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Dossier : 2016-671(GST)I

ENTRE :

MARISA MINEIRO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu le 9 mai 2017, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Réal Favreau


Comparutions :

 

Avocat de l'appelant :

Me René Manfroi

Avocat de l'intimée :

Me Huseyin Akyol

 

JUGEMENT

        L’appel à l’encontre de la cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d’accise dont l’avis est daté du 19 mars 2015 et porte le numéro F-057417 est rejeté conformément aux motifs du jugement ci-joints.

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2017.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


Référence : 2017 CCI 109

Date : 20170616

Dossier : 2016-671(GST)I

ENTRE :

MARISA MINEIRO,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 


MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Favreau

[1]             Il s’agit ici d’un appel à l’encontre d’une cotisation établie en vertu de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15, telle que modifiée (la « LTA »), par le ministre du Revenu du Québec en tant que mandataire du ministre du Revenu national, (ci-après le « ministre ») dont l’avis est daté du 19 mars 2015 et porte le numéro F-057417.

[2]             La cotisation en litige est une cotisation en main-tierce établie en vertu du paragraphe 325(2) de la LTA à l’égard d’un transfert de biens entre la société 9192-9737 Québec Inc. (« 9192 ») et l’appelante, effectué au moyen d’une traite bancaire pour la somme de 15 000 $ datée du 19 décembre 2012. Le montant réclamé à l’appelante s’élève à 2 459,25 $.

[3]             En établissant la cotisation à l’égard de l’appelante, le ministre s’est fondé, entre autres, sur les conclusions et les hypothèses de fait suivantes énoncées au paragraphe 17 de la Réponse à l’avis d’appel :

a)      les faits admis ci-dessus;

b)      le 19 décembre 2012, la société 9192-9737 Québec Inc. a transféré à l’Appelante un montant de 15 000 $ payé par chèque;

c)      au moment du transfert, soit le 19 décembre 2012, la cédante, 9192-9737 Québec Inc., avait un lien de dépendance avec l’Appelante qui est la fille de l’actionnaire de la cédante, Monsieur Joaquim Mineiro;

d)     aucune contrepartie n’a été fournie par l’Appelante à la cédante, la société 9192-9737 Québec Inc. ;

e)      l’Appelante n’a pas déclaré ce montant de 15 000 $ dans sa déclaration de revenu de l’année 2012;

f)       au moment du transfert, soit le 19 décembre 2012, la cédante 9192-9737 Québec Inc. était redevable, d’un montant de 115 062,14 $ en droits, intérêts et pénalités en vertu des lois fiscales, dont un montant de 18 941,18$ en vertu de la partie IX de la LTA représentant 16,46 % de sa dette fiscale totale;

g)      la société 9192-9737 Québec Inc., a transféré un montant de 15 000 $ à l’Appelante, la fille de l’actionnaire, pour aucune considération;

h)      l’avantage reçu par l’appelante suite au transfert est donc de 15 000 $;

i)        le Ministre a donc considéré que l’excédent de la JVM du bien cédé (15 000 $) au moment du transfert sur la JVM de la contrepartie payée (0 $) par l’appelante pour le transfert du bien était de 15 000 $;

j)        l’appelante est donc solidairement tenue de payer le montant dont la cédante (9192-9737 Québec Inc.) est redevable en vertu de la LTA pour sa période de déclaration qui comprend le moment du transfert, incluant les intérêts et les pénalités.

Les questions en litige

[4]             Les questions en litige consistent à déterminer :

a)       si l’appelante est solidairement tenue avec la société 9192 de payer une partie du montant dont cette dernière est redevable en vertu de la LTA au moment du transfert; et

b)       si l’appelante a payé une contrepartie dont la juste valeur marchande à la date du transfert est égale ou supérieure à la juste valeur marchande à la date du transfert du bien transféré.

[5]             L’appelante ne conteste pas :

a)       que la société 9192 avait à la date du transfert une dette fiscale de 18 941,18 $ en vertu de la LTA, représentant 16,46% de sa dette fiscale totale;

b)       qu’elle avait, à la date du transfert, un lien de dépendance avec la société 9192, dû au fait que ladite société était contrôlée par son père; et

c)        qu’elle a effectivement reçu, le 19 décembre 2012, de la société 9192 une traite bancaire de 15 000 $, laquelle traite avait à la date du transfert, une juste valeur marchande de 15 000 $.

