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Dossier : 2003-4393(IT)I

ENTRE :

ANNE H. EDMOND,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

____________________________________________________________________

Appel entendu le 11 août 2004, à Vancouver (Colombie-Britannique)

Devant : L'honorable D.G.H. Bowman, juge en chef adjoint

Comparutions :

Représentant de l'appelante :

Edmond E. Edmond

Avocate de l'intimée :

Lisa Riddle

____________________________________________________________________

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

JUGEMENT

          La Cour rejette l'appel de la cotisation établie en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu pour l'année d'imposition 2002.


Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'août 2004.

« D.G.H. Bowman »

Bowman, J.C.A.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2005.

Diane Guay, traductrice


Référence : 2004CCI581

Date : 20040827

Dossier : 2003-4393(IT)I

ENTRE :

ANNE H. EDMOND,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge en chef adjoint Bowman

[1]      Il s'agit de l'appel d'une cotisation pour l'année d'imposition 2002 de l'appelante. En effet, celle-ci veut déduire du calcul de son revenu pour cette année-là des frais de déménagement totalisant 32 070 $.

[2]      L'appelante est une infirmière agréée, mariée à un médecin, le docteur Edmond E. Edmond, qui l'a représentée au procès mais qui n'a pas témoigné.

[3]      L'appelante et son mari ont immigré au Canada en mai 1997. Ils ont acheté une maison à Mississauga. En 1998, ils ont vendu cette maison et ont déménagé à Quesnel, en Colombie-Britannique, où ils ont acheté une autre maison.

[4]      En août 1999, l'appelante et ses trois enfants ont déménagé de Quesnel (C.-B.), à Melbourne, en Australie, où elle a travaillé comme infirmière au St. Vincent's and Mercy Hospital du 7 février au 30 juin 2000. Son époux a continué d'habiter la maison de Quesnel. En août 2000, l'appelante a quitté l'Australie pour revenir au Canada. Elle affirme, dans un affidavit qu'elle a déposé, que les frais qu'elle a encourus pour déménager de Quesnel en Australie et réemménager de l'Australie à Quesnel se sont montés à 16 571 $, de toute évidence en dollars australiens.

[5]      À son retour au Canada, son mari, elle et leurs trois enfants ont déménagé de Quesnel à Surrey, en Colombie-Britannique, où elle a commencé à travailler comme infirmière.

[6]      L'un des problèmes en l'espèce réside dans le fait que les chiffres invoqués devant le tribunal ne correspondent ni aux montants réclamés ni aux montants accordés. Mme Edmond a produit un affidavit dans lequel elle indique des frais qui, selon elle, devraient être considérés comme des frais de déménagement attribuables à une réinstallation admissible.

5. Déménagement de Mississauga à Quesnel :

Reçus disponibles

*FRAIS DE TRANSPORT/D'EXPÉDITION

5 350 $

Pièce A

*FRAIS DE DÉPLACEMENT, TOR-QUESNEL 2 VOITURES

3 280 $

Méthode simple

4 000 Km/2 véhicules/41 ¢ /KM

*HÉBERGEMENT DEUX NUITS EN ROUTE

200 $

Méthode simple

*Vol de Carl Edmond (décédé/Suicide 10 août 2002) pour Quesnel.

