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Date: 20000209

Dossier: 98-3440-IT-I; 98-3471-GST-I

ENTRE :

GORDON E. SMITH,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Margeson, C.C.I.

[1] À l'ouverture du procès, il a été convenu que les deux appels en l'instance seraient entendus ensemble et que la preuve produite dans l'un serait prise en considération dans l'autre si elle était pertinente.

[2] L'appel portant le numéro 98-3440(IT)I est à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) dont l'avis est daté du 1er mai 1997 et porte le numéro 03674. Le ministre y a imposé à l'appelant, au titre des retenues à la source non remises pour l'année d'imposition 1995, le montant de 7 042,15 $, intérêts de 6$ inclus. La cotisation a été établie à l'égard de l'appelant à titre d'administrateur de ECO Superwood B.C. Limited (la “ compagnie ”) en vertu de l'article 227.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) par suite de l'omission de la compagnie de remettre au receveur général les montants retenus conformément à l'article 153 de la Loi.

[3] L'appel portant le numéro 98-3471(GST)I est à l'encontre d'une cotisation établie par le ministre dont l'avis est daté du 15 octobre 1998 et porte le numéro 20969. En vertu des paragraphes 323(1) et (3) de la Loi sur la taxe d'accise (la “ Loi ”), le ministre y a imposé à l'appelant, au titre de la TPS nette, le montant de 17 569,05 $, intérêts de 1 434,14 $ et pénalités de 1 339,78 $ inclus, par suite de l'omission de la compagnie, au moment où l'appelant en était un administrateur, de remettre les montants de taxe nette au receveur général conformément au paragraphe 228(2) de la Loi, avec intérêts et pénalités y afférents.

La preuve

[4] Gordon E. Smith, un enseignant à la retraite, a été élu administrateur de la compagnie en février 1993.

[5] Il a soutenu avoir été élu pour représenter les actionnaires minoritaires. Il a affirmé qu'il n'avait pas été élu administrateur financier et qu'il n'était pas censé participer aux activités quotidiennes de la compagnie. Il s'est informé sur ses fonctions en tant qu'administrateur auprès d'un avocat, qui l'a reporté à la Company's Act et aux fonctions des administrateurs qui y sont énumérées. Il a soutenu finalement que, en tant qu'administrateur, il était tenu d'exercer le degré de soin et d'habileté qu'aurait exercé une personne compétente dans les circonstances.

[6] Insatisfait de la situation dans laquelle se trouvait la compagnie, l'appelant a proposé à la réunion suivante une résolution pour que les sommes dues soient payées d'abord aux travailleurs, puis au gouvernement. Cette résolution a été adoptée. Déjà à cette époque, l'appelant savait que la compagnie éprouvait des difficultés financières. Il savait que les administrateurs songeaient à fusionner avec une autre compagnie. On lui a dit qu'il n'y aurait pas de problème.

[7] Les avocats ne s'occupaient pas très bien de l'entreprise de la compagnie, et l'appelant constatait que les rentrées d'argent se faisaient rares. Les avocats ont demandé des injections de capitaux pour venir en aide à la compagnie, et l'appelant y a lui-même investi un certain montant. Les avocats ont pris des dispositions avec Revenu Canada pour que les montants dus soient payés par versements. L'appelant a cru que Revenu Canada avait accepté ces dispositions. Ils recevaient des rapports à chaque réunion.

[8] Au début du mois de juin 1995, la compagnie éprouvait de graves difficultés financières. L'appelant a alors appris que des montants d'argent n'avaient pas été versés dans le compte de Revenu Canada. Les représentants de la compagnie ont donc rencontré Revenu Canada et ont convenu de verser les montants courants et de faire des efforts pour rembourser l'arriéré. L'appelant croyait que la compagnie allait réussir à obtenir une subvention. Il croyait que Revenu Canada était satisfait de cet arrangement.

[9] La compagnie s'est adressée à des conseillers fiscaux qui l'ont informée qu'elle était admissible à une subvention de 100 000 $, mais, lorsque l'appelant a demandé aux conseillers en question à quelle étape en était la demande, ces derniers lui ont répondu qu'ils n'en avaient pas la moindre idée.

[10] Les fonctionnaires de Revenu Canada ont indiqué à l'appelant qu'ils avaient été informés par les conseillers fiscaux de l'approbation de la demande par l'agent scientifique. L'appelant a alors demandé à Revenu Canada d'effectuer une vérification le plus tôt possible, et il a lui-même fait le nécessaire pour organiser les réunions nécessaires. Il a convenu avec Karen Herle de la rencontrer lors de la vérification de sécurité du bureau de la compagnie. L'appelant a fait en sorte que Mme Herle ait accès à tous les documents dont elle avait besoin pour effectuer la vérification nécessaire. Bien que les conseillers fiscaux aient été présents à la rencontre, ils n'ont rien apporté et n'ont fait qu'ennuyer Mme Herle. L'appelant a fait valoir qu'à la fin de la vérification Mme Herle avait indiqué que la subvention pourrait tourner autour de 90 000 $.

[11] L'appelant a fait le nécessaire pour obtenir l'accord des autres administrateurs et a informé M. Looey, de Revenu Canada, qu'un chèque serait émis prochainement au titre de la subvention. Il a demandé s'il n'était pas possible de soustraire du chèque, avant son émission, le montant des retenues à la source des employés qui n'avait pas été versé. Il a déclaré que M. Looey lui avait indiqué qu'il allait informer le superviseur des comptes de TPS de la situation et lui proposer de retenir lui aussi l'équivalent des montants dus avant l'émission du chèque.

[12] L'appelant s'est reporté à son avis d'appel pour confirmer les renseignements donnés sur la suite des événements.

[13] Il a indiqué qu'une action en justice avait été instituée contre M. Cochran pour récupérer un montant de 60 000 $ appartenant à la compagnie.

[14] L'argent de la compagnie étant utilisé pour poursuivre M. Cochran, aucune somme n'était versée à Revenu Canada. L'appelant a fait valoir que Revenu Canada était partie à l'action en question et que, sur le montant en cause, 35 000 $ avaient été remis au syndic de la faillite, Campbell Saunders, alors que Revenu Canada avait une réclamation de 27 000 $.

[15] L'appelant a déclaré que les autres parties, y compris MM. Gray et Saunders, étaient solidairement responsables avec la compagnie du paiement de la dette. Aucune action n'a été instituée contre ces derniers. De plus, il a fait valoir que le représentant de Revenu Canada avait accepté que Campbell Saunders conserve le montant de 35 000 $ mentionné précédemment.

[16] En contre-interrogatoire, l'appelant a déclaré qu'il détenait une maîtrise mais qu'il n'avait aucune expérience des affaires lorsqu'il était devenu administrateur au mois de février 1993. On lui a alors montré un avis selon lequel il était devenu administrateur le 30 novembre 1993; il a contesté cette information. Il a investi 10 000 $ dans la compagnie.

[17] Il savait, à l'époque où il est devenu administrateur, que la compagnie éprouvait des difficultés. Il savait qu'une proposition concordataire avait été déposée. Il est devenu administrateur pour faire valoir le point de vue des actionnaires minoritaires et pour faire rapport à ceux-ci; ils étaient mécontents de la façon dont la compagnie était gérée.

[18] Après le mois de juin 1995, l'appelant a participé aux efforts entrepris pour sauver la compagnie et l'inscrire à la bourse de Vancouver. Il a essayé de trouver des investisseurs et d'obtenir un crédit d'impôt pour la recherche. Il a pris certaines mesures pour déterminer quelles étaient ses responsabilités en tant qu'administrateur. Il estime avoir exercé une diligence raisonnable. Il a proposé la résolution visant à payer les employés et Revenu Canada. Il a admis qu'il n'avait dressé aucun plan pour payer les montants dus à Revenu Canada. Il ne voyait aucune raison d'ouvrir un compte distinct. Il faisait confiance aux autres. Il ne prenait connaissance que du rapport financier du président de la compagnie. Il n'a jamais pris rendez-vous avec un comptable pour s'assurer que les montants dus à Revenu Canada étaient payés.

[19] À la question de savoir qui était responsable des comptes de TPS, l'appelant a répondu qu'il avait supposé que c'était M. Cochran. Il était sur place. La compagnie lui devait de l'argent. Il retirait un salaire qu'il utilisait en partie pour payer son loyer et ses factures de téléphone et en partie pour acquitter les factures de la compagnie. Il n'était pas cosignataire relativement au compte de la compagnie, et il n'a pas cherché à le devenir.

