Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date: 19991214

Dossier: 98-1472-IT-I

ENTRE :

GARY PAWLYCHKA,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

LA QUESTION EN LITIGE :

[1] La question en litige consiste à savoir si l’appelant a droit, en vertu des paragraphes 118.2(1) et (2) de la Loi de l’impôt sur le revenu (la “ Loi ”), d’inclure certaines dépenses dans le calcul de ses crédits d’impôt pour frais médicaux pour l’année d’imposition 1996.

LES FAITS :

[2] En 1996, le fils de l’appelant, maintenant âgé de 10 ans, était atteint de polysensibilité chimique. L’appelant a également décrit cette affection comme une hypersensibilité d’origine environnementale. Il a indiqué que Stephen avait des réactions de type allergique à des produits chimiques courants et des problèmes de perception et de mémoire. Selon l’appelant, l’état de son fils était si grave qu’il se heurtait aux meubles et trébuchait sur ses propres pieds. L’état de Stephen s’aggravait à mesure que son organisme absorbait des produits chimiques. Stephen ne va plus à l’école publique; il reçoit un enseignement à la maison, étant donné que l’école est un milieu dans lequel divers types de produits chimiques aggravaient son état.

[3] L’appelant a apporté des modifications à son domicile, engageant des frais de 8 451 $ pour des rénovations. Ces rénovations incluaient le remplacement de certains meubles, dont le lit de Stephen. L’appelant a remplacé les panneaux de particules dans la maison par du chêne, a remplacé le matelas par des futons de coton et a acheté une armature métallique pour le lit. Le coût du lit de remplacement, du matelas et de l’armature s’élevait à 988 $, montant inclus dans la demande de déduction. Il a également enlevé tous les tapis de la maison pour les remplacer par des planchers en bois sans produits chimiques et traité au moyen d’un procédé de cuisson empêchant les effluents gazeux. L’appelant a soutenu qu’aucun meuble compatible avec les problèmes d’allergie particuliers de Stephen n’était disponible au détail. En bref, l’appelant a été obligé, sur la recommandation d’un immunologiste, de modifier toutes les pièces que Stephen utilisait. Comme la maison n’avait que cinq ans, rien ne justifiait ces changements, à part la maladie de son fils. Il a indiqué que la santé de Stephen s'était améliorée de façon remarquable depuis que les transformations avaient été effectuées. Il a également affirmé que l’allergologiste avait soutenu que l'état de Stephen s’améliorerait avec le temps, mais qu’il subirait toujours des manifestations d’intolérance au milieu.

[4] Stephen utilisait également des masques au charbon et l’appelant voudrait ajouter la somme de 43 $ à ce titre dans sa demande de déduction.

ARGUMENTS DE L’APPELANT :

[5] L’appelant cherche à faire entrer les frais de 988 $, de 43 $ et de 8 451 $ décrits ci-haut dans la catégorie des frais médicaux visés par le paragraphe 118.2(2) de la Loi. Plus précisément, il fonde sa demande de déduction sur l'alinéa 118.2(2) l.2), qui désigne les frais médicaux d’un particulier comme étant un montant payé :

pour les frais raisonnables afférents à des rénovations ou transformations apportées à l’habitation du particulier [...] - ne jouissant pas d’un développement physique normal ou ayant un handicap moteur grave et prolongé - pour lui permettre d’avoir accès à son habitation, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne.

[6] Cela s’appliquerait aux frais de 8 451 $. L’appelant soutient que Stephen avait un “ handicap moteur grave et prolongé ” puisqu’il ne pouvait fréquenter l’école ni, sans mobilité normale, habiter les pièces de sa propre maison, jusqu’à ce que les modifications y soient apportées. L'alinéa 118.4(1)a) de la Loi indique qu’une déficience est prolongée si elle dure 12 mois d’affilée ou s’il est raisonnable de s’attendre à ce qu’elle dure au moins 12 mois d’affilée. Selon l’appelant, l’état physique de Stephen a duré une telle période et il fallait s’attendre à ce que cela perdure. Il a étayé l’argument relatif au handicap moteur de Stephen en soulignant les difficultés qu’avait ce dernier à marcher, conséquence de sa chémosensibilité. Il a ensuite souligné que les transformations apportées à son domicile avaient permis à Stephen de se déplacer et d’accomplir les tâches de la vie quotidienne dans l’habitation. Il a finalement mis de l’avant le fait que les rénovations constituent une dépense ponctuelle et qu’aucune autre modification de cette nature n’a été apportée par la suite.

