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Date: 19991022

Dossier: 1999-1923-GST-I

ENTRE :

LARRY DECAIRE / DORRIN DIESEL

s/n A-OK CONSTRUCTION,

appelants,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge Bell, C.C.I.

QUESTION EN LITIGE :

[1] La question en litige, telle qu’énoncée dans la réponse à l’avis d’appel, consiste à déterminer :

[TRADUCTION]...si les appelants ont dépassé le seuil fixé pour les petits fournisseurs et étaient, par conséquent, tenus d’être inscrits en application de la Loi.[1]

[2] À l’audience, l’avocate de l’intimée a déclaré que la question en litige est celle de savoir si la société de personnes A-OK Construction a cessé d’être un petit fournisseur en 1993 et était, par conséquent, responsable de la perception et du versement de la taxe sur les produits et services (“ T.P.S. ”).

[3] Il semble toutefois que la question en litige soit celle de savoir si les deux personnes auxquelles l’avis de décision a été transmis, Larry Decaire et Dorrin Diesel, étaient tenues :

(a) de percevoir la taxe en vertu du paragraphe 221(1) de la Loi sur la taxe d’accise (la “ Loi ”), et

(b) de verser celle-ci au receveur général, en vertu du paragraphe 228(2).

FAITS :

[4] Au cours du mois de février 1993, A-OK Construction a conclu un contrat avec Balbir Saini, Amritpal Saini et Nirmal S. Sibat (“ S ”) relativement à la construction d’une maison. Il semble que la société de personnes ait cessé d’être un “ petit fournisseur ”[2] en 1993. M. Decaire a déclaré à l’audition que la société de personnes avait cessé de faire affaire en 1993, les associés n’entendant pas continuer d’exercer les activités pour lesquelles elle avait été créée.

[5] Dans un avis de cotisation daté du 30 avril 1998 et adressé à “ Larry Decaire, Dorrin Diesel ”, un montant total de 5 321,60 $ - à savoir une taxe de 3 328,04 $, des intérêts de 901,08 $ et une amende de 1 092,48 $ - a été établi à même un formulaire intitulé TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES. Pour ce qui est des composantes de la taxe, la seule description fournie était celle-ci :

[TRADUCTION]

Redressements - T.P.S. / T.V.H.

Redressements - crédits de taxe sur les intrants

[6] Témoignant en son nom de même qu’au nom de M. Diesel, M. Decaire a simplement indiqué que le contrat avait généré un revenu de 73 257,75 $. Il a précisé avoir discuté avec un employé de Revenu Canada[3] de l’obligation de devenir un inscrit conformément à la Loi. Cette personne lui aurait indiqué que cela n’était pas nécessaire, étant donné que la société de personnes allait être dissoute. En contre-interrogatoire, M. Decaire a admis qu’il savait que la contrepartie dépassait 30 000 $, ajoutant que c’est la raison pour laquelle il a communiqué avec Revenu Canada.

[7] Julia Jennex, qui est vérificatrice chez Revenu Canada, a souligné que A-OK détenait son propre compte bancaire et que M. Decaire et M. Diesel étaient tous deux signataires de ce compte. Elle a déclaré avoir ventilé les travaux apparaissant aux livrets de dépôt et avoir comparé ces renseignements avec les relevés bancaires. Elle a indiqué que le montant total était d’environ 73 000 $ pour l’ensemble de l’année. Elle a calculé la T.P.S. imputée en appliquant à ce montant un facteur de 7/107.

ANALYSE ET CONCLUSION :

[8] L’avocate de l’intimée a insisté sur le fait que c’est A-OK Construction, faisant affaire à titre de société de personnes, qui était partie à la transaction et non pas les deux particuliers et que la contrepartie dépassait la limite fixée pour les petits fournisseurs. Par conséquent, M. Decaire et M. Diesel étaient tenus de percevoir et de verser la T.P.S.

[9] À l’article 123 de la Loi, le terme personne est défini comme signifiant :

Particulier, société de personnes...

[10] Il ne fait pas de doute que la prestation de services par la société de personnes constituait une fourniture taxable effectuée dans le cadre d’une activité commerciale.

[11] Le paragraphe 240(1) de la Loi prévoit que toute personne qui effectue une fourniture taxable au Canada dans le cadre d’une activité commerciale est tenue d’être inscrite pour l’application de la Loi sauf si la personne est un petit fournisseur.

[12] En vertu du paragraphe 238(1), l’inscrit doit présenter une déclaration au ministre pour chacune des périodes de déclaration.

[13] Le paragraphe 228(1) impose à la personne tenue de produire une déclaration, l’obligation de calculer sa taxe nette pour la période de déclaration.

[14] Le paragraphe 165(1) exige que l’acquéreur d’une fourniture taxable paie une taxe équivalant à sept pour cent de la valeur de la contrepartie de la fourniture.