Les témoignages

[6]             L’appelante et son père, monsieur Joachim Mineiro, ont témoigné à l’audience à l’effet que le montant de 15 000 $ représentait le remboursement d’un prêt qu’elle avait consenti au bénéfice de son père le 15 mars 2004 et que le prêt a été remboursé en partie via le compte de banque de la société 9192.

[7]             Madame Marisa Mineiro est présentement directrice d’une école primaire dans la région de Montréal.

[8]             Le 14 novembre 2002, madame Mineiro a acquis avec son fiancé, monsieur Paolo Pannunzio, un appartement tenu en copropriété portant le numéro 306, au troisième étage d’un immeuble situé au 7536, boulevard Maurice-Duplessis en ville de Montréal. Le prix payé pour l’appartement était de 125 000 $ auquel se sont ajoutés les ajustements de taxe, les droits de mutation et les frais de notaire. Les acheteurs ont versé un acompte de 20 000 $ et ont contracté le 8 novembre 2002 une hypothèque au montant de 107 100 $ auprès de la Caisse d’économie des Portugais de Montréal. À l’acte de garantie hypothécaire, madame Mineiro a déclaré être célibataire, majeure et ne s’être jamais mariée et de résider au 12 245, rue René Chopin, appartement 5, ville de Montréal. Monsieur Pannunzio a déclaré résider alors au 8122, boulevard Maurice-Duplessis, ville de Montréal.

[9]             L’achat de l’appartement, le 14 novembre 2002, coпncide avec l’année où madame Mineiro a débuté sa carrière en tant qu’enseignante au niveau primaire.

[10]        Au cours de l’année 2003, les propriétaires de l’appartement ont fait effectuer des travaux de rénovation par le père de l’appelante assisté du beau-père de l’appelante. Le père de l’appelante détenait un permis de la Régie du Bâtiment du Québec mais aucun permis de rénovation n’a été obtenu de la municipalité concernée. Les travaux se sont échelonnés sur une période de plus de 12 mois et ont été réalisés à temps perdu surtout les fins de semaine. Les travaux effectués étaient pour la pose de céramique dans la cuisine et la salle de bain, le remplacement de la toilette et d’un robinet, l’amélioration de l’insonorisation et la peinture de l’appartement et le remplacement d’appareils de chauffage et d’éclairage. Le coût de ces travaux n’a pas été déterminé avec exactitude.

[11]        Madame Mineiro et son fiancé devaient se marier au mois de juin 2014 mais le mariage a été annulé dû à la détérioration de leurs relations au cours de l’année 2003, apparemment causée par les problèmes financiers de monsieur Pannunzio. Comme monsieur Pannunzio demandait la moitié de tous les actifs du couple, l’appelante a dû faire appel aux services d’un avocat pour régler les modalités financières de la séparation.

[12]        Pour aider sa fille dans le cadre des négociations, le père de l’appelante a transmis aux copropriétaires de l’appartement une facture pour les travaux de rénovation effectués à l’appartement et a enregistré une hypothèque légale sur l’immeuble pour garantir sa créance.

[13]        La facture est datée du 16 mai 2003 alors que les travaux de rénovation n’étaient pas encore terminés. La facture a été faite par monsieur Joachim Mineiro, faisant affaires sous la raison sociale « Les installations Joe Mineiro ». La facture est pour un montant total de 32 166,51 $ comprenant les taxes, et les services rendus pour les fournitures et la pose de tuiles de céramique, de granit et d’autres accessoires.  Elle comprend également l’achat et le transport des matériaux ainsi que la main d’œuvre pour un total de 238,5 heures au coût de 60 $ de l’heure.

[14]        L’avis de l’hypothèque légale est daté du 9 juin 2003 et porte sur le montant total de la facture de 32 166,51 $ pour les matériaux et les services fournis, laquelle facture n’était toujours pas payée à cette date.