[20] On lui a demandé si les rapports étaient envoyés et si les procès-verbaux étaient dressés. Il a répondu par l'affirmative. Cependant, lorsqu'on lui a montré la pièce R-1, une lettre que lui avait adressée l'un des administrateurs, Lim Lang, en date du 1er juillet 1994, il a dû admettre que M. Lang disait le contraire.

[21] À la question de savoir s'il était au courant que les paiements à Revenu Canada n'étaient pas à jour à ce moment-là, il a répondu par la négative. La lettre susmentionnée faisait état également du prêt de 10 000 $ à Thane Cochran, mais l'appelant a indiqué que ce prêt avait été consenti avant qu'il devienne administrateur.

[22] Il a répété qu'il ignorait que la compagnie avait un solde impayé au titre des retenues à la source. Il a déclaré que celles-ci étaient effectuées toutes les deux semaines et que des réunions étaient tenues tous les mois. Les administrateurs ont été informés qu'un chèque serait émis pour payer ces retenues. Ils ont cru que Thane et Doug Cochran s'occupaient des remises. L'appelant n'avait aucune raison de croire qu'ils n'en faisaient rien. La compagnie payait les employés et le gros de ses fournisseurs, et elle payait son loyer et ses factures de téléphone.

[23] Le 25 août 1995, Doug Cochran a remis sa démission en tant qu'administrateur et l'appelant a été nommé président du conseil. Il a été élu au conseil d'administration le 2 mars 1993 et il a mentionné que cette date était celle à laquelle les renseignements avaient été remis au ministère concerné.

[24] L'appelant a déclaré qu'une vérification était nécessaire aux fins du crédit d'impôt pour la recherche, et il avait pris des dispositions à cet égard. Il a communiqué pour la première fois avec M. Looey au mois de juin 1995, alors qu'il n'était pas encore président du conseil. Il estimait que la seule façon pour la compagnie de survivre était d'obtenir une subvention de RSDE. C'est ce qu'il a dit à M. Looey, de Revenu Canada, au mois d'août 1995. Il savait que la compagnie avait omis d'effectuer les remises à ce moment-là, et il essayait de remédier à cette situation. Au 25 octobre 1995, il n'avait plus aucun lien avec la compagnie.

[25] À la question de savoir ce qu'il avait fait plus particulièrement pour que la TPS soit payée, l'appelant a répondu qu'il avait proposé la résolution prévoyant le paiement en question. La compagnie a reçu une lettre indiquant que le compte avait été fermé pour le motif qu'elle avait un grand nombre de crédits. L'appelant ignorait que la compagnie avait omis de produire les déclarations de TPS depuis 1993. La compagnie avait un numéro de TPS, et elle a exploité une entreprise même après que le numéro de TPS eut été annulé. L'appelant estimait que les ventes de la compagnie étaient inférieures à 30 000 $ et qu'il n'était donc pas nécessaire que la compagnie soit inscrite. Il estime que le numéro de TPS a été annulé parce que Revenu Canada a cru que la compagnie n'avait pas un chiffre d'affaires suffisamment élevé et qu'elle avait assez de crédits.

[26] À ce sujet, il s'est informé auprès de Thane Cochran, qui lui a dit que le compte avait été fermé et que la compagnie ne devait pas de TPS. Il n'a rien vu d'anormal là-dedans. Il ignorait à combien s'élevait le chiffre d'affaires de la compagnie. Il ne croyait pas qu'ils allaient vendre la compagnie à une grande compagnie américaine. Il savait qu'on lui devait de l'argent. Il n'avait aucune raison de croire que Thane Cochran se paierait en premier au lieu de payer Revenu Canada.

[27] Un montant de 250 000 $ à 300 000 $ était dû à Doug Cochran. Il a exigé le paiement du billet à demande aux alentours du 28 octobre 1995. Il a déclaré qu'il réglerait les comptes non acquittés, dont celui de Revenu Canada. L'appelant a indiqué que, si Revenu Canada avait effectué la vérification en mars 1995 et que le chèque avait été émis, il ne se retrouverait pas devant la Cour. Au cours des mois de juin, juillet et août 1995, il a fait ce qu'il a pu. Doug Cochran a mis sur pied une compagnie semblable. Il ignorait ce qu'il était advenu du reste de l'argent de la subvention. Le 18 juin 1996, la compagnie a fait faillite. Les administrateurs ont convenu à l'issue d'un vote d'utiliser l'argent pour entreprendre des actions en justice. L'appelant n'a pas contesté l'omission de Revenu Canada de produire une preuve de réclamation auprès du syndic à la faillite, mais il avait des doutes au sujet des montants. Il ignore comment Thane Cochran déclarait ses retraits.

[28] L'appelant a tenu pour acquis que le montant qui avait été déduit de la subvention avait servi à payer les retenues à la source non remises. M. Looey lui a dit qu'il ignorait à combien s'élevait le compte de TPS. Il n'a jamais envoyé de démission écrite à titre d'administrateur.

[29] On a montré à l'appelant la pièce A-1, un tableau des montants échus; il n'a pas pu se prononcer sur l'exactitude de cette pièce.

[30] L'appelant a été informé des problèmes au début du printemps de 1995. Il croyait que le compte n'avait pas été réglé pour une période de déclaration seulement. Au mois de septembre, il a dit à M. Looey que la compagnie ne pouvait continuer à effectuer les paiements et qu'elle fermait ses portes.

[31] Doug Cochran a témoigné qu'il était un administrateur de la compagnie au moment de la première proposition concordataire. Il a pris les dispositions nécessaires en ce qui concerne le syndic et la présentation d'une proposition prévoyant le remboursement des créanciers, sans intérêt, en 52 paiements mensuels. Cette proposition a été acceptée et le plan de paiement a été mis en oeuvre. Le syndic a présenté une facture très élevée. On s'est finalement entendu sur une facture de 14 000 $. Au mois de janvier 1996, le témoin a assisté à une réunion convoquée par Campbell Saunders, qui détenait 6 000 $ en fiducie. Cet argent aurait toutefois dû être décaissé tous les six mois. M. Cochran a été poursuivi par Campbell Saunders. L'affaire a été réglée et M. Cochran a accepté de verser 35 000 $ aux créanciers.

[32] M. Cochran a raconté que Revenu Canada était un créancier et qu'il avait déposé une preuve de réclamation auprès de Campbell Saunders. Revenu Canada était partie à l'entente, bien que le ministère se fût opposé à l'offre de règlement antérieure de 30 000 $.

[33] Le témoin a reçu, en tant qu'administrateur de la compagnie, des avis de cotisation relativement aux réclamations dont la Cour est saisie. Il a demandé à voir les documents appuyant les réclamations, comme des documents de travail, mais il n'en a reçu aucun. Il estimait que les cotisations étaient erronées. Il a remis sa démission en tant qu'administrateur au mois d'août 1995, et il n'a eu accès à aucun document depuis.

[34] M. Cochran ignorait comment Campbell Saunders était arrivé aux chiffres qui ont été remis à Revenu Canada. Il estimait que ceux-ci étaient erronés. Il croyait que les chiffres utilisés par Revenu Canada pour calculer les ventes étaient inexacts et que les crédits de taxe sur les intrants étaient erronés. La compagnie a reçu un remboursement pour deux périodes parce que la majorité des ventes étaient effectuées à l'étranger et que des crédits de taxe sur les intrants étaient disponibles. Il ne comprenait pas pourquoi la compagnie devait prétendument verser un montant au titre de la TPS quand elle aurait dû avoir des crédits.

[35] Il a avancé de l'argent précisément aux fins d'effectuer des remises et, parfois, des dépôts dans le compte général. Entre 1992 et 1995, il a avancé 292 000 $ à la compagnie. Il a demandé le remboursement du prêt.

[36] Il a libellé les chèques au titre des retenues et il a cru que celles-ci étaient faites. Déjà au mois de mars, il savait que la subvention de recherche avait été accordée. Lorsqu'il a remis sa démission en tant qu'administrateur, il savait que l'appelant et Revenu Canada négociaient au sujet des retenues à la source. Cela l'avait soulagé. Il a déclaré que l'appelant ne participait pas aux activités quotidiennes de la compagnie.

