Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19980205

Dossier: APP-187-97-IT

ENTRE :

NASHA PROPERTIES LTD.,

requérante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs de l'ordonnance

Le juge en chef adjoint Christie, C.C.I.

[1] Il s'agit de déterminer si la Cour a le pouvoir de proroger le délai dans lequel Nasha Properties Ltd. (“ Nasha ”) peut signifier au ministre du Revenu national (le “ ministre”) des avis d'opposition à des cotisations d'impôt sur le revenu établies pour les années d'imposition 1987 et 1988.

[2] Le régime législatif applicable est prévu dans les dispositions suivantes de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”) : l'alinéa 165(1)b), le paragraphe 166.1(1) et les alinéas 166.1(7)a), 166.2(1)a) et 166.2(5)a). Elles sont ainsi libellées :

165(1) Le contribuable qui s'oppose à une cotisation prévue par la présente partie peut signifier au ministre, par écrit, un avis d'opposition exposant les motifs de son opposition et tous les faits pertinents, dans les délais suivants :

[...]

b) [...] au plus tard le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation.

166.1(1) Le contribuable qui n'a pas signifié d'avis d'opposition à une cotisation en application de l'article 165 [...] dans le délai imparti peut demander au ministre de proroger le délai pour signifier l'avis [...].

166.1(7) Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande est présentée dans l'année suivant l'expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d'opposition [...]

166.2(1) Le contribuable qui a présenté une demande en application de l'article 166.1 peut demander à la Cour canadienne de l'impôt d'y faire droit après :

a) le rejet de la demande par le ministre; [...]

166.2(5) Il n'est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande a été présentée en application du paragraphe 166.1(1) dans l'année suivant l'expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d'opposition [...]

L'avocat de l'intimée soutient que la Cour n'a pas le pouvoir d'accueillir la demande de prorogation de délai en question du fait de l'alinéa 166.2(5)a).

[3] Nasha a présenté sa demande en prorogation de délai dans une lettre datée du 8 mai 1997 que Donald L. Grant, c.r., de Trenton, qui, à ce moment-là, agissait pour le compte de Nasha Properties Ltd. (“ Nasha ”), a adressée à la Cour de l'impôt. Le timbre indique que la demande a été reçue au greffe le 12 mai 1997. Elle est rédigée dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Objet : Nasha Properties Ltd.

No de compte 82927682

Années d'imposition 1987 et 1988

Notre dossier : 12717

Je suis le procureur de Nasha Properties Ltd. (“ Nasha ”).

Nous demandons la prorogation du délai imparti pour signifier une opposition au chef des appels.

L'opposition découle du fait que Revenu Canada a déterminé que Nasha avait un revenu imposable dans les années d'imposition se terminant le 31 décembre 1987 et le 31 décembre 1988 alors que, ces années-là, les dépenses et les frais de Nasha étaient supérieurs à son revenu.

En 1993 et en 1994, Nasha et des compagnies liées ont fait l'objet d'une vérification par Revenu Canada. Par suite de cette vérification, Nasha a reçu de Revenu Canada des lettres de proposition datées du 8 septembre 1993 et du 2 mai 1994.

Je joins aux présentes une copie de ces lettres.

En janvier et en mars 1994, des représentants de Nasha ont rencontré des employés de Revenu Canada et ils ont cru convaincre ces derniers que les dépenses et les frais liés à des projets auxquels Nasha avait pris part en 1987 et en 1988 dépassaient son revenu pour les mêmes années.

Ces rencontres concernaient aussi d'autres compagnies et particuliers qui, par la suite, ont reçu des avis de nouvelle cotisation auxquels ils se sont régulièrement opposés en temps opportun, mais ni Nasha ni ses représentants n'ont reçu d'avis ni d'autres lettres.

Par conséquent, ils ont cru que la vérification de Nasha était terminée et qu'aucun rajustement ne serait apporté.

Nasha a pour la première fois pris connaissance de l'existence d'un solde dû en novembre 1996, dans une lettre de Revenu Canada à laquelle étaient joints des avis de cotisation pour les années 1987 et 1988, dans lesquels il était indiqué qu’ils avaient été mis à la poste le 10 août 1995 pour l'année d'imposition 1987 et le 31 août 1995 pour l'année d'imposition 1988.

Veuillez noter que, bien que les lettres de proposition du 8 septembre 1993 et du 2 mai 1994 proposent des rajustements pour ce qui est des années d'imposition 1987, 1988, 1990 et 1991, aucune cotisation n'a été reçue à ce jour pour les années 1990 et 1991.

M. Hasiuk, le mandant de Nasha, s'attendait à ce qu'une cotisation soit établie à l'égard de Nasha en raison des lettres de proposition et du fait que Patrick Rutherford, son comptable, lui demandait régulièrement s'il avait reçu un avis du ministère concernant Nasha. M. Hasiuk soutient qu'il n'a reçu aucun avis de cotisation avant le mois de novembre 1996.

Je joins une copie de l'opposition en trois exemplaires.

Essentiellement, Nasha soutient qu'en 1987 et en 1988, ses frais et ses dépenses dépassaient son revenu et que, par conséquent, elle ne doit aucun montant d'impôt.

Si Nasha avait été au courant des cotisations au mois d'août 1995, elle aurait déposé une opposition dans le délai prévu par la Loi.

Je soumets par conséquent qu'il serait indiqué, dans les circonstances, de proroger le délai imparti pour déposer une opposition.

[4] Tous les documents auxquels renvoie M. Grant dans la lettre du 8 mai 1997 sont reproduits dans l'ordre où ils y sont mentionnés.

[5] Les lettres du 8 septembre 1993 et du 2 mai 1994 sont ainsi libellées :

[TRADUCTION]

Le 8 septembre 1993

Objet : Déclarations de revenus de la société pour 1987, 1988, 1990 et 1991

Madame Hasiuk,

À la suite d'une vérification de Nasha Properties Ltd. pour les années susmentionnées, nous nous proposons initialement de considérer les montants suivants comme des revenus imposables de la société pour les années en question :

1987

Revenu d'entreprise non déclaré

tiré de la vente de différents lots

(voir les annexes jointes) 77 236 $

1988

Revenu d'entreprise non déclaré

tiré de la vente de différents lots

(voir les annexes jointes) 87 193 $

1990

Revenu d'entreprise non déclaré

tiré d'une vente à Robert Hasiuk

(voir les annexes jointes) 14 599 $

1991

Revenu d'entreprise non déclaré

tiré d'une vente à Bill Hasiuk

(voir les annexes jointes) 19 599 $

Si vous souhaitez faire d'autres observations sur ce qui précède, vous pouvez communiquer avec moi dans les trente jours suivant la mise à la poste de la présente lettre. Si vous ne répondez pas avant l'expiration du délai, une cotisation d'impôt sur le revenu prenant en compte les montants susmentionnés à titre de revenu imposable sera établie à l'égard des déclarations de revenu de la société pour les années 1987, 1988, 1990 et 1991.