[15]        Les travaux de rénovation furent complétés et l’appartement tenu en copropriété fut vendu en date du 11 mars 2004 au prix de 180 000 $. À l’acte de vente, madame Mineiro a déclaré résider au 7650, rue Suzanne Giroux, appartement 102, ville de Montréal. Le vendeur de l’immeuble, qui est défini à l’acte de vente comme comprenant madame Marisa Mineiro et monsieur Paolo Pannunzio, a fait la déclaration suivante à l’acte de vente :

Le Vendeur déclare que l’immeuble faisant l’objet de la présente vente, est un immeuble occupé principalement à titre résidentiel, qu’il n’a effectué aucune rénovation majeure et qu’il n’a pas réclamé et ne réclamera pas de crédit de taxe sur les intrants et de remboursement de taxe sur les intrants relativement à l’acquisition ou à des améliorations apportées à l’immeuble.

En conséquence, la présente vente est exonérée selon les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise et de la Loi sur la taxe de vente du Québec.

[16]        Lors de son témoignage, l’appelante a affirmé qu’elle n’a jamais habité l’appartement et qu’elle n’a pas déclaré, dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2004, sa part du gain réalisé lors de la vente de l’appartement.

[17]        Le 11 mars 2004, le notaire qui a instrumenté la vente de l’appartement a appliqué le prix d’achat de 180 000 $ au paiement de la commission du Groupe Sutton Synergie de l’Est Inc. (3 450,75 $), au remboursement de l’hypothèque avec la C.P. d’Économie des Portugais de Montréal (104 912,62 $), au remboursement de l’hypothèque légale (32 166,51 $) au paiement des taxes scolaires (310 $), des taxes municipales (840 $) et aux honoraires du notaire (1 066,69 $). Le total des montants ainsi payés s’est élevé à 142 746,57 $. La différence de 37 253,43$ plus les ajustements de 676,06 $, soit un total de 37 929,49 $, ont été versés à l’appelante avec l’accord de monsieur Pannunzio qui a spécifiquement autorisé le notaire à payer en son nom, les sommes ci-dessus détaillées.

[18]        Selon l’appelante, la somme de 32 166,51$ qui a été versée à son père en vertu de l’hypothèque légale, était en réalité un prêt à être remboursé plus tard à sa discrétion lorsqu’il serait en mesure de le faire. L’appelante a toutefois reconnu qu’aucun document ne confirme l’existence d’un tel prêt.

[19]        Le 16 août 2010, l’appelante a fait seule l’acquisition d’une résidence sise au 11 859, 28e avenue à Rivière-des-Prairies. Le prix d’achat de 280 000 $ a été financé au moyen d’une hypothèque de la Banque Nationale du Canada pour un montant correspondant à 100% du prix d’achat. La résidence a été construite dans les années 1980 et avait besoin des rénovations. Le père de l’appelante l’a de nouveau aidé à effectuer les rénovations nécessaires.

[20]        L’appelante a expliqué que la somme de 15 007,50 $ qu’elle a reçue de son père en 2012 a été entièrement appliquée au paiement des travaux de rénovation de cette dernière résidence.

[21]        L’appelante a également expliqué que, le 10 octobre 2010, elle a contracté auprès de la société Citifinancière Canada Inc., une deuxième hypothèque sur cette dernière résidence au montant de 26 279,21 $ afin de rembourser un prêt étudiant de 17 000 $ et de payer les dommages et intérêts résultant du bris avant terme du bail du logement où elle habitait.

[22]        Les revenus nets de l’appelante pour chacune des années 1995 à 2015 ont été mis en preuve. Pour les années 2002 à 2012, ses revenus nets étaient les suivants :

Année

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

 

Revenu net ($)

22 376

22 882

34 857

42 384

36 989

36 637

40 092

47 048

40 363

53 831

53 051

[23]        Monsieur Joachim Mineiro a également témoigné à l’audience et il a expliqué que la somme de 32 166,51 $ qu’il a reçue en remboursement de l’hypothèque légale enregistrée sur l’appartement dont sa fille et son ex-fiancé étaient propriétaires ne lui appartenait pas parce qu’il avait convenu d’effectuer gratuitement les travaux de rénovation et parce qu’elle avait payé à l’aide de sa carte de crédit, le coût des matériaux utilisés pour effectuer les travaux de rénovation. Lorsqu’il a reçu la somme en question en 2004, sa fille lui aurait dit qu’elle n’avait pas besoin de cet argent. Le 15 mars 2004, il a déposé dans le compte de banque de son entreprise individuelle, Les installations Joe Mineiro, 15 000 $ à même la somme reçue de 32 166,51 $ qu’il avait préalablement  déposé dans son compte de banque personnel.