[15] En vertu du paragraphe 221(1), la personne qui effectue une fourniture taxable doit percevoir la taxe payable par l’acquéreur.

[16] Le paragraphe 228(2) prescrit que la personne tenue de produire une déclaration et de calculer la taxe nette doit verser cette taxe au receveur général.

[17] Au cours de l’année considérée, à savoir 1993, l’article 145 de la Loi se lisait comme suit :

Pour l’application de la présente partie, l’activité qu’un associé d’une société de personnes exerce à ce titre est réputée être une activité de la société et non de l’associé.

Cette disposition a été modifiée et étoffée lorsque l’article 272.1 a remplacé l’article 145, le paragraphe (1) de cette première disposition étant quasiment identique au paragraphe 145(1). Le paragraphe 272.1(5) prévoit notamment qu’une société de personnes et chacun de ses associés ou anciens associés... sont solidairement responsables du paiement ou du versement des montants devenus à payer ou à verser par la société.[4]

[18] Bien que l’avis d’appel préparé par M. Decaire et M. Diesel porte l’intitulé suivant :

LARRY DECAIRE / DORRIN DIESEL

s/n A-OK CONSTRUCTION

ces derniers interjetaient appel d’une cotisation visant, non pas la société de personnes, mais plutôt

Larry Decaire, Dorrin Diesel

[19] Bien qu’à l’audience, M. Decaire ait laissé entendre qu’il n’y avait pas de société de personnes, une telle affirmation - je le souligne respectueusement - témoigne d’une mauvaise compréhension de la nature d’une société de personnes et des conséquences de celle-ci en vertu de la Loi. En outre, dans l’avis d’opposition, il a employé l’expression “ société de personnes ” de la façon suivante :

[TRADUCTION]

Au mois de janvier 1993, j’ai créé, avec Dorrin Diesel, une société de personnes faisant affaire sous le nom de “ A-OK Construction ”.

Plus tard, au cours de la même année, M. Diesel et moi avons décidé de mettre fin à la société de personnes et de nous séparer en raison du manque de travail.

L’on m’a informé qu’en cas de dissolution de la société de personnes, je n’étais pas tenu de présenter une demande pour obtenir un numéro de T.P.S., si je n’anticipais pas un revenu supérieur à 30 000 $.

[20] L’article 2 du British Columbia Partnership Act définit la société de personnes comme étant la relation existant entre des personnes faisant affaire en commun dans un but lucratif. Considérant cette définition - qui représente la norme dans les provinces où la common law est appliquée - , les faits exposés précédemment ainsi que la position ferme adoptée par l’avocate de l’intimée selon laquelle l’activité commerciale était exercée par la société de personnes, je conclus que, sans l’ombre d’un doute, la société de personnes exerçait effectivement l’activité décrite précédemment. Conformément aux dispositions mentionnées plus haut, une société de personnes est définie comme étant une personne, pour l’application de la Loi. Puisque cette personne exerçait l’activité commerciale, il s’agit de la personne effectuant la fourniture taxable et qui est tenue d’être inscrite, il s’agit de la personne tenue de produire une déclaration et de calculer la taxe et il s’agit de la personne tenue de percevoir et de verser cette taxe.

[21] Le paragraphe 145(1), reproduit plus haut, prévoit clairement que l’activité qu’un associé d’une société de personnes exerce à ce titre est réputée être une activité de la société et non de l’associé. Les termes ajoutés au paragraphe 272.1(5) à l’égard de la période postérieure au 23 avril 1996 et qui se lisent comme suit :

[...] montants devenus à payer ou à verser par la société [...]

appuient la conclusion à laquelle je suis parvenu, puisqu’il est clairement prévu qu’une société de personnes peut, en vertu de la Loi, être la personne tenue de percevoir et de verser la taxe. Étant donné que la société de personnes était la personne qui exerçait l’activité commerciale et, puisqu’en vertu de cette Loi [5], une personne comprend une société de personnes, cette société de personnes était la personne tenue de percevoir et de verser la taxe. Les appelants, n’ayant eu aucune obligation de cette nature, le présent appel est accueilli. Les appelants, en conséquence, ne sont pas responsables du paiement de la taxe, des intérêts et de l’amende, tels qu’établis.

Signé à Ottawa, Canada, ce 22e jour d’octobre 1999.

“ R. D. Bell ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 23e jour de juin 2000.

Mario Lagacé, réviseur



[1]               Loi sur la taxe d’accise.

[2]               Paragraphe 148(1) de la Loi.

[3]               Il a révélé à la Cour l’identité de cette personne.

[4]               Entré en vigueur en 1996, ce paragraphe n’était donc pas applicable durant la période à l’étude.

[5]               Il est clair qu’une société de personnes n’est pas une personne à moins que cela ne soit expressément prévu par une loi.

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