur Darlene Wallace

[71] Selon cette appelante, Sarnia a utilisé un logiciel de pointe afin d’établir la feuille de paye et de calculer les retenues à la source, elle avait à son service une comptable et chef de bureau qui semblait compétente, et elle pouvait compter sur une aide financière pour s’acquitter de toutes les dettes. L’appelante estimait par conséquent qu’elle avait fait tout ce qui était nécessaire. Je ne suis pas d’accord.

[72] En tant qu’associée directrice générale, il lui incombait de s’assurer que les employés exerçaient en fait les fonctions qui leur avaient été assignées. Darlene a totalement abandonné ses responsabilités à Charlene. Elle ne passait environ qu’une heure par semaine avec elle, et le reste de son temps et de ses énergies était consacré aux ventes.

[73] Darlene signait hebdomadairement tous les chèques qui lui étaient présentés. Les chèques destinés aux fournisseurs étaient accompagnés des factures. Un système très simple aurait été d’exiger que les formulaires de remise du gouvernement accompagnent les différents chèques. Si on avait adopté un tel système, alors en septembre, Darlene n’aurait pas eu à supposer que les retenues à la source étaient versées. Elle savait que cela devait être fait tous les mois. Tout ce qu’elle avait à faire, le mercredi précédant le 15 septembre 1996, était de dire : “ Où sont le chèque et le paiement pour les retenues à la source? ”, et n’avait par la suite qu’à faire la même chose chaque mercredi précédant le 15 du mois.

[74] Je conclus que Darlene n’avait tout simplement aucun intérêt dans ce type de gestion et n’a fait que se consacrer aux ventes.

[75] De plus, si son coadministrateur, un homme averti, lui avait demandé un minimum de renseignements au sujet des retenues à la source, cela aurait pu être suffisant pour déclencher la remise de ces retenues si elle avait en réalité simplement été omise et non pas délibérément annulée.

[76] Charlene soutient qu’elle parcourait la liste des comptes créditeurs avec Darlene chaque semaine. Je me serais à tout le moins attendu à ce que Darlene, au moment de la signature des chèques de paye, se renseigne au sujet des retenues à la source pour les chèques en préparation.

[77] Darlene a totalement échoué en tant que directrice générale, et son inexpérience ne constitue pas une défense de diligence raisonnable telle qu’elle est prévue par la Loi.

[78] Son appel est également rejeté, avec frais; toutefois, un seul mémoire de frais est accordé pour le procès.

[79] En résumé, l’embauchage d’un comptable et l’obtention de fonds ne constituent pas des mesures concrètes visant à empêcher l’omission d’une société de remettre les sommes dues. En l’espèce, les deux administrateurs n’ont pris aucune mesure concrète afin d’empêcher Sarnia d’omettre de verser les retenues à la source.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour de septembre 2000.

“ Gordon Teskey ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 20e jour de mars 2001.

Philippe Ducharme, réviseur

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