[37] En contre-interrogatoire, on lui a montré la pièce R-2, une lettre que T. J. (Thane) Cochran, qui était alors président de la compagnie, a envoyée à M. Bruce Cameron, de Revenu Canada. Le témoin a indiqué qu'il avait probablement reçu une copie de cette lettre portant sur les déductions au titre de la TPS et les retenues à la source. Cette lettre est datée du 15 août 1995 et décrit certaines des difficultés de la compagnie en plus de mentionner notamment que la compagnie attendait la confirmation par un vérificateur de Revenu Canada Impôt de la demande de subvention de RSDE. La lettre indique également que la compagnie avait l'intention de verser un montant de 5 000 $ avant la fin du mois d'août 1995, ce qui laissait impayés les intérêts et les pénalités qui avaient été imposés en plus des intérêts supplémentaires qui seraient imposés si d'autres cotisations étaient établies à l'égard de la compagnie. La lettre fait mention également de l'omission de la compagnie de produire des déclarations de TPS et indique que les représentants de la compagnie ont oublié de les produire. Ne recevant plus d'avis, ils ont cessé de produire des déclarations.

[38] Un comptable extérieur avait envoyé au témoin un avis indiquant que le compte avait été fermé et, à ce moment-là, la production de déclarations a cessé. Il a admis qu'il avait examiné toutes les factures, qu'il avait fait des propositions dans le passé en ce qui concerne le paiement de montants d'argent dus à Revenu Canada et qu'il avait fait défaut de payer ceux-ci, bien que de façon non intentionnelle. Il a demandé une brève période de répit afin que des mesures puissent être prises pour résoudre les problèmes, et il a assuré Revenu Canada que cela ne se reproduirait plus.

[39] Le témoin a déclaré que la division de la TPS avait envoyé une lettre indiquant que le compte avait été fermé. Les produits de la compagnie étaient vendus en majorité à l'étranger, et le témoin estimait que le montant de TPS dû serait peu élevé puisqu'il y aurait un solde créditeur. D'après le témoin, la lettre à la pièce R-2 n'était pas une admission qu'un montant était dû au titre de la TPS.

[40] En réinterrogatoire, il a indiqué que la lettre mentionnait uniquement qu'un montant de 5 000 $ serait payé, rien de plus. Il n'y a jamais eu, à ses dires, de changement important au niveau des ventes pouvant nécessiter le paiement de 4 971,43 $ au cours de la période qui a pris fin le 21 septembre 1995.

[41] M. Greg Looey était vérificateur d'impôt sur le revenu et de TPS. Il travaillait pour Revenu Canada depuis le mois de septembre 1991. Il était agent de recouvrement dans le dossier qui nous occupe. La compagnie devait un montant pour la période allant de juillet 1993 à décembre 1995. Il a parlé à l'appelant. (Il a été autorisé à se reporter à ses notes pour se rafraîchir la mémoire.)

[42] Il a déclaré que, le 14 septembre 1995, un montant de 11 599,20 $ était dû. Le versement du mois de juillet était en retard. Entre le mois de novembre 1993 et le mois d'octobre 1995, la compagnie n'a pas produit ses déclarations avec régularité. Le compte était en souffrance. Il n'y avait aucun doute dans son esprit que les montants en question étaient justes. La compagnie n'a pas respecté les modalités de paiement dont elle avait convenu. Le 18 septembre 1995, M. Smith, l'appelant, a dit qu'il allait bientôt devenir le directeur général, qu'il allait savoir à quoi s'en tenir au sujet de la TPS et de la subvention et qu'il allait convenir de modalités concernant le paiement des montants échus. Le 22 septembre 1995, M. Smith a fourni les chiffres pour les mois de juillet et août, mais aucun paiement n'a été effectué. M. Smith a indiqué que le paiement du 1er août ne saurait tarder, mais il n'y a eu aucun versement. Il a indiqué également qu'ils prévoyaient ouvrir un compte distinct pour Revenu Canada.

[43] M. Smith lui a remis les chiffres des remises du mois de septembre et a indiqué que la compagnie devait recevoir une subvention et qu'il s'occupait des déclarations de TPS. Le 5 octobre, le témoin a été informé que la remise du mois de septembre serait effectuée, mais tel n'a pas été le cas. M. Smith a appelé le 13 octobre et lui a dit que la compagnie attendait un montant de 100 000 $ et certains comptes débiteurs, et qu'il allait le rappeler au plus tard le 24 octobre. Le 25 octobre, le témoin a appelé M. Smith, qui lui a dit que Doug Cochran avait saisi les biens de la compagnie. Le témoin a dit à M. Smith qu'il y aurait une vérification afin de déterminer le montant du solde. M. Smith n'a remis personnellement aucun chèque au titre des retenues à la source, dont le montant n'a cessé d'augmenter. Il a fait effectuer la vérification par Gurney-Talyor. Ils ont été informés qu'il y aurait un crédit. Ils ont fait geler le compte de la compagnie et ont pris de l'argent pour couvrir le solde. Ils ne pouvaient conserver l'argent de la subvention de recherche pour couvrir le solde puisque la vérification n'était pas terminée de sorte qu'on ne savait pas s'il y aurait un montant dû.

[44] Gilbert Lowe était examinateur de fiducie pour Revenu Canada. Il travaillait pour Revenu Canada depuis 17 ou 18 ans. Au mois de novembre 1995, il a effectué une seconde vérification de la compagnie en tant que vérificateur des listes de paie. Une vérification a été effectuée par Gurney-Taylor. Il a examiné cette vérification. Le montant échu était de 18 587,20 $. Il a été payé au complet. La seconde vérification a été entreprise en raison de la faillite. Un employé avait aussi déposé une plainte. Il alléguait qu'il avait reçu des paiements et que les retenues à la source n'avaient peut-être pas été faites. La compagnie a produit des feuillets T4 pour l'année d'imposition 1995.

[45] Les registres de la compagnie faisaient état d'un solde impayé de 6 447,11 $. Cela ne signifie pas que la première vérification était erronée. La vérification a été effectuée en novembre et les feuillets T4 ont été produits au mois de février. Le témoin a déclaré qu'il avait dû confirmer chacun des T4 qui avaient été délivrés, et que ceux-ci avaient pu différer des livres de paie. Certains retraits ont également été effectués par Thane Cochran de janvier à juin. Les salaires ont été payés entre janvier et juin. Les registres n'étaient pas bien tenus. Ils étaient peu soignés. Il y a eu un léger rajustement à la hausse de 616,75 $. Le témoin a posé des questions sur les périodes au cours desquelles les employés avaient été payés; d'après lui, ils avaient été payés par la nouvelle compagnie.

[46] En contre-interrogatoire, le témoin a déclaré qu'il avait effectué la vérification en mai 1996. Il ignore qui a produit les T4, mais ceux-ci ont été produits avant la fin du mois de février 1996. Cette vérification a été effectuée en vue de confirmer les T4 et de résoudre la plainte d'un employé; il a remarqué que des paiements avaient été effectués par la nouvelle compagnie pour les employés de l'ancienne compagnie, et il a donc dû effectuer des rajustements. Campbell Saunders lui a dit que son bureau n'avait aucun livre de paie. Le montant qui est dû est le résultat de la seconde vérification. Le montant établi au terme de la première vérification a été acquitté.

[47] En contre-preuve, M. Doug Cochran a déclaré que, le 20 octobre, il avait assumé la direction des employés qui, jusqu'à ce moment-là, avaient été payés par la compagnie. En ce qui le concerne, il repartait en neuf.

[48] Shashi Jaswal était examinatrice et vérificatrice fiscale. Elle travaillait pour Revenu Canada depuis treize ans et demi. Elle a effectué à l'égard de la compagnie une vérification de TPS qui a pris fin en janvier 1996. Le dossier lui a été transmis par la division de la perception. La date d'arrêt de déclaration a été donné par erreur. Aucune déclaration n'a été produite, mais la compagnie a déclaré que le processus était en cours. Si l'avis d'arrêt de déclaration a été donné par erreur, la compagnie aurait dû s'interroger et continuer de percevoir la TPS.

[49] On a montré à Mme Jaswal la pièce R-3, qui a été produite sur consentement. Il s'agit de la vérification de TPS qui a été effectuée en raison de la non-production de déclarations. Elle a additionné les factures pour chaque mois en s'appuyant sur les chiffres figurant dans les registres de la compagnie. Elle a déclaré qu'aucune déclaration n'avait été produite entre le 31 août 1994 et le 31 octobre 1995, et que, selon les livres de la compagnie, un montant de 16 051,91 $ était dû. Il est difficile de comprendre comment il se fait que la compagnie ignorait que la TPS devait être payée. Le gros du rajustement effectué par Mme Jaswal était basé sur des renseignements obtenus auprès de la compagnie.