Le 2 mai 1994

Objet : Déclarations de revenus de la société pour 1987, 1988, 1990 et 1991

Madame Hasiuk,

À la suite de notre vérification de Nasha Properties Ltd. pour les années susmentionnées, nous considérons initialement les montants suivants comme des revenus imposables de la société pour les années en question :

1987

Revenu d'entreprise non déclaré

tiré de la vente de différents lots

(voir les annexes jointes) 43 797 $

Gain en capital imposable non

déclaré tiré d'une vente à Edison Carvalho

(54 439 $ - 32 000 $ - 4 122 $) x 50 % 9 159 $

52 956 $

1988

Revenu d'entreprise non déclaré tiré

de la vente de différents lots

(voir les annexes jointes) 72 594 $

1990

Revenu d'entreprise non déclaré tiré

d'une vente à Robert Hasiuk

(voir les annexes jointes) 14 599 $

Gain en capital imposable non déclaré

(réserve de 4 122 $ x 75 %) 3 092 $

17 691 $

1991

Revenu d'entreprise non déclaré tiré

d'une vente à Bill Hasiuk

(voir les annexes jointes) 19 599 $

Il ne faut cependant pas conclure que, parce que notre examen est terminé, vous êtes autorisée à détruire des livres de comptes et des registres. Nous tenons à vous rappeler que le pouvoir d'exiger que les livres de comptes et les registres soient conservés et détruits de manière acceptable conformément au paragraphe 230(4) de la Loi de l'impôt sur le revenu est précisé dans la circulaire d'information 78-10R, que vous pouvez obtenir sur demande, à notre bureau.

Veuillez agréer, Madame Hasiuk, l'expression de mes sentiments distingués.

Gordon Parr,

Division de la vérification

[6] La lettre du 13 novembre 1996 de Revenu Canada à Nasha se lit comme suit :

[TRADUCTION]

Le 13 novembre 1996

C.P. 722

Colborne (Ontario)

K0K 1S0

Objet : Arriérés d'impôt sur le revenu

Solde : 148 105,62 $

Monsieur, Madame,

D'après nos dossiers, vous devez encore 148 105,62 $, bien que nous ayons déjà attiré votre attention sur cette dette.

Nous vous saurions gré de payer ce montant sans tarder.

Si vous ne payez pas le montant intégral dans les 15 jours, nous pourrions être dans l'obligation de prendre les mesures judiciaires appropriées sans aucun autre avis.

Si vous avez déjà acquitté le montant, nous vous en remercions et nous vous prions de ne pas tenir compte de la présente lettre. Cependant, si vous avez acquitté le montant il y a plus de 15 jours, veuillez nous donner de plus amples détails pour que nous puissions créditer votre compte.

Veuillez agréer, Monsieur, Madame, l'expression de mes sentiments distingués.

M. J. Andrews,

Recouvrement des recettes

[7] On peut lire ceci dans l'avis de cotisation :

[TRADUCTION]

AVIS DE COTISATION

Nom de la société No du compte/de l'entreprise

NASHA PROPERTIES LTD. 8292 7682

Fin de l'année d'imposition Date de mise à Centre fiscal

la poste

31 décembre 1987 10 août 1995 Sudbury

RÉSUMÉ DES MONTANTS ÉTABLIS

Impôt de la partie I 19 361,11 $

Impôt fédéral total 19 361,11 $

Impôt provincial et territorial total     0

Impôt total 19 361,11 $

Plus (Moins)

Pénalités 3 291,38 $

Intérêt et pénalités sur acomptes

provisionnels 1 077,94 $

Intérêt sur arriérés 28 962,91 33 332,23 $

Solde de cette cotisation 52 693,34 $

Solde antérieur 0

Solde dû (veuillez payer ce montant) 52 693,34 $

Nous réclamons des intérêts parce qu'au moins un de vos paiements sur acomptes provisionnels était en retard ou insuffisant. Vous deviez faire 12 paiements sur acomptes provisionnels de 1 613,42 $. Cette exigence était basée sur l'option 1, qui est expliquée dans le “ Guide des acomptes provisionnels pour les corporations ”.

EXPLICATION DES CHANGEMENTS

La déclaration de revenus de la société a été préparée et elle a fait l'objet d'une cotisation en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

AVIS DE COTISATION

Nom de la société No du compte/de l'entreprise

NASHA PROPERTIES LTD. 8292 7682

Fin de l'année d'imposition Date de mise Centre fiscal

à la poste

31 décembre 1988 31 août 1995 Sudbury

RÉSUMÉ DES MONTANTS ÉTABLIS

Impôt de la partie I 23 538,81 $

Impôt fédéral total 23 538,81 $

Impôt provincial et territorial total     0

Impôt total 23 538,81 $

Plus (Moins)

Pénalités 4 001,59 $

Intérêt et pénalités sur acomptes

provisionnels 1 229,55 $

Intérêt sur arriérés 29 655,53 34 886,67 $

Solde de cette cotisation 58 425,48 $

Solde antérieur     53 088,86 $

Solde dû (veuillez payer ce montant) 111 514,34 $

Nous réclamons des intérêts parce qu'au moins un de vos paiements sur acomptes provisionnels était en retard ou insuffisant. Vous deviez faire 12 paiements sur acomptes provisionnels de 1 613,42 $. Cette exigence était basée sur l'option 2, qui est expliquée dans le “ Guide des acomptes provisionnels pour les corporations ”.

EXPLICATION DES CHANGEMENTS

La déclaration de revenus de la société a été préparée et elle a fait l'objet d'une cotisation en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

Nous avons modifié le montant de base de l'impôt de la partie I pour arriver au montant indiqué ci-après.

Nous avons modifié le montant déclaré au titre de l'abattement de l'impôt fédéral pour arriver au montant indiqué ci-après.

Nous avons modifié la surtaxe des sociétés pour arriver au montant indiqué ci-après.

