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Date: 19981027

Dossier: 97-854-UI

ENTRE :

CATHERINE ANN STROUD,

appelante,

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

intimé.

Motifs du jugement

(rendus oralement à l'audience le 2 juillet 1998 à New Glasgow (Nouvelle-Écosse)

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] L'affaire que la Cour doit trancher met en cause Catherine Ann Stroud c. le Ministre du Revenu national. L'appel porte essentiellement sur la question de savoir si l'appelante occupait un emploi assurable du 15 mai au 29 septembre 1995 et du 13 mai au 27 septembre 1996, les périodes pertinentes au cours desquelles elle aurait prétendument été employée par Allan Stroud’s Landscaping and Services, le payeur.

[2] Il ne fait aucun doute que le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a eu raison de conclure qu’il y avait dès le début un lien de dépendance, autrement dit, que les parties étaient liées aux termes de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le ministre a conclu, sur la foi des renseignements dont il disposait, que ce n’était pas un contrat de louage de services qu’auraient conclu entre elles des parties qui n’étaient pas liées.

[3] Catherine Stroud, je dois dire, a été un témoin très honnête; elle était toutefois très nerveuse et elle a donc eu de la difficulté à saisir le sens intrinsèque des mots, des phrases et des questions. Elle avait de la difficulté à s’exprimer et la Cour en tient compte dans l’examen de son témoignage en l’espèce et des déclarations qu’elle a faites au ministre.

[4] L’appelante a essentiellement déclaré qu’elle est allée travailler pour cette entreprise, Allan Stroud's Landscaping and Services, où elle y faisait l’étendage du gravier dans les voies d’accès pour auto, l’application de terre végétale et le placage de gazon. Son mari déchargeait le gravier et elle l’étendait. Elle faisait du placage de gazon quand on lui demandait de le faire, quand quelqu’un appelait. Elle tondait régulièrement les gazons lorsqu’il ne pleuvait pas.

[5] En raison de la nature même de l’entreprise, tout observateur raisonnable conclurait que, du fait des aléas de la température, l’appelante ne pourra pas toujours faire son travail et qu’elle devra probablement rattraper le temps perdu d’une façon ou d’une autre. Cela dit, il ne s’ensuit pas qu’un employeur peut s’appuyer sur ce seul critère pour justifier un salaire fixe plutôt qu’un salaire horaire.

[6] La Cour rejette totalement cette idée. Même quand un salaire est versé, à salaire raisonnable doit correspondre un nombre raisonnable d’heures de travail. De même, le paiement d’un salaire plutôt que d’un taux horaire n’est pas une raison pour ne pas consigner les heures travaillées. Il faut en tenir compte, et c’est ce qu’a fait le ministre.

[7] L’appelante a déclaré qu’elle avait travaillé de 30 à 40 heures par semaine. Elle a ensuite affirmé qu’elle ne faisait pas nécessairement 30 à 40 heures toutes les semaines, qu’elle reprenait les heures manquantes plus tard. Elle a ensuite dit qu’elle n’avait pas été en mesure de reprendre toutes les heures. Son témoignage manquait ainsi complètement de cohérence à certains égards. La Cour n’attribue pas cela au fait qu’elle était malhonnête, mais plutôt au fait qu’elle était incapable de bien comprendre les questions qui lui étaient posées, malgré tous les efforts qu’elle faisait. Elle a toutefois déclaré : “ Il ne me payait pas si je ne travaillais pas. J’ai fait le travail ”.

[8] Si l’on considère l’ensemble de la preuve, il ne fait aucun doute que l’appelante a effectué le genre de travail qu’elle a décrit et que le payeur était convaincu en bout de ligne qu’elle avait effectué le travail qu’il s’attendait raisonnablement qu’elle accomplisse compte tenu des critères qu’il avait fixés pour déterminer le salaire qu’il allait lui verser et la manière dont il allait le lui verser.

[9]L’appelante a reconnu les pièces R-1 et R-2, qui sont ses relevés d’emploi. Ils semblaient parfaitement en règle. Elle a déclaré qu’elle recevait un salaire plutôt qu’une rémunération. La Cour ne fait aucun cas des personnes qui déclarent qu’elles reçoivent un salaire plutôt qu’une rémunération. Le terme utilisé importe peu. La Cour s’intéresse à ce qui est payé et au travail effectué en échange de ce paiement. L’appelante a déclaré qu’elle travaillait 30 heures par semaine environ.

