Jugements de la Cour canadienne de l'impôt

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date: 19971027

Dossier: 95-2800-IT-G

ENTRE :

EDWARD POLLOCK,

appelant,

et

SA MAJESTÉ LA REINE,

intimée.

Motifs du jugement

D.W. Beaulieu, J.C.C.I.

(Prononcés oralement à l'audience par l'honorable juge D. W. Beaubier, à Winnipeg (Manitoba), le mercredi 18 juin 1997.)

[1] L'affaire en l'instance a été entendue à Winnipeg (Manitoba), le 14 juin 1997, sous le régime de la procédure générale. L'appelant a témoigné, ainsi que son avocat, Me Paul Anderson, qui a mené le litige opposant l’appelant au vendeur relativement au bien en question.

[2] L'appelant a déduit dans son année d'imposition 1989 une perte d'entreprise de 102 248,97 $, qui a été refusée et traitée comme une perte en capital. Il a interjeté appel et il a allégué l'existence d'une perte d'entreprise de 140 000 $.

[3] Pendant toutes les périodes pertinentes, l'appelant était comptable agrée et il exerçait dans un cabinet privé de Winnipeg. En 1968, il a acheté un petit foyer de soins infirmiers et il a exploité l'entreprise en question sous le nom de Ablecare Personal Care Home, au centre-ville de Winnipeg. Le foyer a été fermé et l'appelant a reçu du gouvernement l'engagement qu'il pourrait obtenir un permis pour exploiter un autre foyer de soins personnels de 40 lits. Michael Baron avait droit à un permis semblable.

[4] En 1979, l'appelant et Michael Baron ont acheté une partie du lot 2, lot riverain 49, plan 11316 (“lot 2”), près de la rue Pentland à Winnipeg. Aux termes de l'offre d'achat (pièce A-1), signée par toutes les parties le 28 février 1979, les acheteurs devaient effectuer un versement initial de 56 000 $ et grever le bien d'une hypothèque de 224 000 $, d'un terme de 15 ans, en faveur du vendeur, Nettie Quiring, ce qui représentait au total 280 000 $. L'offre était conditionnelle à l'obtention par les acheteurs de l'autorisation de construire un foyer de soins personnels de 80 à 100 lits (pièce A-1). Ils ont demandé cette autorisation et le permis a été accordé en temps opportun. La transaction devait être conclue au plus tard le 1er avril. Michael et Irene Baron ont signé une offre d'achat semblable avec Nettie Quiring le 5 avril 1979 (pièce A-3).

[5] Ces trois personnes et l'époux de Nettie, Frank, ont signé le document produit sous la cote A-4 en date du 5 avril 1979. Le document stipule notamment ceci :

[TRADUCTION]

ET ATTENDU QUE les acheteurs souhaitent construire un foyer de soins personnels sur le bien-fonds décrit précédemment, sous réserve de l'approbation de la ville de Winnipeg et, en particulier du rezonage du bien-fonds;

IL EST ATTESTÉ PAR LES PRÉSENTES qu'en contrepartie du bien-fonds et de la somme de 1 $ et autre contrepartie de valeur payée par les acheteurs au vendeur, les parties aux présentes conviennent de ce qui suit :

1.) Le vendeur accepte de permettre aux acheteurs de grever le bien-fonds d'une hypothèque en sa faveur conformément aux modalités de l'offre d'achat mentionnée précédemment, laquelle hypothèque ne portera intérêt qu'à compter du 1er avril 1980.

2.) S'ils sont incapables d'obtenir l'approbation de zonage appropriée pour la construction d'un foyer de soins personnels sur ledit bien-fonds, les acheteurs acceptent l'application de l'une des conditions suivantes :

a.) si le bien n'est pas rezoné ainsi qu'il est indiqué, Frank Quiring (l'époux du vendeur) ou la personne qu’il désignera pourra, au gré de Frank Quiring, demander aux acheteurs la cession du bien-fonds, laquelle cession, lorsqu'elle sera enregistrée au bureau du cadastre de Winnipeg, conférera à Frank Quiring ou à la personne désignée un titre libre de toutes charges et, dans ce cas ou dans celui du paragraphe suivant, le paiement comptant de 56 000 $ sera remboursé aux acheteurs en tout état de cause; ou

b) si Frank Quiring n'exerce pas l'option prévue à l'alinéa précédent, les acheteurs s'engagent alors à confier immédiatement le mandat de vendre le bien-fonds à la Compagnie de Fiducie Canada Permanent (direction de l'immobilier), à titre de courtier exclusif. Cette vente sera réputée être une vente distincte et les acheteurs conviennent de n'en tirer aucun profit, ou subsidiairement, si la propriété est vendue à profit, de soumettre la vente à l'approbation de Frank Quiring et à un partage équitable des profits entre eux et Frank Quiring.

Le montant de 56 000 $ a été versé par l'appelant et par les Baron.

