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Date: 20000721

Dossier: 1999-2085-GST-I

ENTRE :

510628 ONTARIO LIMITED, s/n ROSSET LANDSCAPING,

appelante,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

Le juge en chef adjoint Bowman, C.C.I.

[1] Il s'agit d'un appel interjeté à l'encontre d'une cotisation établie en vertu de la Loi sur la taxe d'accise pour la période allant du 1er avril 1993 au 31 décembre 1996.

[2] Au départ, il y avait plusieurs questions en litige, mais elles ont toutes été réglées à l'exception de deux d'entre elles, qui se rapportent à une automobile de marque Cadillac.

[3] L'intimée consent à jugement, ce qui a pour effet de supprimer la dette de l'appelante relative à la TPS pour les montants suivants :

– La TPS sur un montant de 9 653,17 $ maintenant reconnue 631,52 $

comme un prêt à l'actionnaire

– La TPS sur un montant de 2 280 $ maintenant reconnue 149,16 $

comme une subvention à l'emploi

– La TPS sur les charges à la fin de l'exercice 414,76 $

Total    1 195,44 $

Ces chiffres ne semblent pas représenter exactement 7 p. 100 des montants en litige. Je les ai acceptés tels qu'ils ont été présentés.

[4] Un jugement rendant exécutoires ces concessions sera rendu.

[5] Il ne reste plus par conséquent qu'à déterminer la question du crédit de taxe sur les intrants portant sur l'achat de la Cadillac 1993 et du crédit de taxe sur les intrants portant sur les réparations faites à la Cadillac.

[6] L'appelante exploite une entreprise paysagiste sous le nom de Rosset Landscaping. Michael Rosset en est le propriétaire et il la contrôle. Les mois de mai à novembre constituent la saison de pointe dans le domaine de l'aménagement paysager. Pendant cette période, l'entreprise peut employer jusqu'à quinze personnes. Au cours de l'hiver, le personnel est réduit, et la principale activité de l'appelante consiste à entretenir et à réparer les biens à usage commercial et les immeubles d'appartements dont Michael Rosset et son père sont propriétaires.

[7] L'appelante possède plusieurs véhicules, soit un camion tandem et un certain nombre de camionnettes ainsi que l'équipement nécessaire à son entreprise.

[8] En 1994, M. Rosset se trouvait à Toronto et il a aperçu une automobile d'occasion Cadillac Seville 1993 blanc perlé sur le terrain d'un concessionnaire. Le kilométrage de l'automobile s'établissait à environ 32 000 kilomètres. Elle lui plaisait beaucoup et il a fait en sorte que sa compagnie, l'appelante, l'achète pour un montant de 38 200 $. Après ajustement, taxe de vente provinciale et TPS, le total s'élevait à 44 040 $ et la TPS était de 2 677,50 $.

[9] L'appelante a déclaré ce montant à titre de crédit de taxe sur les intrants. Je remarque en passant que l'article 201 de la Loi sur la taxe d'accise prévoit une limite sur le montant de crédit de taxe sur les intrants pouvant être demandé pour les automobiles de luxe analogue à celle contenue au paragraphe 13(7) de la Loi de l'impôt sur le revenu. La limite en 1994 s'élevait à 24 000 $.

[10] Le problème n'est pas là. Le problème consiste à savoir si l'appelant a droit à un crédit de taxe sur les intrants relativement à l'achat de l'automobile. Le ministre a rejeté la demande au motif que le véhicule n'avait pas été acquis

[TRADUCTION]

en vue d'être utilisé principalement dans le cadre des activités commerciales de l'inscrite [l'appelante]

au sens de l'alinéa 199(2)a) de la Loi sur la taxe d'accise.

[11] Il y a lieu de noter que l'expression “ en vue d'être utilisé ... ” nécessite la détermination de l'objet de l'acquisition, non de l'utilisation réelle. Néanmoins, je crois qu'en pratique, si un bien est utilisé en fait principalement à des fins commerciales, il est raisonnable d'inférer qu'il a été acquis à ces fins.

[12] M. Topp, qui représentait l'appelante, a fait ressortir un certain nombre de faits qui, selon lui, soutenaient la position de sa cliente selon laquelle la Cadillac a été acquise en vue d'être utilisée principalement dans le cadre de l'entreprise de l'appelante.

a) M. Rosset travaille tout le temps. Il est, pour employer le terme utilisé par M. Topp, un bourreau de travail. Je devrais donc conclure, selon M. Topp, que si M. Rosset utilise la Cadillac, il le fait dans le cadre de l'entreprise de la compagnie. Je reconnais que la preuve établit que M. Rosset travaille très fort, particulièrement pendant l'été. Il n'est pas marié et n'a pas d'enfants. Il a indiqué dans son témoignage que sa petite amie et lui-même utilisent l'automobile de celle-ci pour faire les courses.

b) La Cadillac a un kilométrage très faible, environ 5 000 kilomètres par année, alors que la camionnette que M. Rosset utilise indique environ 35 000 kilomètres par année. Je ne crois pas que cet élément fait pencher la balance dans un sens ou dans l'autre. Cela pourrait indiquer, comme le suggère M. Topp, qu'étant donné la prédisposition de M. Rosset à travailler, le faible kilométrage démontre que, lorsqu'il utilisait l'automobile, il se livrait à une activité commerciale. Il serait tout aussi facile d'inférer le contraire, c'est-à-dire que, considérant qu'il passe beaucoup de temps à travailler, il n'a pas eu le temps de se promener en voiture. Honnêtement, je crois que la deuxième hypothèse est plus probable. M. Rosset possède une moto, une Harley-Davidson. Elle possède un kilométrage extrêmement faible. Je n'en déduirais pas qu'il l'utilise dans le cadre de l'entreprise de la compagnie.

