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Date: 20000919

Dossier: 98-2386-IT-G

ENTRE :

KLAUS SUDBRACK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

[1] Les présents appels sont interjetés à l’encontre des cotisations établies à l’égard de l’appelant pour ses années d’imposition 1994 et 1995.

[2] Un certain nombre de questions sont soulevées :

a) Le ministre était-il justifié de n’accorder à l’appelant que 85 p. 100 des frais d’intérêts déduits par ce dernier en ce qui concerne l’argent emprunté pour la rénovation d’une maison qui devait être utilisée comme auberge de campagne?

b) Le ministre était-il justifié de limiter les pertes de l’appelant découlant de l’exploitation de l’auberge de campagne au motif que toute l’auberge était un établissement domestique autonome au sens du paragraphe 18(12) et de l’article 248 de la Loi de l’impôt sur le revenu, et que la partie commerciale du bien était un espace de travail à l’intérieur de cet établissement domestique autonome?

c) Le ministre était-il justifié de refuser la demande de l’appelant de crédits d’impôt à l’investissement (CII) au motif que la cuisine qui a été ajoutée à l’auberge ne constituait pas un bien admissible au sens du paragraphe 127(9) de la Loi parce qu’elle n’était pas un bâtiment ni une machine ou du matériel que l’appelant comptait utiliser principalement à des fins de fabrication ou de transformation de marchandises à vendre ou à louer?

d) L’appelant a-t-il droit à une déduction pour amortissement au motif que le coût de rénovation de la maison, y compris l’ajout de la cuisine, comprenant le bâtiment (catégorie 1) et le matériel (catégorie 8), tel qu’il a été déclaré par l’appelant, était de 200 473,63 $ ou, tel qu’il a été calculé par le ministre, était de 170 402,59 $ au motif que l'auberge était utilisée à p. 100 à des fins commerciales et à 15 p. 100 à des fins personnelles, au sens de l’alinéa 13(7)c) de la Loi?

e) Les pertes déclarées devraient-elles être allouées à l’appelant et à sa conjointe Petra à parts égales au motif que l’appelant et sa conjointe étaient associés?

[3] Selon l’avis d’appel, l’appelant a acheté une grande maison ancienne en 1991 et l’a déménagée en bordure de Little Shemogue Harbour, au Nouveau-Brunswick. Cette allégation est niée. La maison a été acquise et déménagée comme il a été déclaré, mais le titre était détenu par la conjointe de l’appelant, Petra. Rien n’indique qu’elle la détenait en fiducie pour l’appelant.

[4] Bien qu’il existe des éléments de preuve contradictoires sur ce point, je considère comme avéré que l’intention principale était de transformer le bien en un établissement touristique, en particulier en un hôtel privé (Gasthaus) ou en une maison de campagne connue sous le nom de The Little Shemogue Country Inn, qui offrirait des repas et un hébergement pour la nuit.

[5] Des rénovations importantes ont été effectuées sur la maison. Cinq chambres à coucher avec salle de bain ont été installées pour les pensionnaires. Une nouvelle cuisine a été ajoutée ainsi que trois salles à manger. Une aire habitable privée a été aménagée pour M. et Mme Sudbrack composée d’une chambre à coucher, d’une salle de séjour, d’une salle de bain et de deux chambres à coucher au grenier pour leurs filles. Il est reconnu que cette surface occupe environ 15 p. 100 de la maison.

[6] La construction de la cuisine, qui était un ajout à la maison et qui composait environ 17 p. 100 de toute la surface, a coûté 29 432 $. M. Sudbrack a déclaré que, de ce montant, plus de 20 000 $ se rapportait à du matériel (catégorie 8). En contre-interrogatoire, toutefois, il a admis qu’une partie considérablement plus importante était attribuable à la construction du bâtiment (catégorie 1).

[7] Je vais maintenant me pencher sur l’examen de chacune des questions.

[8] L’appelant a emprunté 100 000 $ de la Banque de Montréal afin d’effectuer les rénovations. Une partie de la surface, 15 p. 100, constituait l’aire habitable privée de M. et Mme Sudbrack. L’avocat de l’appelant a soutenu que pour des raisons de sécurité, M. et Mme Sudbrack devaient vivre sur les lieux. En outre, il s’agissait apparemment d’une exigence de la loi provinciale.