[24]        Le 18 février 2008, monsieur Mineiro a constitué la société 9192-9737 Québec Inc., une société par actions créée en vertu de la partie 1A de la Loi sur les compagnies du Québec dont il est devenu actionnaire avec monsieur Jose Alberto Agostinho. La société 9192-9737 Québec Inc. a débuté ses opérations en 2008 et la date de la fin de son premier exercice financier a été le 30 avril 2009. L’enregistrement de l’entreprise individuelle, Les Installations Joe Mineiro, a été radié le 10 décembre 2008 et monsieur Mineiro a alors cessé de l’utiliser mais ce dernier n’a pas transféré les actifs et les passifs de son entreprise individuelle à la société 9192-9737 Québec Inc.

[25]        Un an après le début de l’exploitation de la société 9192-9737 Québec Inc., monsieur Agostinho a subi un grave accident et s’est retiré des affaires. Monsieur Mineiro a poursuivi seul l’exploitation de la société 9192-9737 Québec Inc. par la suite.

[26]        Lors de son témoignage, monsieur Mineiro a expliqué qu’entre les années 2004 et 2012, il n’a rien remboursé à sa fille. Le seul montant remboursé est la somme de 15 007,50 $, versée le 19 décembre 2012 au moyen d’une traite bancaire tirée sur le compte de banque de la société 9192-9737 Québec Inc.

Le droit applicable

[27]        L’article 325 de la LTA énonce des règles selon lesquelles le cessionnaire d’un bien (l’argent étant assimilable à un bien en vertu du paragraphe 325(5)) peut être redevable des taxes impayées du cédant si les deux parties ont entre elles un lien de dépendance. Le montant dont le cessionnaire peut être redevable est limité à l’excédent de la juste valeur marchande du bien au moment du transfert sur la juste valeur marchande, à ce moment, de la contrepartie payée par le cessionnaire pour le transfert du bien.

[28]        Les paragraphes 325(1), (2) et (5) se lisent comme suit :

La personne qui transfère un bien, directement ou indirectement, par le biais d’une fiducie ou par tout autre moyen, à son époux ou conjoint de fait, ou à un particulier qui l’est devenu depuis, à un particulier de moins de 18 ans ou à une personne avec laquelle elle a un lien de dépendance, est solidairement tenue, avec le cessionnaire, de payer en application de la présente partie le moins élevé des montants suivants :

a)      le résultat du calcul suivant :

A – B

A représente l’excédent éventuel de la juste valeur marchande du bien au moment du transfert sur la juste valeur marchande, à ce moment, de la contrepartie payée par le cessionnaire pour le transfert du bien,

B l’excédent éventuel du montant de la cotisation établie à l’égard du cessionnaire en application du paragraphe 160(2) de la Loi de l’impôt sur le revenu relativement au bien sur la somme payée par le cédant relativement à ce montant;

b)      le total des montants représentant chacun :

(i)    le montant dont le cédant est redevable en vertu de la présente partie pour sa période de déclaration qui comprend le moment du transfert ou pour ses périodes de déclaration antérieures,

(ii)    les intérêts ou les pénalités dont le cédant est redevable à ce moment.

Toutefois, le présent paragraphe ne limite en rien la responsabilité du cédant découlant d’une autre disposition de la présente partie.

Cotisation

325(2) Le ministre peut établir une cotisation à l’égard d’un cessionnaire pour un montant payable en application du présent article. Dès lors, les articles 296 à 311 s’appliquent, compte tenu des adaptations de circonstance.

325(5) Définition de « bien »

Au présent article, l’argent est assimilé à un bien.

Analyse

[29]        Aux fins de la LTA, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré les erreurs, vices de forme ou omissions dans la cotisation ou dans une procédure y afférent (voir le paragraphe 299(4)), laquelle présomption peut être repoussée par le contribuable.