[10] La pièce R-3 a été admise par consentement. C’était la demande de prestations pour 1995, qui semblait indiquer 8 heures par jour, 5 jours par semaine, ou 40 heures par semaine, ce qui, encore une fois, est quelque peu incohérent.

[11] La pièce R-4 admise par consentement était la demande de prestations pour 1996. Elle indiquait 20 heures par semaine à 200 $. Toutefois, lorsqu’on a montré cette pièce à l’appelante, elle a déclaré qu’elle pouvait avoir travaillé plus ou moins de 20 heures par semaine, ce qui n’a fait que rendre une partie de son témoignage encore plus incohérent.

[12] La pièce R-5 est une déclaration faite à D.R.H.C. Il ne semble pas y avoir quoi que ce soit d’inapproprié concernant cette déclaration. On en a fait peu de cas. On a renvoyé l’appelante à la page 4 de cette déclaration où il est dit qu’elle travaillait pour cette entreprise depuis 1992. Elle a toutefois déclaré : “ Je répondais au téléphone pour l’entreprise. Je faisais les dépôts ”. Cela semblait faire partie de son travail. En 1995, elle répondait au téléphone. Elle ne consignait pas ses heures. “ Il travaillait à l’extérieur parfois. ” Elle croyait que son mari avait travaillé à l’extérieur deux semaines ou 10 jours. En bout de ligne, elle avait probablement raison sur ce point.

[13] La pièce R-6 était un questionnaire rempli à l’intention de l’agent des appels. On a renvoyé l’appelante à la question no 4. Elle ne nous apprend pas grand-chose. L’appelante a déclaré qu’elle avait été payée en argent une fois, “ mais c’était inscrit dans son livre ”, pièce R-7, ce qui veut dire qu’elle avait été payée pour le travail qu’elle avait effectué. Il est possible qu’elle ait été payée en argent, mais cela ne s’était pas produit plus de deux fois. Elle ne rédigeait pas de chèque pour l’entreprise. Elle n’avait rien à voir avec l’entreprise.

[14] La pièce R-8 était le livre de paie pour 1995. L’appelante ne savait pas pourquoi elle avait encaissé les chèques le même jour, mais M. Stroud a fourni une explication lors de son témoignage.

[15] M. Theodore Stroud a déclaré dans son témoignage qu’il était le propriétaire de l’entreprise. Il a embauché l’appelante le 15 mai 1994 “ étant donné que je recevais beaucoup d’appels ” (des appels pour du travail d’aménagement paysager). Il avait une entreprise d’excavation et il avait une autre entreprise qui l’amenait à travailler à l’étranger comme sous-entrepreneur. Il recevait tant d’appels qu’il s’est dit qu’il devait lancer une entreprise d’aménagement paysager et de tonte de gazon pour compléter son entreprise d’excavage. Il essayait probablement de dire qu’après les travaux d’excavage les clients l’appelaient pour qu’il fasse l’aménagement paysager. Il a demandé à sa femme si elle voulait commencer à tondre des gazons. Il l’a “ initiée lentement ”, a-t-il dit. Il jugeait préférable de lui verser un salaire. Il n’avait pas à consigner les heures travaillées, mais elle devait faire au moins 20 heures par semaine. C’est ce qui a été convenu dès le début. En raison de la nature des travaux à exécuter, elle devait travailler un minimum de 20 heures par semaine, quel que soit le moment où elle effectuait le travail.

[16] Que ce fût en trois jours, pour cause de pluie, ou en cinq jours, elle devait faire ce nombre d’heures pour exécuter les contrats qu’il avait obtenus. Elle faisait le travail. On lui a demandé pourquoi il lui avait accordé une augmentation de salaire et il a déclaré qu’elle gagnait le salaire moyen en vigueur dans l’industrie au cours des périodes pertinentes. Il n’a pas travaillé à l’extérieur pendant la saison de 1995.

[17] Au moment où elle a commencé à travailler, il lui a dit : “ Tu vas faire le travail. Je ne te paierai pas pour le travail qui n’aura pas été fait ”. Elle a dit qu’elle était d’accord. “ Elle a fait un excellent travail pour moi ”, a-t-il déclaré, en parlant de son entreprise.

[18] Au cours du contre-interrogatoire, on a fait remarquer que la pièce R-5 contenait une erreur. Au lieu de 8 $, on aurait dû lire 7 $. M. Stroud a déclaré que le salaire de Mme Stroud à l’époque était basé sur un minimum de 25 heures.