LES MONTANTS QUI SUIVENT SONT DES MONTANTS QUI ONT ÉTÉ RÉVISÉS SUR VOTRE DÉCLARATION DE REVENUS :

IMPÔT DE LA PARTIE I SUR LE REVENU IMPOSABLE

Revenu imposable [127] 72 594 $

Impôt de la partie I sur le

revenu imposable [202] 30 112,62 $ 30 112,62 $

Moins :

Abattement de

l'impôt fédéral [207] 7 259,40 $ 7 259,40 $

Montant net 22 853,22 $

Plus : Surtaxe des sociétés [209] 685,59 $

Total partiel 23 538,81 $

Total des crédits d'impôt de la partie I 0

Impôt de la partie I payable [129] 23 538,81 $

[8] Des avis d'opposition étaient joints à la lettre de M. Grant concernant les années 1987 et 1988. À chacun d'eux étaient annexés deux documents appelés “ Exposé des faits ” et “ Exposé des motifs ”. Le premier compte sept paragraphes numérotés et l'autre, quatre. Exception faite de la différence mentionnée dans la note en bas de page 1, le libellé est le même pour les deux années et il est le suivant :

[TRADUCTION]

1. La contribuable croit comprendre qu'elle a 90 jours à compter de la réception de l'avis de cotisation pour déposer un avis d'opposition (copies des avis jointes).

La contribuable et ses représentants n'ont appris l'existence d'un avis ou d'un solde dû que lorsque la contribuable a reçu un état daté du 13 novembre 1996 (copie jointe) avec l'avis de cotisation.

2. La contribuable et des compagnies liées ont fait l'objet d'une vérification par Revenu Canada en 1993 et en 1994, laquelle vérification a été suivie de lettres de proposition datées du 8 septembre 1993 et du 2 mai 1994 (copies jointes).

3. Le représentant de la compagnie et des employés de Revenu Canada se sont rencontrés en janvier et en mars 1994 pour revoir les frais liés au projet et la documentation afférente. Ces rencontres ont été précédées de longues discussions et d'un échange de lettres concernant les différentes questions litigieuses.

4. Au terme de la rencontre, certaines questions concernant d'autres compagnies et particuliers avaient été résolues, ainsi, apparemment, que la vérification de Nasha, selon laquelle les dépenses et les frais liés au projet dépassaient les revenus tirés de celui-ci.

5. Les autres compagnies et particuliers ont reçu des avis de nouvelle cotisation auxquels ils se sont opposés en temps opportun.

6. Aucune autre lettre n'ayant été reçue par la contribuable ou ses représentants, ces derniers ont cru que la vérification de Nasha était terminée et qu'aucun rajustement ne serait apporté.

7. Les lettres de proposition (ainsi qu'il est indiqué à la note 2) proposaient des rajustements pour les années d'imposition 1987, 1988, 1990 et 1991. À ce moment-ci, la contribuable n'est au courant que des cotisations établies relativement aux années 1987 et 1988.

1. La contribuable et ses représentants n'ont reçu l'avis de cotisation daté du 10 août 1995 qu'en novembre 1996, et ils ignoraient donc jusque-là qu'une cotisation avait été établie[1] .

2. La contribuable et ses représentants demandent pourquoi la compagnie a fait l'objet d'une cotisation plus d'un an après la lettre de proposition datée du 2 mai 1994.

3. La contribuable demande qu'une prorogation du délai de 90 jours lui soit accordée et que le présent avis d'opposition soit accepté.

4. Les frais et les dépenses dépassaient le revenu, de sorte qu'aucun impôt n'est dû.

[9] Par voie de requête en date du 29 septembre 1997, Me Grant a demandé à la Cour de l'impôt d'ordonner son retrait du dossier comme procureur de Nasha pour les motifs suivants :

[TRADUCTION]

a) Donald L. Grant, c.r., a été incapable d'obtenir de la requérante les sommes suffisantes pour donner suite à la requête;

b) Donald L. Grant, c.r., a été incapable d'obtenir des instructions de la requérante.

À l'appui de la demande, la déclaration sous serment de Joan Grant, assermentée le 29 septembre 1997, a été déposée et signifiée. Elle est reproduite ci-dessous :

[TRADUCTION]

Je soussignée, JOAN GRANT, de la ville de Trenton, dans le comté de Hastings, affirme solennellement que :

1. Je suis auxiliaire juridique au bureau de Donald L. Grant, c.r., et, à ce titre, je suis au courant des questions mentionnées ci-après;

2. Sous la cote A, est jointe à ma déclaration sous serment une copie d'une lettre que j'ai reçue de Gerald Hasiuk indiquant qu'il ne requérait plus mes services dans cette affaire[2].

3. La dernière adresse connue de Nasha Properties Limited est la suivante : C.P. 722, Colborne (Ontario), K0K 1S0.

La pièce A jointe à la déclaration sous serment est ainsi libellée :

[TRADUCTION]

Le 29 septembre 1997

Don Grant

À l'attention de : Don ou Joan Grant

Maître Grant,

Soyez avisé qu'à compter d'aujourd'hui, nous ne requérons plus vos services ou conseils juridiques dans l'affaire no 12540 mettant en cause Revenu Canada.

Veuillez agréer, Maître Grant, l'expression de mes sentiments distingués.

Gerald Hasiuk

Le dossier de la Cour de l'impôt comprend un procès-verbal qui indique que la demande en question a été entendue et accueillie le 30 septembre 1997 à Belleville par le juge McArthur, de la Cour de l'impôt. Sous le titre “ Décision ”, on peut lire ceci dans le procès-verbal : “ Requête accueillie afin de retirer Me Grant comme procureur inscrit au dossier. Ajournement à la demande de l'appelante (Nasha) jusqu'à la prochaine séance qui sera tenue à Belleville. ” Seule cette partie de l'ordonnance se rapportant à l'ajournement paraît avoir été formulée par écrit.

[10] Par voie d'avis de requête en date du 25 septembre 1997, l'avocat de l'intimée demande une ordonnance annulant la demande de prorogation du délai imparti pour signifier les avis d'opposition. L'avis se lit comme suit :

[TRADUCTION]

SACHEZ QUE l'intimée présentera une requête à la Cour le mercredi, 1er octobre 1997, à 9 h 30, ou le plus tôt possible après cette date, dès que la requête pourra être entendue, au Ramada Inn, salle Moira, 11, chemin Bay Bridge, Belleville (Ontario).