[9] J’accepte que M. et Mme Sudbrack vivaient à The Little Shemogue Country Inn pour des raisons pratiques, économiques et juridiques. S’ensuit-il que tous les coûts de rénovation, y compris l’intérêt sur l’argent emprunté, sont attribuables à l’entreprise qui était exploitée? Il arrive fréquemment qu’une personne occupe un espace qui est contigu à la surface où l’entreprise de cette personne est exploitée. Un professionnel par exemple, comme un médecin ou un avocat, peut exercer sa profession dans une partie de sa résidence. En l’espèce, l'obligation d'avoir à vivre à l’auberge est beaucoup plus contraignante que dans le cas du médecin ou du dentiste qui pratique dans sa maison. Néanmoins, en l’espèce, il y a une aire habitable séparée pour la famille et, peu importe quelles ont été les raisons pratiques ou juridiques qui ont obligé les Sudbrack à vivre à l’auberge, ils devaient vivre quelque part et je ne crois pas qu’il a été déraisonnable de la part du ministre d’allouer 15 p. 100 des frais d’intérêt à une utilisation personnelle. Le paragraphe 4(1) de la Loi exige une allocation raisonnable des déductions de sources particulières, et une allocation basée sur la surface d’une aire habitable personnelle m’apparaît être raisonnable. Cela dispose de la question de fait.

[10] Les questions juridiques soulevées par l’avocat de l’appelant sont un peu plus complexes. L’avocat renvoie au libellé des sous-alinéas 20(1)c)(i) et (ii) :

c) [...] une somme payée au cours de l'année ou payable pour l'année [...] en exécution d'une obligation légale de verser des intérêts sur :

(i) de l'argent emprunté et utilisé en vue de tirer un revenu d'une entreprise ou d'un bien [...]

(ii) une somme payable pour un bien acquis en vue d'en tirer un revenu ou de tirer un revenu d'une entreprise [...]

[11] Il soutient que, selon ce libellé, en droit, aucune allocation n’est permise ou, en tout état de cause, puisque le logement dans l’auberge était inextricablement lié à l’entreprise, que le montant complet d’intérêts est déductible. J’ai examiné ce dernier argument ci-dessus.

[12] En ce qui concerne la pure question juridique d’interprétation législative, le préambule de l’article 20 comporte les mots suivants :

[...] ou la partie des sommes suivantes qu'il est raisonnable de considérer comme s'y rapportant :

[13] L’avocat compare l’alinéa 20(1)c) à l’alinéa 13(7)c) et fait remarquer que le dernier exige explicitement un calcul au prorata de l’utilisation commerciale et de celle faite à des fins autres que commerciales du bien amortissable.

[14] Le préambule de l’article 20 possède, à mon avis, précisément le même objet et le même effet à l’égard des frais d’intérêt.

[15] J’ai lu l’article de John R. Owen dans la Revue fiscale canadienne (2000, volume 48, numéro 2), “ Subparagraph 20(1)(c)(i): What Is Its Purpose? ” (“ Le sous-alinéa 20(1)c)(i) : quel en est l'objet? ”) Sauf respect, je ne souscris pas à l’idée que cet article appuie l’opinion selon laquelle, lorsque de l’argent emprunté sert à des fins commerciales et à des fins autres que commerciales, le sous-alinéa 20(1)c)(i) ne permet pas de calcul au prorata des deux.

[16] Le ministre a limité les pertes de l’appelant en vertu du paragraphe 18(12). Cette disposition est ainsi formulée :

Malgré les autres dispositions de la présente loi, dans le calcul du revenu d'un particulier tiré d'une entreprise pour une année d'imposition :

a) un montant n'est déductible pour la partie d'un établissement domestique autonome où le particulier réside que si cette partie d'établissement :

(i) soit est son principal lieu d'affaires,

(ii) soit lui sert exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise;

b) si une partie de l'établissement domestique autonome où le particulier réside est son principal lieu d'affaires ou lui sert exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise, le montant déductible pour cette partie d'établissement ne peut dépasser le revenu du particulier tiré de cette entreprise pour l'année, calculé compte non tenu de ce montant et des articles 34.1 et 34.2;

c) tout montant qui, par le seul effet de l'alinéa b), n'est pas déductible pour une partie d'établissement domestique autonome dans le calcul du revenu d'entreprise du particulier pour l'année d'imposition précédente est déductible dans le calcul du revenu d'entreprise du particulier pour l'année, sous réserve des alinéas a) et b).