[19] La pièce R-9 était la déclaration de revenus du “ payeur ”, qui a été produite par consentement. On l’a renvoyé à la page 4 de la réponse et il a déclaré qu’il croyait que c’était exact, que c’était bien le revenu tiré de son entreprise de 1992 à 1996. Il a déclaré qu’il avait inclus la totalité de son revenu et que les renseignements fournis à la page 4 de la réponse englobaient le revenu de toutes sources de son entreprise, y compris le revenu gagné à l’étranger qui, a-t-il dit, était versé au nom de l’entreprise plutôt qu’en son nom propre. Ses T4 étaient rédigés au nom de l’entreprise. L’aménagement paysager ne constituait qu’une partie de son entreprise.

[20] Il a fini par convenir qu’il avait probablement travaillé 10 jours à l’extérieur du Canada entre les mois d’août et de septembre 1995. L’entreprise avait toutefois continué de fonctionner. L’appelante devait s’occuper de tondre les gazons. “ Elle avait les contrats. Elle savait ce qu’elle avait à faire. ” Il l’avait formée et il s'attendait à ce qu'elle continue d’effectuer son travail.

[21] On s’est quelque peu interrogé au sujet de l’expression “ emploi continu à l’étranger ” sur le certificat pour le crédit d’impôt, mais ce n’était pas une question réellement pertinente en l’espèce. Il est évident qu’il n’était pas à l’extérieur du Canada pendant toute cette période.

[22] La pièce R-10, des renseignements fournis par le propriétaire et le livre de paie pour 1996, a été produite par consentement sous les cotes R-10 et R-11. M. Stroud a déclaré que c’était juste une erreur qu’il avait faite dans le livre, que ce n’était rien d’inapproprié ou d’extraordinaire et qu’il avait simplement effacé le chiffre pour le remplacer par le bon chiffre. Il n’avait pas assez d’argent pour lancer l’entreprise en 1995; c’est pourquoi il a demandé à l’appelante d’accepter deux chèques en même temps. Cela expliquait pourquoi deux chèques avaient été encaissés le même jour. “ C’est la seule fois que c’est arrivé ”, a-t-il dit. “ Ce n’était pas habituel. C’est la seule fois où ça s’est produit. ” Parfois, lorsqu’il avait besoin d’aide temporairement, il engageait quelqu’un d’ailleurs. Même s’il disposait de 30 jours pour acquitter le compte, il payait immédiatement parce qu’“ il voulait effacer la dette de ses livres ”.

Argumentation au nom de l’intimé

[23] Dans son argumentation, l’avocate de l’intimé a déclaré que le ministre avait eu raison de prendre la décision qu’il avait prise ou, du moins, qu’il était raisonnable de déterminer qu’il ne s’agissait pas d’un emploi assurable parce que c’était un emploi exclu. Le ministre avait suffisamment d’information pour prendre la décision qu’il a prise. Une partie des renseignements dont le ministre disposait étaient contradictoires, notamment le nombre d’heures travaillées, le mode de rémunération, le fait que deux chèques avaient été encaissés le même jour. Compte tenu des renseignements dont disposait le ministre, sa décision ne devrait pas être infirmée.

Argumentation au nom de l’appelante

[24] Le représentant de l’appelante a déclaré que le salaire était raisonnable. L’entreprise s’appelait Allan Stroud's Landscaping and Services, elle ne s’appelait pas uniquement Allan Stroud's Landscaping. On ne peut pas tenir compte d’une partie du revenu seulement. Le revenu était le revenu de l’entreprise au Canada et à l’étranger. L’appelante a établi que la décision du ministre devrait être infirmée et que la Cour devrait conclure que c’était un emploi assurable, non pas un emploi exclu.

Analyse et décision

[25]L’appelante doit convaincre la Cour, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle occupait un emploi assurable. Aucune obligation n’incombe au ministre. Il s’agit d’une affaire mettant en cause l’alinéa 3(2)c) et le sous-alinéa 3(2)c)(ii). Par conséquent, la Cour doit adopter une démarche à deux étapes. La Cour doit examiner la décision du ministre en tenant compte de l’information dont il disposait et de l’ensemble des éléments de preuve qui ont été soumis à la Cour et tirer toute inférence raisonnable qu’elle est en droit de tirer.

[26] Je remarque que le ministre, dans sa réponse, a incidemment déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le payeur exploitait à l’année une entreprise d’aménagement paysager et d’entretien de terrains.