[50] Mme Jaswal a accordé des crédits de taxe sur les intrants en se fondant sur des montants payés indiqués dans les registres de la compagnie. Elle a accordé le plein montant des crédits de taxe sur les intrants en se fondant sur les dépenses d'exploitation de la compagnie. Celle-ci a reçu tous les crédits auxquels elle avait droit. Mme Jaswal a vérifié également les relevés bancaires, où elle n'a constaté aucun écart susceptible de soulever des questions. Elle a donc cru que les montants étaient exacts. Les résumés ou les factures des ventes permettaient de déterminer le montant de la TPS qui était dû. C'est la seule vérification qui a été faite.

[51] En contre-interrogatoire, Mme Jaswal a confirmé que les chiffres de ventes provenaient du bureau de l'usine. Elle a indiqué que l'appelant était au bureau et que Doug et Thane Cochran s'y trouvaient également. Elle a rencontré quelqu'un d'autre à l'usine également. Une moyenne des crédits de taxe sur les intrants a été établie. Mme Jaswal a examiné les factures pour toute la période et non pas seulement celles se rapportant au mois de septembre et à une partie du mois d'octobre. Elle aurait examiné une période de quinze mois puisque c'était la période que visait la vérification.

[52] Personne n'a dit à Mme Jaswal qu'il y avait des registres au bureau de Campbell Saunders. Elle était alors en possession de tous les renseignements. Les montants étaient dus à l'époque où le compte était toujours actif.

[53] Cosimo Stea s'est reporté à la pièce A-3, qui a été admise sur consentement. Il s'agit d'un relevé des déclarations de TPS de la compagnie pour la période pertinente. Il fait également état d'une déclaration qui a donné lieu à un crédit de 1 237,64 $, lequel a été pris en considération.

[54] Le témoin a déclaré que ce relevé des déclarations de TPS indique le montant total dû par la compagnie en tout temps. Dès le premier jour du mois de novembre 1993, un montant était dû. Il n'est indiqué nulle part dans ce registre qu'aucun montant de TPS n'était dû lorsque la compagnie a fait faillite.

[55] Au cours du réinterrogatoire, le témoin a déclaré que la vérificatrice avait eu accès aux chiffres lorsqu'elle avait effectué sa vérification.

Arguments de l'intimée

[56] L'avocate de l'intimée a fait valoir qu'en l'espèce il s'agissait principalement de déterminer si l'appelant avait fait la preuve d'une diligence raisonnable au sens du paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu et du paragraphe 323(3) de la Loi sur la taxe d'accise. Dans les deux cas, l'appelant n'a pas établi la défense de diligence raisonnable. Toutes les mesures qu'il a prises ne visaient qu'à remédier à la situation seulement et n'ont en rien permis de prévenir l'omission. Il a pris part aux activités en tout temps en tant qu'administrateur interne ou, à tout le moins, à compter du moment où il est devenu président du conseil.

[57] L'avocate a soutenu que, si la Cour en venait à la conclusion qu'il était un administrateur externe, l'appelant savait en tout temps que la compagnie éprouvait de graves difficultés financières et que, même s'il était un administrateur externe, sa responsabilité est demeurée la même que celle d'un administrateur interne en raison des connaissances qu'il avait.

[58] L'avocate a mentionné l'arrêt Soper v. R., [1997] 3 CTC 242, à l'appui de sa thèse.

[59] L'appelant savait dès le début que la compagnie éprouvait des difficultés et que les retenues à la source n'avaient pas été versées. Peut-être n'a-t-il appris qu'en juin 1995 que la compagnie n'avait pas effectué ses remises au titre de la TPS. Il a pu croire que tous les produits étaient exportés, mais le critère prévu dans la disposition en cause n'est pas exclusivement subjectif, comme on l'indique dans l'arrêt Soper, précité.

[60] L'appelant aurait dû être au courant des difficultés. Il avait l'obligation de poser des questions au sujet de la TPS et des retenues à la source et de déterminer si la compagnie était en retard. Un témoin appelé par l'appelant, Doug Cochran, a indiqué qu'il n'y avait eu aucune tentative de dissimuler des renseignements à l'appelant, et que ce dernier n'avait jamais demandé à voir les comptes.

[61] Les registres indiquent que 70 p. 100 des produits étaient vendus au Canada et que les ventes s'élevaient à plus de 300 000 $. Or, aucune déclaration de TPS n'a été produite depuis le mois de novembre 1993.

[62] La vérificatrice a indiqué que la vérification avait été effectuée sur le fondement des registres et des factures de la compagnie et que toute personne raisonnable n'aurait eu aucune difficulté à voir que des montants étaient dus. La pièce A-2 indique que des déclarations devaient être produites, mais, quoi qu'il en soit, cela n'entre pas en ligne de compte.

[63] L'appelant a fait confiance à Thane Cochran pour veiller à ce que les montants soient payés, mais cela n'est pas un argument valable. Même si l'appelant était un administrateur externe, il savait qu'un montant d'argent était dû à Thane Cochran et que ce dernier recevait des fonds de la compagnie pour acquitter le loyer et les dépenses. Il savait également que le comptable ne travaillait plus pour la compagnie. L'appelant n'a pas tenté de vérifier si les comptes de Revenu Canada étaient payés et s'ils étaient à jour. Dans la présente affaire, les faits sont semblables aux actions du contribuable en cause dans l'affaire Dalke v. R., Carswell TaxPartner Cases 1999 — publication no 8, page 1, à la page 10, où la Cour n'était pas convaincue que les actions de l'appelant étaient suffisantes pour établir une défense de diligence raisonnable.

[64] Des circonstances semblables existaient dans l'affaire Hingwing (C.D.) v. Canada, (C.C.I.) [1997] G.S.T.C. 45, où la Cour a conclu qu'il ne suffisait pas de poser des questions et de s'en tenir à cela concernant la situation de la compagnie eu égard aux remises de TPS. La compagnie éprouvait des difficultés financières, ce qui aurait dû amener l'appelant à se préoccuper davantage des remises de TPS car il serait tenu responsable du non-versement de celles-ci.

[65] Dans la présente affaire, l'appelant est un homme intelligent et instruit qui détient une maîtrise; il aurait donc dû se rendre compte qu'il ne suffisait pas de s'en remettre à Thane Cochran, qu'il ne connaissait pas assez bien. Il a tenu pour acquis que la TPS avait été soustraite de la subvention alors que Revenu Canada avait été incapable de retenir l'argent de celle-ci parce qu'il n'y avait pas eu de vérification.

[66] En agissant comme il l'a fait, l'appelant se trouve à avoir délibérément préféré rester dans l'ignorance des faits. Depuis 1995, l'appelant était au courant des difficultés de la compagnie et aurait dû faire en sorte que les montants dus soient acquittés.

[67] De plus, le contribuable ne peut se fonder sur les vérifications effectuées par Revenu Canada pour déterminer si des taxes sont dues ou si des remises ont été effectuées. Les contribuables doivent se fier à leurs propres registres, qu'ils ont en leur possession.

[68] Ainsi que le juge Robertson l'a dit dans l'arrêt Soper v. R., précité, à la page 265 :

[...] Je tiens également à préciser, toutefois, que l'objet du paragraphe 227.1(3) est de prévenir un manquement et non de réparer un manquement après coup (encore que, en pratique, cette disposition devrait aussi produire cet effet).

[69] Dans la présente affaire, le contribuable n'a pris aucune mesure concrète, il n'a établi aucune forme de contrôle et n'a institué aucune forme de vérification pour s'assurer que les remises étaient effectuées. Il n'a jamais demandé au comptable si les remises étaient effectuées. Il n'a mis en place aucun contrôle pour faire en sorte que les paiements soient effectués, ni n'a-t-il ouvert de compte distinct. Il n'a jamais insisté pour être cosignataire des chèques de remises. Il savait que les employés étaient toujours payés et que les fournisseurs étaient payés lorsque cela était nécessaire, mais il n'a rien fait pour que Revenu Canada soit payé.

[70] Il est évident que l'appelant n'a rien fait pour prévenir le manquement, sauf proposer une résolution à l'assemblée des actionnaires pour que les montants soient payés. De toute évidence, cependant, cette résolution est demeurée sans suite.