[6] Le 19 avril 1979, la moitié du lot 2 a été enregistrée au nom de l'appelant et l'autre moitié, aux noms de Michael et de Irene Baron (pièce R-1, onglet 3). Or, le lot n'avait aucun accès à la rue Pentland, contrairement à ce que Michael Baron et l'appelant croyaient. En conséquence, l'appelant et M. Baron n'ont pas obtenu le rezonage le 14 juin 1979 (pièce A-8). Le lot 2 étant enclavé, il ne pouvait recevoir aucun service. Frank Quiring a refusé de reprendre le bien-fonds en vertu de l'alinéa 2 a) du document produit sous la cote A-4. L'hypothèque de 224 000 $ grevait le bien-fonds en question et il n'y avait qu'un seul acheteur possible, le propriétaire de la parcelle de terrain qui bloquait l'accès à la rue Pentland.

[7] En décembre 1979, l'appelant et Baron ont acheté une propriété sur la rue Mandalay à Winnipeg et ils y ont construit un foyer de soins infirmiers. En juillet 1981, ils ont commencé à y recevoir des clients.

[8] Antérieurement au mois d'août 1980, ils ont intenté une action en résiliation contre Nettie Quiring et Frank Quiring sur le fondement de l'alinéa 2 a) du document produit sous la cote A-4. Ils ont aussi joint à l'action le courtier en immeubles, l'agent immobilier et, par la suite, leur avocat. Dans le cadre du litige, ils ont obtenu une estimation (pièce A-16), datée du 22 décembre 1987, selon laquelle, durant toutes les périodes pertinentes, le lot 2 ne valait que 50 000 $. Des demandes reconventionnelles ont été introduites.

[9] À partir de 1984, il existe une certaine documentation concernant des offres d'achat du lot 2 possiblement faites par des tiers, mais les offres reposaient toutes sur la condition d'obtenir le bien permettant d'avoir accès au lot 2. Les litiges étaient intermittents.

[10] Une conférence préparatoire au procès a permis, en 1989, de régler les actions selon les modalités suivantes :

1) L'appelant et les Baron ont cédé leur versement initial de 56 000 $.

2) L'appelant et les Baron ont versé à Nettie Quiring un autre montant de 60 000 $ comptant.

3) L'appelant et les Baron ont payé toutes les taxes échues relativement au lot 2.

4) L'appelant et les Baron ont transféré le lot 2 à Nettie Quiring.

[11] La part de l'appelant à cet égard s'élevait à 102 248,97 $, soit le montant qu'il a déduit à titre de perte d'entreprise en 1989. Certains des frais ont été engagés ou payés en 1979 et au cours d'autres années antérieures à 1989. Ils n'ont été déduits à titre de perte d'entreprise qu'en 1989.

[12] Compte tenu de la preuve et du témoignage de l'appelant, l'intention principale de ce dernier, lorsqu'il a acheté le lot 2, était de construire un foyer de soins infirmiers. On en trouve la confirmation au premier paragraphe cité du document produit sous la cote A-4.

[13] Il n'y a aucune preuve que, le 14 juin 1979, date à laquelle on a refusé le rezonage à l'appelant et à Baron, ces derniers ont communiqué avec un courtier en immeubles ou tenté de vendre le bien-fonds. Selon les documents produits en preuve, cela a commencé bien après que l'action eut été intentée contre les Quiring en 1980.

[14] La question est de savoir si, au moment de l'achat, l'appelant avait l'intention secondaire de vendre le lot 2 dans le but de réaliser un profit. L'appelant n'avait jamais auparavant fait le commerce de biens-fonds. Par ailleurs, ainsi que les poursuites judiciaires ont permis de l'établir, il y avait peu de possibilités, si tant qu'il y en avait, de vendre le bien-fonds à profit à cause du document produit sous la cote A-4. Frank Quiring obtiendrait d'une façon ou d'une autre tous les profits susceptibles d'être réalisés et, en acceptant que le document produit sous la cote A-4 fasse partie de son contrat et en intentant une action sur le fondement de ce document, l'appelant a à toutes fins pratiques nié avoir toute intention secondaire de vendre le lot 2 à profit.

[15] Compte tenu de la preuve produite devant la Cour, l'appelant ne songeait pas à vendre le lot 2 à profit lorsqu'il l'a acheté. En outre, il n'y a aucune preuve qu'une telle vente était la motivation principale de l'appelant lorsqu'il a acheté le lot 2. La preuve révèle qu'il a acheté le lot 2 dans l'unique but d'y construire un foyer de soins infirmiers à titre d’investissement de capital. Par la suite, la société de soins infirmiers ou lui-même exploiterait l'entreprise de soins infirmiers sur le bien en question.

[16] L'appel est rejeté. L'intimé a droit aux frais entre parties.

Signé à Ottawa, Canada, ce 27e jour d'octobre 1997.

“ D. W. Beaulieu ”

J.C.C.I.

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

Traduction certifiée conforme ce 19e jour de mars 1998.

Benoît Charron, réviseur

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.