LA REQUÊTE VISE À OBTENIR une ordonnance annulant la demande de prorogation du délai imparti pour déposer des avis d'opposition relativement aux années d'imposition 1987 et 1988.

LES MOYENS AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE SONT LES SUIVANTS :

a) par voie d'avis de cotisation datés du 10 et du 31 août 1995 respectivement et postés à la requérante les mêmes jours, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établi une cotisation à l'égard de la requérante pour les années d'imposition 1987 et 1988;

b) la requérante ne s'est pas opposée aux cotisations dans le délai prévu à l'alinéa 165(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu (la “ Loi ”);

c) le 14 janvier 1997, la requérante a présenté au ministre, en vertu de l'article 166.1 de la Loi, une demande de prorogation du délai imparti pour signifier les avis d'opposition;

d) le ministre a rejeté la demande après l'avoir examinée et, le 3 mars 1997, il a avisé la requérante de sa décision par écrit;

e) le 12 mai 1997, en vertu de l'article 166.2 de la Loi, la requérante a demandé à la Cour de proroger le délai imparti pour signifier les avis d'opposition;

f) en vertu de l'alinéa 166.2(5)a) de la Loi, la Cour ne peut accueillir la demande pour le motif que celle-ci, aux termes de l'article 166.1 de la Loi, n'a pas été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d'opposition.

La déclaration sous serment de W. Paul Young, assermenté le 3 décembre 1997, a été déposée et signifiée pour étayer sa demande. On peut y lire ce qui suit :

[TRADUCTION]

Je soussigné, W. Paul Young, de la ville de Belleville (Ontario), affirme solennellement que :

1. Je suis un fonctionnaire à la Division des appels du Bureau des services fiscaux de Belleville du ministère du Revenu national (le “ ministère ”) et, à ce titre, j'ai la responsabilité des dossiers pertinents et je suis au courant des pratiques du ministère.

2. J'ai examiné soigneusement les dossiers relatifs aux cotisations établies à l'égard de la requérante pour les années d'imposition 1987, 1988, 1990 et 1991 et à la demande de prorogation, de la requérante, du délai imparti pour signifier les avis d'opposition pour les années d'imposition 1987 et 1988.

3. Je suis personnellement au courant des questions mentionnées ci-après, sauf lorsqu'il est indiqué que je les tiens pour véridiques sur la foi de renseignements obtenus.

4. Mon examen des dossiers révèle ce qui suit :

a) par voie d'avis de cotisation daté du 10 août 1995, le ministre du Revenu national (le “ ministre ”) a établi une cotisation à l'égard de la requérante pour l'année d'imposition 1987;

b) par voie d'avis de cotisation daté du 31 août 1995, le ministre a établi une cotisation à l'égard de la requérante pour l'année d'imposition 1988;

c) par voie d'avis de cotisation daté du 18 décembre 1995, le ministre a établi une cotisation à l'égard de la requérante pour l'année d'imposition 1990;

d) par voie d'avis de cotisation daté du 18 janvier 1996, le ministre a établi une cotisation à l'égard de la requérante pour l'année d'imposition 1991.

5. Des copies conformes des avis de cotisation établis à l'égard de la requérante pour les années d'imposition 1987 et 1988 sont jointes sous les cotes A et B respectivement. Elles sont des photocopies d'une partie de la documentation soumise à la Cour par la requérante.

6. Les avis de cotisation établis à l'égard de la requérante pour les années d'imposition 1987 et 1988 ont été produits par ordinateur. Dans le cas des avis de cotisation établis par ordinateur, contrairement aux avis de cotisation établis manuellement, un original est généré, puis envoyé au contribuable. Aucune copie papier n'est conservée dans les dossiers du ministère.

7. Le ministère est en mesure de reconstituer les avis de cotisation établis par ordinateur en imprimant de nouveau l'information contenue dans le système informatique. À l'étape suivante, un timbre est apposé de façon claire sur les copies reconstituées : “ RECONSTRUCTED RECONSTITUE ”. Les pièces A et B ne sont pas des avis de cotisation reconstitués[3].

8. Janice A. Crossman, chef de projet de la section de production des cotisations T2 (sociétés) et du support technique à l'administration centrale du ministère, m'a informé que :

a) le système informatique du ministère traite les cotisations d'impôt sur le revenu des sociétés et les postdate de dix jours après la date de traitement;

b) les cotisations des sociétés sont traitées en lots et elles sont acheminées de façon cyclique à des fins de contrôle;

c) les cotisations établies à l'égard de la requérante pour les années d'imposition 1987 et 1988 ont été traitées le 31 juillet 1995 et le 21 août 1995 respectivement et les avis de cotisation ont été postdatés du 10 août 1995 et du 31 août 1995 respectivement;

d) un fichier principal de tous les dossiers faisant partie du lot est créé sur ruban, un numéro de séquence particulier étant créé pour chaque page à imprimer;

e) le ruban est ensuite utilisé par l'atelier d'imprimerie des services médiatiques - la salle de reconnaissance magnétique des caractères (la “ salle RMC ”) pour imprimer les cotisations du lot;

f) une fois l'impression terminée, le lot est transféré à la section de la distribution mécanisée pour distribution;

g) rien n'indique qu'il y a eu un problème dans le téléchargement des dossiers sur ruban le 31 juillet 1995 et le 21 août 1995.

9. Judie G. Thompson, gestionnaire intérimaire à la Section de la distribution mécanisée du centre fiscal d'Ottawa du ministère, m'a informé que :

a) la Section reçoit les lots de cotisations des sociétés établies par ordinateur de la salle RMC, les insère dans des enveloppes individuelles et les expédie à des employés de la Société canadienne des postes qui sont sur place, aux fins de leur mise à la poste;

b) le lot d'avis de cotisation daté du 10 août 1995 a été reçu le 8 août 1995 et mis à la poste le 14 août 1995;

c) le lot d'avis de cotisation daté du 31 août 1995 a été reçu le 22 août 1995 et mis à la poste le 31 août 1995;

d) avant qu'un lot soit expédié à la Société canadienne des postes, le compte informatique de la remplisseuse est comparé au compte prévu; le 14 et le 31 août 1995, ces comptes correspondaient.

10. Mon examen des dossiers révèle que les avis d'opposition de la requérante relatifs aux années d'imposition 1987 et 1988 ont été postés au ministre le 14 janvier 1997, qu'ils étaient joints à une demande de prorogation de délai et qu'aucun avis d'opposition n'a été signifié pour les années d'imposition 1990 et 1991 de la requérante.