[71] Au mois d'août 1995, l'appelant savait que M. Cochran allait exiger le paiement de son billet et démissionner, et que la compagnie serait effectivement mise en faillite. Or, l'appelant n'a communiqué avec Revenu Canada que le 14 septembre 1995, le compte était en souffrance pour plus de 11 000 $. L'appelant était au courant ou aurait dû être au courant de l'omission de la compagnie de payer la TPS et d'effectuer les retenues à la source et il aurait dû faire en sorte que celles-ci soient payées.

[72] De plus, une partie des fonds avait déjà été perçue et aurait dû être remise. Ces fonds étaient détenus en fiducie pour Sa Majesté la Reine en application du paragraphe 222(1) de la Loi sur la taxe d'accise.

[73] L'appelant soutient qu'il s'est fondé sur la première vérification, selon laquelle aucun montant d'argent n'était dû, et que, pour cette raison, il ne devrait pas être tenu de payer les retenues à la source. Cependant, il n'y a aucune preuve de cette vérification devant la Cour, qui n'a pas la moindre idée de ce que cette vérification a révélé et ignore si elle était correcte. Quoi qu'il en soit, cela ne constitue pas une défense pour l'appelant.

[74] Si l'on se reporte à l'affaire Drover (A.) v. Canada, Carswell GST Partner, 1999 — publication no 8, page 5, il est clair que l'obligation faite aux administrateurs ne se limite pas seulement à faire en sorte que la TPS qui est calculée soit remise, mais à voir également à ce qu'elle soit bien calculée.

[75] Dans la présente affaire, il ne s'agit pas de déterminer si l'appelant avait suffisamment d'expérience en comptabilité pour cerner le problème. Compte tenu de ses connaissances, il aurait dû se douter que les registres n'étaient pas exacts ou complets au moment de la première vérification. Selon la preuve produite dans la présente affaire, les registres n'étaient pas bien tenus. L'appelant l'aurait constaté s'il avait ne serait-ce qu'examiné les registres.

[76] L'appelant savait que les tâches du comptable avaient été assumées par Thane Cochran et que ce dernier n'avait aucune expérience de la tenue de livres. L'appelant aurait dû retenir les services de quelqu'un qui savait ce qu'il faisait.

[77] Il n'incombe pas à Revenu Canada de vérifier le compte du contribuable pour lui permettre de savoir si les remises sont effectuées ou non. C'est un régime d'auto-cotisation et il revient au contribuable d'assumer ses responsabilités à cet égard.

[78] Même si l'appelant était au courant des résultats de la première vérification, il aurait dû savoir que les choses avaient pu changer depuis. La vérification avait été effectuée sur le fondement des registres de la compagnie.

[79] Si l'appelant estimait que la vérification effectuée par le ministre était incorrecte, il aurait dû appeler M. Cochran ou le comptable à témoigner sur l'inexactitude des renseignements sur lesquels le ministre s'était fondé. Or, il ne l'a pas fait. La différence entre la première et la deuxième vérification tient essentiellement au fait qu'une nouvelle classification des retraits effectués par Thane Cochran a été faite.

[80] L'avocate a fait valoir que l'affaire Fancy v. M.N.R., Carswell TaxPartner Cases, 1999 — publication no 8, a été tranchée avant l'arrêt Soper v. R., précité, et que, compte tenu des faits de cette affaire, elle n'a pas réellement de rapport avec la situation factuelle de la présente affaire.

[81] En l'espèce, l'appelant n'a rien fait pour corriger la situation à temps et, peu importe ce qu'il a fait, c'était trop peu trop tard. L'appelant ne peut se fonder sur la première vérification car il aurait dû savoir qu'elle avait été effectuée sur le fondement de renseignements incomplets.

[82] L'appel devrait être rejeté.

Arguments de l'appelant

[83] En plaidoirie, l'appelant a soutenu que l'appel devait être admis et la cotisation annulée pour trois raisons. D'une part, Revenu Canada n'a pas établi l'omission de la compagnie d'effectuer des remises. D'autre part, des mesures auraient dû être prises pour obtenir le solde dû de Campbell Saunders conformément à l'alinéa 227(5)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui rend le syndic solidairement responsable, avec le payeur, du versement du montant en cause au receveur général, et en vertu des dispositions correspondantes de la Loi sur la taxe d'accise. Enfin, l'appelant a satisfait au critère de la diligence raisonnable aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu et de la Loi sur la taxe d'accise.

[84] L'appelant a fait valoir que, au début de 1996, M. Looey lui avait dit que le montant dû au titre des retenues à la source serait soustrait du crédit d'impôt à la recherche avant que le chèque soit émis, et que tous les montants dus avaient été acquittés. L'appelant a tenu pour acquis que Mme Jaswal avait suivi ses conseils et que le compte de TPS avait lui aussi été acquitté.

[85] L'appelant a appris l'existence des problèmes en 1995, et il a pris des mesures concrètes pour les corriger. Du mois de janvier à la fin du mois de mai 1995, le solde du compte est demeuré positif. L'appelant n'avait aucune raison de croire que les retenues n'étaient pas reçues. L'appelant a exhorté Revenu Canada à présenter une réclamation pour obtenir une partie de la subvention de recherches. Après le mois de juin 1995, des paiements ont été effectués. L'appelant ignorait qu'un montant était encore dû. Il s'efforçait de tenir les paiements à jour. Lorsqu'il a été informé de l'omission, il a réagi. Par suite de ses actions, le montant réclamé au terme de la première vérification a été payé.

[86] Puis, il y a eu une deuxième vérification. L'appelant n'avait aucune raison de croire que la première vérification était incorrecte. Il était fondé à tenir pour acquis que la première vérification était aussi correcte que la deuxième. La seule raison donnée pour expliquer l'écart entre les deux vérifications est qu'il y avait eu des changements depuis la première vérification. M. Looey ne s'est jamais rendu chez Campbell Saunders, mais il s'est fondé sur les registres informatisés de Revenu Canada. Le 26 octobre 1995, la compagnie a cessé de fonctionner. Quelles auraient pu être les changements? L'appelant ne pouvait voir quels changements avaient pu survenir. Il y avait seulement l'affirmation que la première cotisation était inexacte et que la deuxième était exacte.

[87] L'appelant a invoqué le paragraphe 227(5) de la Loi de l'impôt sur le revenu relativement aux paiements par les syndics, et l'article 128 des règles spéciales s'appliquant aux faillites, lequel article a pour effet de rendre le syndic solidairement responsable, avec le payeur, du versement du montant en cause au receveur général.

[88] L'appelant a fait valoir que la cotisation aurait dû être établie à l'encontre de Campbell Saunders, qui détenait 6 000 $ et avait obtenu 35 000 $ dans le cadre d'un règlement hors cour. Ces fonds auraient dû être saisis et utilisés pour payer les dettes. L'appelant a dit qu'il avait exhorté Revenu Canada à présenter une réclamation contre Campbell Saunders car c'était là que se trouvaient les seuls fonds disponibles. Revenu Canada n'en a rien fait. L'appelant a agi conformément aux dispositions de la Loi et, en particulier, conformément au paragraphe 227.1(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dès qu'il a pris connaissance des problèmes, il a réagi. Il ne devrait pas être tenu responsable.

[89] En ce qui concerne la réclamation fondée sur la Loi sur la taxe d'accise, l'appelant a donné trois raisons pour lesquelles son appel devrait être admis.

Revenu Canada n'a pas produit de preuve justifiant le montant réclamé.

Revenu Canada aurait pu recouvrer le montant en question auprès du syndic de la faillite.

L'appelant a agi avec diligence raisonnable.

[90] En novembre 1995, l'appelant a allégué qu'il avait pris des dispositions avec le vérificateur de Revenu Canada pour rencontrer ce dernier aux fins d'une vérification de la compagnie. Il a demandé une copie de la vérification et a demandé à la vérificatrice de présenter une réclamation pour tout montant dû par la compagnie. De plus, la compagnie n'a pas été encouragée à produire des déclarations.

[91] Sur la question du montant dû, l'appelant a fait valoir que, selon son calcul, 11 554,47 $ seulement sont dus, ce qui est inférieur au montant indiqué dans la cotisation. En outre, l'une des autres pièces montre que le montant dû s'élève seulement à 10 316,83 $ en raison d'un crédit supplémentaire de 1 237,64 $. La preuve est insuffisante pour étayer la cotisation de 20 342,97 $.

[92] Revenu Canada aurait pu recouvrer le montant initialement dû et il aurait dû le faire. Il est responsable de cette perte.