L’alinéa b) a été modifié en 1995. Avant cela, il était ainsi formulé :

b) si une partie de l'établissement domestique autonome où le particulier réside est son principal lieu d'affaires ou lui sert exclusivement à tirer un revenu d'une entreprise et à rencontrer des clients ou des patients sur une base régulière et continue dans le cadre de l'entreprise, le montant déductible pour cette partie d'établissement ne peut dépasser le revenu du particulier tiré de cette entreprise pour l'année - calculé compte non tenu de ce montant;

[17] Un “ établissement domestique autonome ” est défini à l’article 248 de la manière suivante :

“ établissement domestique autonome ” Habitation, appartement ou autre logement de ce genre dans lequel, en règle générale, une personne prend ses repas et couche.

Dans la version anglaise l’expression “ Self-contained domestic establishment ” est ainsi définie :

"self-contained domestic establishment" means a dwelling-house, apartment or other similar place of residence in which place a person as a general rule sleeps and eats.

[18] La première question est celle de savoir ce qu’est un établissement domestique autonome : l’aire habitable de M. et Mme Sudbrack et leur famille ou l’auberge dans son entier?

[19] Je crois que le meilleur point de vue, selon les faits en l’espèce, est que l’aire habitable distincte de la famille, qui consiste essentiellement en un appartement à l’intérieur de l’auberge, constitue l’établissement domestique autonome. Cela semble être l’approche la plus raisonnable qui est, je crois, plus en accord avec l’objet du paragraphe 18(12). L’avocat de l’appelant a mentionné une décision de la Cour suprême du Canada, Bell c. Ontario (Human Rights Commission) [1971] R.C.S. 756. Cette affaire traitait de la signification de “ logement indépendant ”. Elle n’est pas très utile en l’espèce, car nous sommes confrontés à une définition législative.

[20] Selon la Couronne, l’auberge en entier est l’établissement domestique autonome. L’onglet 17 de la pièce R-1 contient un résumé détaillé des ajustements effectués en vertu du paragraphe 18(12). Il établit une distinction entre les dépenses non liées à l’espace de travail et celles qui y sont liées. Aucune contestation n’est faite du calcul arithmétique si l’hypothèse fondamentale selon laquelle l’établissement domestique autonome est l’auberge en entier et l’“ espace de travail ” à l’intérieur de cet établissement domestique autonome est l’auberge dans son entier est correcte.

[21] À mon avis, l’hypothèse de base est incorrecte. L’établissement domestique autonome est l’appartement de la famille. En outre, si l’auberge en entier est l’“ espace de travail ”, cet espace de travail est le “ principal lieu d’affaires ” du particulier. En conséquence, la proportion de 85 p. 100 de l’auberge où la famille ne vit pas est supprimée de la surface à laquelle la restriction de l’alinéa a) s’applique.

[22] La cuisine, qui avait la fonction double de servir d’espace de cuisine pour la famille et d’espace de cuisine pour le restaurant, et la petite pièce où M. Sudbrack conservait son ordinateur, ses dossiers et le matériel pour les besoins de l’entreprise constituaient l’espace de travail à l’intérieur de l’“ établissement domestique autonome ” (l’appartement de la famille).

[23] En conséquence, les montants de 15 767,39 $ et de 13 302,71 $[1] rejetés pour 1994 et 1995 en vertu du paragraphe 18(12) (l’intimée a reconnu qu’ils pouvaient être reportés à des années subséquentes en vertu du paragraphe 18(12)) devront être réduits. Je ne propose pas d’attaquer ces calculs, mais les montants rejetés devraient être réduits d’au moins 85 p. 100. Si les parties ne peuvent s’entendre sur les chiffres, les montants rejetés en vertu du paragraphe 18(12) devront être réduits de 85 p. 100.

[24] La troisième question concerne les CII. En 1994, l’appelant a déclaré 4 414,77 $ à titre de CII en ce qui concerne le coût de l’ajout de la cuisine et du matériel associé.

[25] La question est celle de savoir si la cuisine et le matériel de cuisine sont des “ biens admissibles ” selon la définition de cette expression au paragraphe 127(9) qui est ainsi formulé en partie :

“ bien admissible ” Relativement à un contribuable, bien (à l'exclusion d'un bien d'un ouvrage approuvé et d'un bien certifié) qui est :

a) soit un bâtiment visé par règlement, dans la mesure où le contribuable l'a acquis après le 23 juin 1975;

b) soit une machine ou du matériel visés par règlement et que le contribuable a acquis après le 23 juin 1975,

qui, avant l'acquisition, n'a été utilisé à aucune fin ni acquis pour être utilisé ou loué à quelque fin que ce soit, et :

c) soit qu'il compte utiliser au Canada principalement à l'une des fins suivantes :

(i) la fabrication ou la transformation de marchandises à vendre ou à louer.

