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Dossier : 2015-349(IT)G

ENTRE :

 

Daniel Laplante,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

 

Appel entendu les 12 et 13 décembre 2016, à Montréal (Québec).

Devant : L'honorable juge Sylvain Ouimet


Comparutions :

 

Avocats de l'appelant :

Me Serge Fournier

Me Geneviève Thériault-Lachance

Avocat de l'intimée :

Me Michel Lamarre

 

JUGEMENT

       L’appel de la nouvelle cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l’année d'imposition 2008 est rejeté, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2017.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet

 


 

 

 

Référence : 2017 CCI 118

Date : 20170623

Dossier : 2015-349(IT)G

 

ENTRE :

Daniel Laplante,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge Ouimet

I. INTRODUCTION

[1]             Monsieur Daniel Laplante (« M. Laplante ») interjette appel d’une nouvelle cotisation, établie le 10 mars 2014, par laquelle le ministre du Revenu national (« ministre ») a ajouté à ses revenus pour l’année d’imposition 2008 la somme de 2 593 412,50 $ à titre de gain en capital imposable provenant de la Fiducie DL. Au cours de l’année 2008, à la suite de la disposition de ses actions de la société DTI Software Inc. (« DTI »), la Fiducie DL a réalisé un gain en capital de 5 852 074 $. Le gain en capital imposable de 2 593 412,50 $ qui a été ajouté aux revenus de M. Laplante pour l’année d’imposition 2008 représente le total des sommes (370 487,50 $ x 7) attribuées par la Fiducie DL à certains de ses bénéficiaires le 25 décembre 2008, soit à Sylvie Laplante (« Mme Laplante »), à Daniel Michaud (« M. Michaud »), à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud, à Pierre Laplante, à Josée Rolland (« Mme Rolland ») et à Élisabeth Rondeau (« Mme Rondeau »).

II. QUESTIONS EN LITIGE

[2]             Les questions en litige sont les suivantes :

1.       Est-ce à bon droit que le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de M. Laplante pour l’année d’imposition 2008 après l'expiration de la période normale pour établir une telle cotisation ?

2.       Est-ce à bon droit que le ministre a ajouté aux revenus de M. Laplante pour l’année d’imposition 2008 la somme de 2 593 412,50 $ à titre de gain en capital imposable ?

[3]             Afin de répondre à ces deux questions, je devrai répondre en premier lieu à la question suivante :

1.       Est-ce que M. Laplante, Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau ont participé à une simulation?

[4]             Les personnes suivantes ont témoigné pour M. Laplante lors du procès :

-         M. Laplante;

-         Mme Laplante, sœur de M. Laplante et conjointe de M. Michaud;

-         M. Michaud, beau-frère de M. Laplante;

-         Marie-Claude Michaud, fille de M. Michaud et de Mme Laplante;

-         Mme Rolland, cousine de M. Laplante;

-         Pierre Laplante, frère de M. Laplante;

-         Mme Rondeau, conjointe de M. Laplante;

[5]             M. Michel Babeu, CPA, a témoigné pour l’intimée lors du procès.

III. LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[6]             Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :

Code civil du Québec

IV. — De la simulation

1451. Il y a simulation lorsque les parties conviennent d’exprimer leur volonté réelle non point dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret, aussi appelé contre-lettre.

Entre les parties, la contre-lettre l’emporte sur le contrat apparent.

1452. Les tiers de bonne foi peuvent, selon leur intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou de la contre-lettre, mais s’il survient entre eux un conflit d’intérêts, celui qui se prévaut du contrat apparent est préféré.

2130. Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans l’accomplissement d’un acte juridique avec un tiers, à une autre personne, le mandataire qui, par le fait de son acceptation, s’oblige à l’exercer.

Ce pouvoir et, le cas échéant, l’écrit qui le constate, s’appellent aussi procuration.

2184. À la fin du mandat, le mandataire est tenu de rendre compte et de remettre au mandant tout ce qu’il a reçu dans l’exécution de ses fonctions, même si ce qu’il a reçu n’était pas dû au mandant.

Il doit l’intérêt des sommes qu’il a reçues et qui constituent le reliquat du compte, depuis la demeure.

Loi d’interprétation, L.R.C. 1985, ch. I-21

Règles d’interprétation

Propriété et droits civils

Tradition bijuridique et application du droit provincial

8.1 Le droit civil et la common law font pareillement autorité et sont tous deux sources de droit en matière de propriété et de droits civils au Canada et, s’il est nécessaire de recourir à des règles, principes ou notions appartenant au domaine de la propriété et des droits civils en vue d’assurer l’application d’un texte dans une province, il faut, sauf règle de droit s’y opposant, avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur dans cette province au moment de l’application du texte.

Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5

40 Dans toutes les procédures qui relèvent de l’autorité législative du Parlement du Canada, les lois sur la preuve qui sont en vigueur dans la province où ces procédures sont exercées, y compris, les lois relatives à la preuve de la signification d’un mandat, d’une sommation, d’une assignation ou d’une autre pièce s’appliquent à ces procédures, sauf la présente loi et les autres lois fédérales.

Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch.1 (5e supp.)

38. Sens de gain en capital imposable et de perte en capital déductible — Pour l’application de la présente loi :

a) [Gain en capital imposable—général] sous réserve des alinéas a.1) à a.3), le gain en capital imposable d’un contribuable pour une année d’imposition, tiré de la disposition d’un bien, est égal à la moitié du gain en capital qu’il a réalisé pour l’année à la disposition du bien;

39. (1) Sens de gain en capital et de perte en capital [et de perte au titre d’un placement d’entreprise] — Pour l’application de la présente loi :

a) un gain en capital d’un contribuable, tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien quelconque, est le gain, déterminé conformément à la présente sous-section (jusqu’à concurrence du montant de ce gain qui ne serait pas, compte non tenu du passage «autre qu’un gain en capital imposable résultant de la disposition d’un bien», à l’alinéa 3a), et de l’alinéa 3b), inclus dans le calcul de son revenu pour l’année ou pour toute autre année d’imposition), que ce contribuable a tiré, pour l’année, de la disposition d’un bien lui appartenant, à l’exception :

[…]

40. (1) Règles générales [calcul du gain et de la perte] — Sauf indication contraire expresse de la présente partie :

a) le gain d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, de la disposition d’un bien est l’excédent éventuel :

(i) en cas de disposition du bien au cours de l’année, de l’excédent éventuel du produit de disposition sur le total du prix de base rajusté du bien, pour le contribuable, calculé immédiatement avant la disposition, et des dépenses dans la mesure où celles-ci ont été engagées ou effectuées par lui en vue de réaliser la disposition,

[…]

sur :

(iii) sous réserve du paragraphe (1.1), le montant dont il peut demander la déduction, dans le cas d’un particulier — à l’exclusion d’une fiducie —, sur le formulaire prescrit présenté avec la déclaration de revenu prévue à la présente partie pour l’année et, dans les autres cas, dans la déclaration de revenu produite en vertu de la présente partie pour l’année, jusqu’à concurrence du moins élevé des montants suivants :

(A) un montant raisonnable à titre de provision à l’égard de toute partie du produit de disposition du bien qui lui est payable après la fin de l’année et qu’il est raisonnable de considérer comme une partie du montant déterminé en vertu du sous-alinéa (i) pour ce bien,

(B) le produit de 1/5 de l’excédent déterminé en vertu du sous-alinéa (i) pour ce bien et de l’excédent éventuel de 4 sur le nombre d’années d’imposition antérieures du contribuable qui se terminent après la disposition du bien;

[…]

104 (13) Revenu des bénéficiaires — Les montants applicables suivants sont à inclure dans le calcul du revenu du bénéficiaire d’une fiducie pour une année d’imposition donnée :

a) dans le cas d’une fiducie qui n’est pas visée à l’alinéa a) de la définition de «fiducie» au paragraphe 108(1), la partie du montant qui, si ce n’était les paragraphes (6) et (12), représenterait son revenu pour son année d’imposition s’étant terminée dans l’année donnée, qui est devenue payable au bénéficiaire au cours de l’année de la fiducie;

[…]

104 (24) Somme devenue payable — Pour l’application des paragraphes (6), (7), (7.01), (13), (16) et (20), du sous-alinéa 53(2)h)(i.1) et des paragraphes 94(5.2) et (8), une somme est réputée ne pas être devenue payable à un bénéficiaire au cours d’une année d’imposition à moins qu’elle ne lui ait été payée au cours de l’année ou que le bénéficiaire n’eût le droit au cours de l’année d’en exiger le paiement.