[93] L'appelant a déclaré qu'il avait exhorté tout le monde à payer les comptes. Lorsqu'il a rencontré M. Looey pour la dernière fois, il savait que la compagnie allait faire faillite et qu'il y avait suffisamment de fonds pour payer le montant en cause. Il a exhorté Revenu Canada à présenter la réclamation.

[94] Dès qu'il a appris l'existence du montant d'argent disponible, il a prié Revenu Canada de présenter une réclamation au titre de la subvention de RSDE. Il a aussi exhorté le séquestre à effectuer les paiements. Il a agi avec diligence raisonnable. Il a agi conformément aux exigences énoncées dans l'affaire Fancy v. M.N.R., précitée.

[95] L'appelant a souligné qu'il enseignait dans une école secondaire et qu'il n'avait aucune expérience des affaires. Il n'avait jamais été administrateur auparavant. Il était un investisseur. Il était administrateur à des fins de liaison seulement entre les actionnaires majoritaires et les actionnaires minoritaires. Environ quatre des actionnaires détenaient plus des deux tiers des actions de la compagnie.

[96] En ce qui concerne l'argument de l'avocate de l'intimée selon lequel la compagnie avait accordé un prêt sans intérêt de 10 000 $ à M. Cochran, l'appelant a déclaré que ce prêt avait été consenti avant que lui-même devienne administrateur, et qu'il n'avait rien à voir avec celui-ci. Quoi qu'il en soit, ce n'était pas une façon de faire inhabituelle ou injustifiée.

[97] Il a obtenu l'avis d'un avocat en ce qui concerne ses responsabilités. Puis il s'est informé auprès du comptable de la compagnie. Il estimait qu'il n'avait qu'à remplir son rôle d'agent de liaison. Il a aussi présenté une résolution portant que le compte de Revenu Canada soit payé jusqu'au mois d'octobre 1995. Des paiements ont été effectués au titre de l'impôt sur le revenu et non au titre de la TPS car l'appelant n'était pas au courant de ce compte. Lorsqu'il en a appris l'existence, il a fait quelque chose à cet égard. Il aurait démissionné s'il avait su qu'il se retrouverait en cour un jour.

[98] En ce qui concerne le pouvoir de signer les chèques, l'appelant n'en avait aucun. Il n'a pas demandé à détenir ce pouvoir et il n'avait aucune raison de le faire. Il aurait fallu de toute façon obtenir l'approbation du conseil.

[99] La résolution qu'il a présentée au conseil en vue d'effectuer les paiements était un geste concret. Il ne prenait pas part aux activités quotidiennes de la compagnie. Il lui était impossible de savoir que des montants étaient dus tant que cela ne faisait pas un certain temps qu'ils étaient dus, et, dès qu'il a été mis au courant de la situation, il est passé à l'action.

[100] En ce qui concerne l'arrêt Soper v. The Queen, précité, l'appelant se considère comme un administrateur externe. Il n'avait pas à se rendre au bureau du contrôleur pour vérifier si les déductions étaient faites. Il n'avait aucune raison de le faire.

[101] L'appelant a fait valoir qu'une obligation concrète d'agir ne naît que lorsqu'il y a une preuve positive de l'existence de problèmes. Cela n'a pas eu lieu avant juin. L'appelant est alors passé à l'action. Il a rencontré M. Looey, de Revenu Canada, et il a convenu de faire le nécessaire pour que tous les montants soient reçus. M. Looey a déclaré que tous les montants au titre des retenues à la source avaient été payés et qu'il était convaincu qu'aucun montant n'était dû.

[102] Lorsqu'il a appris l'existence de montants impayés au titre de la TPS, l'appelant a présenté une résolution visant à payer les montants à même la subvention. Il a demandé à la représentante de Revenu Canada de présenter une réclamation et a tenu pour acquis qu'elle le ferait. Aucun des représentants de Revenu Canada présents à la réunion sur la faillite ne lui a mentionné qu'il y avait des montants échus. Revenu Canada n'a fait aucune tentative pour réclamer l'argent qui était détenu par M. Gray, le séquestre.

[103] Si la première vérification avait été effectuée correctement, les montants auraient été payés. Il ignorait que M. Cochran ne s'y connaissait pas en tenue de livres lorsqu'il a pris la comptabilité en main, et il a tenu pour acquis qu'il possédait des connaissances en la matière. L'appel est admis.

[104] En contre-preuve, l'avocate de l'intimée a déclaré que les résultats de la vérification effectuée par M. Taylor n'étaient pas soumis à la Cour. Par conséquent, l'argument soulevé par l'appelant n'est pas fondé sur la preuve et ne peut être retenu. Il se peut très bien que les deux vérifications aient été différentes et qu'elles aient été fondées sur des renseignements différents. Les registres ont peut-être semé la confusion puisqu'il y a eu deux vérifications, mais cela ne change rien au fait que les montants étaient dus et qu'il a été démontré qu'ils étaient dus. La vérification a permis de déterminer qu'un montant de 13 000 $ environ était dû, mais ce montant représentait la différence seulement, et non le montant total dû. Cela a peut-être créé une certaine confusion chez l'appelant.

[105] En ce qui concerne l'arrêt Soper v. The Queen, précité, il impose quand même une obligation de diligence raisonnable aux administrateurs. L'appelant en l'espèce n'avait aucune raison de croire que M. Cochran possédait des compétences particulières pour s'acquitter de la tenue de livres.

Analyse et décision

[106] L'appelant a fait valoir que le ministre n'avait pas établi que les montants en question étaient dus au titre tant des retenues à la source que des remises de la TPS.

[107] Dans sa réponse à l'avis d'appel, l'intimée a dressé un tableau des soldes impayés qu'elle réclame. L'intimée a le droit également de se fonder sur les hypothèses contenues dans la réponse. Les hypothèses et l'annexe A n'ont pas été réfutées de façon satisfaisante par l'appelant.

[108] Le témoignage de l'appelant lui-même et celui de Douglas Cochran n'ont pas eu pour effet de réfuter les hypothèses contenues dans la réponse.

[109] La Cour est d'avis que l'appelant aurait dû être en mesure de mettre en doute de façon satisfaisante le fondement de la réclamation en produisant une preuve tirée des registres de la compagnie démontrant que la cotisation établie par le ministre était erronée. Le témoin appelé pour le compte de l'appelant était un dirigeant de la compagnie et, pour l'essentiel, il était chargé des activités quotidiennes de la compagnie. Son témoignage n'a pour tout effet que de donner à entendre que la compagnie ne pouvait pas avoir vendu la quantité de produits nécessaire pour arriver au montant de taxe réclamé par le ministre. Ce témoignage, pris seul ou conjugué à celui de l'appelant, ne convainc pas la Cour que la cotisation du ministre est incorrecte.

[110] La preuve montre clairement que le ministre a établi la cotisation en cause en se fondant sur une vérification des registres de la compagnie. La vérificatrice qui a témoigné l'a confirmé. Il aurait dû être raisonnablement simple pour l'appelant d'appeler à témoigner l'aide-comptable, le séquestre et M. Cochran, et de demander par subpoena la production des registres de la compagnie, notamment les relevés bancaires et autres registres, pour étayer sa thèse selon laquelle la cotisation établie par le ministre était erronée.

[111] La vérificatrice qui a témoigné a non seulement indiqué que la cotisation était fondée sur les renseignements tirés des registres fournis par la compagnie, elle a également dit qu'elle avait vérifié certains relevés bancaires et qu'elle n'avait relevé aucun écart mettant en cause le résultat de la deuxième vérification.

[112] Il est vrai qu'il y avait un écart entre la première et la deuxième vérification, mais cet écart a été suffisamment expliqué et il pourrait très bien tenir au fait que les registres de la compagnie contenaient des renseignements différents pour chacune des deux dates et qu'il y avait eu des changements dans la compagnie entre la première et la deuxième vérification.

[113] De plus, il ne suffit pas que l'appelant allègue simplement qu'il a calculé le montant dû et que celui-ci différait des montants réclamés par le ministre.

[114] La Cour est convaincue que l'argument portant sur l'exactitude du calcul des montants dus ne peut être retenu.

[115] Le deuxième argument est que Revenu Canada aurait pu percevoir les montants dus en instituant des actions contre Campbell Saunders et en procédant à une saisie-arrêt de la subvention de RSDE, et que le ministre aurait dû engager une action contre d'autres personnes pour percevoir le montant dû avant de tenter de le percevoir auprès de l'appelant.