LES ARGUMENTS DE L’INTIMÉE :

[7] L’avocat de l’intimée a soutenu qu’aucune déduction fiscale précise n’était décrite au paragraphe 118.2(1) quant aux lit et matelas et que, par conséquent, cette demande de déduction devait être refusée. Quant aux masques au charbon, l'alinéa 118.2(2)m) se rapporte à des dispositifs ou à de l’équipement destinés à être utilisés par le particulier. Il a fait référence à l’article 5700 du Règlement de l’impôt sur le revenu et, après avoir examiné chacune des inclusions ainsi permises, il a allégué que l’inclusion du montant de 43 $ pour les masques au charbon n’était pas fondée.

[8] Quant à la demande de déduction pour les rénovations au montant de 8 451 $ indiqué plus haut, l’avocat a allégué que, pour se prévaloir de l'alinéa l.2), un particulier doit ne pas jouir d’un développement physique normal, ou doit avoir un handicap moteur grave et prolongé. Selon lui, la preuve ne démontrait pas que ces conditions étaient respectées et, par conséquent, les frais de rénovation ne pouvaient être déduits.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[9] Bien que l'alinéa l.2) se rapporte à un handicap moteur, donc à un handicap qui empêche un particulier d’utiliser ses membres de façon normale, il n’est pas forcément nécessaire de le restreindre à ce sens uniquement. Je considère que l’appelant est crédible et j’accorde foi à ses représentations soutenant que les problèmes aigus que connaissait Stephen constituaient un handicap moteur grave et prolongé. Je le crois également lorsqu’il indique que les transformations ont permis à Stephen d’“ accomplir les tâches de la vie quotidienne ” à son domicile. Je souligne que, dès que l’existence d’un handicap moteur grave et prolongé est prouvée, seule une des trois conditions reste à remplir, soit, comme il est indiqué plus haut, de permettre au patient d’avoir accès à son habitation, de s’y déplacer ou d’y accomplir les tâches de la vie quotidienne.

[10] L’objet de l’article 118.2 est de fournir un allègement fiscal aux personnes ayant un certain état de santé. Comme je l’ai mentionné plus haut, bien que l'alinéa l.2) semble s’appliquer à un certain type manifeste de mobilité réduite, je pense que nous ne devrions pas lui imposer une interprétation aussi restrictive. Dans Johnston v. Her Majesty the Queen, 98 DTC 6169, le juge Létourneau a indiqué à la page 6171, après s’être référé aux propos du juge Bowman, de la C.C.I., dans Radage v. R., [1996] 3 C.T.C. 2510 :

En effet, même si elles ne s’appliquent qu’aux personnes gravement limitées par une déficience, ces dispositions ne doivent pas recevoir une interprétation trop restrictive qui nuirait à l’intention du législateur, voire irait à l’encontre de celle-ci.

[11] Le propos du juge Bowman auxquels il s’était référé sont les suivants :

L’intention du législateur semble être d’accorder un modeste allégement fiscal à ceux et celles qui entrent dans une catégorie relativement restreinte de personnes limitées de façon marquée par une déficience mentale ou physique. L’intention n’est pas d’accorder le crédit à quiconque a une déficience ni de dresser un obstacle impossible à surmonter pour presque toutes les personnes handicapées. On reconnaît manifestement que certaines personnes ayant une déficience ont besoin d’un tel allégement fiscal, et l’intention est que cette disposition profite à de telles personnes.

Pour donner effet à l’intention du législateur, qui est d’accorder à des personnes déficientes un certain allégement qui atténuera jusqu’à un certain point les difficultés accrues avec lesquelles leur déficience les oblige à composer, la disposition doit recevoir une interprétation humaine et compatissante.

[12] Je fais mienne sans hésitation l’opinion de ces deux juges. Par conséquent, l’appel est admis quant à la déduction de 8 451 $ pour les rénovations et les transformations. Néanmoins, je suis d’accord avec l’avocat de l’intimée quant aux deux autres demandes de déduction et, par conséquent, les sommes de 988 $ et de 43 $ ne sont pas admises en tant que frais médicaux.

Signé à Ottawa, ce 14e jour de décembre 1999.

“ R. D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 17e jour de juillet 2000.

Mario Lagacé, réviseur

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