[…]

110.6 (2.1) Déduction pour gains en capital — actions admissibles de petite entreprise — Le particulier — à l’exception d’une fiducie — qui réside au Canada tout au long d’une année d’imposition donnée et qui dispose au cours de cette année donnée ou d’une année d’imposition antérieure et après le 17 juin 1987 d’actions qui sont alors des actions admissibles de petite entreprise peut déduire, dans le calcul de son revenu imposable pour l’année donnée, le montant qu’il peut demander et qui ne dépasse pas le moins élevé des montants suivants :

a) le montant déterminé selon la formule figurant à l’alinéa (2)a) à l’égard du particulier pour l’année;

b) l’excédent éventuel de son plafond des gains cumulatifs à la fin de l’année donnée sur le montant déduit en application du paragraphe (2) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année donnée;

c) l’excédent éventuel de son plafond annuel des gains pour l’année donnée sur le montant déduit en application du paragraphe (2) dans le calcul de son revenu imposable pour l’année donnée;

d) l’excédent qui serait calculé selon l’alinéa 3b) à l’égard du particulier pour l’année donnée (dans la mesure où il n’est pas inclus dans le calcul de la somme déterminée selon l’alinéa (2)d) à l’égard du particulier) au titre des gains en capital et des pertes en capital si les seuls biens visés à l’alinéa 3b) étaient des actions admissibles de petite entreprise du particulier.

152 (4) Cotisation et nouvelle cotisation [délai de prescription] — Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l’impôt pour une année d’imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu’aucun impôt n’est payable pour l’année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d’imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l’expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année que dans les cas suivants :

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration :

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi,

(ii) soit a présenté au ministre une renonciation, selon le formulaire prescrit, au cours de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l’année;

IV. LES FAITS

A. Le contexte

[7]             En 1995, DTI a été fondée par M. Laplante ainsi que par deux associés. En 2004, alors que les revenus de DTI commençaient à être intéressants, M. Laplante et ses deux associés ont participé à une séance d’information offerte par la firme comptable Chamberland Hodge, qui s’occupait de la comptabilité de DTI à l’époque. À la suite de cette rencontre, M. Laplante et ses associés ont décidé de constituer chacun une fiducie. M. Laplante a constitué la Fiducie DL en novembre 2004[1] et les trois fiducies nouvellement constituées ont acquis une partie du capital-actions de DTI.

[8]             Selon l’acte de fiducie de la Fiducie DL, M. Laplante, Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau étaient tous bénéficiaires de la fiducie. Les trois enfants de M. Laplante, ses parents, ses beaux-parents ainsi que son parrain et sa marraine étaient aussi bénéficiaires de la fiducie[2].

[9]             En janvier 2008, toutes les actions en circulation de DTI ont été vendues à une société allemande. En disposant de ses actions de DTI, la Fiducie DL a réalisé un gain en capital de 5 852 074 $. Au moment de la vente, DTI était une société exploitant une petite entreprise selon la définition au paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu (« LIR ») et ses actions étaient des actions admissibles de petite entreprise en vertu du paragraphe 110.6(1) de la LIR. Dans ce contexte, en application des dispositions pertinentes de la LIR, la moitié du gain en capital total réalisé par la fiducie, soit 2 926 037 $, n’était pas imposable entre les mains de la fiducie. Quant à l’autre moitié, soit 2 926 037 $, elle était imposable entre les mains de la Fiducie DL, à moins qu’elle ne soit attribuée à ses bénéficiaires. Dans ce cas, elle devenait imposable entre les mains des bénéficiaires.

[10]        Le 25 décembre 2008, une résolution des fiduciaires[3] fut signée par les trois fiduciaires de la Fiducie DL, soit M. Laplante, sa mère et un ami de M. Laplante. Selon les termes de cette résolution, la Fiducie DL attribuait à M. Laplante un montant de 258 605,31 $ et à chacun de ses trois enfants un montant de 75 000 $. Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland se sont vu attribuer chacun un montant de 370 487,50 $. Mme Rondeau s’est vu attribuer un montant de 375 000 $. Au moment des attributions, Mme Laplante, M. Michaud, Marie‑Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau avaient droit, en vertu du paragraphe 110.6 (2.1) de la LIR, à une exonération du gain en capital d’un montant de 375 000 $.

[11]        À la suite à ces attributions, entre le 25 et le 28 décembre 2008, M. Laplante a remis à Mme Laplante, à M. Michaud, à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud, à Pierre Laplante, à Mme Rolland et à Mme Rondeau  un chèque de la Fiducie DL d’un montant de 370 487,50 $. Dans les minutes qui ont suivi la remise des chèques, tous les chèques ont été endossés et remis à M. Laplante, et Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau ont tous signé un acte de donation faisant don d’un montant de 370 487,50 $ à M. Laplante.

[12]        Chamberland Hodge, le cabinet comptable de M. Laplante, a préparé, aux frais de ce dernier, les déclarations de revenus pour l’année d’imposition 2008 de Mme Laplante, de M. Michaud, de Marie-Claude Michaud, de Marjolaine Michaud, de Pierre Laplante, de Mme Rolland et de Mme Rondeau.

[13]        M. Laplante a payé l’impôt minimum de remplacement qui a dû être payé par Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau à la suite des attributions du 25 décembre 2008. L’impôt minimum de remplacement qui a été récupéré durant les années d’imposition subséquentes a été conservé par ces derniers. Le montant récupéré par les bénéficiaires a varié entre 20 000 $ et 40 000 $, selon leur niveau de revenu.

[14]        Durant les années subséquentes, Mme Laplante, M. Michaud, Marie‑Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante et Mme Rolland ont tous reçu une attribution supplémentaire de 4 512,50 $. Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud et Marjolaine Michaud ont remis cette somme à M. Laplante. Pierre Laplante l’a conservée et Mme Rolland n’a pu confirmer si elle avait remis la somme à M. Laplante ou non.

B. Les témoignages

(1) Daniel Laplante

[15]        M. Laplante est le premier fiduciaire de la Fiducie DL. À ce titre, il est le seul fiduciaire permanent de la fiducie et il est celui qui a nommé les deux fiduciaires temporaires de la fiducie. Lors de son témoignage, M. Laplante a dit que ce qu’il aimait le plus dans la vie, c’était partager. Son désir a toujours été de pouvoir partager les fruits d’une éventuelle réussite en affaires avec les membres de sa famille. Il a aussi dit ne pas être matérialiste et qu’il ne pensait pas vivre assez longtemps pour dépenser tout son argent.

[16]        M. Laplante a dit avoir pris la décision de constituer la Fiducie DL à la suite de sa participation à une rencontre d’information du cabinet comptable Chamberland Hodge. Lors de cette rencontre d’information, M. Laplante a appris que, puisque les actions de DTI étaient des actions admissibles de petite entreprise au sens de du paragraphe 110.6(1) de la LIR, il devenait alors possible pour les bénéficiaires d’une fiducie qui détiendrait des actions de DTI de profiter d’une exonération des gains en capital d’un montant total de 375 000 $ advenant que des sommes leur soient attribuées. Par conséquent, la constitution d’une fiducie permettrait à M. Laplante de donner aux bénéficiaires de la fiducie non pas un montant imposable de 375 000 $, donc environ la moitié de ce montant en réalité, mais plutôt 375 000 $ en franchise d’impôt. Ainsi, il pourrait donner aux membres de sa famille deux fois plus d’argent en créant une fiducie.