[116] Il va sans dire qu'un administrateur ne peut se soustraire à sa responsabilité à l'égard d'un montant dû par la compagnie dont il est un administrateur en faisant valoir que le ministre aurait dû percevoir le montant en question auprès de quelqu'un d'autre. Si quelqu'un d'autre doit être tenu responsable du paiement des montants dus en l'espèce, il doit être tenu solidairement responsable, comme la loi l'indique. Même si d'autres personnes peuvent être tenues responsables, l'administrateur demeure obligé de payer le montant en cause s'il est jugé responsable. La loi prévoit que l'administrateur qui est tenu de payer un montant peut engager une action contre les autres administrateurs afin d'obtenir un dédommagement, mais cela n'enlève pas à l'appelant sa responsabilité relativement aux montants dus.

[117] En ce qui concerne l'affaire concernant la Loi sur la faillite, le ministre a indiqué dans les actes de procédure qu'il avait produit une preuve de réclamation auprès du syndic, Campbell Saunders Ltd., relativement à la dette de la compagnie, comme il était tenu de le faire. La Cour ne voit rien dans les mesures qu'a prises l'intimée dans le cadre de la procédure de faillite qui prive celle-ci de son droit d'adresser la réclamation à l'appelant comme elle l'a fait en l'espèce.

[118] Cet argument soulevé pour le compte de l'appelant est écarté.

[119] L'appelant a fait valoir en troisième lieu, et c'est là son argument principal, qu'en vertu des deux lois il a agi, en tant qu'administrateur, avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances.

[120] L'arrêt Soper v. R., précité, est l'un des plus récents arrêts dans lequel cette question est examinée. Dans cette affaire, la Cour a clairement énoncé que les administrateurs ne sont pas tous égaux. À la page 255, le juge Robertson, de la Cour d'appel, a dit ceci :

[...] l'administrateur n'a pas besoin de manifester, dans l'exercice de ses fonctions, un degré de compétence et de soin supérieur à ce qu'on peut attendre d'une personne ayant ses connaissances et son expérience. Ainsi, la norme de prudence est partiellement objective (la norme de la personne raisonnable) et partiellement subjective étant donné que la personne raisonnable est définie en fonction des connaissances et de l'expérience de l'intéressé. Il s'agit d'une “ norme objective subjective ” mixte.

En outre, à la page 265, le savant juge dit ceci :

[...] Je tiens également à préciser, toutefois, que l'objet du paragraphe 227.1(3) est de prévenir un manquement et non de réparer un manquement après coup (encore que, en pratique, cette disposition devrait aussi produire cet effet).

Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale analyse ensuite la position d'un administrateur interne et celle d'un administrateur externe. L'administrateur interne, si on peut l'appeler ainsi, peut être celui qui “ prenait part aux affaires de la compagnie à un point tel qu'[il] ne pouvait être inconscient[...] des difficultés financières de celle-ci ”, alors que l'administrateur externe pourrait être considéré comme celui qui “ ne s'occupait nullement des questions financières de la compagnie et n'aurait pu influer sur le cours des événements ”.

[121] Cela ne signifie pas qu'un administrateur externe peut être exonéré dans tous les cas simplement parce qu'il est administrateur externe. Ainsi que le juge Robertson l'a précisé à la page 266 :

À mon avis, l'obligation expresse d'agir prend naissance lorsqu'un administrateur obtient des renseignements ou prend conscience de faits qui pourraient l'amener à conclure que les versements posent, ou pourraient vraisemblablement poser, un problème potentiel. En d'autres termes, il incombe vraiment à l'administrateur externe de prendre des mesures s'il sait, ou aurait dû savoir, que la société pourrait avoir un problème avec les versements. La situation typique dans laquelle un administrateur est, ou aurait dû être, au courant de cette éventualité est celle de la société qui a des difficultés financières.[...]

[122] La Cour est d'avis que même un administrateur externe ne peut demeurer inconscient des difficultés financières ou de la situation de la compagnie même s'il ne s'informe pas de ces difficultés ou même s'il en est inconscient parce qu'il a choisi de ne pas s'informer. De toute évidence, dans un tel cas, l'administrateur peut quand même être tenu responsable, bien que l'administrateur externe ne puisse invoquer comme excuse qu'il a délibérément préféré rester dans l'ignorance de la situation. En outre, l'administrateur externe peut être tenu de prendre des mesures concrètes, comme instaurer des contrôles aux fins des remises, demander des rapports réguliers aux comptables ou aux représentants financiers de la compagnie et obtenir confirmation auprès d'une source extérieure, comme Revenu Canada, à intervalles réguliers, que les retenues sont effectuées conformément à la Loi.

[123] Il n'est pas toujours facile de déterminer si un administrateur est un “ administrateur interne ” ou un “ administrateur externe ”. Cependant, dans la présente affaire, la Cour est convaincue que l'appelant devrait être considéré comme un “ administrateur interne ”. Il était instruit et il détenait une maîtrise, même s'il n'était pas dans les affaires et en dépit du fait que, jusqu'à ce qu'il soit lié à la compagnie, il ne connaissait rien à ce genre d'activités commerciales. Il ne s'agit pas d'un cas où l'appelant n'occupait pas le poste en question en connaissance de cause, ni s'agit-il d'un cas où il est devenu administrateur à son corps défendant (bien qu'il ait indiqué que des pressions avaient peut-être été exercées pour qu'il accepte le poste) et les mesures qu'il a prises pour être nommé administrateur montrent qu'il a agi de son plein gré.

[124] Avant de devenir administrateur, l'appelant s'est renseigné sur les obligations légales d'un administrateur auprès d'un avocat. Il a vérifié les dispositions relatives à la responsabilité d'un administrateur dans la loi. Il a lui-même admis que, lorsqu'il est devenu administrateur au mois de février 1993, il était au courant des difficultés financières qu'éprouvait la compagnie. Lorsqu'il a assisté à la première réunion du conseil d'administration, il s'est renseigné sur les obligations et responsabilités d'un administrateur et il a été autorisé à consulter l'avocat de la compagnie à ce sujet. Il savait qu'un administrateur devait au moins “ agir en tout temps avec autant de soin, de diligence et de compétence que l'aurait fait une personne compétente dans les circonstances ”.

[125] Il aurait, semble-t-il, consulté le dictionnaire pour y trouver certaines définitions du terme utilisé et qu'il a vérifié la loi lui-même. Muni de ces renseignements, il s'est ensuite rendu à la première réunion du conseil d'administration et il a présenté une résolution pour que tout revenu tiré des ventes des produits de la compagnie serve à payer les salaires des employés et à payer au complet les comptes de Revenu Canada. Cette résolution a été adoptée à l'unanimité par les autres administrateurs, mais l'appelant n'a donné aucune indication qu'il avait fait quoi que ce soit pour que l'adoption de la résolution donne lieu à un geste concret. Il n'a présenté aucune résolution visant à ouvrir un compte spécial. Il n'a pris aucune mesure pour vérifier auprès des comptables, de Revenu Canada ou de quiconque dans la compagnie, que des montants d'argent étaient effectivement payés à Revenu Canada, et que les comptes étaient bien à jour.

[126] Il ressort clairement du témoignage même de l'appelant que ce dernier était au courant des problèmes de trésorerie que la compagnie a éprouvés par la suite et en raison desquels les comptes de Revenu Canada sont restés impayés à l'occasion. Il savait qu'un calendrier de remboursement avait été convenu avec Revenu Canada et que certains paiements étaient effectués; de toute évidence, il savait également que les comptes n'étaient pas tenus à jour.

[127] Déjà le 15 août, il était clair, compte tenu de la lettre adressée à Bruce Cameron, de Revenu Canada, par Thane Cochran, que la compagnie éprouvait des difficultés, qu'elle ne respectait pas le calendrier de remboursement et qu'il y avait des soldes impayés au titre de la TPS et des retenues à la source.

[128] Il était au courant des tentatives qui avaient été faites pour obtenir de l'argent pour la compagnie; de fait, il avait injecté des capitaux lui-même. Il savait que la compagnie avait de la difficulté à payer non seulement les montants échus, mais aussi les montants courants.

[129] Déjà, en juin 1995, il avait constaté que la compagnie éprouvait de graves difficultés financières. Il a dit lui-même que la compagnie devait des sommes à Revenu Canada, qui les pressait d'effectuer les paiements. C'est par la suite qu'il a pris des dispositions pour rencontrer des représentants de Revenu Canada afin d'établir un calendrier pour acquitter les montants courants et commencer à payer les montants échus. En dépit du fait qu'il a rencontré M. Looey à plusieurs reprises et dit avoir effectué personnellement des paiements, les comptes n'étaient pas à jour.