550 $

NÉANT

* COMMISSION DE COURTAGE

14 437 $

Pièce B

* FRAIS JURIDIQUES/Maison de Mississauga

792 $

Pièce B

* DIVERS

47 $

Pièce B

* FRAIS JURIDIQUES/MAISON DE QUESNEL

906 $

Pièce C

Total des frais

25 562 $

6. Déménagement de Quesnel en Australie et retour à Quesnel :

*FRAIS DE DÉPLACEMENT-6 711 $ X2 /BILLET D'AVION

13 422 $

Pièce D

* ENTREPROSAGE/EXPÉDITION DE BIENS PERSONNELS

2 510 $

Pièce E

* HÉBERGEMENT 5 jours

639 $

Pièce F

Total des frais

16 571 $

7. Déménagement de Quesnel à Surrey :

* FRAIS DE TRANSPORT/D'EXPÉDITION

1 800 $

Reçu donné à l'école

* FRAIS DE DÉPLACEMENT, 650 Km x 42 ¢

273 $

Méthode simple

* LOCATION D'UNE VOITURE 14 JOURS

700 $

NÉANT/erreur

* REPAS - 5 personnes pendant 5 jours

500 $

Estimation

Total des frais

3 273 $

Total des frais de déménagement

45 406 $

[7]      En 2002, l'appelante a réclamé 25 714 $ à titre de frais de déménagement admissibles dans sa déclaration de revenus, puis, dans un deuxième formulaire de déduction des frais de déplacement pour 2002, elle a plutôt réclamé 31 849 $ au lieu de 25 714 $. Cet écart n'est expliqué nulle part. De plus, la facture de l'entreprise Elmwood Moving and Storage qu'elle a présentée en preuve pour justifier le montant de 4 350 $ porte la date du 26 juin 1998. Or, c'est exactement la même facture (et c'est évident à sa lecture) que celle qui est jointe à son avis d'opposition, sauf que la date indiquée sur cette dernière est août 2000. Le plus surprenant à ce sujet, c'est non seulement que ce soit si évident, mais aussi que la modification de cette date n'aide en rien l'appelante. J'ai demandé à voir la facture originale, mais celle-ci n'a pas été produite.

[8]       Il m'est assez facile de formuler mes conclusions.

(a)       Les frais du déménagement de Mississauga à Quesnel, qui selon ce que prétend l'appelante se montent à 25 562 $, mais qui peuvent en fait se monter à un peu plus de 20 000 $, ne sont pas déductibles au cours d'aucune année parce qu'ils n'ont pas été engagés relativement à une « réinstallation admissible » au sens donné à l'article 248 de la Loi de l'impôt sur le revenu :

« réinstallation admissible » Réinstallation d'un contribuable relativement à laquelle les conditions suivantes sont réunies:

a)       elle est effectuée afin de permettre au contribuable :

(i) soit d'exploiter une entreprise ou d'occuper un emploi à un endroit au Canada (appelé « nouveau lieu de travail » à l'article 62 et au présent paragraphe),

(ii) soit de fréquenter, comme étudiant à temps plein inscrit à un programme de niveau postsecondaire, un établissement d'une université, d'un collège ou d'un autre établissement d'enseignement (appelé ''nouveau lieu de travail'' à l'article 62 et au présent paragraphe);

b)       la résidence que le contribuable habitait ordinairement avant la réinstallation (appelée « ancienne résidence » à l'article 62 et au présent paragraphe) et celle qu'il habitait ordinairement après la réinstallation (appelée « nouvelle résidence » à l'article 62 et au présent paragraphe) sont toutes deux situées au Canada;

c)       la distance entre l'ancienne résidence et le nouveau lieu de travail est supérieure d'au moins 40 kilomètres à la distance entre la nouvelle résidence et le nouveau lieu de travail.

Toutefois pour l'application des paragraphes 6(19) à (23) et de l'article de 62 à la réinstallation d'un contribuable qui est absent du Canada mais y réside, il n'est pas tenu compte des mots « au Canada » au sous-alinéa a)(i) de la présente définition ni de son alinéa b).

Cette conclusion repose sur le fait que le déménagement n'a pas été effectué pour permettre à l'appelante « d'occuper un emploi à un endroit au Canada [...] » . La preuve présentée par l'appelante ne permet pas de conclure qu'elle a emménagé à Quesnel pour y travailler. Il est même évident qu'elle n'y a pas cherché de travail, et ce, même s'il y avait pénurie d'infirmières dans cette ville.

