Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 20000531

Dossier: 98-2703-IT-I

ENTRE :

PERLITA M. SANCHEZ,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Ottawa (Ontario) le 18 février 2000.)

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Si je comprends bien, l'appelante soulève quatre questions dans la présente affaire. La première consiste à déterminer si elle doit payer de l'impôt au Canada. Son représentant fait valoir que les dispositions de l'article 15, alinéa 2a) de la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les É.-U. l'exemptent de payer de l'impôt au Canada.

[2] L'appelante, citoyenne canadienne, est déménagée aux États-Unis, ou du moins s'y est rendue, au mois de février 1996; elle y a loué un appartement et y a travaillé le reste de l'année. Elle est retournée à Toronto de temps à autre pour respecter les lois de l'immigration des États-Unis, qui l'obligeaient à renouveler tous les six mois, à l'extérieur des États-Unis, son permis de travail dans ce pays. Lorsqu'elle s'est rendue en Floride, son époux et sa fille sont restés à Mississauga, dans la maison dont la famille était propriétaire et qu'elle occupait depuis quelque temps.

[3] D'après les réponses qu'elle a données à la pièce R-2, un questionnaire sur la détermination du statut de résidence, l'appelante a maintenu des liens personnels étroits avec le Canada et, évidemment, en tant que citoyenne, elle a le droit de rester et de travailler au Canada comme il lui plaît, alors qu'aux États-Unis elle doit renouveler tous les six mois son statut d'immigrante. Il n'existe, à mon avis, aucune raison importante de douter qu'elle est demeurée résidente du Canada pour l'application des lois et des traités fiscaux pendant la durée de son emploi aux États-Unis, soit entre les mois de février et de décembre 1996. Son représentant affirme toutefois que le libellé de l'article 15 de la Convention s'applique et que l'appelante est donc soustraite à l'impôt au Canada.

[4] La partie pertinente de la disposition en question est reproduite ci-après :

ARTICLE XV

[...] les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet État, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre État contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre État.

Nonobstant les dispositions du paragraphe 1, les rémunérations qu'un résident d'un État contractant reçoit au titre d'un emploi salarié exercé dans l'autre État contractant au cours d'une année civile ne sont imposables que dans le premier État:

a) Si ces rémunérations n'excèdent pas dix mille dollars ($10,000) en monnaie de cet autre État; [...]

[5] Si je comprends bien l'argument de M. Sanchez, la réserve selon laquelle le revenu n'est imposable que dans le premier État mentionné s'il n'excède pas 10 000 $ exempte son épouse de l'obligation de payer de l'impôt dans ce premier État mentionné (en l'occurrence, le Canada) parce que le revenu qu'elle a reçu aux États-Unis excédait 10 000 $. En fait, cette disposition doit plutôt être interprétée de la façon suivante : en tant que résidente du Canada, l'appelante est assujettie à l'impôt sur son revenu de toutes provenances. L'article 15 de la Convention l'exempterait de l'impôt aux États-Unis si ce n'était la réserve énoncée à l'alinéa 2a). Par conséquent, du fait que la rémunération qu'elle a reçue aux États-Unis dans l'année excédait 10 000 $ U.S., les États-Unis avaient eux aussi le droit d'imposer l'appelante en 1996, comme ils l'ont fait.

[6] M. Sanchez soutient très justement que son épouse a le droit d'être protégée contre la double imposition de son revenu et, de fait, c'est là l'objet de l'article 24 de la Convention. Ses dispositions qui visent à protéger contre la double imposition du revenu prennent la forme d'un crédit pour impôt étranger. Dans la présente affaire, le ministre du Revenu national ne conteste pas que l'appelante a payé de l'impôt aux États-Unis, plus particulièrement le montant de 10 126,63 $, que le ministre a converti en dollars canadiens à raison de 1,30 $ CAN pour chaque dollar américain, afin d'obtenir l'équivalent de l'impôt américain payé, soit 13 164,62 $ CAN, pour l'application du crédit pour impôt étranger auquel l'appelante a droit. Ce crédit lui est accordé dans la cotisation visée par l'appel, et l'appelante échoue donc sur cette question.