11. Mon examen des dossiers révèle que le ministre a examiné la demande de prorogation de délai pour les années d'imposition 1987 et 1988, mais qu'il l'a rejetée pour le motif qu'elle n'avait pas été déposée dans le délai prévu au paragraphe 166.1(7) de la Loi. Le 3 mars 1997, il a envoyé à la requérante une lettre l'avisant de sa décision. La lettre a été envoyée par courrier recommandé et adressée à Nasha Properties Ltd., C.P. 722, Colborne (Ontario), K0K 1S0.

12. Mon examen des dossiers révèle également qu'aucun avis de nouvelle cotisation n'a été établi à l'égard de la requérante pour les années d'imposition 1987 et 1988 après les avis de cotisation datés du 10 août 1995 et du 31 août 1995 respectivement;

13. La présente déclaration sous serment est faite à l'appui d'une requête en annulation de la demande de prorogation de délai pour le motif que la requérante n'a pas respecté une condition préalable à la présentation de la demande.

[11] Lorsque ces affaires ont été appelées pour audition à 9 h 30 le lundi 8 décembre 1997 à Belleville, M. Hasiuk a demandé un ajournement. Aucun avis préalable n'a été donné à l'avocat de l'intimée ni à qui que ce soit du greffe de la Cour. Le juge a examiné le dossier du litige et, en dépit des protestations de M. Hasiuk, il a ordonné que l'audition se poursuive.

[12] Ainsi que nous le verrons dans l'avis de requête de l'intimée, la Couronne soutient (1) qu'une cotisation a été établie à l'égard de Nasha pour l'année 1987 et que l'avis de cotisation a été daté du 10 août 1995 et mis à la poste le même jour; (ii) qu'une cotisation a été établie à l'égard de Nasha pour l'année 1988 et que l'avis de cotisation a été daté du 31 août 1995 et mis à la poste le même jour; que la société n'a pas déposé d'avis d'opposition dans les 90 jours, comme le prescrit l'alinéa 165(1)b) de la Loi; que, le 14 janvier 1997, Nasha a présenté au ministre du Revenu national une demande de prorogation de délai en vertu du paragraphe 166.1(1), et que cette demande a été rejetée par écrit le 3 mars 1997; que Nasha a ensuite présenté à la Cour, en vertu de l'alinéa 166.2(1)a), une demande de prorogation de délai. Ainsi qu'il a été indiqué au début des présents motifs, l'avocat de l'intimée soutient que l'alinéa 166.2(5)a) interdit à la Cour d'accueillir la demande de prorogation de délai présentée.

[13] Au début de l'audition, l'avocat de l'intimée a expliqué pourquoi il présentait une requête afin d’obtenir une ordonnance annulant la demande de prorogation de délai de Nasha plutôt que de simplement s'opposer à cette demande, comme cela se fait généralement. Sa décision découle de l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Aztec Industries Inc. v. Her Majesty the Queen, 95 DTC 5235[4]. Dans cette affaire, une demande a été présentée en vertu de l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale en vue d'infirmer une décision de la Cour canadienne de l'impôt. Aztec Industries Inc. (“ Aztec ”) avait présenté à notre cour une demande de prorogation du délai imparti pour signifier des avis d'opposition. Cette demande a été rejetée pour le motif qu'elle était tardive. Le juge Hugessen, qui a rendu la décision de la Cour fédérale, a cité les paragraphes 166.1(1), 166.2(1), 166.2(5), et 165(1) de la Loi à la page 5236, dans cet ordre. Il a souligné le passage suivant de l'alinéa 165(1)b) : “ le 90e jour suivant la date de mise à la poste de l'avis de cotisation ”, et il a dit : “ Ainsi, la date déterminante est "la date de mise à la poste de l'avis de cotisation" ”. Le juge a ajouté ceci à la page 5237 :

Lorsque, comme en l'espèce, le contribuable affirme non seulement qu'il n'a pas reçu l'avis de cotisation, mais encore que cet avis n'a jamais été émis, c'est au ministre qu'il incombe de prouver l'existence de l'avis et la date de sa mise à la poste; lui seul est en possession de ces faits et lui seul peut en administrer la preuve.

Après avoir examiné les prétentions soumises à la Cour, il a statué : “ Il n'y avait absolument aucune preuve que l'avis relatif à cette cotisation eût été envoyé à la contribuable ”. Il conclut les motifs du jugement dans les termes suivants à la page 5238 :

Le juge de la Cour de l'impôt était appelé à se prononcer sur deux questions. Il s'agissait en premier lieu de savoir si le ministre a fait la preuve que des avis de cotisation avaient été émis et envoyés par la poste conformément à la loi. En second lieu de savoir, à supposer que cette preuve ait été faite, si la contribuable a réfuté la présomption de réception de ces avis. Si la réponse à la première question était négative, la seconde question ne se poserait pas. Sauf le respect que je lui dois, le juge de l'impôt a manifestement abordé l'affaire comme si la charge de la preuve incombait initialement à la contribuable, alors que vu les circonstances de la cause, si le ministre ne fait pas la preuve de l'existence et de la date de la mise à la poste des avis de cotisation, la contribuable n'a rien à nier ou à réfuter.

Il demeure la question de savoir quelle suite il faut réserver à ce recours en contrôle judiciaire. Le juge de la Cour de l'impôt a rejeté la demande en prorogation du délai par ce motif qu'elle avait été faite passé le délai imparti. Il avait raison de la rejeter, mais il aurait dû le faire par un autre motif, savoir que le ministre n'avait prouvé ni l'existence ni l'envoi par la poste des avis de cotisation en question. Étant donné qu'il n'est pas impossible que se pose la question de l'autorité de la chose jugée ou de l'issue estoppel, il faut que les motifs de rejet soient consignés dans le dispositif de l'ordonnance de la Cour de l'impôt.

En conséquence, je me prononce pour l'accueil du recours fondé sur l'article 28, le rejet de l'ordonnance en date du 7 juillet 1994 de la Cour canadienne de l'impôt et le renvoi de l'affaire à cette dernière pour qu'elle rejette la demande de la requérante en prorogation du délai par ce motif que le ministre n'a prouvé ni l'existence ni la date de la mise à la poste des avis de cotisation en question.

[14] La meilleure façon d'exposer le sens que l'avocat de l'intimée donne à l'arrêt Aztec est peut-être de simplement reproduire ce qu'il a dit à cet égard à l'audition :

[TRADUCTION]

La Couronne : Du fait de l'arrêt Aztec --

Le juge : À quel onglet?