[17]        En juin 2008, à la suite de la vente des actions de DTI par la Fiducie DL, une note de service fut préparée par M. Babeu, comptable chez Chamberland Hodge. M. Laplante a dit ne pas se souvenir d’avoir reçu cette note ou d’avoir demandé à M. Babeu qu’une telle note de service soit préparée. Selon M. Laplante, la note a été probablement préparée par M. Babeu à la suite d’une demande de sa part afin de connaître approximativement l’impôt minimum qui devrait être payé par les bénéficiaires advenant une attribution. Il pourrait ainsi déterminer la somme qu’il allait leur donner en réalité. M. Laplante a aussi dit ignorer si les bénéficiaires de la fiducie avaient déjà utilisé leur exonération des gains en capital au moment où la note de service a été préparée et n’avoir pas demandé à M. Babeu d’obtenir cette information. Il a dit avoir toutefois présumé que Mme Laplante, M. Michaud, Marie‑Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau n’avaient pas utilisé leur exonération des gains en capital avant l’attribution du 25 décembre 2008.

[18]        Selon M. Laplante, à la suite d’une rencontre avec M. Babeu et suivant les conseils de celui-ci, une planification fiscale a été mise en place. Grâce à l’information obtenue lors de cette rencontre, M. Laplante a été en mesure d’expliquer aux bénéficiaires de la Fiducie DL ce qu’étaient une exonération des gains en capital et l’impôt minimum de remplacement.

[19]        En ce qui a trait à la résolution des fiduciaires du 25 décembre 2008[4], M. Laplante a dit que la décision quant à la somme qui serait attribuée à chacun des bénéficiaires a été prise de façon à maximiser l’exonération des gains en capital de chacun des bénéficiaires, à l’exception de ses enfants.

[20]        M. Laplante a dit avoir rencontré Mme Laplante, M. Michaud, Marie‑Claude Michaud et Marjolaine Michaud à leur résidence afin de discuter des attributions du 25 décembre 2008. Lors de cette rencontre, qui a eu lieu peu de temps avant le 25 décembre 2008, il les a informés qu’ils étaient bénéficiaires de la Fiducie DL et qu’à ce titre ils allaient tous recevoir prochainement une somme d’argent. Il leur a également expliqué quelles seraient les conséquences fiscales de cette transaction pour eux. Il leur a aussi expliqué qu’ils avaient droit à une exonération des gains en capital et qu’ils devraient payer un impôt minimum de remplacement. Au cours de la rencontre, Mme Laplante, M. Michaud, Marie‑Claude Michaud et Marjolaine Michaud ont dit à M. Laplante qu’ils allaient refuser les montants d’argent qui devaient leur être attribués. Lors de la fête familiale de Noël du 25 décembre 2008, M. Laplante leur a dit que, s’ils voulaient lui redonner les chèques, ils pouvaient les endosser et lui en faire don. Mme Laplante, M. Michaud, Marie‑Claude Michaud et Marjolaine Michaud ont endossé les chèques au profit de M. Laplante. À la suite de l’endossement desdits chèques, M. Laplante a fait imprimer des actes de donation et les a fait signer par chacun d’eux pour officialiser le don.

[21]        En ce qui concerne Mme Rolland, M. Laplante a dit l’avoir rencontré au restaurant afin de discuter de l’attribution du 25 décembre 2008. Il lui a annoncé qu’à titre de bénéficiaire de la Fiducie DL elle allait recevoir un montant d’argent prochainement. Comme pour la famille de Mme Laplante, il a expliqué à Mme Rolland les conséquences fiscales de cette transaction pour elle. Il lui a aussi expliqué qu’elle avait droit à une a exonération des gains en capital et qu’elle devrait payer un impôt minimum de remplacement. Il lui aurait demandé ce qu’elle comptait faire; elle lui a répondu qu’elle allait lui faire savoir.

[22]        C’est à l’occasion de la fête familiale de Noël du 25 décembre 2008 que M. Laplante a remis le chèque de 370 487,50 $ à Mme Rolland, laquelle l’aurait endossé et signé un acte de donation.

[23]        Quant à Pierre Laplante, M. Laplante a dit l’avoir rencontré pour la première fois au sujet de l’attribution du 25 décembre 2008 lors de la fête familiale de Noël du 25 décembre 2008. C’est à ce moment qu’il a annoncé à Pierre Laplante qu’il était un des bénéficiaires de la Fiducie DL et que c’était à ce titre qu’il recevait le chèque de 370 487,50 $. M. Laplante a discuté des conséquences fiscales de l’attribution avec lui comme il l’a fait avec la famille de Mme Laplante et avec Mme Rolland.

[24]        M. Laplante a dit avoir rédigé les actes de donation lors de la fête familiale de Noël, le 25 décembre 2008. À ce moment, il avait avec lui, sur une clé USB, un exemple d’un acte de donation. Il a utilisé un ordinateur qui était sur place pour faire les modifications nécessaires et imprimer les actes. M. Laplante a soutenu avoir eu en main un exemple d’acte de donation sur une clé USB parce qu’un des membres de sa famille, probablement Mme Laplante, lui avait déjà fait part de son intention de lui donner le montant de l’attribution. Il a donc communiqué avec M. Babeu afin d’obtenir ses conseils. M. Babeu lui a conseillé de faire signer des actes de donation aux bénéficiaires.

[25]        Selon M. Laplante, ce n’est qu’après la signature des actes de donation qu’il a offert à Mme Laplante, à M. Michaud, à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud et à Madame Rolland de payer les frais pour la production de leurs déclarations de revenus, ainsi que leur impôt minimum, le tout en considération de leurs dons.

[26]        Selon M. Laplante, chacun des bénéficiaires ayant reçu une attribution le 25 décembre 2008 a pu utiliser son exonération des gains en capital, ce qu’ils n’auraient jamais pu faire autrement. Selon lui, ils étaient tous heureux d’utiliser leur exonération et de lui faire don des montants reçus de la Fiducie DL. Pour M. Laplante, les bénéficiaires ont tout de même profité de la situation puisqu’ils ont conservé l’impôt minimum de remplacement qui leur a été remboursé. D’ailleurs, concernant l’impôt minimum, M. Laplante a dit avoir payé l’impôt minimum de remplacement pour chacun des bénéficiaires de même que les frais associés à la production de leurs déclarations de revenus. Selon lui, cela était la moindre des choses compte tenu des dons reçus de ces bénéficiaires.

[27]        Quant aux attributions du montant de 4 512,50 $, elles ont été faites dans le but de maximiser l’exonération des gains en capital de Mme Laplante, de M. Michaud, de Marie-Claude Michaud, de Marjolaine Michaud, de Pierre Laplante, de Mme Rolland et de Mme Rondeau. M. Laplante a dit qu’ils avaient tous conservé ce montant.

(2) Daniel Michaud

[28]        M. Michaud est le mari de Mme Laplante, qui est la sœur de M. Laplante. Il est aussi le père de Marie-Claude et Marjolaine Michaud. M. Michaud a dit avoir été informé de l’existence de la Fiducie DL un an ou deux avant la vente de la compagnie de M. Laplante en 2008. Cependant, à cette époque, il ignorait qu’il était l’un des bénéficiaires de la fiducie. Selon M. Michaud, ce n’est que lors d’une rencontre qui a eu lieu chez lui en décembre 2008 que M. Laplante lui a appris et a appris à Mme Laplante qu’il avait vendu sa compagnie et qu’ils étaient des bénéficiaires de la Fiducie DL. Lors de cette rencontre, M. Michaud a aussi appris que lui‑même, Mme Laplante ainsi que Marjolaine et Marie-Claude allaient chacun recevoir une somme se situant entre 365 000 $ et 375 000 $ de la Fiducie DL.

[29]        Lors de la même rencontre, M. Laplante leur a parlé de l’exonération des gains en capital et de l’impôt minimum qui serait payable à la suite de la réception des montants attribués. M. Laplante leur a aussi dit que l’impôt minimum leur serait remboursable dans les années subséquentes en fonction de leurs revenus. Pendant la rencontre, M. Michaud et Mme Laplante ont fait part à M. Laplante de leur intention de refuser les montants que ce dernier voulait leur attribuer. M. Michaud et Mme Laplante ne se sentaient pas à l’aise devant l’idée d’accepter ce montant. Pour M. Michaud, cet argent était l’argent de M. Laplante. Il n’était donc pas question qu’il garde le montant d’argent qui lui serait attribué. M. Michaud a dit que leur décision était déjà prise et M. Laplante en avait été informé. En contre‑interrogatoire, M. Michaud a mentionné qu’il avait été question, lors de la rencontre, de la possibilité que lui-même et Mme Laplante remettent à M. Laplante les chèques qu’ils allaient recevoir de la Fiducie DL. Il a été prévu qu’en pareil cas M. Laplante allait écrire « une lettre de don » et que c’est lui qui allait payer l’impôt minimum.