[...]

[26] Selon cette définition, les seules questions sont les suivantes :

a) L’ajout de la cuisine concerne-t-il la construction “ d’un bâtiment [...] qu’il [le contribuable] compte utiliser au Canada principalement [pour] la fabrication ou la transformation de marchandises à vendre ou à louer ”?

b) Le matériel de la cuisine est-il “ une machine ou du matériel [...] qu’il [le contribuable] compte utiliser au Canada principalement [pour] la fabrication ou la transformation de marchandises à vendre ou à louer ”?

[27] Il est établi, je crois, que la préparation de la nourriture pour consommation immédiate constitue de la fabrication ou une transformation de marchandises à vendre; voir l’affaire Burger King Restaurants of Canada Inc. v. R., [1997] 1 C.T.C. 2058; confirmée par [2000] 2 C.T.C. 1.

[28] Cela ne met toutefois pas un terme à la question. La cuisine n’est pas un bâtiment distinct. Elle fait partie de l’auberge et elle compose environ 17 p. 100 de la surface de tout le bâtiment au complet. La Cour d’appel fédérale a décidé, dans l’affaire Burger King Restaurants et dans l’affaire Mother's Pizza Parlour (London) Ltd. et al. v. The Queen, [1988] 2 C.T.C. 197, que, dans le but de déterminer si un bâtiment est utilisé principalement à une fin particulière, il faut comparer le pourcentage d’espace consacré à cette fin à l’espace du bâtiment en entier. Comme la cuisine n'occupe pas près de la moitié de la surface de toute l’auberge, la demande de CII à l’égard de la partie structurelle de la cuisine doit être rejetée.

[29] Le matériel de la cuisine constitue une autre question. Je considère comme avéré que le matériel de préparation de la nourriture et de réfrigération ainsi que tout autre matériel de cuisine respectaient le critère du paragraphe 127(9), et le coût de ce matériel est admissible pour un CII. Le ministre peut déterminer, dans une nouvelle cotisation, la partie du coût qui est attribuable au matériel.

[30] L’appelant a été autorisé à demander la déduction pour amortissement sur seulement 85 p. 100 du coût de l’auberge et des biens meubles au même motif puisque les frais d’intérêt ont été réduits de 15 p. 100. Le même raisonnement s’applique à la demande de déduction pour amortissement en vertu de l’alinéa 13(7)c).

[31] Enfin, j’en arrive à la question de savoir si les pertes découlant de l’entreprise devraient être divisées entre l’appelant et sa conjointe au motif qu’ils étaient associés. La conclusion selon laquelle ils étaient des associés n’est pas difficile à établir. Ils l’étaient de toute évidence. Mme Petra Sudbrack travaillait à plein temps à l’auberge et consacrait une grande partie de son temps à la préparation de repas gastronomiques. Le bien était enregistré à son nom, et rien n’indique qu’elle le détenait en fiducie pour son conjoint. Je crois que la conclusion de fait qui est le plus en accord avec la preuve est que M. et Mme Sudbrack exploitaient l’entreprise de l’auberge en tant qu’associés (“ la relation qui existe entre des personnes qui exercent une entreprise en commun en vue de réaliser un bénéfice ”) et qu’ils détenaient l’auberge comme un bien de la société.

[32] La question la plus difficile est celle de savoir si la Couronne peut soulever l’argument à ce moment-ci, ayant établi une cotisation à l’égard de M. Sudbrack qui le désignait comme le seul associé. Depuis l’affaire M.N.R. v. Pillsbury Holdings Ltd., 64 DTC 5184, on a supposé que la Couronne pouvait soulever des arguments subsidiaires à l’appui d’une cotisation même s’ils n’ont pas été examinés au moment où la cotisation a été établie. Il revient, bien entendu, au ministre d’établir cet argument subsidiaire.