La Couronne : Il s'agit d'une décision de la Cour d'appel fédérale. Elle se trouve à l'onglet 3 du livre.

Le juge : Oui.

La Couronne : Ce qui se passe dans certaines de ces demandes de prorogation de délai, plus particulièrement dans l'affaire Aztec, c'est qu'elles ont été présentées quelque 10 ans après l'envoi des avis de cotisation. Ce qui se produit dans des cas comme celui qui nous occupe, c'est que la Couronne fait valoir qu'un avis de cotisation a été posté à une certaine date. À compter de ce moment-là, le compteur commence à tourner. Il en découle différentes implications sur le plan du délai.

Un avis d'opposition doit être présenté dans un certain délai. Si ce délai n'est pas respecté, il existe un redressement en vertu duquel une demande de prorogation de délai peut être présentée, encore une fois dans un certain délai. Et ce qui se produit très souvent dans de tels cas, c'est que le contribuable soutient qu'il n'a jamais reçu l'avis de cotisation. Et puisqu'il n'a jamais reçu l'avis de cotisation, le délai n'a jamais commencé à courir. Par conséquent, soutient-il, il est autorisé à présenter une demande de prorogation de délai n'importe quand parce que le délai n'a jamais commencé à courir.

Ce que la Cour d'appel fédérale a dit dans l'arrêt Aztec, bien, si c'est le cas et que le contribuable n'a pas reçu l'avis de cotisation ou, plus précisément, si la Couronne ne peut établir la date de l'avis de cotisation, le contribuable n'a pas vraiment à présenter de demande de prorogation du délai puisqu'il n'a rien à demander. Alors, en réalité, il n'a pas à être ici. La demande de prorogation de délai sera donc rejetée pour le motif que le contribuable n'a pas besoin de cette prorogation car la Couronne n'a jamais prouvé qu'une cotisation avait effectivement été établie à son égard.

La Couronne se retrouve alors dans une position difficile : la demande de prorogation de délai du contribuable a été rejetée, ce qui devrait normalement réjouir la Couronne. Toutefois, la demande a été rejetée non pas parce qu'elle était prescrite, ce qui mettrait un terme à l'affaire, mais parce que la Couronne n'a pas prouvé qu'il y avait eu un avis de cotisation à la date alléguée.

Ce qui se produit normalement, c'est que l'affaire est alors prescrite et qu'il est donc trop tard pour que la Couronne établisse une nouvelle cotisation. L'affaire est donc résolue sans qu'une cotisation soit établie à l'égard du contribuable.

Et parce que la requête en prorogation de délai a été rejetée, la Couronne ne peut même pas interjeter appel car, si on peut interjeter appel d'une ordonnance, on ne peut toutefois pas interjeter appel des motifs d'une ordonnance.

La Couronne se retrouve donc dans une situation très difficile dans ces cas-là et il n'y a rien qu'elle puisse faire. Elle perd par défaut.

Alors, ce que la Couronne a fait dans le présent cas, ce matin, elle a présenté une requête en annulation de la demande de prorogation du délai. Alors, je ne veux pas mettre la charrue devant les boeufs mais, de toute évidence, si la requête en annulation est accueillie pour le motif qu'il n'a pas été satisfait à la condition préalable, l'affaire est close. La Couronne est satisfaite, et le contribuable peut interjeter appel s'il le désire.

Si la requête est rejetée, alors je suggérerais, de toute évidence compte tenu des motifs, mais il y aurait au moins un appel possible, un appel éventuel ou possible par la Couronne parce que la demande de la Couronne a été refusée. Par conséquent, la Couronne pourrait, dans les circonstances appropriées, se présenter devant la Cour d'appel et demander l'examen de l'affaire.

Alors, ce que je propose de faire ce matin, c'est de plaider la requête en annulation et, par la suite, j'inviterai le juge à annuler cette demande de prorogation pour le motif qu'il n'a pas été satisfait à la condition préalable.

[15] En plus de la déclaration sous serment de M. Young, l'avocat de l'intimée s’est fondé sur le témoignage oral de quatre employés de Revenu Canada à Belleville.

[16] M. John G. Parr a témoigné qu'en 1992, on lui avait confié la tâche de faire enquête pour déterminer l'obligation fiscale de Nasha. La dernière déclaration de revenus que celle-ci avait produite se rapportait à l'année 1985. Le témoin a découvert que la société avait gagné un revenu d'entreprise dans les années 1987 à 1991 inclusivement et qu'elle avait réalisé un gain en capital en 1987. Il a terminé son travail au printemps de 1994 et il a recommandé qu'une cotisation soit établie à l'égard de Nasha relativement au revenu d'entreprise et au gain en capital en question. De plus, il a recommandé l'imposition d'une pénalité en vertu du paragraphe 162(1) de la Loi[5].

[17] Norman H. Davis a déclaré que sa responsabilité se rapportait à l'omission de produire des déclarations de revenus. Une cotisation peut être établie à l'égard des contribuables qui omettent de produire des déclarations en vertu du paragraphe 152(7) de la Loi[6].

[18] Au printemps de 1994, il a reçu un rapport de vérification de M. Parr concernant Nasha, portant sur les années d'imposition 1987 à 1991 en preuve inclusivement. Le 25 mai 1995, il a rempli un formulaire TX73, qui a été produit en preuve sous la cote R-1. On y renvoie au paragraphe 152(7) et à la vérification effectuée par Gordon Parr. La cotisation projetée, qui incluait des pénalités, préparée par M. Davis, ainsi que quatre déclarations des sociétés concernant Nasha, ont été envoyées à la Division des cotisations des sociétés au centre fiscal de Sudbury pour établissement d'une cotisation. Par voie d'avis daté du 12 juillet 1995, M. Davis a été informé par le bureau de Sudbury que la “ Requête est traitée ”.

[19] Il a raconté que, lorsque les employés du bureau de Sudbury reçoivent la documentation qu'il envoie, ils la vérifient et l'envoient pour “ l'entrée des données ”. “ À partir de là, elle est entrée dans l'ordinateur ”, et les cotisations suivent.

[20] Un relevé informatique des transactions dans le compte d'entreprise de Nasha a ensuite été produit en preuve (R-3) par ce témoin. Il concerne la période de 1994 à 1997. D'après ce relevé, le 10 août 1995, une cotisation d'impôt de 52 693,54 $, incluant des intérêts et une pénalité, a été établie à l'égard de Nasha relativement à la période se terminant le 31 décembre 1987. Le relevé indique également que, le 31 août 1995, une cotisation d'impôt de 58 425,48 $, incluant des intérêts et une pénalité, a été établie à l'égard de Nasha relativement à la période se terminant le 31 décembre 1988.