[7] La question suivante soulevée par M. Sanchez concerne une déduction de 928,07 $ au titre des frais de déménagement engagés par l'appelante pour quitter Mississauga et s'installer en Floride afin d'y occuper un emploi. Au paragraphe 13 de sa réponse à l'avis d'appel, l'intimée concède que l'appelante avait droit à cette déduction dans le calcul de son revenu imposable.

[8] La troisième question en litige porte sur une déduction de 25 080 $ faite par l'appelante dans sa déclaration de revenus au titre de ce qu'elle appelle des frais relatifs à un emploi. Nous avons pu apprendre, par le témoignage de l'appelante, que le montant de cette déduction était composé d'éléments comme les primes d'une assurance-maladie souscrite par l'appelante aux États-Unis, le coût d'un permis de travail et le coût de son renouvellement à l'occasion aux États-Unis ainsi que le coût de billets d'avion pour les allers et retours entre la Floride et Toronto, parce que l'appelante devait quitter les États-Unis et y retourner pour régulariser son droit, aux termes des lois américaines en matière d'immigration, de travailler dans ce pays. Les frais de location d'un logement et le coût des services publics dans ce logement en Floride, les dépenses liées aux déplacements de l'appelante entre son lieu de résidence et son lieu de travail en Floride et le coût des repas consommés à son lieu de travail en Floride ou près de ce lieu font aussi partie du montant en question. Un autre montant a été déduit relativement aux uniformes et aux chaussures que l'appelante devait porter au travail et qui, d'après ce que le représentant de celle-ci a affirmé au cours de son témoignage, était d'environ 500 $. Cependant, il n'a pu donner aucun détail ni produire de reçu. Tous ces éléments, à l'exception peut-être de l'uniforme et des chaussures, sont des frais personnels dont la déduction est interdite à l'alinéa 18(1)h) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En ce qui concerne l'uniforme et les chaussures, la preuve n'a pas permis d'établir que l'appelante était obligée de porter des chaussures ou un uniforme particuliers ou qu'elle a dépensé une somme d'argent à cet égard. En conséquence, l'appelante échoue sur cette question.

[9] La question suivante concerne la déduction du revenu de l'appelante, pour arriver à son revenu net, du montant de 9 862,80 $ US qui, au taux de 1,30 $, donne 12 821,64 $ CAN, c'est-à-dire l'impôt qu'elle a payé aux États-Unis. En réalité, l'appelante cherche à faire déduire le montant de l'impôt payé aux États-Unis pour arriver à son revenu net et, ensuite, à faire imputer ce même impôt à son impôt payable au Canada à titre de crédit pour impôt étranger. La Loi de l'impôt sur le revenu ne contient aucune disposition à cet effet, et je n'accepte pas la thèse du représentant de l'appelante selon laquelle elle doit obtenir gain de cause à cet égard par souci d'équité. La Convention prévoit ceci à titre de traitement équitable : aux fins de l'établissement de l'impôt qu'elle doit payer ici, l'appelante doit obtenir un crédit au titre de l'impôt payé aux États-Unis, ce qu'elle a évidemment obtenu. Un résident canadien qui vit et travaille au Canada ne peut déduire de son revenu total le montant de l'impôt qu'il sera tenu de payer sur son revenu imposable pour arriver à son revenu net. La proposition selon laquelle cet avantage devrait s'appliquer à un résident canadien qui travaille à l'étranger est illogique. L'appel est rejeté sur cette question également.

[10] En définitive, donc, l'appel sera admis, mais seulement dans la mesure nécessaire pour donner suite à la concession faite par l'intimée au paragraphe 13 de la réponse. La cotisation sera déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation en tenant compte du fait que l'appelante a le droit, dans le calcul de son revenu imposable pour l'année d'imposition 1996, de déduire des frais de déménagement de 928,07 $.

Signé à Ottawa, Canada, ce 31e jour de mai 2000.

“ E. A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 13e jour d'octobre 2000.

Isabelle Chénard, réviseure

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