[30]        Le fardeau initial du contribuable consiste à « démolir » la présomption en présentant une preuve prima facie, ce qui a pour effet de renverser le fardeau de la preuve sur l’intimée, qui doit alors réfuter la preuve prima facie et prouver le bien-fondé de la cotisation.

[31]        Dans Stewart c. Canada, [2000] A.C.I. no 53, la Cour canadienne de l’impôt a établi ce qu’est une preuve prima facie en ces termes :

Une preuve prima facie est celle qui est étayée par des éléments de preuve qui créent un tel degré de probabilité en sa faveur que la Cour doit l’accepter si elle y ajoute foi, à moins qu’elle ne soit contredite ou que le contraire ne soit prouvé. Une preuve prima facie n’est pas la même chose qu’une preuve concluante, qui exclut la possibilité que toute conclusion autre que celle établie par cette preuve soit vraie.

[32]        Dans House c. Canada, [2011] A.C.F. no 1220, la Cour d’appel fédérale a reconnu qu’un témoignage crédible peut renverser la présomption de validité d’une cotisation même si les affirmations ne sont pas appuyées par des documents.

[33]        Dans l’arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, madame la juge Claire L’Heureux-Dubé a accepté la preuve basée sur un témoignage clair, non-ébranlé en contre-interrogatoire et offert par un témoin dont la crédibilité n’avait pas été mise en doute, alors qu’aucune preuve contraire n’avait été présentée par le fisc (voir les paragraphes 51 et 91).

[34]        Dans le cas présent, l’appelante a le fardeau de prouver l’existence d’un prêt consenti à son père et le remboursement d’une partie de ce prêt par son père.

[35]        Les affirmations de l’appelante reposent essentiellement sur la foi de son témoignage et de celui de son père, lesquels concordent mais qui ne créent pas un tel degré de probabilité qui permet à la Cour de l’accepter.

[36]        L’affirmation de l’existence d’un prêt consenti par l’appelante en faveur de son père n’est appuyé par aucun document précisant les modalités d’un tel prêt, soit le terme, le taux d’intérêt et le mode de remboursement. L’entente verbale conclue entre l’appelante et son père quant aux travaux de rénovation pourrait tout aussi bien être de la nature d’un don plutôt que d’un prêt.

[37]        Les témoignages de l’appelante et de son père contredisent un acte notarié, soit l’hypothèque légale prise pour garantir le paiement des travaux de rénovation qui est elle-même basée sur une fausse facture. Les travaux de rénovation étaient effectués gratuitement par le père de l’appelante et l’appelante a, selon les faits divulgués par le père de l’appelante, payé à même sa carte de crédit le coût des matériaux utilisés pour effectuer les travaux.

[38]        La facture et l’hypothèque légale faisaient partie d’un stratagème pour protéger l’actif de l’appelante dans le cadre de sa séparation. L’ex-fiancé de l’appelante n’a pas témoigné à l’audience et l’entente de séparation n’a pas été produite en preuve.

[39]        De plus, l’appelante n’a pas obtenu un permis de rénovation de la part de la municipalité concernée pour effectuer les travaux et aucune preuve de paiement par l’appelante du coût des matériaux utilisés à cette fin n’a été produite en cour.

[40]        La crédibilité des témoignages de l’appelante et de son père a été mise en doute lors de l’audience. L’appelante n’a pas rapporté dans sa déclaration de revenu pour l’année d’imposition 2004, le gain ou le profit généré par la vente de l’appartement, même si de son propre aveu, elle n’a jamais habité l’appartement en question. Le père de l’appelante a fait l’objet d’une vérification pour les années d’imposition 2004 à 2007 inclusivement et de nouvelles cotisations furent établies pour chacune de ces années pour des revenus non-déclarés et une pénalité pour négligence flagrante a été imposée vu que la comptabilité de monsieur Mineiro était déficiente à plusieurs égards. Monsieur Mineiro a contesté ces nouvelles cotisations à la Cour du Québec mais ces dernières furent maintenues malgré certains ajustements. De plus, monsieur Mineiro a fourni des informations dans son avis d’opposition qui vont à l’encontre des nouvelles cotisations établies pour les années d’imposition 2006 et 2007 et qui sont contradictoires avec les explications fournies à l’audience. Dans l’avis d’opposition, monsieur Mineiro indique ce qui suit :

En 2004, la fille de M. Mineiro à la vente de sa maison, a remboursé la somme de 47 166 $ déposé dans la compagnie et transféré dans son compte personnel, le 15 mars, il a transféré 15 000 $ dans la compagnie et 6 août 13 783 $.