[21] John L. D. Andrews est un agent de recouvrement et d'exécution. Lorsqu'on lui a soumis le relevé informatique, il a déclaré qu'il montrait que deux lettres de recouvrement produites par ordinateur avaient été envoyées à Nasha, une le 2 octobre 1995 pour un montant de 113 120,33 $ et la deuxième, le 2 novembre 1995, pour un montant de 113 975,70 $.

[22] Le témoin a commencé à s'occuper du dossier de Nasha en octobre 1996. Il a envoyé une “ lettre d'avertissement de nature juridique type ” à Nasha le 13 novembre 1996. Comme les deux premières lettres de recouvrement, cette lettre est libellée selon le modèle habituel. Aucune copie de ces lettres n'est généralement conservée. Leur envoi est consigné dans un journal électronique.

[23] Le témoin a alors fait la lecture d'une partie des documents mentionnés au paragraphes [8] (exposés des faits et des motifs joints aux avis d'opposition), [7] (avis de cotisation) et [6] (lettre de Revenu Canada à Nasha datée du 13 novembre 1996 ) des présents motifs, dans cet ordre. Au bas d'une copie de la lettre du 13 novembre 1996 de M. Grant, qui se trouve dans le dossier de la Cour, on peut lire la note manuscrite suivante : “ Veuillez m'appeler au 1-800-361-3228 Hasiuk Trailers ”. M. Andrews a déclaré que ce n'était pas son écriture et qu'il ne connaissait pas le numéro de téléphone inscrit. Il a affirmé qu'il n'avait jamais envoyé de copie des avis de cotisation à Nasha Properties, encore moins avec sa lettre du 13 novembre 1996.

[24] Je le répète, la déclaration sous serment de M. W. Paul Young a été déposée et signifiée à l'appui de la demande en annulation de l'intimée. M. Young a été appelé à témoigner par l'avocat de l'intimée dans le but premier d'être contre-interrogé par le représentant de Nasha. Cela ne peut être considéré comme une contestation véritable des points saillants de sa déclaration sous serment. Avant que le contre-interrogatoire commence, il a témoigné dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

Q. Je n'ai qu'une seule question à vous poser. Pour une société de la région de Belleville, une société à l'égard de laquelle un avis de cotisation est établi par ordinateur, pouvez-vous nous dire ce que vous savez du processus de cotisation à partir du moment où la demande de cotisation est envoyée au centre fiscal?

R. Oui.

Monsieur le juge : Le centre fiscal de quel endroit?

La Couronne : Il nous le dira.

Le témoin : Dans le cas qui nous occupe, le centre fiscal du bureau de district de Belleville est Sudbury. Cependant, pour ce qui est des cotisations T2, l'avis de cotisation est imprimé à Ottawa et la cotisation, qui fait partie d'un plus grand lot, est envoyée par voie électronique de Sudbury à Ottawa. Une fois reçue, elle est téléchargée sur un ruban à partir duquel les avis de cotisation sont imprimés.

L'ordinateur établit une date qui se situe 10 jours après l'établissement de la cotisation proprement dit, ce qui donne suffisamment de temps pour passer de la forme électronique au ruban puis à l'impression, pour imprimer et envoyer les cotisations dans le service où les avis sont mécaniquement insérés dans des enveloppes et ensuite, pour les envoyer au bureau de poste. Il y a donc véritablement -- la date véritable de la cotisation qui, dans le cas qui nous occupe, les dates en question sont le 10 août et le 21 août.

Le travail requis sur ordinateur est en fait effectué 10 jours plus tôt pour donner aux divers services, parce qu'il s'agit d'une très vaste opération, le temps de télécharger les avis sur ruban puis de les imprimer et d'insérer les documents comme tels dans des enveloppes et de les envoyer aux contribuables. Il y a en fait des bureaux de poste sur place, au centre fiscal d'Ottawa. Il y a des employés du bureau de poste sur les lieux, dans cette usine. Et j'utilise le terme “ usine ” parce que, sur le plan technique, c'est ce dont il s'agit.

Q. Vous avez mentionné deux centres fiscaux, donc, M. Young, un centre fiscal à Sudbury et un autre à Ottawa?

R. Oui.

Q. Il semble que tout ce que l'on fait à Sudbury, donc, c'est entrer des données dans le système informatique?

R. C'est ce que je crois comprendre.

Q. Et le reste est ensuite expédié à Ottawa où tout est fait?

R. Oui.

Il y a lieu de remarquer particulièrement que la conclusion à tirer de la déclaration sous serment du témoin est que l'avis de cotisation daté du 10 août 1995 a été mis à la poste le 14 août 1995 et que l'avis de cotisation daté du 31 août 1995 a été mis à la poste le 31 août 1995. En outre, ces cotisations n'étaient pas des cotisations reconstituées.

[25] En contre-interrogatoire, M. Young a dit que Nasha avait reçu les avis de nouvelle cotisation car ces avis sont joints à la lettre que M. Grant a adressée au greffe et ils sont les avis de cotisation originaux établis par ordinateur. De plus, l'information qu'ils contiennent correspond à celle que renferment les dossiers informatiques de Revenu Canada.

[26] M. Young a ajouté que les avis de cotisation qui sont joints comme pièces à sa déclaration sous serment sont des copies de ceux qu'a fait parvenir à Revenu Canada l'avocat de Nasha à l'appui d'une demande de prorogation du délai imparti pour signifier des avis d'opposition. Il s'agit de copies des documents originaux, et le contribuable ne peut être en possession de ces documents que s'il a eu les originaux.

[27] L'interrogatoire principal de M. Hasiuk est très bref. Il a déclaré que son épouse détenait la totalité des actions de Nasha. Il aidait son épouse à gérer la société en question. Il a parlé des activités commerciales de Nasha, qui fait partie d'un groupe de compagnies. Il a également mentionné les vérifications effectuées par Revenu Canada et les cotisations établies. Ce témoignage n'a cependant eu aucune incidence sur la question à trancher.