[30]        Le 25 décembre 2008, lors de la fête de famille de Noël, M. Michaud s’est vu remettre un chèque de 370 487,50 $[5] par M. Laplante. Lors de cette même fête, M. Michaud a endossé le chèque et l’a ensuite remis à M. Laplante. Il a aussi signé un document, mais il ne se souvient pas de quel document il s’agit. Il semble toutefois que le document en question soit l’acte de donation puisqu’il a été signé à la même date que le chèque, c’est-à-dire le 25 décembre 2008[6]. Lorsqu’on a demandé à M. Michaud pourquoi il n’avait pas simplement refusé le chèque, ce dernier a répondu qu’il trouvait « que ça lui revenait à lui personnellement, tout simplement », et qu’il voulait « le donner à lui personnellement », parlant de M. Laplante.

[31]        M. Michaud a dit qu’il avait été convenu à l’avance avec M. Laplante, lors de la première ou de la deuxième rencontre, qu’advenant que lui-même et Mme Laplante décident de faire une donation en sa faveur, c’est M. Laplante qui s’occuperait de la production de leurs déclarations de revenus pour l’année 2008 ainsi que du paiement des frais y afférents. C’est effectivement le comptable de M. Laplante, M. Babeu, qui s’est occupé de la production des déclarations de revenus de la famille Michaud pour l’année d’imposition 2008. Pourtant, M. Michaud a affirmé lors de son témoignage ne pas connaître M. Babeu.

[32]        En contre-interrogatoire, M. Michaud a confirmé que M. Laplante a payé l’impôt minimum. Dans les années subséquentes, M. Michaud a ainsi récupéré une vingtaine de millier de dollars au titre de cet impôt minimum, montant qu’il n’a pas remis à M. Laplante. Finalement, M. Michaud a aussi dit avoir reçu un autre montant de la Fiducie DL en 2010. M. Michaud ne se souvenait cependant pas du montant, mais n’a pas nié qu’il puisse avoir été d’environ 4 500 $. Il a dit que ce montant avait été remis à M. Laplante, mais il ne se souvenait pas de quelle manière.

(3) Sylvie Laplante

[33]        Mme Laplante est la conjointe de M. Michaud et la sœur de M. Laplante. Elle a corroboré certains faits mentionnés par M. Michaud lors de son témoignage. Tout comme M. Michaud, elle a dit que c’est lors d’une première rencontre en décembre 2008 que M. Laplante a informé tous les membres de sa famille, incluant M. Michaud et leurs deux filles, qu’il avait vendu sa compagnie et qu’ils étaient bénéficiaires de la Fiducie DL. Mme Laplante savait qu’ils allaient recevoir chacun un montant d’approximativement 375 000 $. Elle a aussi confirmé qu’il a été question de l’impôt minimum et de l’exonération des gains en capital lors de cette rencontre. Cependant, le témoignage de Mme Laplante est plus précis que celui de M. Michaud sur certains points. En effet, Mme Laplante a confirmé que ses deux filles étaient présentes lors de la rencontre, ce que M. Michaud n’avait pas été en mesure de confirmer. Quant à l’impôt minimum, elle a appris de M. Laplante, lors de cette rencontre, qu’ils avaient sept ans pour le récupérer, précision que M. Michaud n’avait pas faite.

[34]        Selon Mme Laplante, lors de la première rencontre de décembre 2008, M. Laplante a demandé aux membres de sa famille s’ils acceptaient de lui donner leurs exonérations d’impôt. Mme Laplante a aussi compris que pour qu’ils puissent le faire, en vertu des règles fiscales, ils devaient tout d’abord recevoir le montant d’argent de la Fiducie DL. M. Laplante lui a aussi dit que, s’ils lui donnaient le montant, il allait payer l’impôt qu’ils auraient à payer et qu’ils pourraient ensuite récupérer cet impôt et le conserver. Lors de cette même rencontre, Mme Laplante a accepté de recevoir le montant de la Fiducie DL, d’utiliser son exonération des gains en capital et de faire don du montant à M. Laplante. Elle a dit vouloir contribuer financièrement aux projets d’avenir de son frère, car il ne parlait pas de retraite. Elle a dit être fort heureuse qu’il ait réussi et de pouvoir l’aider.

[35]        D’après le témoignage de Mme Laplante, il semble que M. Laplante lui ait donné l’option de conserver ce montant d’argent. Cependant, Mme Laplante a mentionné que M. Laplante la connaissait bien et que, de ce fait, il savait pertinemment qu’elle lui donnerait le montant d’argent qu’elle allait recevoir de la fiducie DL.

[36]        Lors de la seconde rencontre de décembre 2008, M. Laplante lui a remis un chèque de 370 487,50 $ qu’elle aurait immédiatement endossé. Mme Laplante n’a cependant aucun souvenir de la donation subséquente, quoiqu’elle ait toute de même confirmé que c’est sa signature que l’on trouve sur l’acte de donation[7].

[37]        Mme Laplante a également confirmé que M. Laplante avait payé son impôt minimum pour l’année 2008, lequel a été remboursé puis conservé par elle dans les années subséquentes. Elle a récupéré un montant d’environ 20 000 $, ce qui selon elle, était amplement suffisant pour avoir rendu service à son frère et contribué à la réalisation de ses projets.

[38]        Mme Laplante a également affirmé que, dans les années suivant l’année d’imposition 2008, elle-même, son mari ainsi que ses deux filles s’étaient vu attribuer un montant d’environ 4 500 $ provenant de la Fiducie DL, lequel aurait été remis par chacun d’eux à M. Laplante de la même façon que dans le cas de la première attribution, soit en remettant à M. Laplante les chèques reçus de la fiducie afin de compléter le montant de 375 000 $, c’est à-dire le montant de l’exonération de chacun d’eux. Selon Mme Laplante, pour l’année d’imposition 2008, le comptable de M. Laplante s’est chargé de faire les déclarations de revenus de sa famille.

(4) Marie-Claude Michaud

[39]        En 2008, Mme Michaud était étudiante en design à l’université et habitait chez ses parents. Mme Michaud a confirmé que, lors d’une première rencontre en décembre 2008, M. Laplante a annoncé à sa famille qu’ils allaient recevoir chacun un montant d’argent de la Fiducie DL. Elle a dit qu’il s’agissait d’un don qu’elle recevrait en tant que bénéficiaire de la Fiducie DL. Contrairement à ses parents, elle a dit qu’il n’avait pas été question, lors de cette première rencontre, du montant d’argent qu’ils allaient recevoir. Mme Michaud a aussi contredit ses parents sur un autre point; elle a dit que c’est lors de la deuxième rencontre et non lors de la première rencontre que M. Laplante a informé les membres de sa famille du fait qu’il y aurait un impôt minimum à payer à la suite de la réception du chèque et qu’il le payerait pour eux. Quant à l’exonération des gains en capital, elle a dit qu’elle ne se souvenait pas de ce que cela était. Mme Michaud ne se souvient pas avoir eu des discussions avec les membres de sa famille concernant les attributions à la suite de la première rencontre avec M. Laplante.

[40]        Lors de la deuxième rencontre, M. Laplante a remis un chèque à chacun des membres de sa famille. Selon Mme Michaud, M. Laplante savait déjà que toute la famille allait lui remettre les chèques. Ce serait seulement au moment de la réception du chèque qu’elle-même et les membres de la famille lui auraient demandé comment ils pouvaient le faire. M. Laplante leur aurait dit de signer le dos du chèque et leur aurait fait signer un acte de donation. Selon Mme Michaud, M. Laplante avait déjà les actes de donation en sa possession à ce moment, car il savait déjà qu’ils allaient lui remettre les chèques.