[41]        L’intimée a mis en preuve le relevé de la Caisse d’économie des Portugais en date du 15 mars 2004 montrant un dépôt net de 47 166,51 $ composé d’un chèque de 15 000 $ provenant de l’appelante et d’un chèque du notaire Silvano Gabrielli qui a officialisé la vente de l’appartement de l’appelante au montant de 32 166,51$.

[42]        Le chèque de 15 000 $ provenant de l’appelante semble être le remboursement de la somme de 15 000 $ prêtée par son père pour lui permettre de faire l’acquisition de l’appartement en 2002 même si selon son témoignage, son père ne l’aurait pas aidée pour effectuer l’achat.

[43]        Quoiqu’il en soit, qu’il y ait eu prêt ou non de la part de l’appelante en faveur de son père, le montant de 15 000 $ qui a été transféré à l’appelante le 19 décembre 2012 provenait de la société 9192-9737 Québec Inc. avec qui l’appelante n’avait aucun lien de droit et qui n’existait pas en 2002, 2003 et 2004.

[44]        Monsieur Mineiro a fermé et radié en 2008 son entreprise individuelle, Les installations Joe Mineiro, et a formé la société 9192-9737 Québec Inc. avec un autre actionnaire pour la poursuite de ses activités commerciales en 2009 et les années suivantes. Il n’y a pas eu de transfert d’actif et de passif entre Les installations Joe Mineiro et la société 9192-9737 Québec Inc. Les états financiers de la société 9192-9737 Québec Inc. pour les années 2009 à 2012 ne montrent aucun dû à un actionnaire ou à un administrateur, sauf une somme de 3 700 $ au bilan d’ouverture du 30 avril 2009, une somme de 1 596 $ au 30 avril 2010 et une somme de 4 682 $ au 30 avril 2011.

[45]        Par conséquent, le transfert à la société 9192-9737 Québec Inc. de la dette que monsieur Mineiro pourrait avoir eu envers l’appelante n’a pas été démontrée, ce qui signifie qu’il n’y a pas eu de contrepartie de la part de l’appelante pour le transfert de la somme de 15 000 $ provenant de la société 9192-9737 Québec Inc.

[46]        Finalement, l’intimée a fait la démonstration que l’appelante n’avait pas les ressources financières pour consentir un prêt de 32 166,51$ à son père en 2004. Le revenu net de l’appelante pour les années 2002, 2003 et 2004 n’était que de 22 376 $, 22 882 $ et de 34 857 $ respectivement et son ex-fiancé avait dilapidé une partie importante de l’argent mis de côté dans un compte conjoint pour payer les frais du mariage et effectuer le dépôt pour l’achat de l’appartement où le couple devait habiter.

[47]        En 2012, l’appelante a dû contracter un emprunt hypothécaire de 280 000 $, soit un montant équivalant à 100% du prix d’achat de la résidence de même qu’un emprunt additionnel au montant de 26 279,61$ pour rembourser un prêt étudiant de 17 000 $ et pour payer les dommages et intérêts pour mettre fin avant terme du bail du logement qu’elle occupait.

[48]        Pour toutes ces raisons, l’appel est rejeté

Signé à Ottawa, Canada, ce 16e jour de juin 2017.

« Réal Favreau »

Juge Favreau

 


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 109

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2016-671(GST)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Marisa Mineiro et Sa Majesté la Reine

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 9 mai 2017

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Réal Favreau

DATE DU JUGEMENT :

le 16 juin 2017

COMPARUTIONS :

 

Avocat de l'appelante :

Me René Manfroi

Avocat de l'intimée :

Me Huseyin Akyol

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelante:

Nom :

Me René Manfroi

Cabinet :

 

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 

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