[28] Les avis de cotisation joints comme pièces à la déclaration sous serment de M. Young sont adressés à C.P. 722, Colbourne (Ontario), K0K 1S0. En contre-interrogatoire, M. Hasiuk a déclaré qu'il s'agissait de la case postale de Hasiuk Trailers. Il a dit qu'il ignorait qui avait pris des dispositions pour obtenir une boîte. C'était “ vraisemblablement ” l'adresse exacte de Nasha au mois d'août 1995. C'était aussi l'adresse de Nasha en 1994. Il a reconnu que le numéro de téléphone 1-800-361-3228 qui figure au bas de la lettre du 13 novembre 1996 que M. Andrews a fait parvenir à Nasha était le sien. Il a ajouté qu'il n'avait pas écrit la note qui figure au-dessus du numéro de téléphone et qu'il ne savait pas qui en était l'auteur. Il croyait que les avis de cotisation que M. Grant avait joints à la demande de prorogation de délai présentée à Revenu Canada provenaient de M. Andrews. L'avocat de l'intimée et M. Hasiuk ont eu l'échange suivant :

[TRADUCTION]

Q. Vous ne pouvez donc pas réellement dire si oui ou non Revenu Canada vous a envoyé par la poste ces deux avis de cotisation au mois d'août 1992 -- pardon, à Nasha, au mois d'août 1995, n'est-ce pas?

R. Je vous dis qu'ils ne l'ont pas fait.

Q. Bien, comment pouvez-vous dire cela?

R. Parce que je ne les ai jamais reçus.

[29] En ce qui concerne les dispositions législatives citées au début des présents motifs, si l'avis de cotisation visant l'année 1987 avait été mis à la poste le 14 août 1995, l'avis d'opposition aurait dû être signifié au ministre du Revenu national au plus tard le 90e jour suivant la mise à la poste de l'avis de cotisation, c'est-à-dire au plus tard le 8 novembre 1995. Si l'avis de cotisation visant l'année 1988 a été mis à la poste le 31 août 1995 et qu'on applique le même délai, l'avis d'opposition aurait dû être signifié au ministre au plus tard le 29 novembre 1995[7]. Ces délais n'ont pas été respectés. Nasha avait jusqu'au 12 novembre et jusqu'au 29 novembre 1996 respectivement pour demander au ministre la prorogation du délai imparti pour signifier les avis d'opposition. M. Young dit dans sa déclaration sous serment, et ce passage n'a pas été réfuté, que la demande de prorogation de délai a été postée au ministre le 14 janvier 1997, ce qui est bien sûr bien après l'expiration du délai imparti.

[30] La réponse à ces questions est essentielle pour trancher le noeud de l'affaire dont la Cour est saisie : les avis de cotisation concernant les années d'imposition 1987 et 1988 de Nasha ont-ils été mis à la poste le 14 août et le 31 août respectivement? Si la réponse est affirmative, la Cour n'a pas le pouvoir d'accorder à Nasha la prorogation du délai imparti pour signifier des avis d'opposition relativement aux années en question. La requête de l'intimée en annulation de la demande de prorogation des délais de Nasha serait par conséquent accueillie.

[31] À mon avis, si l'on tient compte de l'ensemble de la preuve, il a été établi selon la prépondérance des probabilités que les avis de cotisation en question ont été établis par Revenu Canada et qu'ils ont été mis à la poste le 14 et le 31 août 1995.

[32] Il ressort clairement que Nasha a reçu ces avis puisque des copies ont été jointes à la lettre du 8 mai 1997 que M. Grant a fait parvenir à la Cour pour demander une prorogation du délai pour déposer des avis d'opposition. Il n'est pas contesté qu'il les a obtenus de sa cliente Nasha. On soutient cependant que Nasha a reçu les avis en même temps que la lettre de recouvrement de M. Andrews datée du 13 novembre 1996, qui a été envoyée à Nasha à l'adresse suivante : C.P. 722, Colborne (Ontario), K0K 1S0. M. Andrews a témoigné que les avis de cotisation n'étaient pas joints à sa lettre, et j'accepte son témoignage à cet égard. Je crois que les avis de cotisation ont été reçus à l'adresse en question dans le cours normal des activités de la poste pour ce qui est des dates de mise à la poste du 14 et du 31 août 1995. La C.P. 722, Colborne (Ontario), K0K 1S0 est aussi l'adresse qui figure sur les avis de cotisation et c'était l'adresse exacte de Nasha au cours de la période pertinente.

[33] La Cour n'ayant pas le pouvoir d'accorder la prorogation de délai que Nasha demande, la requête en annulation de sa demande de prorogation de délai est accueillie.

Signé à Ottawa, Canada, ce 5e jour de février 1998.

“ D. H. Christie ”

J.C.A.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 24e jour de mars 1998.

Benoît Charron, réviseur



[1]               En ce qui concerne l’année 1988, la date dans ce paragraphe est le 31 août 1995.

[2]               M. Hasiuk a agi comme représentant de Nasha dans les présentes procédures et il est l'époux de Pat Hasiuk, qui est propriétaire de la totalité des actions de Nasha.

[3]               Les pièces A et B sont les copies conformes d’avis de cotisation mentionnées ci-dessus au paragraphe 5.

[4]               L'arrêt Aztec a été suivi et appliqué par le juge Bowman, C.C.I., dans l'affaire Rick Pearson Auto Transport Inc. v. The Queen, [1996] A.C.I. no 624.

[5]               Le paragraphe 162(1) est ainsi libellé :

                                162. (1) Toute personne qui n'a pas produit de déclaration de revenu dans les formes et à la date prévues au paragraphe 150(1) est passible d'une pénalité, égale au total

                                a)             d'un montant égal à 5% de l'impôt non payé au jour où la déclaration devait être envoyée; et

                                b)             du produit obtenu lorsque 1% de l'impôt non payé à la date où la déclaration devait être produite est multiplié par le nombre de mois complets, jusqu'à concurrence de douze, compris dans la période commençant à la date où la déclaration devait être produite et se terminant le jour où la déclaration a été produite.

[6]               Le paragraphe 152(7) est ainsi libellé :

                                152. (7) Le Ministre n'est pas lié par les déclarations ou renseignements fournis par un contribuable ou de sa part et, lors de l'établissement d'une cotisation, il peut, nonobstant la déclaration ou les renseignements ainsi fournis ou l'absence de déclaration, fixer l'impôt à payer en vertu de la présente Partie.

[7]               Le paragraphe 27(5) de la Loi d'interprétation prévoit ceci :

                                27. (5)      Lorsqu'un acte doit être accompli dans un délai qui suit ou précède un jour déterminé, ce jour ne compte pas.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.