[33] Un doute a été jeté sur cette croyance de longue date par la décision du juge Bastarache dans l’affaire The Queen v. Continental Bank of Canada, 98 DTC 6501 aux pages 6504 et 6505. Dans cette affaire, la Couronne cherchait à avancer devant la Cour suprême du Canada un nouvel argument à l’appui de la cotisation. Le juge Bastarache a conclu qu’elle ne pouvait pas le faire. Il s’agit simplement, je crois, d’une reformulation du principe selon lequel de nouveaux arguments ne peuvent être soulevés devant une cour d’appel qui n’avaient pas d’abord été soulevés au procès. La simple équité procédurale exige qu’une partie ne peut soulever devant une cour d’appel un argument à l’égard duquel l’autre partie n’a pas eu l’occasion de présenter une preuve au procès. En l’espèce, la question relative à la société entre l’appelant et sa conjointe a été soulevée dans la réponse à l’avis d’appel.

[34] Je ne crois pas que le ministre est préclus de soulever ce point. À cet égard, je souscris respectueusement au raisonnement du juge Bonner dans l’affaire Smith Kline Beecham Animal Health Inc. c. Sa Majesté la Reine, 2000 DTC 1526. À la page 1530, il a déclaré :

[14] À mon avis, l'arrêt Continental Bank n'a jamais fait jurisprudence quant à la proposition selon laquelle le ministre serait, dans sa défense relative à un appel contre une cotisation établie après l'expiration du délai prévu au paragraphe 152(4), confiné à un cadre conceptuel, soit le “ fondement de la cotisation ”, ne comprenant que les faits et les dispositions législatives invoqués par le répartiteur. Selon moi, l'arrêt Continental Bank est une application d'une règle de longue date régissant les litiges devant un tribunal d'appel, laquelle règle empêche les plaideurs de soulever en appel des points qui n'avaient pas été soulevés et débattus devant le tribunal de première instance. On ne peut s'attendre qu'une cour d'appel traite d'une nouvelle question en appel basée sur un dossier de preuve déficient du fait que l'on avait omis de soulever cette question et de présenter des éléments de preuve à cet égard. Dans la présente espèce, l'intimée demande une modification bien avant le début du procès. La situation n'est nullement semblable à ce qu'il en était dans l'affaire Continental Bank.

[15] De plus, rien de ce qui est dit dans l'arrêt Continental Bank n'indique que le paragraphe 152(4) influe sur la modification demandée par l'intimée. Le paragraphe 152(4) restreint le droit du ministre d'“ établir des nouvelles cotisations, des cotisations supplémentaires ou des cotisations d'impôt, d'intérêts ou de pénalités [...] ”. La modification maintenant en question ne donnerait pas lieu à une nouvelle cotisation d'impôt. Il s'agit plutôt d'une tentative pour défendre la cotisation d'impôt existante en faisant valoir que, sur la foi des faits déjà plaidés, une responsabilité est imposée par une disposition de la Loi autre que celle qui avait été invoquée par le répartiteur.

[16] Il est depuis longtemps établi en droit que la validité d'une cotisation dépend de l'application de la loi aux faits et non de l'analyse du répartiteur. Il est, je crois, peu probable que l'intention de la cour dans l'affaire Continental Bank, précitée, ait été de renverser des décisions comme Minden et Riendeau, précitées, sans les mentionner. Je suis donc d'avis que rien de ce qui est dit dans l'arrêt Continental Bank ne peut s'appliquer de manière à empêcher le ministre de se fonder sur l'article 245 dans la présente espèce.

[35] Se fondant sur son interprétation du paragraphe 152(9), la Cour d'appel fédérale a confirmé la décision du juge Bonner, mais n'a pas désapprouvé le raisonnement qu'il avait suivi en faisant abstraction de ce paragraphe.

[36] Même si j’avais tort de restreindre le raisonnement de l’affaire Continental Bank au cadre proposé par le juge Bonner, au raisonnement duquel je souscris, le paragraphe 152(9) permettrait à l’intimée de soulever l’argument relatif à la société.

[37] Je crois que ces pertes devraient être divisées entre l’appelant et Mme Sudbrack.

[38] Les appels sont admis et les cotisations sont déférées au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelles cotisations conformément aux présents motifs.

[39] Comme le résultat est partagé, je ne rends aucune ordonnance quant aux frais.

Signé à Ottawa, Canada, ce 19e jour de septembre 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de mars 2001.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Les chiffres contenus à la réponse à l’avis d’appel sont 16 801 $ et 15 037 $. Ils sont corrects et peuvent être rapprochés avec la preuve par l’ajout des montants rejetés en vertu du paragraphe 18(12) aux frais d’intérêt rejetés de 1 033,77 $ et de 1 734,60 $.

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