(b)      L'appelante prétend que son déménagement de Mississauga à Quesnel, avec retour en Australie, puis retour à Quesnel et finalement de Quesnel à Surrey était simplement une façon détournée de passer de Mississauga à Surrey, chaque arrêt ne constituant simplement qu'une étape ou un séjour temporaire dans sa grande odyssée de l'Ontario à Surrey. Le docteur Edmond a invoqué la décision que j'ai rendue dans l'affaire Ringham c. La Reine, 2000 DTC 2060, dont la version française peut être consultée sur le site de la Cour canadienne de l'impôt à l'adresse suivante : http://decision.tcc-cci.gc.ca/fr/2000/html/2000cci19993247.html. En voici un extrait :

[10] La principale divergence de vues entre l'appelant et l'intimée tient au fait que l'intimée considère qu'il y a eu deux déménagements, soit :

(i) le déménagement de la résidence de Tiffany Place à l'appartement de Robson Court;

(ii) le déménagement de l'appartement de Robson Court à la résidence du boulevard Harding.

[11] D'après l'intimée, les coûts relatifs à la vente de la résidence de Tiffany Place sont liés au premier déménagement, et cela ne répond pas aux exigences du paragraphe 62(1), car la distance entre l' « ancienne résidence » (Tiffany Place) et le nouveau lieu de travail (Thornhill) n'est pas supérieure d'au moins 40 kilomètres à la distance entre la « nouvelle résidence » (Robson Court) et le nouveau lieu de travail.

[12] L'appelant soutient que, en réalité, il y a eu un seul déménagement, soit le déménagement de la résidence de Tiffany Place à la résidence du boulevard Harding.

[13] Je suis d'accord avec l'appelant. La thèse de l'intimée ne tient pas compte de la situation inusitée dans laquelle l'appelant s'est trouvé par suite des retards relatifs au projet de Budapest, qui a fini par être abandonné. L'appartement de Robson Court était un pied-à-terre temporaire, une étape. M. Ringham ne l'a jamais considéré comme sa résidence habituelle. Il avait laissé certains de ses meubles en entrepôt et n'avait pas déballé un bon nombre des boîtes qu'il avait apportées à l'appartement de Robson Court. Certes, il a changé son adresse pour Robson Court, mais je ne considère pas que ce facteur est déterminant.

[14] À mon avis, il n'est pas réaliste de dire que l'appelant résidait habituellement à l'appartement de Robson Court, car l'appelant s'attendait à déménager à Budapest sous peu et se tenait prêt pour ce déménagement. À ce compte-là, il serait à peu près aussi sensé de dire que l'appelant résidait habituellement à l'hôtel Holiday Inn de Thornhill, puisque l'appelant semble y avoir passé plus de temps qu'à l'appartement de Robson Court.

[15] Après tout, Ulysse n'est rentré chez lui, à Ithaque, qu'au bout de dix ans, après être parti de Troie et avoir séjourné à maints endroits en cours de route. Personne ne dirait que, vu son séjour prolongé sur l'île de Circé, il a déjà été un résident habituel de cet endroit.

[16] L'avocat a fait référence à l'arrêt-clé Thomson v. Minister of National Revenue, [1946] C.T.C. 51 (C.S.C.). Depuis plus d'un demi-siècle, cet arrêt est considéré comme faisant jurisprudence en ce qui concerne le sens de l'expression « résident habituel » . Il ne traite toutefois pas de la situation d'une personne qui, devant passer d'une ancienne résidence à une nouvelle résidence, est obligée de loger temporairement, mais plus longtemps que prévu, à un endroit qui ne peut, de façon réaliste, être considéré comme sa résidence habituelle.

[17] Dans le cas qui nous occupe, il y a eu un seul déménagement - de la résidence de Tiffany Place à la résidence du boulevard Harding, avec un détour par l'appartement de Robson Court un peu plus long que prévu -, et ce déménagement s'est achevé en 1997.

En l'espèce, la situation est différente. Le déménagement de Mississauga à Quesnel représente un déménagement et la ville de Quesnel est devenue sa résidence habituelle et celle de son époux. Après tout, ils ont acheté une maison dans cette ville - ce qui peut difficilement être considéré comme un simple pied-à-terre.