[27] C’est une hypothèse que le ministre a formulée, même s’il a été démontré que la partie de l’entreprise relative à l’aménagement paysager n’était pas exploitée à l’année. Il est clair que le “ payeur ” avait une entreprise qui était exploitée à l’année. L’inférence du ministre était de toute évidence incorrecte.

[TRADUCTION]

L’appelante exécutait des tâches essentiellement semblables pour le payeur depuis qu’il avait lancé son entreprise en 1992.

[28] Ce n’est pas totalement vrai. Il y avait une similitude entre les tâches qu’elle effectuait. Ce n’était pas exactement les mêmes, même si cela ressemblait à ce qu’elle faisait auparavant. La ministre a estimé que l’appelante avait reçu des augmentations déraisonnables de 9 % en 1995 et de 14 % en 1996. Cela peut sembler beaucoup, mais quand on jette un coup d’oeil au salaire qui était versé, celui-ci était de 160 $ par semaine, 175 $ par semaine et 200 $ par semaine. Des éléments de preuve ont été produits pour justifier les augmentations et, dans l’ensemble, la Cour est convaincue que les augmentations n’étaient pas déraisonnables.

[29] Le ministre n’avait aucune raison de conclure que le salaire était excessif. Aucun élément de preuve n’a été produit à ce sujet. L’appelante n’a pas reçu de paie de vacances, un élément dont la Cour tient compte. Le ministre a conclu ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le payeur n’a pas inscrit les heures réellement travaillées par l’appelante.

[30] Ce n’est pas totalement exact en ce sens que la preuve soumise à la Cour indiquait que l’employeur de l’appelante comptabilisait les heures travaillées et savait ce que la travailleuse faisait d’après le nombre de contrats qui devaient être exécutés. Elle devait travailler le nombre minimal d’heures établi pour exécuter ces contrats, et elle l’a fait. Ce n’est pas la meilleure façon de consigner les heures, mais, dans les circonstances décrites en l’espèce, la Cour est convaincue que l’appelante a travaillé le nombre minimum d’heures que le payeur exigeait et sur lequel sa rétribution était fondée.

[31] La Cour conclut que les renseignements dont disposait le ministre selon lesquels “ l’appelante recevait le même montant chaque semaine et n’était pas tenue de travailler un nombre minimal d’heures ” étaient erronés. Cela a certainement influé sur la décision du ministre. La Cour conclut que ce n’était pas une bonne conclusion. La preuve contraire fournie par la “ travailleuse ” et le “ payeur ” est acceptée.

[32] L’alinéa k) est ainsi libellé :

[TRADUCTION]

L’entreprise était exploitée dans la résidence du payeur et de l’appelante.

[33] Cela est vrai uniquement dans la mesure où l’appelante et le payeur vivaient à cet endroit. Les éléments de preuve ont permis d’établir avec certitude que ce n’était pas la résidence de l’appelante. Elle vivait à cet endroit, mais elle n’était pas la propriétaire de la résidence. Pour que cela ait quelque importance que ce soit, il faudrait conclure que l’appelante travaillait pour le payeur et l’aidait à assumer une partie des dépenses parce que la maison lui appartenait en partie, alors qu’aucun employé raisonnable n’assume quelque partie que ce soit des dépenses de son employeur. Il est clair en espèce que l’appelante n’assumait aucune des dépenses de l’entreprise. Elle n’a pas fourni de services pour lesquels elle n’a pas été payée. Elle n’a pas fourni de bureau à l’employeur. Le téléphone de l’entreprise se trouvait dans la résidence, qui appartenait au payeur. Le seul point défavorable était que l’appelante utilisait le téléphone pour ses appels personnels.

[34] En ce qui a trait à l’alinéa m), les pertes de l’entreprise, la Cour conclut que le ministre a accordé trop d’importance à cet aspect de l’entreprise. Compte tenu des explications données à la Cour, il semble qu’il aurait été raisonnable de conclure qu’en 1994 et en 1995 il y avait eu un bénéfice. Il y avait eu une perte 1996. Dans toutes les années, le payeur semble avoir tenu compte de la totalité du revenu tiré de son entreprise. En l’instance, la Cour est d’avis que l’entreprise du payeur n’était pas uniquement l’entreprise d’aménagement paysager. Il serait injuste d’isoler l’entreprise d’aménagement paysager pour laquelle le payeur a retenu les services de l’appelante et de ne pas inclure le revenu tiré de la totalité de l’entreprise de l’employeur. Le ministre a de toute évidence conclu qu’il n’était pas raisonnable de retenir les services de la travailleuse au cours des périodes en litige parce que la partie de l’entreprise relative à l’aménagement paysager n’était pas profitable.