[13] L'avocate de l'intimée fait remarquer un certain nombre de considérations qui militent à l'encontre de la conclusion selon laquelle la Cadillac a été acquise en vue d'être utilisée principalement dans le cadre de l'entreprise de l'appelante. La répartitrice, Mme Glanz, a indiqué dans son témoignage que l'automobile était conservée dans un état impeccable. Il serait un peu surprenant qu'une personne travaillant dans le domaine de l'aménagement paysager, montant dans la voiture et en descendant en vêtements de travail, puisse garder la voiture propre. M. Rosset n'a pas de véhicule personnel. Lorsque l'appelant a acheté la Cadillac, il y avait de nombreuses années qu'il n'avait pas possédé une automobile de ce genre.

[14] Je reconnais que M. Rosset travaille fort. Toutefois, je considère intrinsèquement improbable qu'un architecte-paysagiste, même s'il est prospère comme l'appelant, acquérait une voiture de luxe comme une Cadillac principalement à des fins commerciales. En effet, l'argument n'est pas que l'automobile a été utilisée plus de 50 p. 100 du temps à des fins commerciales, mais plutôt qu'elle a été utilisée exclusivement à ces fins. Je considère qu'il est beaucoup plus probable que M. Rosset a vu l'automobile, est tombé en amour avec elle, comme les hommes ont tendance à faire, et a fait en sorte que sa compagnie l'achète. Il n'y a aucun doute qu'il avait en tête un objet commercial. Je suis sûr qu'il l'a utilisée dans une certaine mesure dans le cadre de son entreprise, mais je ne suis pas convaincu que l'objet principal de son acquisition, ou en réalité son utilisation principale, visait l'entreprise paysagiste.

[15] La question secondaire est plus intéressante et plus difficile. À un moment où la Cadillac était sans conteste utilisée à des fins commerciales, elle a subi un accident. M. Rosset ramassait un alternateur pour l'une des camionnettes. L'automobile a été emboutie par l'arrière et un dommage important a été occasionné. La réparation du dommage a coûté environ 3 500 $, et un montant de 257,03 $ de TPS a été payé sur la facture de réparation. L'appelant réclame ce montant à titre de crédit de taxe sur les intrants.

[16] Je ne vois aucun motif pour rejeter cette demande. Je ne crois pas que simplement parce que je n'ai pu conclure que la Cadillac a été acquise en vue d'être utilisée principalement dans le cadre de l'entreprise de l'appelante il s'ensuive nécessairement que les dépenses découlant directement de l'activité commerciale de l'appelante ne donnent pas lieu à un crédit de taxe sur les intrants.

[17] M. Topp fait référence à l'article 7 du Bulletin d'interprétation IT-521R qui est ainsi rédigé :

Les frais de réparation entraînés par les accidents, qu'ils soient engagés pour réparer les dommages causés par un accident au véhicule à moteur conduit par le particulier ou aux biens d'autres particuliers, sont entièrement déductibles si le véhicule était utilisé à des fins commerciales au moment de l'accident. Le montant déductible est égal au montant net après récupération des sommes provenant de demandes d'indemnité d'assurance et des réclamations en dommages-intérêts. Aucune fraction de ces frais n'est déductible si le véhicule était utilisé à des fins personnelles au moment de l'accident.

[18] Il est vrai que la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu sont dans une certaine mesure in pari materia. Je ne crois toutefois pas que les pratiques administratives applicables en vertu d'une loi, bien qu'avantageuses, puissent être transposées à l'autre loi. Cependant, je ne vois aucun motif, d'après la logique ou le sens commun, de refuser d'accorder un crédit de taxe sur les intrants pour cette dépense d'entreprise manifeste ou de jeter un doute sur cette pratique administrative judicieuse et avantageuse.

[19] L'appel est accueilli et la cotisation est déférée au ministre du Revenu national pour nouvel examen et nouvelle cotisation afin de réduire la dette au titre de la taxe sur les produits et services de l'appelante pour la période en litige d'un montant de 1 452,47 $.

[20] L'appelante a droit à l'adjudication de ses dépens, s'il y en a, dans la mesure où le tarif le permet.

Signé à Ottawa, Canada, ce 21e jour de juillet 2000.

“ D. G. H. Bowman ”

J.C.A.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 16e jour de janvier 2001.

Mario Lagacé, réviseur

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