[41]        Quant à ce qui l’avait motivée à remettre le chèque à M. Laplante, Mme Michaud a affirmé que c’était par choix personnel et a ajouté qu’au moment où elle a remis le chèque elle était étudiante et n’aurait pas nécessairement su comment l’investir. Elle préférait donc lui redonner le chèque.

[42]        Mme Michaud a elle aussi confirmé avoir, dans les années d’imposition subséquentes, récupéré et conservé l’impôt minimum payé par M. Laplante pour l’année d’imposition 2008. Elle a aussi affirmé avoir reçu une seconde attribution de la fiducie DL en 2014 et en 2015.

(5) Josée Rolland

[43]        Mme Rolland est la cousine de M. Laplante. Durant l’année d’imposition 2008, elle travaillait à titre de travailleuse sociale dans un centre hospitalier. Vers la fin de l’année 2008, Mme Rolland a participé à deux rencontres avec M. Laplante concernant l’attribution qui devait lui être faite par la Fiducie DL. La première rencontre a eu lieu dans un restaurant dans les semaines ou les mois précédant décembre 2008. Lors de cette rencontre, M. Laplante lui a dit qu’elle était bénéficiaire de la Fiducie DL et qu’il y aurait prochainement une attribution. Selon Mme Rolland, il n’était toutefois pas question du montant de l’attribution lors de cette rencontre. Entre la première rencontre et la deuxième rencontre, Mme Rolland et M. Laplante se sont rencontrés à plusieurs reprises. D’après son témoignage, c’est lors d’une de ces rencontres que M. Laplante lui aurait dit le montant qui allait lui être attribué et qu’elle lui a dit qu’elle le lui remettrait.

[44]        Mme Rolland a prétendu avoir dit à M. Laplante, lors de la remise du chèque, que le montant lui semblait « bien trop gros » et que, bien qu’il s’agissait maintenant de son argent, elle aimerait pouvoir le lui redonner. M. Laplante aurait immédiatement répondu qu’il allait « regarder ça ». Mme Rolland a dit ne pas s’être sentie à l’aise devant l’idée de garder une somme d’une telle importance, n’ayant personnellement investi ni temps et ni argent dans la société de M. Laplante. M. Laplante avait travaillé « super fort » et avait « pris plein de risques », c’est pourquoi elle voulait lui redonner l’argent. Elle a aussi confirmé avoir reçu en 2015 une seconde attribution, beaucoup moins importante que celle de 2008 — environ 40 000 $, selon ce qu’elle se rappelait — qu’elle n’a pas remise à M. Laplante.

[45]        Tout comme les autres bénéficiaires, Mme Rolland a dit qu’elle et M. Laplante ont discuté de notions fiscales lors de leur première rencontre. Lors de cette rencontre, M. Laplante lui a expliqué ce qu’était l’exonération des gains en capital et lui a dit qu’elle ne pouvait être utilisée qu’une seule fois dans la vie d’une personne. Concernant l’exonération, Mme Rolland a mentionné que M. Laplante savait qu’elle n’avait jamais utilisé son exonération des gains en capital. Elle soutient toutefois ne plus se souvenir si M. Laplante ou un de ses comptables lui aurait demandé clairement si elle l’avait utilisée.

[46]        Mme Rolland a mentionné qu’il a également été question de l’impôt minimum de remplacement lors de la première rencontre avec M. Laplante, ainsi que de sa possible récupération. Selon elle, M. Laplante lui aurait dit de ne pas s’en préoccuper, qu’il allait « [s’]arranger avec ça », et donc, qu’il allait payer l’impôt découlant de l’attribution. Contrairement aux autres témoins, Mme Rolland soutient que c’est elle qui a demandé à M. Laplante de faire préparer sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008 par les comptables de M. Laplante puisque, habituellement, ses déclarations étaient préparées par sa mère, qui n’est pas nécessairement à l’aise avec un tel niveau de complexité.

[47]        À la suite de cette première rencontre, une deuxième rencontre a eu lieu avec M. Laplante à l’occasion de la fête familiale de Noël, le 25 décembre 2008. C’est lors de cette seconde rencontre que Mme Rolland a reçu de M. Laplante un chèque de 370 487,50 $[8] à la suite de l’attribution faite par la Fiducie DL. C’est également lors de cette rencontre qu’elle aurait immédiatement endossé le chèque et l’aurait remis à M. Laplante. De plus, comme elle avait déjà mentionné à M. Laplante son intention de lui redonner la somme, celui-ci avait déjà en main un acte de donation, lequel a été signé par Mme Rolland quelques minutes après la remise du chèque[9].

[48]        À la suite de la signature de l’acte de donation, M. Laplante aurait fait un compte rendu de la situation et aurait de nouveau affirmé son intention de payer l’impôt minimum pour Mme Rolland. M. Laplante a effectivement payé pour Mme Rolland l’impôt minimum. Mme Rolland a reçu le remboursement de cet impôt — un montant d’environ 35 000 $ — dans les années d’imposition subséquentes. Elle a dit avoir conservé ce montant en entier.

(6) Élisabeth Rondeau

[49]        Mme Rondeau est gestionnaire en ressources humaines de carrière et elle est la conjointe de M. Laplante. Le témoignage de Mme Rondeau fut très bref puisqu’elle a dit ne se souvenir de pratiquement rien des circonstances entourant les attributions de décembre 2008. Elle a indiqué se souvenir d’avoir reçu un chèque de 370 487,50 $ le 26 décembre 2008 ou vers cette date, de l’avoir endossé et de l’avoir remis à son mari. Toutefois, elle ne se souvient aucunement de l’acte de donation ni même de l’avoir signé[10]. À la suite de cette donation, le chèque a été déposé par M. Laplante dans le compte conjoint du couple. Elle s’est rappelé avoir eu des discussions avec M. Laplante au sujet de l’attribution de 2008, mais sans donner plus de détails.

(7) Pierre Laplante

[50]        Pierre Laplante est le frère de M. Laplante. En 2008, il travaillait dans un centre de soins prolongés de la ville de Montréal. Contrairement aux autres bénéficiaires ayant reçu une attribution en décembre 2008, Pierre Laplante n’a pas eu de rencontre avec M. Laplante avant la résolution des fiduciaires du 25 décembre 2008. Lors d’une réunion familiale à l’occasion de la fête de Noël de 2008, M. Laplante lui a remis un chèque de 370 487,50 $[11] tout en lui expliquant que le chèque lui était remis à la suite d’une attribution faite par la Fiducie DL. Cela était la première fois qu’il entendait parler de cette attribution.

[51]        Pierre Laplante a dit avoir réfléchi quelques instants, après avoir reçu le chèque, pour finalement décider de le remettre à M. Laplante. Il n’était pas question pour lui de conserver ce chèque puisqu’il a été élevé selon l’adage « qu’on récolte ce qu’on sème ». Il avait aussi vu M. Laplante passer des nuits blanches et travailler très fort pour son entreprise, alors, selon lui, la chose à faire était de ne pas accepter le chèque. Il était, lui aussi, heureux de pouvoir contribuer au succès de son frère en lui remettant le chèque.

[52]        Une fois la décision prise, M. Laplante lui aurait suggéré de lui faire un don. M. Laplante a alors imprimé un acte de donation et le lui a fait signer après qu’il eut endossé le chèque reçu de la fiducie. À la suite de la signature de l’acte de donation, M. Laplante a dit à Pierre Laplante qu’il allait payer l’impôt minimum de remplacement pour lui et qu’il allait se charger de la préparation de sa déclaration de revenus pour l’année 2008. Toutefois, ce n’est que lors d’une discussion avec les comptables de M. Laplante concernant la préparation de sa déclaration de revenus pour ladite année que Pierre Laplante a appris ce qu’étaient l’exonération des gains en capital et l’impôt minimum de remplacement.

[53]        Pierre Laplante a confirmé avoir reçu et conservé une somme d’environ 40 000 $ au titre du remboursement de l’impôt minimum de remplacement payé par M. Laplante pour l’année d’imposition 2008. Il a aussi reçu, en 2011, et a conservé un montant 4 512 $ qui lui a été attribué par la fiducie. Il a conservé ce montant, car il s’agissait d’un montant moins important par comparaison avec le montant de 370 000 $ qui lui avait été attribué en 2008.