[35] Il n’était pas raisonnable pour le ministre de tirer une telle conclusion. Il aurait dû tenir compte de la totalité de l’entreprise, plutôt que d’une partie de celle-ci seulement.

[36] À l’alinéa n), le ministre a conclu, à l’encontre de l’appelante, que le payeur avait inclus le revenu qu’il avait reçu à l’étranger. Mais ce revenu faisait partie du revenu d’entreprise. Pourtant, le ministre a déduit ce revenu du revenu d’entreprise alors qu’il n’aurait pas dû le faire de sorte qu’il s’est retrouvé avec une image faussée de la situation.

[37] La Cour conclut qu’il n’était pas raisonnable pour le ministre de conclure comme il l’a fait à l’alinéa o) qu’il y avait une perte nette parce qu’il n’a pas pris en compte la totalité du revenu de l’entreprise.

[38] À l’alinéa p) il est dit :

[TRADUCTION]

La rémunération versée à l’appelante par le payeur restait dans le ménage du payeur.

[39] Cela contredisait totalement la preuve. Elle peut être restée dans le ménage en ce sens que l’appelante faisait partie du ménage et qu’elle était payée. Mais c’est comme toute autre situation où les deux conjoints travaillent. Aucune preuve n’a été produite selon laquelle la travailleuse versait son salaire dans un compte conjoint. Aucune preuve n’a été produite selon laquelle elle utilisait son argent à d’autres fins que ses fins personnelles.

[40] Le ministre ne pouvait pas raisonnablement tirer la conclusion qu’il a tirée. La Cour estime que l’appelante et le payeur étaient des témoins crédibles.

[41] Le payeur s’exprimait avec aisance et la Cour est convaincue que son témoignage est crédible. Il s’appuyait sur des critères raisonnables pour calculer le salaire versé. La Cour est convaincue que l’appelante a travaillé les heures qu’elle a dit avoir travaillées. Elle travaillait de manière quelque peu sporadique, mais c’était la nature de l’entreprise qui le voulait, et il n’était pas déraisonnable pour elle de travailler de la façon dont elle le faisait dans les circonstances.

[42] Si d’autres éléments de preuve avaient été présentés pour montrer que l’appelante réinvestissait son revenu dans l’entreprise, si la Cour était convaincue qu’elle travaillait quand elle n’était pas payée, qu’elle était payée pour des heures qu’elle n’avait pas travaillées, ou si d’autres éléments de preuve avaient remis en question la crédibilité de son témoignage, les choses auraient peut-être été différentes. De tels éléments de preuve n’ont pas été produits. Le témoignage de la travailleuse et du payeur permet de conclure que l’appelante exerçait un emploi assurable. L’appelante n’a pas été embauchée ou employée parce qu’elle était liée au payeur, et ce n’est pas la raison pour laquelle elle a reçu des augmentations de salaire.

[43] La Cour est convaincue qu’il y avait une bonne raison de lui accorder des augmentations de salaire. Quoique la méthode utilisée par le payeur pour déterminer le salaire était plutôt inorthodoxe, la Cour est convaincue que, méticuleux comme il l’était, le “ payeur ” avait établi des critères raisonnables à ses yeux pour déterminer ce qu’était un salaire raisonnable et qu’il s’y était tenu au fil des années, même s’il a accordé des augmentations en 1994, 1995 et 1996. Le payeur a accordé ces augmentations en s’appuyant sur le salaire qui, savait-il, serait versé à une personne compétente et comparable exécutant le même travail. Au cours de son témoignage, il a déclaré qu’il aurait embauché quelqu’un d’autre pour faire le même travail dans les mêmes circonstances au même taux de salaire. Exception faite des éléments de preuve qui auraient pu rendre la situation suspecte dès le début, la Cour est convaincue qu’un contrat de louage de services semblable aurait été conclu entre des parties non liées. C’était un emploi assurable. Ce n’était pas un emploi exclu. C’était un emploi aux termes d’un contrat de louage de services.

[44] La Cour accueillera l’appel et infirmera le règlement du ministre.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d’octobre 1998.

“ T.E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 11e jour de juin 1999

Mario Lagacé, réviseur

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