(c)      Si j'avais conclu que les frais engagés pour déménager de Mississauga à Quesnel en 1998 visaient une réinstallation admissible, je n'aurais pas accepté la prétention de l'intimée selon laquelle la dernière année au cours de laquelle l'appelante pouvait réclamer les frais de déménagement était 1999. En effet, le paragraphe 62(1) est ainsi rédigé :

62.(1) - Un contribuable peut déduire dans le calcul de son revenu pour une année d'imposition les sommes qu'il a payées au titre des frais de déménagement engagés relativement à une réinstallation admissible dans la mesure ou, à la fois:

a)       elles n'ont pas été payées en son nom relativement à sa charge ou à son emploi ou dans le cadre ou en raison de sa charge ou de son emploi;

b)       elles n'étaient pas déductibles par l'effet du présent article dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition précédente;

c)       leur total ne dépasse pas le montant applicable suivant :

(i)                   dans le cas visé au sous-alinéa a)(i) de la définition de « réinstallation admissible » au paragraphe 248(1), le revenu du contribuable pour l'année tiré de son emploi au nouveau lieu de travail ou de l'exploitation de l'entreprise au nouveau lieu de travail, selon le cas,

(ii)                 dans le cas visé au sous-alinéa a)(ii) de cette définition, le total des montants inclus dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année par l'effet des alinéas 56(1)n) et o);

d)       les remboursements et allocations qu'il a reçus relativement à ces frais sont inclus dans le calcul de son revenu.

[9]      Manifestement, cette disposition limite le montant qui peut être réclamé au revenu du contribuable pour l'année tiré de son emploi au nouveau lieu de travail. Les mots « elles n'étaient pas déductibles par l'effet du présent article dans le calcul de son revenu pour l'année d'imposition précédente [...] » n'ont pas pour effet, selon moi, de fixer un délai de deux ans à la déductibilité des frais de déménagement. Supposons que des frais sont engagés la première année, mais que le contribuable ne tire aucun revenu de son emploi cette année-là et, disons, que son revenu est inférieur à ses frais de déménagement la deuxième année. Il est évident que le montant qui reste est déductible la troisième année lorsque le revenu est suffisamment élevé. Le montant déductible au cours de la troisième année est le montant qui, compte tenu de la limite imposée dans le paragraphe 62(1), ne peut être déduit au cours de la deuxième année. Si le Parlement entend fixer une limite à la période pendant laquelle des frais ou des pertes peuvent être reportés sur des années antérieures ou sur des années postérieures, il sait certainement comment le faire et il l'a très précisément fait à l'article 111.

[10]     Le déménagement de Quesnel to Surrey est probablement une réinstallation admissible. Cependant, je ne crois pas que les frais ont été prouvés, et ce, même en appliquant des critères un peu moins rigoureux que ceux qu'utilise l'Agence des douanes et du revenu du Canada, laquelle exige des reçus.

[11]     Le seul témoin a été Mme Edmond et, dans son témoignage, elle n'a pas parlé des montants. Le docteur Edmond n'a pas témoigné sous serment, mais il a déclaré dans sa plaidoirie que les frais de transport ou d'expédition de 1 800 $ ont été payés comptant et qu'il n'avait pas de reçu parce qu'il l'avait remis à l'école pour une raison qui ne m'a pas été précisée. Je trouve que 1 800 $ est une grosse somme payée comptant. Aucune preuve digne de foi ne m'a été présentée pour établir le paiement de ces frais.

[12]     Aucun des montants réclamés relativement au déménagement de Quesnel à Surrey n'a été suffisamment prouvé.

[13]     L'appel est rejeté.


Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'août 2004.

"D.G.H. Bowman"

Bowman, A.C.J.

Traduction certifiée conforme

ce 3e jour de juin 2005.

Diane Guay, traductrice


RÉFÉRENCE :

2004CCI581

N ° DU DOSSIER DE LA COUR :

2003-4393(IT)I

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Anne H. Edmond et

Sa Majesté la Reine

LIEU DE L'AUDIENCE

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

11 août 2004

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :

L'honorable D.G.H. Bowman,

juge en chef adjoint

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS DU JUGEMENT :

27 août 2004

COMPARUTIONS :

Représentant de l'appelante :

Edmond E. Edmond

Avocate de l'intimée :

Lisa Riddle

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Pour l'appelante :

Nom :

Cabinet :

Pour l'intimée :

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

Ottawa, Canada

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