(8) Michel Babeu

[54]        Michel Babeu était conseiller en fiscalité et associé chez Chamberland Hodge depuis 2002. Il a dit avoir rencontré M. Laplante pour la première fois en 2005, dans le cadre de la création d’une structure de gel successoral à l’aide d’une fiducie familiale. Selon M. Babeu, en 2007 des négociations avaient eu lieu en vue de la vente des actions de DTI. Au début de 2008, M. Babeu a rencontré M. Laplante, qui lui a dit que, compte tenu du prix obtenu pour ses actions de DTI, il pouvait « pousser du revenu » aux bénéficiaires de la Fiducie DL. Une note de service a été présentée à M. Laplante en mars 2008. Cette note de service a été modifiée et de nouveau remise à M. Laplante lors d’une rencontre entre la fin du mois de juin et le début du mois de juillet 2008. La note de service était un document de planification fiscale et avait pour but de transmettre à M. Laplante diverses considérations relatives à la disposition de ses actions de DTI, incluant la disposition des actions de DTI détenues par la Fiducie DL. La note de service contenait également un scénario permettant le maximum d’économies fiscales potentielles pour l’ensemble des bénéficiaires de la fiducie. Ce scénario était différent de celui présenté en mars 2008, car M. Laplante voulait « pousser plus d’argent » aux membres de sa famille.

[55]        Afin d’être en mesure de compléter cette note de service, M. Babeu devait obtenir certaines informations sur les bénéficiaires auprès des autorités fiscales. Avec la permission de M. Laplante, il a communiqué avec les bénéficiaires afin d’obtenir leur autorisation. M. Babeu a obtenu cette autorisation de la plupart des bénéficiaires.

[56]        De plus, il était recommandé à M. Laplante de faire certaines démarches selon un calendrier précis afin de permettre à M. Babeu de compléter la note de service. Ainsi, M. Babeu devait obtenir de M. Laplante, pour le 5 mai 2008, les déclarations fiscales relatives à l’année d’imposition 2007 des bénéficiaires visés par l’éventuelle attribution, ainsi que préparer des autorisations afin de pouvoir confirmer leurs soldes fiscaux, vérifier leur montant disponible de déduction pour gains en capital ainsi que leur total de pertes cumulatives sur placements et de pertes pouvant être reportées.

[57]        La note de service traitait aussi des conséquences qu’une attribution pouvait avoir pour certains bénéficiaires. Selon la note, ces conséquences incluaient la possibilité de devoir rembourser la pension de vieillesse, de perdre la prestation fiscale pour enfant, de voir réduite la déductibilité de frais médicaux, de perdre un remboursement d’impôt foncier, de perdre des bourses d’études et, finalement, de perdre le crédit de TPS-TVQ.

[58]        L’information mentionnée dans la note de service était importante pour M. Babeu, car elle permettait à M. Laplante de connaître les conséquences d’une attribution pour les bénéficiaires, et ce qui lui permettait de leur transmettre cette information afin d’éviter des malaises ou des incompréhensions. De plus, des scénarios devaient être complétés en mai 2008 pour chacun des bénéficiaires afin de prévoir les impacts fiscaux de la planification.

[59]        M. Babeu a confirmé que des scénarios individuels ont été préparés pour la majorité des bénéficiaires. Selon M. Babeu, ces scénarios ne reflétaient pas la volonté des fiduciaires. Ils étaient une source d’information quant aux conséquences de possibles attributions et avaient pour but d’aider les fiduciaires dans leur choix d’attributions futures.

[60]        Entre le 18 et le 25 décembre 2008, M. Laplante a contacté M. Babeu et lui a mentionné que certains bénéficiaires voulaient lui donner les montants reçus de la Fiducie DL. M. Babeu a mentionné à M. Laplante qu’il devait bien documenter les donations afin qu’elles puissent supporter une vérification fiscale, et il lui a fourni un exemple d’acte de donation.

V. Position des parties

A. Position de l’intimée

[61]        La position de l’intimée peut se résumer comme suit :

1.                 M. Michaud, Mme Laplante, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau auraient tous accepté le même mandat de M. Laplante et ainsi agi à titre de prête-noms. Chacun des mandats consistait, tout d’abord, à accepter le montant d’argent devant leur être remis par Fiducie DL à la suite des attributions du 25 décembre 2008. Sur réception du montant, ils devaient le remettre à M. Laplante. Pour être en mesure de remettre le plein montant des attributions à M. Laplante, ils devaient utiliser leur exonération personnelle des gains en capital. Selon le ministre, en acceptant un tel mandat, ils avaient tous une obligation légale de remettre le montant reçu de la Fiducie DL à M. Laplante.

2.                 Les mandats auraient été donnés en décembre 2008, lors de la première de deux rencontres avec M. Laplante concernant les attributions à venir, sauf dans le cas de M. Pierre Laplante. Dans son cas, l’entente aurait été conclue le même jour que la remise du chèque par M. Laplante, soit le 25 décembre 2008.

3.                 Selon le ministre, en acceptant ces mandats de M. Laplante, M. Michaud, Mme Laplante, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau auraient participé à une simulation selon la définition à l’article 1451 du Code civil du Québec[12] (ci‑après « C.c.Q. »). Par conséquent, ils ont convenu d’exprimer leur volonté réelle dans des contrats secrets, soit dans les mandats mentionnés précédemment, et non dans les contrats apparents. En l’espèce, les contrats apparents seraient les attributions et les actes de donation en faveur de M. Laplante.

4.                 Finalement, avec ces mandats, M. Laplante et M. Michaud, Mme Laplante, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau auraient voulu tromper le ministre. Le but de la simulation était de permettre à M. Laplante de recevoir les montants de 370 487,50 $ attribués aux bénéficiaires le 25 décembre 2008 exempts de tout impôt. Ceci s’avérait possible grâce à l’exonération des gains en capital dont bénéficiait chacun des bénéficiaires. Le ministre a soutenu que, selon la preuve, M. Laplante savait qu’aucun des bénéficiaires n’avait utilisé son exonération des gains en capital avant que la résolution des fiduciaires ne soit adoptée le 25 décembre 2008.

B. Position de M. Laplante

[62]        La position de M. Laplante peut se résumer comme suit :

1.                 La cotisation faisant l’objet de l’appel a été établie hors délai par le ministre. Par conséquent, le ministre devait prouver, selon la prépondérance de la preuve, qu’en produisant sa déclaration de revenus pour l’année d’imposition 2008 M. Laplante a fait une présentation erronée des faits par négligence, inattention ou omission volontaire, ou encore qu’il a commis une fraude.

2.                 Selon l’avocat de M. Laplante, le ministre n’a pas réussi à démontrer, selon la prépondérance de la preuve, que chacun des bénéficiaires ait agi à titre de prête-nom pour M. Laplante. Pour ce dernier, le fait que chacun des bénéficiaires a choisi de ne pas conserver le montant reçu de la Fiducie DL et d’en faire don à M. Laplante est une situation inusitée, un phénomène particulier, mais cela n’est pas suffisant en soi pour prouver qu’il existait des simulations. Pour que la Cour puisse arriver à cette conclusion, deux éléments doivent être présents, soit un élément matériel et un élément intentionnel. En l’espèce, il n’existe pas d’actes secrets, il y a seulement de véritables actes. Ces actes sont les attributions des fiduciaires qui ont été faites aux bénéficiaires et les actes de donation que ceux-ci ont signés en faveur de M. Laplante.

3.                 Selon l’avocat de M. Laplante, il existe une simulation lorsque l’intention des parties n’est pas conforme à l’acte apparent. Or, en l’espèce, a-t-il soutenu, l’intention des parties était conforme à l’acte apparent. Selon leurs témoignages, tous les bénéficiaires voulaient faire don du montant reçu de la Fiducie DL à M. Laplante. Aucune preuve contraire n’a été faite. Par conséquent, le sort de cet appel repose entièrement sur la crédibilité des témoins. Or, malgré certaines faiblesses dans leur témoignage, pour l’essentiel, a-t-il soutenu, les témoins ne se sont pas contredits. Par conséquent, le ministre n’a pas réussi à prouver selon la prépondérance de la preuve l’existence des deux éléments essentiels à l’existence d’une simulation.

