Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

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Date : 19980123

Dossier : 97-477-IT-I

ENTRE :

SHIRLEY FLUMERFELT,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

(Rendus oralement à l'audience à Calgary (Alberta) le 23 janvier 1998)

Le juge Bowie, C.C.I.

[1] Ces appels sont interjetés à l'encontre de nouvelles cotisations en matière d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1994 et 1995. Quand l'appelante a produit sa déclaration de revenus pour chacune de ces années, elle a déclaré avoir droit à une déduction pour frais médicaux en vertu de l'art. 118.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu (la Loi), y compris la somme de 30 000 $ pour des soins de préposé. Ce montant de 30 000 $ représente la somme que l'appelante a déboursée pendant chacune des années en appel au Renoir, un immeuble résidentiel conçu pour répondre aux besoins des personnes âgées. En établissant les nouvelles cotisations à son égard, le ministre du Revenu national a adopté la position selon laquelle l'appelante n'avait pas le droit de déduire cette somme de 30 000 $ à titre de frais médicaux. La seule question en litige dans ces appels consiste à déterminer si elle a en fait droit à cette déduction. En la demandant, l'appelante s’est basée sur l'alinéa 118.2(2)b) ou, subsidiairement, sur l'alinéa 118.2(2)b.1) de la Loi.

[2] On ne remet pas en question le fait que l'appelante, maintenant âgée de 81 ans, souffrait, au cours de la période en question, d'une déficience physique grave et prolongée. Elle ne peut pas marcher sans aide et est dépendante d’une chaise motorisée et d’une marchette pour se déplacer. Elle est admissible au crédit d'impôt pour personnes handicapées depuis plusieurs années. D’ailleurs, on ne remet pas en question le fait que le Renoir, où elle réside, n'est pas une maison de repos. Il s'agit d'un immeuble résidentiel conçu et construit principalement pour accueillir des personnes âgées qui ont besoin d'une aide quelconque pour l'accomplissement de leurs activités quotidiennes, ou qui désirent simplement en recevoir. L'âge moyen de ses résidents est d’environ 85 ans. Plusieurs d'entre eux, comme l'appelante, souffrent d'infirmités physiques ou mentales qui les empêchent pratiquement de vivre de façon autonome dans un immeuble plus classique. Certains d'entre eux préfèrent simplement le confort et la commodité d'avoir à leur disposition le vaste éventail de services et de commodités que le Renoir leur offre. Les résidents vivent dans des appartements de une ou deux chambres à coucher ou dans des studios. L'appelante vit dans un appartement de deux chambres à coucher. Il comprend une petite cuisine équipée d'un petit réfrigérateur et d'un grille-pain ainsi qu'une salle de bain munie de barres d'appui. L'appelante possède également un siège hydraulique dans la baignoire lui permettant d'utiliser cette dernière sans aide.

[3] En plus de l'espace physique qu'occupe l'appartement loué par les résidents, le Renoir fournit ce qui est décrit comme un “ forfait de services de soins de préposé ”. Ce forfait comprend la préparation des repas, et le service de ces derniers aux résidents dans une salle à manger commune. Au besoin, les repas peuvent également être apportés aux résidents, à l'aide de cabarets, dans leur appartement. On fournit aussi un service hebdomadaire d'entretien ménager, ce qui comprend un service de literie et de serviettes, ainsi que le nettoyage de l'appartement. Le personnel effectue de légers travaux d'entretien et de réparation pour les résidents. Le personnel comprend un ludothérapeute, et les résidents ont accès à des activités récréatives organisées et supervisées. Ces derniers ont également accès au transport pour les rendez-vous chez le médecin ainsi que pour les rencontres sociales et le magasinage. Le personnel comprend des infirmières autorisées et des infirmières auxiliaires autorisées; ces dernières sont disponibles 24 heures par jour.

[4] Mme Nancy Dotzert, directrice générale du Renoir, a témoigné. Il ressort clairement de son témoignage que le “ forfait de services de soins de préposé ” n'est pas une option supplémentaire que les résidents peuvent acheter ou refuser selon leurs besoins et leurs désirs. L'appelante paye 2 500 $ par mois pour son appartement, ce qui inclut tous les services du forfait. Si elle, ou n'importe quel autre résident, avait choisi dès le début de ne pas se prévaloir d'un de ces services, le loyer mensuel n'en aurait pas été modifié pour autant.

[5] Mme Dotzert a présenté deux reçus du Renoir faits au nom de l'appelante et signés de sa main, soit un pour chacune des deux années en appel. Ils laissent entendre que l'appelante aurait déboursé 15 000 $ pour le loyer et 15 000 $ pour les services de soins de préposé pendant chacune des deux années d'imposition 1994 et 1995. Les appels ont été interjetés en prenant pour base que l'appelante avait en effet droit à une déduction de 15 000 $ pour chacune des années en litige, et non celle de 30 000 $ qu’elle avait demandée au début dans ses déclarations de revenus. Mme Dotzert a témoigné qu'elle avait préparé ces reçus à la fin de l'exercice pour fins d’impôt sur le revenu et que c’est elle qui avait décidé, après consultation d'un comptable, de la ventilation de la somme que l’appelante avait payée, en prenant pour base les coûts relatifs au Renoir de l'appartement même et du forfait de services de soins de préposé. Je n'accorde aucun poids à cette partie de son témoignage. Il n'a pas été établi qu'elle avait quelque expertise que ce soit qui pourrait lui permettre d'effectuer une analyse financière de cette sorte; le comptable qui l'a conseillée n'a pas témoigné. Il me semble extrêmement improbable qu’une ventilation adéquate des coûts entre l'appartement lui-même et le forfait de services de soins de préposé produirait une distribution d'exactement 50% pour chacun d’entre eux. De plus, ces reçus ne reflètent pas la réalité de l'entente contractuelle entre l'appelante et le Renoir.