[130] Il ne fait aucun doute dans l'esprit de la Cour que l'appelant, ainsi que les autres membres de la compagnie, misaient particulièrement sur la subvention de RSDE pour sortir la compagnie de l'embarras. Or, ni l'appelant ni les autres membres de la compagnie n'ont fait quoi que ce soit pour surveiller les comptes de Revenu Canada malgré le fait que la compagnie poursuivait ses activités, continuait de faire des paiements à ses employés et de payer d'autres comptes courants et qu'elle avait déjà consenti un prêt sans intérêt à l'un de ses dirigeants.

[131] Il est vrai que l'appelant s'est décrit comme un administrateur dont la tâche principale était de faciliter les communications entre les actionnaires minoritaires et les actionnaires majoritaires, mais, aux termes de la loi pertinente, l'administrateur n'a pas qu'un rôle limité et l'appelant ne peut se soustraire à sa responsabilité en soutenant simplement qu'il [TRADUCTION] “ s'occupait des communications seulement et qu'il n'était pas responsable en tant qu'administrateur des autres actions de la compagnie ”.

[132] Dans les circonstances, il est clair que l'appelant doit être considéré comme un administrateur interne au cours de la période pertinente et qu'une norme plus sévère de soin lui est imposée à ce titre pour déterminer s'il a agi raisonnablement compte tenu de toutes les circonstances.

[133] L'appelant a fait valoir qu'en tant qu'administrateur il avait pris des mesures concrètes pour prévenir la perte. Il a présenté la résolution pour que les dettes soient payées, il a demandé à Revenu Canada d'effectuer une vérification, il a tenté d'établir un calendrier de paiements avec Revenu Canada, il a demandé conseil à un fiscaliste pour aider la compagnie à faire une demande de crédit d'impôt pour la recherche et le développement, il a communiqué avec Revenu Canada pour faire effectuer une vérification dans les plus brefs délais pour garantir l'obtention de la subvention de RSDE et il a suggéré à Revenu Canada de soustraire le montant des retenues à la source impayées du chèque avant que celui-ci soit émis. Il a aussi fait effectuer une vérification de TPS après le 25 octobre 1995, avant que le chèque de la subvention de RSDE soit émis.

[134] Il a dit que M. Looey lui avait affirmé au début de 1996 qu'il avait pris des dispositions pour que le montant soit déduit du remboursement avant que le chèque soit émis et qu'il l'avait assuré qu'il n'y avait aucun montant impayé à ce moment-là.

[135] Ce sont les mesures que l'appelant a prises et par lesquelles il estime s'être acquitté de ses obligations d'administrateur de compagnie. La preuve révèle cependant qu'aucune de ces mesures n'a entraîné le paiement des montants dus à Revenu Canada; d'ailleurs, la dernière mesure mentionnée a été prise bien après la période de cotisation qui allait du 1er novembre 1993 au 31 octobre 1995. La Cour ne considère pas que ces mesures étaient des mesures concrètes prises par l'appelant pour prévenir le manquement au sens où l'a envisagé le juge Robertson dans l'arrêt Soper v. R., précité.

[136] Voici certaines des mesures concrètes que l'appelant aurait pu prendre et qui auraient pu changer quelque chose après qu'il eut présenté la résolution au sujet du paiement des comptes. Il aurait pu demander des rapports réguliers aux dirigeants financiers de la compagnie pour savoir quels montants étaient payés, quand ils étaient payés et quels étaient les soldes. Il aurait pu obtenir confirmation à intervalles réguliers que les retenues avaient été effectuées conformément à la Loi. Il aurait pu exiger un pouvoir de signature relativement au compte bancaire ou aurait pu insister pour vérifier les chèques émis pour s'assurer qu'ils servaient à payer Revenu Canada et non seulement les employés et d'autres comptes courants pendant que l'entreprise continuait de fonctionner. L'appelant aurait certainement dû prendre ces mesures concrètes étant donné qu'il connaissait les problèmes financiers de la compagnie et ses perspectives et savait qu'elle avait eu beaucoup de difficultés à effectuer les remises, à tenir ses promesses d'effectuer les remises, ainsi qu'à effectuer les paiements courants et à acquitter les montants échus.

[137] La Cour est convaincue que l'appelant avait accès à tous les registres de la compagnie, qui, conjugués aux renseignements qu'il possédait déjà au sujet des difficultés de la compagnie, auraient dû lui permettre de constater que les remises à Revenu Canada étaient en retard, que des montants d'argent étaient dus et qu'il fallait prendre d'autres mesures pour faire en sorte que ces remises soient effectuées à Revenu Canada.

[138] Les mesures que l'appelant a prises n'ont donné aucun résultat, les remises n'ont pas été effectuées; l'appelant ne pouvait simplement se croiser les bras et tenir pour acquis que les mesures qu'il avait prises étaient suffisantes compte tenu des responsabilités qui lui incombaient aux termes de la loi. Aucune des mesures qu'il a prises n'a permis à Revenu Canada de recevoir les montants en cause.

[139] L'appelant ne pouvait se fonder sur les vérifications effectuées par Revenu Canada pour déterminer les montants qui étaient dus par la compagnie. Il n'avait pas le droit de supposer que Revenu Canada retiendrait un montant d'argent suffisant sur la subvention pour acquitter les montants échus. Il ressort clairement de la preuve produite en Cour que Revenu Canada a été incapable de procéder ainsi. L'appelant ne pouvait se fonder sur les vérifications effectuées par Revenu Canada pour déterminer l'état des comptes de remises à Revenu Canada et il aurait dû être capable de le faire en consultant les registres de la compagnie, auxquels il avait accès.

[140] Il n'y a pas la moindre preuve que l'appelant a ne serait-ce que demandé au comptable ou à quelqu'un d'autre quand la compagnie avait effectué des paiements, quels paiements avaient été effectués, à quel moment le paiement suivant allait être effectué et quels étaient les soldes à payer. Il s'est contenté simplement de tenir pour acquis que tout était en ordre alors qu'il aurait dû savoir qu'il n'en était rien.

[141] Il est vrai que l'appelant n'était pas obligé d'établir un compte distinct pour les remises de la compagnie mais, compte tenu des circonstances de l'espèce, il aurait été bien avisé de le faire. Il n'était pas obligé de devenir cosignataire des chèques de remises mais, encore là, dans les circonstances, et compte tenu du rôle qu'il jouait dans la compagnie, il aurait été bien avisé de le faire. Il est vrai qu'il était important de payer les employés et les créanciers de la compagnie, mais, étant donné que ces paiements étaient effectués au cours de la période en cause, l'appelant aurait été bien avisé, en tant qu'administrateur prudent, de prendre des mesures pour faire en sorte que Revenu Canada soit payé également, ce qu'il n'a pas fait.

[142] La Cour est convaincue que les mesures prises par l'appelant n'ont nullement permis de prévenir le manquement. Tout indiquait que la compagnie éprouvait de graves difficultés financières. À titre d'administrateur, l'appelant avait l'obligation de prendre des mesures cruciales pour faire en sorte que les comptes soient payés.

[143] L'appelant n'aurait pas dû s'appuyer uniquement sur la première vérification pour obtenir la conviction que les comptes étaient à jour alors qu'il n'avait aucun motif raisonnable de tirer une telle conclusion. L'argument de l'avocate de l'intimée selon lequel l'appelant aurait dû se douter que les registres de la compagnie n'étaient pas exacts ou complets au moment de la première vérification et n'aurait donc pas dû se limiter aux résultats de cette première vérification, est bien fondé. Il était de notoriété publique que les registres n'étaient pas bien tenus. L'aide-comptable ne travaillait plus pour la compagnie, celle-ci avait prêté à l'un de ses dirigeants un montant d'argent considérable sans intérêt, la faillite pointait à l'horizon et l'un des dirigeants de la compagnie menaçait d'exiger le remboursement d'un prêt important.

[144] L'appelant s'est fondé en grande partie sur l'affaire Fancy v. M.N.R., précitée. La Cour est convaincue que les faits de cette affaire sont très différents des faits de la présente affaire et que le résultat n'est d'aucune assistance à l'appelant en l'espèce.

[145] L'appel est rejeté et la cotisation du ministre est ratifiée.

Signé à Ottawa, Canada, ce 9e jour de février 2000

“ T. E. Margeson ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de septembre 2000.

Benoît Charron, réviseur

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