VI. ANALYSE

[63]        En principe, les rapports juridiques établis par un contribuable doivent être respectés en matière fiscale. Cependant, en vertu du principe énoncé dans l’arrêt Shell Canada Ltée c. Canada[13], les tribunaux ne sont pas liés par la désignation donnée à une opération juridique si elle ne reflète pas convenablement les effets juridiques véritables de l’opération. C’est le cas, par exemple, lorsque les tribunaux arrivent à la conclusion que l’opération juridique est un trompe-l’œil[14]. Dans un tel cas, la Cour peut déterminer la nouvelle qualification à donner à une opération juridique entre les parties en fonction des véritables effets juridiques de l’opération pour les parties.

[64]        En vertu de l’article 8.1 de la Loi d’interprétation[15], en vue d’assurer l’application de la LIR dans la province de Québec, cette Cour peut avoir recours aux règles, principes et notions en vigueur au Québec. Par conséquent, dans l’application de la LIR au Québec, le ministre peut appliquer les dispositions du C.c.Q. afin de déterminer s’il est en présence d’une situation où la qualification  à donner à une opération juridique entre les parties ne reflète pas convenablement les effets juridiques véritables de l’opération entre les parties. Tel serait le cas dans une situation de simulation définie à l’article 1451 du C.c.Q.

[65]        Advenant que le ministre démontre l’existence d’une simulation, en vertu de l’article 1452 du C.c.Q.[16], étant un tiers de bonne foi, il pourrait, selon son intérêt, se prévaloir du contrat apparent ou du contrat secret. Cependant, compte tenu du principe établi dans l’arrêt Shell, précité, le ministre doit établir la cotisation en fonction des véritables rapports juridiques entre les parties. Dans le cas d’une simulation, les effets juridiques véritables d’une opération entre les parties se trouvent dans le contrat secret. Par conséquent, le ministre doit, s’il existe une simulation, établir la cotisation en fonction des effets juridiques du contrat secret.

[66]        Dans la présente affaire, le ministre est d’avis que les effets juridiques des donations de Mme Laplante, de M. Michaud, de Marie-Claude Michaud, de Marjolaine Michaud, de Pierre Laplante, de Mme Rolland et de Mme Rondeau en faveur de M. Laplante ne reflètent pas convenablement les véritables effets juridiques entre les parties parce que ces personnes avaient une obligation légale de remettre à M. Laplante les sommes reçues de la Fiducie DL, car ils avaient été mandatés pour les recevoir par M. Laplante.

[67]        Je dois donc déterminer si Mme Laplante, M. Michaud, Marie‑Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau ont accepté un mandat de M. Laplante et ont par conséquent participé à une simulation.

A. La Prescription

[68]        En vertu du sous-alinéa 152(4)a)i) de la LIR, lorsqu’une une nouvelle cotisation est établie par le ministre après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation, le ministre doit prouver que le contribuable a fait, par négligence, inattention ou omission volontaire, une présentation erronée des faits en produisant sa déclaration de revenus. Par conséquent, le ministre devait tout d’abord faire la preuve que M. Laplante avait par négligence, inattention ou omission volontaire, fait une présentation erronée des faits en omettant d’inclure dans sa déclaration de revenus pour l’année 2008 un gain en capital imposable de 2 593 412,50 $. Or, pour ce faire, le ministre devait prouver que M. Laplante ainsi que Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau ont participé à une simulation, ce qui est la question sur laquelle on doit se pencher pour répondre à la deuxième question en litige. La décision que cette Cour doit prendre quant aux deux questions en litige repose donc sur la même preuve.

B. La simulation

[69]        En vertu de l’article 1451 du C.c.Q., il existe une simulation lorsque des parties conviennent d’exprimer leur volonté réelle non pas dans un contrat apparent, mais dans un contrat secret. Pour que l’on puisse conclure à l’existence d’une simulation, deux éléments doivent être présents : un élément matériel et un élément intentionnel. L’élément matériel est l’existence de deux actes distincts, soit l’acte apparent, qui renferme ce que les parties veulent faire croire aux tiers, et l’acte secret, qui exprime l’accord véritable. L’élément intentionnel consiste en la volonté de tromper les tiers sur l’existence ou le contenu d’une convention.[17]

(1) Élément matériel

[70]        Dans la présente affaire, les actes apparents sont les actes de donation. Leur existence n’a pas été remise en question par les parties lors de l’audience.

[71]        Quant aux actes secrets, selon le ministre, il s’agirait des mandats donnés par M. Laplante à Mme Laplante, M. Michaud, à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud, à Pierre Laplante, à Mme Rolland et à Mme Rondeau.

[72]        En vertu de l’article 2130 du C.c.Q., le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne le pouvoir de la représenter dans l’accomplissement d’un acte juridique avec un tiers à une autre personne, le mandataire, qui, par le fait de son acceptation, s’oblige à l’exercer. En vertu du premier alinéa de l’article 2184 C.c.Q., à la fin du mandat, le mandataire est tenu de remettre au mandant tout ce qu’il a reçu dans l’exécution de ses fonctions. Il a d’ailleurs été établi par la Cour suprême du Canada dans Victuni c. Minstre du revenu (Québec)[18] que le véritable propriétaire de l’argent reçu dans le cadre de l’accomplissement d’un mandat est le mandant.[19]

[73]        En l’espèce, je suis d’avis que la preuve est suffisante pour me permettre de conclure que, selon la prépondérance de la preuve, Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau ont tous accepté de M. Laplante un mandat dont les éléments essentiels consistaient à recevoir de la Fiducie DL une attribution d’un montant de 375 000 $ et à remettre ce montant à M. Laplante par la suite. Pour ce faire, ils devaient tous utiliser leur exonération de gains en capital, ce qui était tout aussi essentiel. En contrepartie, ils ont pu conserver l’impôt minimum de remplacement récupéré dans les années d’imposition subséquentes.

[74]        Mme Laplante a donné le témoignage le plus précis de tous les membres de sa famille quant à ce qui s’est passé lors de la première rencontre avec M. Laplante. Tout au long de son témoignage, Mme Laplante n’a pas fait de distinction entre elle-même et sa famille. Elle a utilisé le singulier et le pluriel en alternance. Puisqu’elle a dit que M. Laplante avait rencontré toute sa famille au même moment, ce qu’a confirmé M. Laplante, j’ai conclu que M. Laplante avait eu la même discussion avec toute la famille. Rien dans le témoignage de Mme Laplante et de M. Laplante ne m’a permis de conclure le contraire.

[75]        Mme Laplante a dit lors de son témoignage que M. Laplante leur a demandé de lui donner leur exonération des gains en capital. Elle a confirmé qu’il a été question de l’exonération des gains en capital et de l’impôt minimum lors de la rencontre. Mme Laplante a compris que, pour faire ce que demandait M. Laplante, ils devaient tout d’abord recevoir les montants d’argent de la Fiducie DL. Mme Laplante savait qu’ils allaient recevoir chacun une somme d’approximativement 375 000 $. Mme Laplante a dit qu’ils avaient accepté de recevoir le montant de la Fiducie DL, de donner à M. Laplante leur exonération des gains en capital et de lui redonner les sommes reçues. Elle se disait fort heureuse de pouvoir aider son frère.

[76]        Pour l’essentiel, mais avec moins de détails, ces faits ont été confirmés par M. Michaud. Quant au témoignage de Marie-Claude, je ne lui donne que très peu de poids étant donné qu’elle a contredit ses parents sur quelques points. En effet, contrairement à ses parents, elle a dit qu’il n’avait pas été question, lors de la première rencontre, du montant d’argent qu’ils allaient recevoir. De plus, elle a aussi contredit ses parents en disant que M. Laplante n’a informé les membres de sa famille du fait qu’ils allaient devoir payer un impôt minimum qu’à la suite de la réception du chèque, lors de la deuxième rencontre. Elle a aussi contredit sa mère sur un autre point. Selon elle, M. Laplante leur a dit qu’il payerait l’impôt minimum lors de la deuxième rencontre et non lors de la première rencontre. Quant à l’exonération des gains en capital, elle a dit qu’elle ne se souvenait tout simplement pas de ce que c’était.