[6] Il ressort clairement du témoignage de Mme Dotzert que l'appelante ne s’est pas engagée par contrat à payer 15 000 $ pour la location de son appartement et un autre montant de 15 000 $ pour le forfait de services de soins de préposé. Le Renoir ne fonctionne tout simplement pas de cette façon. Ce que j’ai compris du témoignage de Mme Dotzert est que l'appelante, tout comme tous les autres résidents, a signé un contrat de location avec le Renoir conformément au Residential Tenancies Act d'Alberta, et que le loyer à payer pour chaque appartement est décrit dans ce contrat de location comme étant, du moins dans le cas de l'appelante, de 2 500 $ par mois. L'avocate de l'appelante n'a pas présenté en preuve le contrat de location, ni aucun autre contrat : je présume que cela n'aurait aucunement aidé sa cause[1]. Je conclus que l'appelante a déboursé 30 000 $ au Renoir pour chacune des années en appel et que cette somme servait à payer le loyer d'un appartement. En plus de la possession de son appartement, elle a droit, et de fait elle en profite, d'utiliser certains services (décrits comme étant un forfait de services de soins de préposé) fournis par la direction de l'immeuble, mais elle n'effectue aucun paiement particulier pour un de ces services, ni pour tous ceux-ci, distinct du loyer qu'elle débourse pour l'appartement. Il s'ensuit qu'elle n'a déboursé aucune “ somme ” à titre de rémunération pour des services de soins de préposé en 1994 ni en 1995. Les frais admissibles à une déduction en vertu du paragraphe 118.2(2) de la Loi sont “ les frais payés [...] à titre de rémunération d'un préposé à plein temps ” dans le cas de l'alinéa b), ou “ les frais payés [...] à titre de rémunération pour les soins de préposé ” dans le cas de l'alinéa b.1). Par conséquent, l'appelante, selon les faits, n'est couverte par le libellé sans équivoque d’aucune des deux dispositions ouvrant droit à la déduction qu'elle demande.

[7] Quoique ces considérations suffisent pour que je statue sur ces appels, je devrais ajouter qu'il existe une autre raison pour laquelle, à mon avis, ces appels ne peuvent pas être admis en vertu de l'alinéa b). Il est tout à fait clair du libellé de cet alinéa qu’il ouvre droit à une déduction uniquement pour la rémunération versée contre les services d’un préposé qui fournit des soins au contribuable à plein temps. Quoiqu’il existe des situations où l’on peut comprendre l'expression “ à plein temps ” de différentes façons[2], d’après moi son utilisation dans cette disposition ne comporte aucune ambiguïté. L’intention claire est que la déduction soit accessible uniquement quand le paiement est effectué à quelqu'un qui, durant son service, offre des soins uniquement au contribuable. La preuve est claire à l’effet que ce n'est pas le cas en l’espèce. Même si l'appelante avait pu établir qu'elle avait versé une certaine somme contre des services de soins de préposé, cette somme ne serait pas couverte par l'alinéa 118.2(2)b)de la Loi.

[8] Je ne pense pas que, dans le cadre d'un appel sous le régime de la procédure informelle, je puisse me permettre d’exprimer une opinion superflue quant à la signification de l'alinéa b.1) et quant à savoir à quels “ soins de préposé ” précis il s’applique. Pour les raisons énumérées ci-dessus, les appels ne peuvent pas être admis en vertu de l'alinéa en question, même si certains des éléments, ou même la totalité, du “ forfait de services de soins de préposé ” étaient couverts par cette expression telle que le Parlement l'a utilisé. Toutefois, je note incidemment que, si j’avais conclu qu’une partie quelconque des paiements du loyer de l'appelante au Renoir était couverte par l'alinéa b.1), la déduction à laquelle un contribuable a droit est limitée à une somme maximale de 5 000 $ pour chaque année d'imposition de son vivant.

[9] Pour toutes ces raisons, je conclus que l'appelante n'a droit à aucune déduction concernant les sommes qu'elle a déboursées au Renoir au cours des années d'imposition en appel. Les appels sont rejetés.

Signé à Ottawa, Canada, ce 23e jour d'avril 1999.

“ E.A. Bowie ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 28e jour d’octobre 1999.

Stephen Balogh, réviseur



[1] Murray v. Saskatoon, [1952] 2 D.L.R. 499 à la page 506.

[2] The Queen v. A.G.L. Gaudet, [1978] C.T.C. 686.

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