[77]        Dans le cas de Mme Rolland et de Pierre Laplante et d’après leurs témoignages, je suis d’avis que M. Laplante leur a proposé le même mandat. Comme dans le cas de la famille de Mme Laplante, tous les éléments essentiels du mandat ont été abordés par M. Laplante dans le cadre des discussions qu’il a eues avec Mme Rolland et Pierre Laplante concernant les attributions du 25 décembre 2008. Cependant, à la différence des membres de la famille de Mme Laplante, dans leur cas, ils n’ont accepté le mandat qu’au moment de la remise du chèque de la Fiducie DL à M. Laplante. Je suis d’avis qu’en acceptant le chèque et en le remettant à M. Laplante après l’avoir préalablement endossé, ils ont démontré leur acception du mandat.

[78]        Quant à Mme Rondeau, d’après son témoignage, il semble aussi que tous les éléments essentiels du mandat ont été portés à sa connaissance à un certain moment, sans qu’on sache quand ni par qui. En contre‑interrogatoire, Mme Rondeau a affirmé que les notions de donation et de gain en capital lui disaient vaguement quelque chose, que quelqu’un lui en avait parlé, mais qu’elle n’était pas en mesure de les expliquer, car c’est M. Laplante qui s’occupait des questions fiscales de la famille. Elle a aussi dit que la notion d’impôt minimum lui disait quelque chose, sans plus.

[79]        Comme tous les autres bénéficiaires, elle a accepté le chèque de la Fiducie DL; elle l’a endossé et l’a remis à M. Laplante. Compte tenu de ce qui précède, de la nature intéressée de son témoignage et du fait que son témoignage était très vague, je suis d’avis que, selon la prépondérance de la preuve, Mme Rondeau a aussi accepté un mandat de M. Laplante en lui remettant le chèque reçu de la Fiducie DL après l’avoir préalablement endossé.

(2) Élément intentionnel

[80]        L’élément intentionnel consiste en la volonté des cocontractants de tromper les tiers quant à l’existence ou au contenu d’une convention. Il n’est cependant pas nécessaire de démontrer que les cocontractants ont voulu tromper le ministre au moyen de la simulation[20]. La volonté des cocontractants de tromper les tiers est établie en démontrant l’existence d’un contrat secret qui n’aurait pas été dévoilé au tiers, en l’occurrence au ministre.

[81]        Or, dans la présente affaire, il n’y a aucune preuve indiquant que M. Laplante a révélé au ministre l’existence du mandat accordé à Mme Laplante, à M. Michaud, à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud, à Pierre Laplante, à Mme Rolland et à Mme Rondeau. Au contraire, la position de M. Laplante est qu’il n’a jamais donné de mandat à Mme Laplante, à M. Michaud, à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud, à Pierre Laplante, à Mme Rolland et à Mme Rondeau. Toujours selon M. Laplante, la Fiducie DL a fait des attributions et les sommes ainsi attribuées lui ont été remises ensuite sous forme de dons, rien de plus.

[82]        Quant à Mme Laplante, à M. Michaud, à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud, à Pierre Laplante, à Mme Rolland et à Mme Rondeau, la preuve démontre qu’ils n’ont jamais révélé au ministre qu’ils avaient accepté un mandat de M. Laplante. Ils n’ont jamais révélé au ministre qu’ils avaient accepté la proposition de M. Laplante qui consistait à recevoir la somme de 375 000,00 $ de la Fiducie DL pour ensuite la lui remettre.

[83]        Selon la preuve présentée lors de l’audience, les parties n’ont pas dévoilé l’existence des mandats au ministre et n’ont même jamais eu l’intention de le faire.

VII. Conclusion

[84]        Je suis d’avis que, selon la preuve qui m’a été présentée et selon la prépondérance de la preuve, Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau ont tous accepté un mandat de M. Laplante en vertu duquel ils devaient lui remettre la somme de 375 000 $ qui devait leur être attribué par la Fiducie DL. En faisant don de cette somme à M. Laplante et en ne dévoilant pas au ministre qu’ils avaient accepté un tel mandat, ils ont tous participé à une simulation.    

[85]        Par conséquent, c’est à bon droit que le ministre a établi une cotisation à l’égard de M. Laplante en fonction des effets juridiques des mandats qu’il a donnés à Mme Laplante, à M. Michaud, à Marie-Claude Michaud, à Marjolaine Michaud, à Pierre Laplante, à Mme Rolland et à Mme Rondeau. C’est donc à bon droit que le ministre a ajouté aux revenus de M. Laplante pour l’année d’imposition 2008 un gain en capital imposable de 2 593 412,50 $ puisque M. Laplante avait mandaté Mme Laplante, M. Michaud, Marie-Claude Michaud, Marjolaine Michaud, Pierre Laplante, Mme Rolland et Mme Rondeau afin qu’ils reçoivent en son nom la somme de 375 000,00 $ de la Fiducie DL.

[86]        Compte tenu de ce qui précède et de mes propos au paragraphe 69 ci‑dessus concernant la question de la prescription, c’est à bon droit que le ministre a établi une nouvelle cotisation à l’égard de M. Laplante pour l’année d’imposition 2008 après l'expiration de la période normale pour établir une telle cotisation.

[87]        Pour ces raisons, l’appel est rejeté, avec dépens.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour de juin 2017.

« Sylvain Ouimet »

Juge Ouimet


 


RÉFÉRENCE :

2017 CCI 118

Nº DU DOSSIER DE LA COUR :

2015-349(IT)G

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Daniel Laplante c SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

Les 12 et 13 décembre 2016

MOTIFS DE JUGEMENT PAR :

L'honorable juge Sylvain Ouimet

DATE DU JUGEMENT :

Le 23 juin 2017

COMPARUTIONS :

 

Avocats de l'appelant :

Me Serge Fournier

Me Geneviève Thériault-Lachance

Avocat de l'intimée :

Me Michel Lamarre

 

AVOCAT INSCRIT AU DOSSIER :

Pour l'appelant:

Nom :

Me Serge Fournier

Me Geneviève Thériault-Lachance

Cabinet :

BCF s.e.n.c.r.l.

Montréal, Québec

Pour l’intimée :

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

 

 



[1]               Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 1, p. 2.

[2]               Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 1, pp. 7-8.

[3]           Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 2, pp. 1-2.

[4]               Précitée, note 2.

[5]               Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 6.

[6]           Ibid.

[7]               Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 5.

[8]               Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 8.

[9]               Ibid.

[10]             Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 3.

[11]             Pièce A-1, Cahier des pièces de l’appelant, vol. 1, onglet 4.

[12]             Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64.

[13]             [1999] 3 R.C.S. 622.

[14]             Ibid., paragraphe 39.

[15]             L.R.C. (1985), ch. I-21.

[16]             À cet égard, voir la décision de cette Cour dans l’affaire Bolduc c. R., 2002 CarswellNat 3720, 2003 DTC 221, au paragraphe 15 : « Rien dans la Loi ne s’oppose à ce que le ministre puisse, dans l’application de la Loi au Québec, bénéficier des dispositions du C.c.B.C. et du C.c.Q. portant sur les effets d’un contrat intervenu au Québec. De plus, l’article 1212 C.c.B.C. est une règle de preuve applicable dans les procédures relevant de l’autorité législative du Parlement canadien et exercées dans la province du Québec (article 40 de la Loi sur la preuve du Canada). […] ».

[17]             Jean-Claude Royer et Sophie Lavallée, La preuve civile, 4e éditons, Cowansville, Édtions Yvon Blais, 2008, 1568.

[18]          Victuni c. Ministre du revenu (Québec), [1980] 1 R.C.S. 580.

[19]             Ibid., page 584.

[20]             Transport H. Cordeau Inc. c. La Reine, 99 DTC 5765 (Cour d’appel fédérale), paragraphe 29.

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